Archive pour le Tag 'travailleuses du sexe'

Harcèlements policiers, stigmatisation, agressions, viols : stop aux violences ! / Strass

Ces dernières semaines, dans le « débat » actuel autour de la prostitution, les travailleurSEs du sexe ont subi encore davantage de violences.
Des violences symboliques d’abord : de Causette, qui estimait faire de l’humour en les comparant à des pastèques trouées et en les désignant comme des mauvaises mères, aux 343 salauds qui se les réappropriaient en les désignant comme « leur pute », en passant par quelques médecins qui évoquaient, dans une tribune, des « vulves déformées » et des « vagins cicatriciels » et tous les autres tribunes, articles et débats parlementaires les désignant encore et toujours comme des incapables, des inadaptéEs socialEs, des victimes.
Des violences étatiques tout à fait concrètes ensuite, directes quand il s’agit de la police qui continue à les arrêter abusivement, à les harceler quotidiennement, ou indirectes quand restent impunis des agresseurSEs de tous ordres qui s’estiment dans leur bon droit en s’en prenant à des personnes toujours plus discriminées, stigmatisées, marginalisées.
Le 4 décembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi renforçant la lutte contre le « système prostitutionnel ». Ce texte expose les travailleurSEs du sexe et prostituéEs à de plus grands dangers. Non seulement parce qu’elles et ils seront repousséEs dans la clandestinité, mais également parce que ce texte est discriminatoire et accroît la stigmatisation pesant sur les travailleurSEs du sexe et prostituéEs. Parce que les violences concrètes dont sont victimes les travailleurSEs du sexe se nourrissent de et sont favorisées et légitimées par l’exclusion, des lois répressives et des violences symboliques à leur encontre.
Nous ne voulons ni répression, ni protection contre la prostitution, nous voulons des putains de droits !
Tous les jours, des putes continuent d’être arrêtées, harcelées par les forces de l’ordre. Elles continuent d’être agressées, violées et parfois tuées, dans une indifférence généralisée. Parce que des idéologies paternalistes, moralistes, et hygiénistes, continuent de primer sur la santé, la sécurité, et la dignité des travailleurSEs du sexe, celles-ci continuent d’être sacrifiéEs.
La putophobie tue !
STRASS
parreno-led

 

Un tournant réactionnaire et nationaliste / Morgane Merteuil et Rokhaya Diallo

Depuis quelques années, de manière étrange dans un pays toujours dominé par un intense sexisme, la question des violences faites aux femmes fait l’objet d’une attention particulière, jamais leur corps n’a autant fait parler. Des diverses lois prohibant le port du voile par les femmes musulmanes à la volonté d’abolir la prostitution, rarement la nécessité de protéger la dignité des femmes n’a autant monopolisé le débat public.
Mais, si l’on y regarde de plus près, on remarque que ce n’est que la condition de certaines femmes qui focalise toutes ces attentions : des femmes majoritairement non blanches et issues des couches les plus pauvres de la société.

un sentiment de supériorité
Cependant, ce n’est pas une réflexion globale sur les mécanismes de domination de ces classes non privilégiées que leur condition provoque ni une dénonciation générale des industries dans lesquelles les femmes étrangères et/ou non blanches sont sureprésentées, mais un sentiment de supériorité de la part d’une catégorie privilégiée de femmes, qui s’arroge le droit de leur expliquer ce qui est bon pour elles.
Que des femmes choisissent d’embrasser l’islam et de manifester cette appartenance en portant un foulard ou un voile, tandis que d’autres décident de gagner leur vie en se prostituant semble inconcevable. Quant au respect de la liberté de conscience ou du droit d’exercer son travail dans les meilleures conditions possible, aucune de ces féministes ne semble croire qu’il s’applique aux prostituées ou aux musulmanes voilées.
Si l’oppression des travailleurs pauvres et précaires, les dommages physiques et mentaux infligés par la pénibilité du travail et les violences contre les femmes doivent êtres combattus, cela ne peut se faire sans la contribution des premier(e) s concerné(e)s.
Les féministes, qui ont lutté pour l’émancipation des femmes, ont permis la reconnaissance d’un droit fondamental permettant aux femmes de disposer de leur corps. Certaines d’entre elles seraient-elles indignes de faire valoir ce droit essentiel?
Aux prostituées et aux femmes voilées traitées comme des mineures, incapables de comprendre les enjeux de leur propre libération, on ne laisse aucune option : leur choix ne peut en être un, seules les femmes privilégiées qui ne partagent pas leur condition seraient à même de décider pour elles.

