Archive pour la Catégorie 'Eros'

Les hérétiques de la sensation / revues Chimères et l’Unebévue / samedi 22 novembre / salle de l’Ageca, Paris

« C’est l’érotisme qui va changer, érotisme devenu électrique, fluide, qui n’aura plus rien des complaisances de la nature libidineuse. Une autre et suprême force l’a attrapé. [...] Il devient difficile de retrouver l’amour dans sa naïveté. Serait-ce pour cette raison vaguement soupçonnée, que d’instinct une certaine unanimité se fait contre les habitués de la drogue. Pour une fois d’accord, amoureux comme puritains, jeunes et vieux, hommes et femmes, ouvriers et bourgeois se sentent spontanément de l’humeur, de l’hostilité, de l’indignation dès qu’il est question de ces scandaleux hérétiques de la sensation. »
Henri Michaux
L’Infini turbulent – « Le problème d’Éros » / 1957

« Toutes les drogues concernent d’abord les vitesses, et les modifications de vitesse.
Nous disons que les problèmes de drogue ne peuvent être saisis qu’au niveau où le désir investit directement la perception, et où la perception devient moléculaire, en même temps que l’imperceptible devient perçu. La drogue apparaît alors comme l’agent de ce devenir. C’est là qu’il y aurait une pharmaco-analyse, qu’il faudrait à la fois comparer et opposer à la psychanalyse. Car, de la psychanalyse, il y a lieu de faire à la fois un modèle, un opposé, et une trahison. [...] l’inconscient est à faire, non pas à retrouver. Il n’y a plus une machine duelle conscience-inconscient, parce que l’inconscient est, ou plutôt est produit, là où va la conscience emportée par le plan. La drogue donne à la conscience l’immanence et le plan que la psychanalyse n’a cessé de rater.
Comment la causalité immanente du désir, moléculaire et perceptive, échoue dans l’agencement-drogue. Les drogués ne cessent de retomber dans ce qu’ils voulaient fuir, une segmentarité plus dure à force d’être marginale, une territorialisation d’autant plus artificielle qu’elle se fait sur des substances chimiques, des formes hallucinatoire et des subjectivations fantasmatiques. Les dorgués peuvent être considérés comme des précurseurs ou des expérimentateurs qui retracent inlassablement un nouveau chemin de vie. (…) Le tort des drogués serait-il chaque fois de repartir à zéro, soit pour prendre de la drogue, soit pour l’abandonner, alors qu’il faudrait prendre un relais, partir « au milieu », bifurquer au milieu ? »
Deleuze-Guattari
Mille plateaux / extraits du Plateau 10 / 1980

Texte à télécharger : fichier pdf Deleuze Guattari Journée Chimères-Unebévue

ou à lire sur le Silence qui parle ICI

« Je ne vois pas que démocratiser l’enseignement de la psychanalyse pose d’autre problème que celui de la définition de notre démocratie.
Matérialisons [les effets de la science] sous la forme des divers produits qui vont des tranquillisants jusqu’aux hallucinogènes. Cela complique singulièrement le problème de ce qu’on a jusque-là qualifié d’une manière purement policière de toxicomanie. Du point de vue de la jouissance, qu’est-ce qu’un usage ordonné de ce qu’on appelle plus ou moins proprement des toxiques, peut avoir de répréhensible, sauf si le médecin entre franchement dans ce qui est la deuxième dimension caractéristique de sa présence au monde, à savoir la dimension éthique. Ces remarques qui peuvent sembler banales ont tout de même l’intérêt de démontrer que la dimension éthique est celle qui s’étend dans la direction de la jouissance.
Ce que j’appelle jouissance au sens où le corps s’éprouve, est toujours de l’ordre de la tension, du forçage, de la dépense, voire de l’exploit. Il y a incontestablement jouissance au niveau où commence d’apparaître la douleur, et nous savons que c’est seulement à ce niveau de la douleur que peut s’éprouver toute une dimension de l’organisme qui autrement reste voilée. »
Jacques Lacan
Place de la psychanalyse dans la médecine / (extraits) / 1966

Texte à télécharger : fichier pdf lacan Journée Chimères-Unebévue

Nous visionnerons un film en commun, le matin, et nous en débattrons ensemble jusqu’à 12h30.
Nous reprendrons à 14h30, avec des interventions d’Anne Coppel et Mayette Viltard.
Les discussions sont prévues jusqu’à 18h.

