Si j’ai bien compris, les coucheries entre étudiants risquent de se compliquer allégrement en Californie. Une loi vient d’entrer en vigueur en bord de Pacifique, dans cette contrée qui a donné au monde les hippies et le psychédélisme, la gym tonic et Schwarzenegger, le Hollywood du porno et ces bons petits diables de Google.
Désormais, avant que l’intercourse débute, les filles devront exprimer fort et clair un «consentement affirmatif» à leur voisin de matelas. Comme devant monsieur le maire et le curé du village, elles devront opiner du chef et bramer un oui franc et massif. Ceci afin que ce cerf en rut qu’est tout homme qui se respecte puisse œuvrer au coït en toute bestialité. Un signe de tête pourra faire l’affaire mais poursuit le texte «l’absence de protestation ou de résistance ne signifiera pas consentement. Pas plus que le silence». (1)
Encore plus fort, les dames pourront révoquer leur aval à tout moment du jeu de la bête à deux dos. Elles pourront dire oui puis non. Et aussi oui, oui, et aussi non, plus maintenant. Quand au ni oui ni non, il sera de libre interprétation selon le moment où la plaignante forcément plaintive appuiera sur le buzzer. La charge de la preuve sera inversée et il reviendra à l’assaillant de démontrer l’innocuité de son entreprise qui n’est pas forcément emprise. Pire, les universités qui ne relaieraient pas cette évolution des choses verront leurs subsides coupés.
Je sais bien que je devrais éviter de me saisir de ces questions. Cela va encore me valoir les foudres de mes copines d’«Osez le puritanisme», pardon d’«Osez le féminisme». Je suis un homme, paraît-il. Un mâle occidental dominant et hétéronormé, ce qui reste à démontrer. Donc, en ces matières, je suis vite tenu pour complice de ces salauds de mecs.
Il paraît que ces obsédés, mes frères, sont incapables de se tenir quand ils voient passer un string panthère. Il paraît qu’à l’instar du chef d’un Etat que je connais bien, ils sont atrocement lâches quand il s’agit des choses du sentiment et qu’ils s’accommodent du clair-obscur quand les femmes sont claires et nettes dans leurs goûts et dégoûts. Sans parler de cette infidélité de nature queutarde qui voit ces gros dégoûtants partir en perpétuelle maraude, façon Mars coursant Venus, quand les déesses du foyer sont des Pénélope transies, tapissant leur mansuétude de douce bénévolence. Et allez donc, en avant pour l’essentialisme et le différentialisme datant de Cro-Magnon !!!
Quitte à être suspecté de masculinisme, autant ne pas se gêner dans le ricanement et dire la désolation que m’inspire cette régression américaine. Cette cornichonnerie va mettre un huissier derrière chaque couple débutant, derrière chaque moment d’incertitude ou d’hébétude, derrière chaque copulation pas assez attendrie, pas assez réussie.
Les avocats peuvent se frotter les mains qu’on sonnera pour rhabiller le coup d’un soir en coup de cafard, le Trafalgar en crier gare. Ils seront là pour qualifier juridiquement le lâcher-tout d’un instant et liquider la culpabilité qui suit parfois les moments très émoustillés ou très alcoolisés, les fois où l’on sait plus trop ce qu’on fait, ni avec qui, qu’on soit garçon ou fille. Celles-ci n’étant pas seulement les angelotes qu’on nous vend et qu’elles achètent trop souvent comptant.
On comprend bien les belles et bonnes intentions de ces Big Mother qui ne veulent que le bien de l’humanité naissante. Mais, là-bas comme ici, les lois sur le viol existent et il n’est peut-être pas nécessaire d’en rajouter dans la judiciarisation généralisée.
Surtout que ce sera parole contre parole. On n’arrivera pas à sortir de ces sales draps des matins blêmes et du linge sale à laver bien avant de faire famille. Pour trancher, ces Tartuffe finiront par équiper les cités universitaires de webcam espionnes. Ce qui fera le bonheur de YouPorn quand les parties civiles feront fuiter les enregistrements.
La guerre des sexes sera réactivée au risque de défiances gélifiées, de frustrations caramélisées. Il y aura mille remake de la confrontation entre Julian Assange et ses Suédoises. Et ce sera comme si la Californie hédoniste enfilait la robe de bure luthérienne du paradis perdu nordique, noyé dans le permafrost de son fondamentalisme féministe.
Surtout, cette intrusion nouvelle dans la sexualité des jeunes gens réactive des poncifs surannés. Vu de Californie, c’est l’homme qui est actif et c’est la femme qui est passive. C’est l’homme qui a l’initiative quand la femme n’est que le réceptacle de désirs dégradants. C’est l’homme qui est esclave de ses sens et c’est la femme qui est victime du machisme éternel. C’est l’homme qui est un mâle et c’est la femme qui est une femelle. Fatigue noire devant tant de bêtise recommencée.
Luc Le Vaillant
Big Mother et Oui-Oui rhabillent le sexe en Californie / 2014
Publié dans Libération le 7 octobre 2014
Archive pour le Tag 'Hollywood du porno'
Big Mother et Oui-Oui rhabillent le sexe en Californie / Luc Le Vaillant
Publié le 8 octobre, 2014 dans Agora, Eros et Krach. 0 Commentaire Tags : bête à deux dos, bêtise, big mother, Big Mother et Oui-Oui rhabillent le sexe en Californie, féminisme, gym tonic, hippies, Hollywood du porno, libération, Luc Le Vaillant, machisme, osez le féminisme, politiquement correct, psychédélisme, puritanisme, rapports consentis, Schwarzenegger, sexe, USA.