Archive mensuelle de août 2014

Défense des émeutes de Ferguson / Robert Stephens II

Dans ce texte initialement paru sur le site états-unien Jacobin, Robert Stephens II montre que les manifestants de Ferguson ne sont en rien irrationnels ni apolitiques. Bien au contraire, ils attirent l’attention sur leurs besoins fondamentaux et insatisfaits.

Le week-end dernier [le 9 août 2014, ndlr], la police de Ferguson – une ville de l’Etat du Missouri – a assassiné Michael Brown, un adolescent noir. Alors que les détails ne sont encore publiés qu’au compte-goutte, il est clair que lors d’une confrontation avec une voiture de police, à un pâté de maison du logement de la grand-mère de l’adolescent, un agent de police a ouvert le feu et l’a tué au milieu de la rue alors qu’il était désarmé. Selon les témoins, Brown tentait d’échapper au policier et avait les mains en l’air au moment même où le policier l’a pris pour cible.
Ferguson est une ville caractérisée par une large concentration de Noirs pauvres sous le contrôle d’institutions dominées par des Blancs. Ce meurtre a immédiatement touché une corde sensible. Des rassemblements et manifestations ont éclaté à mesure que les habitants sont descendus dans la rue, jusqu’à atteindre le stade de véritable émeute. D’abord rassemblée pour une veillée aux bougies à l’endroit même où Brown avait trouvé la mort, la foule a ensuite brûlé plusieurs commerces et jeté des cocktails Molotov au cours de confrontations avec la police. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Loin de constituer une foule violente et abrutie, les habitants de Ferguson se sont engagés dans un processus concerté de sensibilisation politique, menant à l’insurrection. Une vidéo réalisée sur place donne à voir plusieurs agitateurs politiques parlant à la foule, transformant une indignation momentanée en unité politique. Un orateur en particulier, un jeune homme noir, offre une analyse politique convaincante qui fait de l’injustice de la brutalité policière un sous-produit de la marginalisation économique de la communauté.

« Nous continuons à donner notre argent à ces petits Blancs, à rester dans leurs logements, et nous ne pouvons obtenir justice. Aucun respect. Ils sont prêts à vous foutre dehors si vous ne payez pas le loyer. Il y a de quoi en avoir ras-le-bol ».

Les émeutes, comme d’autres formes d’action politique, peuvent construire de la solidarité. Elles peuvent créer de forts sentiments d’identité commune. L’indignation ressentie à Ferguson a rapidement attiré des personnes marginalisées de toute la région. La présence de ces « exclus » a davantage révélé le pouvoir magnétique du moment politique qu’elle ne l’a délégitimé.
Depuis le début, les rassemblements anti-police qui ont précédé les émeutes avaient une claire dynamique « eux contre nous ». A un moment au cours du rassemblement, une femme équipée d’une caméra dit : « Où sont les voyous ? Où sont les gangs quand nous avons besoin de vous ? ». Et la foule a commencé alors à appeler les différents gangs à abandonner la violence des Noirs contre les Noirs (« black-on-black ») et à s’unir dans la lutte contre l’oppression. La communauté était unifiée et prête à s’engager dans l’action. La police constituait le problème, et elle devait être stoppée.
La foule n’était ni irrationnelle ni apolitique. Les personnes rassemblées cherchaient à utiliser cette opportunité pour poser la question de leurs besoins politiques au sens large. Ils savaient que la violence interraciale au sein de la communauté constituait aussi un problème, et que dans la plupart des cas, les auteurs des violences sont leurs propres enfants, cousins, amis et voisins. Bien que beaucoup prétendent que les Noirs se fichent de la violence au sein de leurs propres communautés, les appels de la foule pour l’unité des gangs démontrent que les révoltes contre la police fournissent des opportunités uniques d’unir les gens dans le sens d’une résolution de problèmes anciens tels que la violence des gangs.
Suite à l’insurrection, les participants ont continué à discuter de la révolte en termes politiques. DeAndre Smith, qui était présent lorsque le QuikTrip a été incendié, a affirmé à la presse locale : « Je crois qu’ils sont trop embêtés par ce qui arrive à leurs magasins, à leurs commerces et tout ça. Ils ne se souvient pas du meurtre ». Un deuxième homme ajoute : « Je pense juste que ce qui s’est passé était nécessaire, pour montrer à la police qu’ils ne dirigent pas tout ». Smith conclut alors : « Je pense que ce n’est pas allé assez loin ».
Dans une deuxième interview, cette fois avec Kim Bell du St. Louis Post-Dispatch, Smith a développé son opinion selon laquelle l’émeute constitue une stratégie politique viable :

« C’est exactement ce qui devait arriver quand une injustice a lieu dans notre communauté… J’étais dehors avec ma communauté, c’est la seule chose que je peux dire… Je pense que ce n’est pas fini, honnêtement. Je pense qu’ils ont juste compris ce que signifie rendre coup pour coup, à St. Louis, le dernier Etat qui a aboli l’esclavage. Pensent-ils qu’ils ont toujours le pouvoir sur certaines choses ? Je crois que oui.