Revues Chimères et l’Unebévue
Les Hérétiques de la sensation / 2014

Samedi 22 novembre 2014 – de 9h à 18h
Salle de l’Ageca, 177 rue de Charonne – Paris 11°
PAF 20 euros, tarif réduit 10 euros

Télécharger le flyer : fichier pdf Les hérétiques de la sensation-1

fichier pdf Les hérétiques de la sensation-2

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Big Mother et Oui-Oui rhabillent le sexe en Californie / Luc Le Vaillant

Si j’ai bien compris, les coucheries entre étudiants risquent de se compliquer allégrement en Californie. Une loi vient d’entrer en vigueur en bord de Pacifique, dans cette contrée qui a donné au monde les hippies et le psychédélisme, la gym tonic et Schwarzenegger, le Hollywood du porno et ces bons petits diables de Google.
Désormais, avant que l’intercourse débute, les filles devront exprimer fort et clair un «consentement affirmatif» à leur voisin de matelas. Comme devant monsieur le maire et le curé du village, elles devront opiner du chef et bramer un oui franc et massif. Ceci afin que ce cerf en rut qu’est tout homme qui se respecte puisse œuvrer au coït en toute bestialité. Un signe de tête pourra faire l’affaire mais poursuit le texte «l’absence de protestation ou de résistance ne signifiera pas consentement. Pas plus que le silence». (1)
Encore plus fort, les dames pourront révoquer leur aval à tout moment du jeu de la bête à deux dos. Elles pourront dire oui puis non. Et aussi oui, oui, et aussi non, plus maintenant. Quand au ni oui ni non, il sera de libre interprétation selon le moment où la plaignante forcément plaintive appuiera sur le buzzer. La charge de la preuve sera inversée et il reviendra à l’assaillant de démontrer l’innocuité de son entreprise qui n’est pas forcément emprise. Pire, les universités qui ne relaieraient pas cette évolution des choses verront leurs subsides coupés.
Je sais bien que je devrais éviter de me saisir de ces questions. Cela va encore me valoir les foudres de mes copines d’«Osez le puritanisme», pardon d’«Osez le féminisme». Je suis un homme, paraît-il. Un mâle occidental dominant et hétéronormé, ce qui reste à démontrer. Donc, en ces matières, je suis vite tenu pour complice de ces salauds de mecs.
Il paraît que ces obsédés, mes frères, sont incapables de se tenir quand ils voient passer un string panthère. Il paraît qu’à l’instar du chef d’un Etat que je connais bien, ils sont atrocement lâches quand il s’agit des choses du sentiment et qu’ils s’accommodent du clair-obscur quand les femmes sont claires et nettes dans leurs goûts et dégoûts. Sans parler de cette infidélité de nature queutarde qui voit ces gros dégoûtants partir en perpétuelle maraude, façon Mars coursant Venus, quand les déesses du foyer sont des Pénélope transies, tapissant leur mansuétude de douce bénévolence. Et allez donc, en avant pour l’essentialisme et le différentialisme datant de Cro-Magnon !!!
Quitte à être suspecté de masculinisme, autant ne pas se gêner dans le ricanement et dire la désolation que m’inspire cette régression américaine. Cette cornichonnerie va mettre un huissier derrière chaque couple débutant, derrière chaque moment d’incertitude ou d’hébétude, derrière chaque copulation pas assez attendrie, pas assez réussie.
Les avocats peuvent se frotter les mains qu’on sonnera pour rhabiller le coup d’un soir en coup de cafard, le Trafalgar en crier gare. Ils seront là pour qualifier juridiquement le lâcher-tout d’un instant et liquider la culpabilité qui suit parfois les moments très émoustillés ou très alcoolisés, les fois où l’on sait plus trop ce qu’on fait, ni avec qui, qu’on soit garçon ou fille. Celles-ci n’étant pas seulement les angelotes qu’on nous vend et qu’elles achètent trop souvent comptant.
On comprend bien les belles et bonnes intentions de ces Big Mother qui ne veulent que le bien de l’humanité naissante. Mais, là-bas comme ici, les lois sur le viol existent et il n’est peut-être pas nécessaire d’en rajouter dans la judiciarisation généralisée.
Surtout que ce sera parole contre parole. On n’arrivera pas à sortir de ces sales draps des matins blêmes et du linge sale à laver bien avant de faire famille. Pour trancher, ces Tartuffe finiront par équiper les cités universitaires de webcam espionnes. Ce qui fera le bonheur de YouPorn quand les parties civiles feront fuiter les enregistrements.
La guerre des sexes sera réactivée au risque de défiances gélifiées, de frustrations caramélisées. Il y aura mille remake de la confrontation entre Julian Assange et ses Suédoises. Et ce sera comme si la Californie hédoniste enfilait la robe de bure luthérienne du paradis perdu nordique, noyé dans le permafrost de son fondamentalisme féministe.
Surtout, cette intrusion nouvelle dans la sexualité des jeunes gens réactive des poncifs surannés. Vu de Californie, c’est l’homme qui est actif et c’est la femme qui est passive. C’est l’homme qui a l’initiative quand la femme n’est que le réceptacle de désirs dégradants. C’est l’homme qui est esclave de ses sens et c’est la femme qui est victime du machisme éternel. C’est l’homme qui est un mâle et c’est la femme qui est une femelle. Fatigue noire devant tant de bêtise recommencée.
Luc Le Vaillant
Big Mother et Oui-Oui rhabillent le sexe en Californie / 2014
Publié dans Libération le 7 octobre 2014

ouioui
1 Le Monde du 24 septembre.

