Catherine – (…) Tu es un trouillard, Andréï. Tu as peur de toi, tu as peur du monde qui t’entoure. La seule valeur, que tu possèdes, c’est notre amour, mais tu ne crois pas en lui, le fantôme inexistant d’Auschwitz dans ton esprit t’en empêche. Tu te retrouves toi-même dans cet Auschwitz. Tu es l’enfant juif à partir duquel la vie fabrique du savon. Pour que les défenseurs des droits de l’homme de différentes nations puissent se savonner les mains avant de se rendre à leurs manifestations. Et même maintenant, quand je prononce ces mots, tu es saisi d’effroi, parce qu’à la place d’une compassion authentique, il n’y a dans ton coeur que des conceptions. Conception du bien, conception de la justice, conception de l’Holocauste. Celui qui souffre mange sa nourriture avec des mains crasseuses, alors que celui qui se savonne minutieusement les mains avant de manger, augmente le besoin de savon sur le marché mondial. On produit de plus en plus de savon, mais ce n’est pas pour ça que les mains deviennent plus propres. Tu penses que la balance a deux plateaux. Alors qu’en vérité, cette balance n’a qu’un seul plateau. Il n’y a qu’un seul plateau, et l’on ne pèse rien avec, ce plateau sert à boire. A boire sa vie. Chacun sa vie. Et il ne faut pas transformer le Saint-Graal en balance pour marchandise. Le fait que tu m’aimes est la conséquence d’une cause précise, alors que le fait que ta femme se soit empoisonnée est la conséquence d’autres causes. Il n’y a rien à peser ici, ici il faut boire.
Ivan Viripaev
Danse « Delhi » / 2009
Traduction Gilles Morel et Tania Moguilevskaia
Lire également : 1 et 2
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