C’est de cette manière qu’ils reçoivent de l’argent : les affaires et les impôts, la police en arrêtant les gens et en leur donnant des amendes, en les envoyant au tribunal, en les enfermant. C’est comme ça qu’ils se font de l’argent à St. Louis. Tout repose sur l’argent à St. Louis. Donc quand vous empêchez les rentrées d’argent, ils savent organiser les choses d’une certaine manière… « nous allons manger, vous allez mourir de faim », la gentrification – ils vous isolent dans un certain quartier pour voir si vous pouvez mourir de faim… Ça ne va pas arriver, pas à St. Louis ».
Smith saisit ce que tant de prétendus antiracistes et de personnes de gauche ne parviennent pas à comprendre, à savoir que le racisme n’est pas un problème de vertu morale. Il reconnaît que l’ordre économique au sens large facilite et profite de l’assujettissement racial, et il cherche donc des manières d’intervenir et d’interrompre ce processus. Il ne s’agit pas seulement d’une analyse plus pertinente que ce qui est souvent offert à gauche, mais agir à partir de cette analyse est la seule manière d’éradiquer la hiérarchie raciale établie.
Généralement, quand des événements comme la rébellion de Ferguson ont lieu, les bien-pensants s’empressent de condamner les participants. Au minimum, ils rejettent les émeutes au nom de leur caractère improductif et opportuniste – quelques pommes pourries gâchant la récolte. C’est précisément cette attitude que critiquait DeAndre Smith dans sa première interview. La plupart des détracteurs, dont certains sont noirs eux-mêmes, cherchent à mettre de l’ordre dans ces communautés avec une « politique de la respectabilité » – un appel aux personnes dominées pour se présenter elles-mêmes d’une manière qui apparaisse acceptable à la classe dominante dans un effort pour obtenir quelques gains politiques.
Comme le politiste Frederick Harris l’a écrit dans un article paru l’an dernier :

« Ce qui a commencé sous la forme d’une philosophie promulguée par les élites noires pour « élever la race » en corrigeant les « mauvais » traits des Noirs pauvres s’est mué à présent en l’une des marques de fabrique de la politique noire à l’âge d’Obama, une philosophie de gouvernement qui se concentre sur la gestion du comportement des Noirs laissés pour compte par une société réputée pleine d’opportunités ».

Mais la politique de respectabilité a été présentée comme une stratégie émancipatrice au détriment de toute discussion sur les forces structurelles qui font obstacle à la mobilité des Noirs pauvres et des travailleurs.
Alors que les émeutes apparaissent comme des événements pouvant galvaniser la communauté et libérer une énergie politique collective dans des directions imprévisibles, la vieille politique de respectabilité ne mène qu’à davantage de marginalisation et de mise à l’écart. Dans l’immédiat, il est possible de nier l’utilité de l’insurrection. Mais cette réponse des communautés à la domination doit être discutée en termes politiques, et non simplement exclue d’emblée.
Nous vivons dans un contexte de suprématie blanche et de capitalisme néolibéral, où des politiques aveugles aux rapports de race sont utilisées pour maintenir l’exploitation de classe et la hiérarchie raciale, et toute tentative explicite d’agir contre le racisme est démantelée et méprisée. Ces politiques ne font qu’intensifier l’exclusion économique et la pauvreté dont les marginalisés font l’expérience.
Ce que les personnes interviewées par la presse locale et la foule rassemblée sur le lieu du meurtre ont semblé comprendre, c’est qu’ils devaient bouleverser l’intrication entre la domination raciale et le capitalisme. Ils ont senti qu’une marche, ou quelque forme acceptable que prendrait une indignation pacifique, ne permettrait pas de satisfaire leurs besoins politiques – et ils n’ont pas tort.
Beaucoup d’entre nous condamnent à la hâte ce type de tumulte car nous nous satisfaisons en réalité de l’illusion post-raciale propre au néolibéralisme. Au QuikTrip incendié, quelqu’un a laissé une pancarte adressée à son « commerce de proximité », dans l’espoir que le commerce ouvre à nouveau : « Cher commerce de proximité, je regrette qu’ait eu lieu cet acte de cambriolage et de violence. S’il vous plaît, revenez bientôt. Je passe deux à trois fois par semaine ».
En se considérant lui-même comme un consommateur ayant besoin de son « commerce de proximité » il est possible que cette personne ne se soucie à aucun moment des travailleurs ayant perdu leurs emplois – ses voisins réels – mais agisse par peur que sa routine de consommateur soit interrompue. Comme l’observait DeAndre Smith, nous nous identifions plus fortement à des fenêtres brisées qu’à des personnes brisées.
De la Boston Tea Party à la rébellion de Shays, la formation des Etats-Unis a reposé sur des émeutes, pour le pire ou le meilleur. Dans le passé, les émeutiers blancs ont eu accès au pouvoir institutionnel, ce qui a leur permis de légitimer certaines de leurs revendications et de les satisfaire politiquement, dans la limite de ce que permettait une société capitaliste. Dans le cas de la révolte de Ferguson, la solution consiste – comme dans tout moment politique éphémère – à transformer l’indignation et le tumulte en une organisation politique constructive. Plus facile à dire qu’à faire, mais cela vaut mieux que de rejeter en bloc les émeutes et, ce faisant, de rendre cette tâche politique insurmontable.
Malcom X a su nous rappeler à quel point les médias constituent un instrument décisif de domination dans la mesure où ils déterminent quelles actions sont respectables, ou au contraire extrémistes, donc illégitimes. Plutôt que d’accepter ce schéma, tordons le cou aux récits refusant aux émeutiers tout sens politique. Au-delà d’une simple critique du type de réponses qu’ils opposent à la violence sociale, tentons de porter un regard juste pour parler de leurs besoins politiques.
Robert Stephens II
Défense des émeutes de Ferguson / 2014
Traduit par Ugo Palheta
Publié sur le site de la revue Contretemps