Une petite fleur jaune dans l’herbe verte / Mayette Viltard / Chimères n°82 / L’Herbe

Curieusement, Freud s’est appliqué à faire savoir qu’il n’aimait pas la botanique, qu’il avait négligé cette partie obligatoire de ses études, qu’il confondait les plantes, les fleurs. À l’en croire, ce promeneur invétéré arpentait les alpages en ne regardant que les champignons, bien qu’il ait espéré le congrès le plus important avec son ami Fliess dans une magnifique forêt pleine de fougères… et de champignons, certes. D’oubli en oubli, de souvenir en souvenir, de rêve en rêve, le futur professeur mélange, déplace les mots, souvent à travers langues, associe, déchiffre. Les jeunes filles freudiennes sont florissantes, et fort œdipiennement, le rêveur n’aspire qu’à les déflorer, et même, à leur arracher une par une leurs feuilles et leurs pétales, car elles sont, à l’occasion, des fleurs d’artichaut. Il refait en rêve une monographie botanique, conjurant l’autre, la monographie malheureuse sur la coca et ses bienfaits. Livre érotique s’il en est, la Traumdeutung est un catalogue de tous les fantasmes sexuels de la turbulente Vienne de 1900.
Les souvenirs d’enfance sont incurablement œdipiens, nous disent Deleuze et Guattari dans leur Kafka, et si l’on en croit Lacan, fabriqués dans la langue où ils sont parlés, production made in France pour un souvenir africain… En quelle langue la machine Freud produit- elle ses souvenirs et ses rêves ?… La Traumdeutung témoigne d’un mélange permanent, bouillonnant, translangue, anglais-français-allemand-yiddish-grec-latin. Aux prises avec une efflorescence des signes, qui se mettent à pulluler sans qu’il réussisse à trouver comment les discipliner, Freud, cependant, n’est pas comme Attila. Dans l’herbe verte des prairies alpestres, une petite fleur relève la tête, elle est jaune, elle a le privilège d’avoir des tas de noms, du moins pour Freud qui aime à confondre. Le nom qu’il préfère, c’est le pissenlit.
« Je vois une prairie carrée, un peu en pente, verte et herbue; dans ce vert, beaucoup de fleurs jaunes, de toute évidence du pissenlit commun. En haut de la prairie, une maison paysanne ; debout devant la porte, deux femmes bavardent avec animation : la paysanne coiffée d’un foulard et une nourrice. Sur la prairie jouent trois enfants ; je suis l’un d’eux (âgé de deux à trois ans), les deux autres sont mon cousin, qui a un an de plus que moi et sa sœur, ma cousine, qui a presque exactement mon âge. Nous cueillons les fleurs jaunes et tenons chacun à la main un certain nombre de fleurs déjà cueillies. C’est la petite fille qui a le plus joli bouquet ; mais nous, les garçons, nous lui tombons dessus comme d’un commun accord et lui arrachons ses fleurs. Toute en pleurs, elle remonte la prairie en courant et, pour la consoler, la paysanne lui donne un gros morceau de pain noir. A peine avons-nous vu cela que nous jetons nos fleurs et, nous précipitant nous aussi vers la maison, nous réclamons du pain à notre tour. Nous en obtenons également ; la paysanne coupe la miche avec un grand couteau. Le goût de ce pain, dans mon souvenir, est absolument délicieux, et là-dessus la scène prend fin.[Les souvenirs-écrans] »
Avec le pissenlit, Freud a fait une grande découverte. Il n’y a pas de souvenirs d’enfance à faire émerger, à tirer de l’oubli, on les produit, à la manière des haikus de Marie Jardin. Mais peut-être me direz- vous que dans le cas du poème de Marie Jardin, il y a bien un poème d’origine. Croyez-vous ? C’est un petit trucage qu’elle nous propose, le poème « entier » et chacun des haikus sont complètement hétérogènes, il n’y a pas plus de nécessité à ce que le poème soit source des haikus que de croire que les haikus permettraient de recomposer le poème, il n’y a pas de lien entre eux, le grand manitou est la machinerie à glissières et à poulies qu’elle manipule sous notre nez, pour nous tromper ! C’est elle qui cannibalise un texte et nous exhibe quelques chiffons attrapés par sa pique.
Les blocs d’enfance ne sont pas des morceaux d’enfance, on les rencontre, on s’y heurte dans telle ou telle galaxie de signes à la dérive, qui tout d’un coup nous enveloppent, nous plongent dans le doute, l’incertitude, serait-ce mon enfance, cette nébuleuse de sens d’où l’étincelle du non-sens crée un souvenir-événement… Freud se débat, ça foisonne, Löwenzahn, ah, du Pisse-en-lit, oui, mais le jaune de la robe de la riche jeune fille est plus foncé, couleur giroflée, Goldlack, ah, couleur Manque d’or pour le jeune et pauvre Freud…
Mayette Viltard
Une petite fleur jaune dans l’herbe verte / 2014
Extrait du texte publié dans Chimères n°82 / L’Herbe

Poème Nuvole de Marie Jardin à télécharger fichier pdf nuvole

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