le racisme institutionnel
Comment pourraient-elles évaluer leur degré de domination, sans les ressources intellectuelles de leurs « sauveuses », convaincues d’être plus à même de décrypter la complexité du monde et de dénoncer leurs oppresseurs…
L’oppresseur qu’on s’empresse de dénoncer en chœur lorsqu’il apparaît comme un autre, étranger, menaçant l’ordre républicain (réseaux de proxénétisme, réseaux terroristes), mais qu’on s’empresse de rendre invisible lorsqu’il n’est autre que la République française, à travers le racisme institutionnel et la violence des forces de l’ordre dont pâtissent les populations les plus fragiles.
A la fois éternelles victimes et résolument coupables, ces femmes ne peuvent porter un discours sur elles-mêmes, lutter pour faire reconnaître la légitimité de leur choix, de leur stratégie sans être immédiatement accusées de n’être que des agentes de l’intégrisme ou du proxénétisme. Renvoyant les prostituées comme les femmes voilées à une altérité indépassable, ce féminisme condescendant refuse de considérer ces femmes comme les égales des femmes blanches, non musulmanes, non prostituées.
Parce que, au lieu de se battre pour l’acquisition de droits égaux pour les femmes rendues vulnérables par des lois discriminatoires, il encourage la répression, la précarisation et l’exclusion de l’espace public de femmes en majorité non blanches et précaires, sous prétexte qu’elles sont trop ou pas assez vêtues, ce féminisme ne sert qu’une politique réactionnaire et nationaliste à l’opposé de l’émancipation collective qu’il nous promet.
Morgane Merteuil et Rokhaya Diallo
Un tournant réactionnaire et nationaliste / 2013
Publié dans le Monde le 28 novembre 2013
Morgane Merteuil est travailleuse du sexe et militante, porte-parole du STRASS
Rokhaya Diallo est Journaliste et auteure

À lire sur STRASS :
Les prohibitionnistes en rêvaient, les « abolitionnistes » l’ont fait !
Une commission spécialement putophobe
et sur le Silence qui parle :
Nous ne sommes pas vos putes
Le viol des putes, et leur parole
Lettre ouverte du Collectif « 8 mars pour toutes » au NPA
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Lettre ouverte du Collectif « 8 mars pour toutes » au NPA