La photo ci-dessous est issue du reportage publié ici.

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Les muses et la mort / Shlomo Sand

Quand tonnent les muses, les canons se taisent : l’adage, habituellement inversé, est très inexact. Les muses de la communication tonnent d’autant plus lorsque les canons, les avions, et les hélicoptères bruissent et crachent leurs feux. Les chaînes de télévision, en Israël et dans le monde, avec leurs journalistes, leurs commentateurs, et leurs envoyés spéciaux ont, entre deux publicités, fait état du sang versé auquel peu d’entre eux paraissaient attacher de l’importance. Une majorité de spectateurs et d’auditeurs, à commencer par les dirigeants du monde occidental, n’ont pas réagi autrement. Ces derniers, après avoir exprimé leur soutien à l’opération israélienne, ont attendu le début de la catastrophe humanitaire pour émettre une critique discrète. Il est plus facile de déplorer les malheurs passés (le « devoir de mémoire »), que d’ouvrir, en grand, les yeux sur les tragédies actuelles.
En Israël, la population ne veut pas vivre avec Gaza ; elle veut seulement conserver le Golan. Israël a quitté Gaza ; il ne demande qu’à coloniser tranquillement sa « Judée et Samarie » (la Cisjordanie), sans en être empêché par un ennemi cruel. En Israël, le peuple prie pour l’extermination du Hamas et de ses partisans, et les plus durs y ajoutent ceux qui, en grandissant,, deviendront des partisans du Hamas. En attendant, le peuple israélien-juif aspire à développer et renforcer l’identité juive de l’Etat, qui n’est pas celui d’un quart des citoyens, non définis comme juifs.
« Aucun Etat normal ne peut accepter d’être la cible de fusées », a affirmé, au début de la guerre, le chef du gouvernement israélien, Benyamin Netanyahou. Il avait absolument raison, mais il aurait aussi fallu lui rappeler qu’aucun Etat normal, dans le monde, ne peut accepter que, dans sa capitale, qui est aussi la capitale du peuple juif, un tiers des habitants soit privé de souveraineté et dépourvu de droits démocratiques. Il y a également peu d’Etats qui refusent obstinément, depuis des années, de définir leurs frontières définitives, dans l’espoir, non dissimulé, de les élargir encore. Peut-être existe-t-il, malgré tout, un lien quelconque entre toutes ces choses « anormales » ?
Il est bien connu que dans les guerres de l’histoire moderne, c’est toujours l’ennemi qui a engagé les hostilités ; c’est pourquoi l’Etat juif, pacifique, affirme qu’il ne fait que répliquer aux attaques dont il est victime. Qu’en est-il vraiment ? Est-ce ainsi que s’écrit l’histoire ? N’y a-t-il pas, dans la toute récente tragédie, un début de temps long et de temps court tout à fait différents, et plutôt gênants ?
Dans les années 1950, lorsque j’étais encore enfant, mon père m’emmenait au cinéma voir des westerns. Il aimait les grands espaces, et moi j’aimais les pionniers cowboys, et je détestais les indiens. C’était, à peu près, toujours la même scène : un convoi de colons pionniers s’avance lentement et tranquillement, et, soudain, il est attaqué par des cavaliers, à moitié nus, aux visages peinturlurés et grimaçants. On entend des hurlements, les flèches fusent, des femmes et des enfants sont touchés. Heureusement, le courageux héros parvient à repousser les assaillants ; le convoi peut reprendre tranquillement sa route pour aller conquérir de nouveaux espaces et coloniser le désert. Finalement, dans les films, nous sortions toujours vainqueurs : moi et mes héros blancs.
A la fin des années 1960, Hollywood a effectué une révision maligne qui a détruit les images pieuses de mon enfance. J’ai vu alors d’autres scénarii : des méchants colons volent la terre en massacrant les indigènes, dont les survivants sont entassés dans des réserves. Plus tard, en étudiant l’histoire, mes options politiques et morales se sont dégradées. Depuis lors, je me suis trouvé du côté des victimes, de ceux qui, même s’ils sont laids, ont raison de revendiquer leur terre, et le droit d’y vivre libres. Si je suis devenu « gauchiste », une des raisons en est que, même si aujourd’hui j’appartiens au camp des forts, je reste un descendant des victimes d’hier.
Ici, le récit du temps long a commencé il y a environ 130 ans, quand l’Europe orientale antisémite s’est mise à vomir ses juifs. Contrairement à la masse des réfugiés et des émigrants qui s’est écoulée vers la nouvelle Terre promise en Amérique du Nord, la petite minorité sioniste a décidé qu’elle préférait une auto-souveraineté dans l’antique Canaan. C’est ainsi qu’a débuté sa colonisation au Moyen Orient, en invoquant la Bible, à l’instar des colons puritains, mais sans motivation religieuse. Il faut aussi se souvenir que, dès le début, la quasi totalité de ces colons n’est pas venue là pour vivre en intégration avec la population locale, mais pour fonder son propre Etat juif. Pendant 130 ans, ils se sont employés à supplanter les autochtones, et ils ont réussi à conquérir l’ensemble du pays. A chaque fois, depuis 1929, le bloc des colons a été violemment agressé, mais il a toujours triomphé. Il a achevé son voyage, non pas à San Francisco, mais à Jéricho, et au lieu de créer Las Vegas, il a fondé des colonies dans la vallée du Jourdain.
