Archive pour le Tag 'max dorra'

Lutte des rêves et interprétation des classes / Max Dorra

Démontage d’un tour d’illusion.
L’assassinat dans une chambre fermée de l’intérieur, type même du crime parfait, décourage d’emblée toute enquête parce qu’il se présente comme impossible. Il en est de même, si l’on y songe, lorsque l’autre, de façon incompréhensible, par un mot, par un regard, nous tue. Or, il s’agit dans les deux cas d’un tour d’illusion. C’est ce que ce livre tentera de montrer.
Spinoza pensait que démasquer l’erreur ne suffit pas,encore faut-il dissiper l’illusion. « Pourvu que je puisse réfléchir à fond », écrivait ce clinicien de l’imaginaire. Et il jetait les bases d’une nouvelle rationalité. À la démarche spinozienne, ce livre propose d’associer la méthode freudienne de l’association libre.
La parole alors, parfois, livre ses secrets. Parler, en effet, c’est adapter son vocabulaire, sa mimique, ses intonations à l’autre en face de soi. Et puis, les mots que l’on prononce, les lester, en douce, de ses souvenirs, de ses émotions : leur donner du sens. C’est aussi, avouons-le, chercher à obtenir de l’interlocuteur une connivence que nous guettons dans son regard ; conforter notre image, dont la valeur à nos yeux fluctue sans cesse dangereusement. Cette finalité – être reconnu, réassuré –, nous la méconnaissons. De même ne pouvons-nous saisir le sens réel de nos paroles qu’après coup. Encore faudrait-il laisser venir, librement, nos associations.
Un front de libération des associations, tel est en effet l’enjeu de la lutte des rêves. Une résistance : celle de notre passé, de notre mémoire aux structurations plus ou moins appauvrissantes, aux montages plus ou moins angoissants, dans lesquels l’indispensable négociation avec l’autre, le passage par sa tonalité risqueraient de nous incarcérer. Car, appliquée aux rêves, la méthode de la libre association, la plus géniale de toutes les inventions freudiennes, fait de nous de véritables Houdini – magicien, roi de l’évasion –, capables de déjouer les faux huis clos, de démasquer le caractère illusoire de bien des enfermements.
« L’illusion joue un rôle capital dans toutes les branches du savoir humain ; innombrables sont les fausses vérités qui infestent nos connaissances et qui ne doivent leur existence qu’à l’illusion. J’attribue, pour une grande part, à l’étude des traités concernant l’illusionnisme, ses procédés, ses modes d’infiltration dans notre esprit, le fait que maintes fois, dans ma longue carrière, il m’est arrivé de redresser des notions classiques grâce aux disciplines que je dois à cette étude. »
Ce texte est d’Auguste Lumière qui, avec son frère Louis, invente le cinéma en 1895. L’année même où Freud, qui interprète pour la première fois l’un de ses rêves, entre par effraction dans l’histoire de la philosophie.
Max Dorra
Lutte des rêves et interprétation des classes / 2013
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horloge neons

Leçons de solitude – l’hôpital / Max Dorra / Chimères n°78 / Soigne qui peut (la vie)

L’ascenseur. Il y a plus de choses dans un ascenseur d’hôpital que dans toute la philosophie.
Tous, les uns contre les autres. Les regards : antennes, tentacules, pseudopodes qui se cherchent, se frôlent, se tâtent. S’attardent, se dérobent. Chaleureux ou glacés. Ça va ? Faut bien. Comme un lundi. Médecins et aides-soignantes. Hommes et femmes, blancs et noirs. Brèves rencontres. Les élèves, polycopiés de cours à la main. Internes sortants de garde, soulagés, farauds, cool, faussement décontractés. Des professeurs et des garçons de salle. Tout près, se touchant. S’ignorant. Bref coup d’œil sur le badge. Symbolique à nu. Frontières imperceptibles, présentes, douloureuses. Qui c’est ? Ah oui. En être ou pas. Tutoiement, prénoms. Salut ! Un malade sur une civière. Le patient, allongé, semble perdu. Le rassurer. Quelques mots. Et puis ne pas oublier d’acheter un journal parce qu’à la consultation faudra attendre. Combien de temps ? Sais pas. Pédiatrie, septième étage. Charlotte. Timide, apeurée. « C’est ton doudou ? – Oui d’un signe de tête. » Vite nounours disparaît. Caché derrière le dos. Jardin secret. Vie privée. Oh là ! Fausse manœuvre. Retour au sous-sol. La radio, la morgue.
Max Dorra
Leçons de solitude – l’hôpital / 2013
Extrait du texte publié dans Chimères n°78 / Soigne qui peut (la vie)
Sur le Silence qui parle : Soigne qui peut / Valérie Marange
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Leçons de solitude - l'hôpital / Max Dorra / Chimères n°78 / Soigne qui peut (la vie) dans Chimères elia-suleiman-in-the-time-that-remains
Photo : The Time That Remains (le Temps qu’il reste) / Eila Suleiman / 2009




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