ChèrEs camarades féministes,
Nous apprenons que lors de votre prochain Congrès du 1er au 3 février 2013 portant sur les questions féministes un débat aura lieu sur la prostitution à l’issu duquel nous comprenons qu’un vote décidera si le NPA se revendique comme abolitionniste, et s’il défend la pénalisation des clients des travailleuSEs du sexe.
Notre collectif féministe est connu pour rassembler des femmes dites minoritaires habituellement exclues des autres organisations féministes, dont notamment des travailleuses du sexe. Nous voudrions donc vous interpeller sur les risques politiques d’un tel vote.
Dans l’article de Tout est à nous du 3 janvier 2013 qui présente votre Congrès, vous posez la question de la « place pour la parole des prostituées elles-mêmes dans la mesure où leur expression est très difficile ». Nous voudrions donc vous rappeler en tant que parti participant à notre collectif que cette parole existe belle et bien, que vous pouvez l’entendre par exemple pendant nos réunions, où lors des manifestations auxquelles vous participez avec nous.
Il est dommage d’oublier, ou d’ignorer, l’existence de cette parole dont la difficulté de s’exprimer ne tient pas au manque de capacité politique des travailleuSEs du sexe, mais au refus délibéré de leur donner un espace politique pour les entendre. Votre Congrès aurait pu être l’occasion d’accorder un tel espace en invitant des membres de notre collectif.Si tel n’était pas le cas, nous aimerions savoir pourquoi, dans la mesure où nous avons déjà l’habitude de travailler ensemble sur des actions féministes communes.
Vous devriez savoir que les travailleuses et travailleurs du sexe s’organisent politiquement en France depuis 1975, qu’elles et ils militent dans de nombreuses associations que ce soit pour leur santé, la reconnaissance de leur travail ou contre leur criminalisation. La plus ancienne organisation encore existante a été fondée en 1989, il s’agit des Amis du bus des femmes. Qu’en est-il par exemple de leur parole ? Qu’en est-il aussi de celle du Syndicat du travail sexuel dit STRASS qui pourtant porte des revendications similaires au reste de la classe ouvrière ?
Ces paroles sont aujourd’hui multiples et incluent celles de femmes, d’hommes et de trans, celles de personnes françaises et migrantes, travaillant dans la rue, dans les industries du porno, du strip-tease, et d’autres secteurs. Qu’y a-t-il de si « difficile » à entendre dans leur expression ?
Cet oubli est politique.  Il nous rappelle celui de la LCR sur d’autres questions de société au début des années 1970 quand les mouvements féministes et homosexuels l’interpellaient déjà. En tant que féministes nous ne devons pas reproduire envers les travailleuses et travailleurs du sexe ce que nous avons-nous-mêmes subi.
Nous sommes inquiètes car jusqu’à présent le NPA était un des rares partis à ne pas soutenir de politiques répressives à l’égard de la prostitution. Nous sommes même en accord avec l’ensemble des mesures d’urgence proposées afin que les personnes qui désirent arrêter le travail sexuel puissent le faire.
Nous déplorons cependant que rien ne soit proposé pour améliorer les conditions de travail des personnes qui désirent continuer d’exercer le travail sexuel hormis la fin de leur criminalisation qui n’est pour nous qu’un minimum requis.
En discutant d’une possible pénalisation des clients, vous vous rangez du côté des partis de gouvernement qui ont l’habitude d’utiliser l’appareil de la police et de l’Etat afin de régler des questions sociales. Cela nous surprend et nous fait peur.
Une telle politique ne serait en effet pas sans conséquences sur les travailleuses et travailleurs du sexe elles/eux-mêmes. La pénalisation des clients ne fera en rien disparaitre la prostitution. Les systèmes capitaliste et patriarcal continueront d’exister et de créer les conditions qui poussent de nombreuses personnes à préférer le travail sexuel à un autre travail.
Cette pénalisation risque au contraire d’empirer leur situation, la précarité, la clandestinité, le manque d’accès aux soins et à la prévention, les violences, les discriminations et le stigma.
La pénalisation des clients induit que les travailleuses et travailleurs du sexe ne seraient pas capables d’exprimer leur consentement face à un client et qu’il faudrait les protéger contre leur gré, en les empêchant de se prostituer. C’est pour nous une position éloignée du féminisme, car elle les essentialise en tant que victimes sans espoir au lieu de leur donner les moyens de leur émancipation.
Nous croyons dans le fait que la libération des travailleuSEs sera l’œuvre des travailleuSEs elles et eux-mêmes. Nous ne pensons pas qu’une intervention policière de l’Etat protègera les travailleuses et travailleurs du sexe mais au contraire risque de renforcer l’arbitraire du pouvoir policier, en particulier envers les personnes étrangères.
La pénalisation des clients nous semble également une mesure éloignée de l’abolitionnisme originel de Joséphine Butler qui si elle espérait un monde sans prostitution, avait toujours mis en garde contre la pénalisation de la prostitution. Nous pensons donc qu’il est possible d’être abolitionniste sur une base non répressive, et espérons que les militantEs de votre parti qui se positionnent comme telLEs ne choisiront pas sa tendance dite moderne et pro-pénalisation.
Nous vous demandons donc de rejeter toute pénalisation des clients et de favoriser plutôt des espaces où la parole ET l’écoute des travailleuSEs du sexe ne sera pas difficile. Nous vous invitons par exemple à participer à la manifestation du samedi 16 mars 2013 pour l’abrogation de la loi de sécurité intérieure (LSI), pendant laquelle vous pourrez rencontrer de nombreuSEs travailleuSEs du sexe.
Solidarités féministes,
Le collectif « 8 mars pour touTEs »
23 janvier 2013
Publié sur le site de STRASS
http://www.facebook.com/events/206934059431277/

fichier pdf bulletin STRASS-3-janvier-2013
Lettre ouverte du Collectif




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