Sa « faute cardinale » a résidé dans le fait que, contrairement à ce qui s’est passé en Amérique du Nord, il n’a pas exterminé la majorité des indigènes. Et, comme l’a souligné un éminent historien israélien, il a aussi commis l’erreur de ne pas tous les expulser loin de son nouvel Etat. Dans son aveuglement, il n’a pas prévu l’avenir, laissant une partie d’entre eux vivre dans l’Etat juif en expansion, et le reste s’entasser sur ses frontières. Quand je vois, à la télévision, les images en provenance de Gaza, je ne peux m’empêcher de penser qu’au moins 70 % des personnes filmées sont des descendants de réfugiés qui résidaient, autrefois, dans les lieux où je vis et travaille, au nord de Tel-Aviv (Shah Muwannis), à Jaffa ou à Majdal (aujourd’hui appelée Ashkelon). De même me reviennent en mémoire les réserves indiennes du XIXe siècle qui, par désespoir, s’insurgèrent violemment, avant de se rendre définitivement à la force des blancs.
Un récit du temps court se juxtapose à celui du temps long. « Tout à coup, et sans prévenir, le Hamas s’est mis à nous bombarder avec des roquettes », s’écrie, à la face du monde, le ministre israélien des affaires étrangères, Avigdor Lieberman. Mais, là aussi, l’histoire a commencé de façon sensiblement différente. Trois jeunes colons, non armés, ont été enlevés et assassinés cruellement, en Cisjordanie, non loin du domicile de ce même ministre des affaires étrangères qui habite en dehors du territoire de son Etat, dans les frontières du pays que Dieu lui a promis. A la différence de ses positions passées, le Hamas a démenti être à l’initiative du crime, ou l’avoir autorisé. (Israël n’a trouvé la « preuve » qu’il serait le commanditaire du rapt qu’après le début de la guerre). Cependant, peu importait au gouvernement israélien le défaut d’identification des coupables : simultanément à la recherche des meurtriers, il a engagé une épreuve de force généralisée contre le Hamas en Cisjordanie. Au mépris des règles du jeu admises, il n’a pas hésité à arrêter arbitrairement, à nouveau, un nombre important des prisonniers, membres du Hamas en Cisjordanie, qui avaient été libérés lors de l’accord d’échange avec Gilaad Shalit. Dans le même temps, et sans que cela suscite la moindre attention, cinq jeunes Palestiniens non armés ont été tués lors d’une manifestation de protestation, également en Cisjordanie, tandis qu’un adolescent palestinien était brûlé vif par une bande d’israéliens-juifs.
Les dirigeants israéliens pensaient-ils que le Hamas ne serait pas obligé de réagir après une telle déclaration de guerre contre lui ? Peut-être étaient-ils persuadés qu’au vu du rapport des forces, l’occupant peut tout se permettre. On peut aussi supposer qu’après l’échec des pourparlers de paix fictifs, et le rapprochement entre le Hamas et l’Autorité palestinienne, le gouvernement israélien a délibérément décidé de briser le processus de compromis intra-palestinien ; autrement dit, d’humilier le Hamas, fût-ce au prix d’une nouvelle guerre, encouragé en cela par l’avènement de la dictature militaire en Egypte, hostile au Hamas. L’Arabie Saoudite a également exprimé secrètement son soutien. Dans le même temps, le gouvernement israélien a vraisemblablement imaginé qu’il pourrait soumettre éternellement au silence la deuxième réserve, voisine de l’Etat juif.
Benyamin Netanyahou qui, dans sa grande générosité, souhaite que chaque juif acquière une villa en « Judée et Samarie » s’est écrié, sous le choc : « Ils ont construit des tunnels contre nous, au lieu de se construire des écoles, des hôpitaux et des hôtels » ; telle était la bonne raison d’une nouvelle guerre contre eux. Comme si une population enfermée dans une réserve surpeuplée, soumise à un blocus depuis des années, complètement coupée du monde, et à qui il est interdit de reconstruire un aéroport et un port, allait continuer d’investir dans l’immobilier, et non pas dans des galeries souterraines ! Je suis persuadé que si les Gazaouis recevaient des Etats-Unis des avions, des hélicoptères et des chars, ils n’auraient pas besoin de se transformer en taupes pour, un beau jour, sortir de terre et briser, par la force, le siège qui leur est imposé.
En vérité, j’ignore ce qu’ont pensé Benyamin Netanyahou et les ministres de son gouvernement ; je laisse aux historiens du futur la tâche de le découvrir. Je sais, en revanche, qu’Israël n’a jamais quitté Gaza, et que, par conséquent, Gaza ne quittera pas Israël de sitôt. Pendant ce temps, le résultat, étrange et terrible, de cette guerre cruelle est que le Hamas a tiré indistinctement sur des civils et n’a tué quasiment que des militaires, alors qu’Israël, qui disait vouloir frapper des combattants, a tué massivement des civils. A un moment donné, malgré l’abondance d’armement américain sophistiqué et de haute et précise technologie, l’affrontement a tourné au massacre de masse impitoyable.
Les muses qui pleureront demain sur les victimes des deux côtés évoqueront certainement ce déséquilibre. A défaut d’une solution équitable du conflit, les images de milliers de femmes, d’enfants, et de vieillards, descendants des réfugiés de 1948, errant parmi les maisons en ruine à l’été 2014 continueront de nourrir la haine, pour longtemps.
Shlomo Sand
Les muses et la mort / 2014
Publié sur Mediapart le 20 août 2014

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Pouvoir et corps / Michel Foucault

- Dans Surveiller et Punir, vous illustrez un système politique où le corps du roi joue un rôle essentiel…

- Dans une société comme celle du XVIIe siècle, le corps du roi, ce n’était pas une métaphore, mais une réalité politique : sa présence physique était nécessaire au fonctionnement de la monarchie.

- Et la république «une et indivisible» ?

- C’est une formule imposée contre les Girondins, contre l’idée d’un fédéralisme à l’américaine. Mais jamais elle ne fonctionne comme le corps du roi sous la monarchie. Il n’y a pas de corps de la République. Par contre, c’est le corps de la société qui devient, au cours du XIXe siècle, le nouveau principe. C’est ce corps-là qu’il faudra protéger, d’une manière quasi médicale : au lieu des rituels par lesquels on restaurait l’intégrité du corps du monarque, on va appliquer des recettes, des thérapeutiques telles que l’élimination des malades, le contrôle des contagieux, l’exclusion des délinquants. L’élimination par le supplice est ainsi remplacée par des méthodes d’asepsie : la criminologie, l’eugénisme, la mise à l’écart des «dégénérés»…

- Existe-t-il un fantasme corporel au niveau des différentes institutions ?

- Je crois que le grand fantasme, c’est l’idée d’un corps social qui serait constitué par l’universalité des volontés. Or ce n’est pas le consensus qui fait apparaître le corps social, c’est la matérialité du pouvoir sur le corps même des individus.

- Le XVIIIe siècle est vu sous l’angle de la libération. Vous le décrivez comme la mise en place d’un quadrillage. L’un peut-il aller sans l’autre ?

- Comme toujours dans les rapports de pouvoir, on se trouve en présence de phénomènes complexes qui n’obéissent pas à la forme hégélienne de la dialectique. La maîtrise, la conscience de son corps n’ont pu être acquises que par l’effet de l’investissement du corps par le pouvoir : la gymnastique, les exercices, le développement musculaire, la nudité, l’exaltation du beau corps… tout cela est dans la ligne qui conduit au désir de son propre corps par un travail insistant, obstiné, méticuleux que le pouvoir a exercé sur le corps des enfants, des soldats, sur le corps en bonne santé. Mais, dès lors que le pouvoir a produit cet effet, dans la ligne même de ses conquêtes, émerge inévitablement la revendication de son corps contre le pouvoir, la santé contre l’économie, le plaisir contre les normes morales de la sexualité, du mariage, de la pudeur. Et, du coup, ce par quoi le pouvoir était fort devient ce par quoi il est attaqué… Le pouvoir s’est avancé dans le corps, il se trouve exposé dans le corps même… Souvenez-vous de la panique des institutions du corps social (médecins, hommes politiques) à l’idée de l’union libre ou de l’avortement… En fait, l’impression que le pouvoir vacille est fausse, car il peut opérer un repli, se déplacer, investir ailleurs… et la bataille continue.

- Ce serait l’explication de ces fameuses «récupérations» du corps par la pornographie, la publicité ?

- Je ne suis pas tout à fait d’accord pour parler de «récupération». C’est le développement stratégique normal d’une lutte… Prenons un exemple précis, celui de l’auto-érotisme. Les contrôles de la masturbation n’ont guère commencé en Europe qu’au cours du XVIIIe siècle. Brusquement, un thème panique apparaît : une maladie épouvantable se développe dans le monde occidental : les jeunes gens se masturbent. Au nom de cette peur s’est instauré sur le corps des enfants – à travers les familles, mais sans qu’elles en soient à l’origine – un contrôle, une surveillance de la sexualité, une mise en objectivité de la sexualité avec une persécution des corps. Mais la sexualité, en devenant ainsi un objet de préoccupation et d’analyse, comme cible de surveillance et de contrôle, engendrait en même temps l’intensification des désirs de chacun pour, dans et sur son propre corps…
Le corps est devenu l’enjeu d’une lutte entre les enfants et les parents, entre l’enfant et les instances de contrôle. La révolte du corps sexuel est le contre-effet de cette avancée. Comment répond le pouvoir ? Par une exploitation économique (et peut-être idéologique) de l’érotisation, depuis les produits de bronzage jusqu’aux films pornos… En réponse même à la révolte du corps, vous trouvez un nouvel investissement qui ne se présente plus sous la forme du contrôle-répression, mais sous celle du contrôle-stimulation : «Mets-toi nu… mais sois mince, beau, bronzé !» À tout mouvement d’un des deux adversaires répond le mouvement de l’autre. Mais ce n’est pas de la «récupération» au sens où en parlent les gauchistes. Il faut accepter l’indéfini de la lutte… Cela ne veut pas dire qu’elle ne finira pas un jour…

- Une nouvelle stratégie révolutionnaire de prise du pouvoir ne passe-t-elle pas par une nouvelle définition d’une politique du corps ?

- C’est dans le déroulement d’un processus politique – je ne sais pas s’il est révolutionnaire – qu’est apparu, avec de plus en plus d’insistance, le problème du corps. On peut dire que ce qui s’est passé depuis 1968 – et vraisemblablement ce qui l’a préparé – était profondément antimarxiste. Comment les mouvements révolutionnaires européens vont-ils pouvoir s’affranchir de l’« effet Marx», des institutions propres du XIXe et du XXe siècle ? Telle était l’orientation de ce mouvement. Dans cette remise en question de l’identité marxisme = processus révolutionnaire, identité qui constituait une espèce de dogme, l’importance du corps est l’une des pièces importantes, sinon essentielles.

- Quelle est l’évolution du rapport corporel entre les masses et l’ appareil d’État?

- Il faut d’abord écarter une thèse très répandue selon laquelle le pouvoir dans nos sociétés bourgeoises et capitalistes aurait nié la réalité du corps au profit de l’âme, de la conscience, de l’idéalité. En effet, rien n’est plus matériel, rien n’est plus physique, plus corporel que l’exercice du pouvoir… Quel est le type d’investissement du corps qui est nécessaire et suffisant au fonctionnement d’une société capitaliste comme la nôtre ? Je pense que, du XVIIIe siècle au début du XXe, on a cru que l’investissement du corps par le pouvoir devait être lourd, pesant, constant, méticuleux. D’où ces régimes disciplinaires formidables qu’on trouve dans les écoles, les hôpitaux, les casernes, les ateliers, les cités, les immeubles, les familles… et puis, à partir des années soixante, on s’est rendu compte que ce pouvoir si pesant n’était plus aussi indispensable qu’on le croyait, que les sociétés industrielles pouvaient se contenter d’un pouvoir sur le corps beaucoup plus lâche. On a dès lors découvert que les contrôles de la sexualité pouvaient s’atténuer et prendre d’autres formes… Reste à étudier de quel corps la société actuelle a besoin…

- Votre intérêt pour le corps se démarque-t-il des interprétations actuelles ?

- Je me démarque, me semble-t-il, à la fois de la perspective marxiste et paramarxiste. Concernant la première, je ne suis pas de ceux qui essaient de cerner les effets de pouvoir au niveau de l’idéologie. Je me demande en effet si, avant de poser la question de l’idéologie, on ne serait pas plus matérialiste en étudiant la question du corps et des effets du pouvoir sur lui. Car, ce qui me gêne dans ces analyses qui privilégient l’idéologie, c’est qu’on suppose toujours un sujet humain dont le modèle a été donné par la philosophie classique et qui serait doté d’une conscience dont le pouvoir viendrait s’emparer.

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- Mais il y a, dans la perspective marxiste, la conscience de l’effet de pouvoir sur le corps dans la situation de travail.

- Bien sûr. Mais alors qu’aujourd’hui les revendications sont plus celles du corps salarié que celles du salariat, on n’en entend guère parler en tant que telles… Tout se passe comme si les discours «révolutionnaires» restaient pénétrés de thèmes rituels qui se réfèrent aux analyses marxistes. Et, s’il y a des choses très intéressantes sur le corps chez Marx, le marxisme – en tant que réalité historique – l’a terriblement occulté au profit de la conscience et de l’idéologie…
Il faut aussi se démarquer des paramarxistes comme Marcuse qui donnent à la notion de répression un rôle exagéré. Car, si le pouvoir n’avait pour fonction que de réprimer, s’il ne travaillait que sur le mode de la censure, de l’exclusion, du barrage, du refoulement, à la manière d’un gros surmoi, s’il ne s’exerçait que d’une façon négative, il serait très fragile. S’il est fort, c’est qu’il produit des effets positifs au niveau du désir – cela commence à être su – et aussi au niveau du savoir. Le pouvoir, loin d’empêcher le savoir, le produit. Si on a pu constituer un savoir sur le corps, c’est au travers d’un ensemble de disciplines militaires et scolaires. C’est à partir d’un pouvoir sur le corps qu’un savoir physiologique, organique était possible.
L’enracinement du pouvoir, les difficultés qu’on éprouve à s’en déprendre viennent de tous ces liens. C’est pourquoi la notion de répression à laquelle on réduit généralement les mécanismes du pouvoir me paraît très insuffisante et peut-être dangereuse.

- Vous étudiez surtout les micro-pouvoirs qui s’exercent au niveau du quotidien. Ne négligez-vous pas l’appareil d’État ?

- En effet, les mouvements révolutionnaires marxistes et marxisés depuis la fin du XIXe siècle ont privilégié l’appareil d’État comme cible de la lutte.
À quoi cela a finalement mené ? Pour pouvoir lutter contre un État qui n’est pas seulement un gouvernement, il faut que le mouvement révolutionnaire se donne l’équivalent en termes de forces politicomilitaires, donc qu’il se constitue comme parti, modelé de l’intérieur – comme un appareil d’État, avec les mêmes mécanismes de discipline, les mêmes hiérarchies, la même organisation des pouvoirs. Cette conséquence est lourde. En second lieu, la prise de l’appareil d’État – et ce fut une grande discussion à l’intérieur même du marxisme – doit-elle être considérée comme une simple occupation avec d’éventuelles modifications, ou bien être l’occasion de sa destruction ? Vous savez comment s’est réglé finalement ce problème : il faut miner l’appareil, mais pas jusqu’au bout, puisque, dès que la dictature du prolétariat s’établira, la lutte des classes ne sera pas pour autant terminée… Il faut donc que l’appareil d’État soit suffisamment intact pour qu’on puisse l’utiliser contre les ennemis de classe. On en arrive à la seconde conséquence : l’appareil d’État doit être reconduit, au moins jusqu’à un certain point, pendant la dictature du prolétariat. Enfin, troisième conséquence : pour faire marcher ces appareils d’État qui seront occupés mais non brisés, il convient de faire appel aux techniciens et aux spécialistes. Et, pour ce faire, on utilise l’ancienne classe familiarisée avec l’appareil, c’est-à-dire la bourgeoisie. Voilà sans doute ce qui s’est passé en U.R.S.S. Je ne prétends pas du tout que l’appareil d’État ne soit pas important, mais il me semble que parmi toutes les conditions qu’on doit réunir pour ne pas recommencer l’ expérience soviétique, pour que le processus révolutionnaire ne s’ensable pas, l’une des premières choses à comprendre, c’est que le pouvoir n’est pas localisé dans l’appareil d’État et que rien ne sera changé dans la société si les mécanismes de pouvoir qui fonctionnent en dehors des appareils d’État, au-dessous d’eux, à côté d’eux, à un niveau beaucoup plus infime, quotidien, ne sont pas modifiés.

- Venons-en justement aux sciences humaines, à la psychanalyse en particulier…

- Le cas de la psychanalyse est effectivement intéressant. Elle s’est établie contre un certain type de psychiatrie (celle de la dégénérescence, de l’eugénisme, de l’hérédité). C’est cette pratique et cette théorie – représentées en France par Magnan – qui ont constitué son grand repoussoir. Alors, effectivement, par rapport à cette psychiatrie-là (qui reste d’ailleurs la psychiatrie des psychiatres d’aujourd’hui), la psychanalyse a joué un rôle libérateur. Et, dans certains pays encore (je pense au Brésil), la psychanalyse jouait un rôle politique positif de dénonciation de la complicité entre les psychiatres et le pouvoir. Voyez ce qui se passe dans les pays de l’Est. Ceux qui s’intéressent à la psychanalyse ne sont pas les plus disciplinés des psychiatres…
Il n’en reste pas moins que, dans nos sociétés à nous, le processus continue et s’est investi autrement… La psychanalyse, dans certaines de ses performances, a des effets qui rentrent dans le cadre du contrôle et de la normalisation.
Si l’on arrive à modifier ces rapports ou à rendre intolérables les effets de pouvoir qui s’y propagent, on rendra beaucoup plus difficile le fonctionnement des appareils d’État…
Autre avantage à faire la critique des rapports au niveau infime : à l’intérieur des mouvements révolutionnaires, on ne pourra plus reconstituer l’image de l’appareil d’État.

- À travers vos études sur la folie et la prison, on assiste à la constitution d’une société toujours plus disciplinaire. Cette évolution historique paraît guidée par une logique quasi inéluctable…

- J’essaie d’analyser comment, au début des sociétés industrielles, s’est mis en place un appareil punitif, un dispositif de tri entre les normaux et les anormaux. Il me faudra ensuite faire l’histoire de ce qui s’est passé au XIXe siècle, montrer comment, à travers une série d’offensives et de contre-offensives, d’effets et de contre-effets, on a pu arriver à l’état actuel très complexe des forces et au profil contemporain de la bataille. La cohérence ne résulte pas de la mise au jour d’un projet, mais de la logique des stratégies qui s’opposent les unes aux autres. C’est dans l’étude des mécanismes de pouvoir qui ont investi les corps, les gestes, les comportements qu’il faut édifier l’archéologie des sciences humaines.
Elle retrouve, d’ailleurs, l’une des conditions de son émergence : le grand effort de mise en discipline et de normalisation poursuivi par le XIXe siècle. Freud le savait bien. En fait de normalisation, il avait conscience d’être plus fort que les autres. Alors qu’est-ce que c’est que cette pudeur sacralisante qui consiste à dire que la psychanalyse n’a rien à voir avec la normalisation ?

- Quel est le rôle de l’intellectuel dans la pratique militante ?

- L’intellectuel n’a plus à jouer le rôle de donneur de conseils. Le projet, les tactiques, les cibles qu’il faut se donner, ce sont à ceux-là mêmes qui se battent et se débattent de les trouver. Ce que l’intellectuel peut faire, c’est donner des instruments d’analyse, et, actuellement, c’est essentiellement le rôle de l’historien. Il s’agit, en effet, d’avoir du présent une perception épaisse, longue, qui permette de repérer où sont les lignes de fragilité, où sont les points forts, à quoi se sont rattachés les pouvoirs – selon une organisation qui a maintenant cent cinquante ans -, où ils se sont implantés. Autrement dit, faire un relevé topographique et géologique de la bataille… Voilà le rôle de l’intellectuel. Mais quant à dire : voilà ce qu’il faut que vous fassiez, certainement pas.

- Qui coordonne l’action des agents de la politique du corps ?

- C’est un ensemble extrêmement complexe à propos duquel on est obligé de se demander finalement comment il peut être si subtil dans sa distribution, dans ses mécanismes, ses contrôles réciproques, ses ajustements, alors qu’il n’y a personne pour avoir pensé l’ensemble, C’est une mosaïque très enchevêtrée. À certaines époques, des agents de liaison apparaissent… Prenez l’exemple de la philanthropie au début du XIXe siècle : des gens viennent se mêler de la vie des autres, de leur santé, de l’alimentation, du logement… Puis de cette fonction confuse sont sortis des personnages, des institutions, des savoirs… une hygiène publique, des inspecteurs, des assistantes sociales, des psychologues. Puis, maintenant, on assiste à une prolifération de catégories de travailleurs sociaux…
Naturellement, la médecine a joué le rôle fondamental de dénominateur commun… Son discours passait de l’un à l’autre. C’est au nom de la médecine qu’on venait voir comment étaient installées les maisons, mais aussi en son nom qu’on cataloguait un fou, un criminel, un malade… Mais il y a – en fait – une mosaïque très variée de tous ces «travailleurs sociaux» à partir d’une matrice confuse comme la philanthropie…
L’intéressant, c’est de voir non pas le projet qui a présidé à tout cela, mais de voir en termes de stratégie comment les pièces se sont mises en place.
Michel Foucault
Pouvoir et corps in revue Quel corps ? /1975
Dits et Écrits II

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