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Des problèmes / Félix Guattari / Séminaire mars 1981

Les machines abstraites se déplacent à une vitesse infinie
Pour assumer ce type de passage, une autre instance – et à mon avis, cela a des conséquences pratiques considérables ! – est nécessaire : les machines abstraites qui, elles, ne répondent pas à cet axiome de relativité. Les machines abstraites se déplacent à une vitesse infinie. Elles n’ont pas de problème – c’est le cas de le dire ! – avec les coordonnées et les territoires. Leur vitesse de transistance est soit infinie, soit nulle.
Quand la vitesse de transistance est nulle, c’est le trou noir la machine abstraite est non-opératoire, n’existe pas. Et quand elle est opératoire, sa vitesse est infinie. Voilà qui nous permettra de fonder une dimension de décisionnalité – dimension de fondation de singularités opérant loin des équilibres.
Cela veut dire que, quelle que soit la vitesse de transfert des conditions d’une problématique, les machinismes abstraits mis en jeu sont toujours – eux – arrivés avant. Prenons des exemples ; imaginons de transporter des conditions physico-topologico-terrestres à une quantité infinie d’années-lumière dans la galaxie. Tant que ces conditions ne sont pas trans- portées, décalquées (par quelque moyen qu’on imagine), la problématique ne se pose pas.
Mais les machinismes abstraits relatifs à ces espaces topologiques sont arrivés, eux. En effet, une fois que les conditions y seront, les solutions y seront déjà : la même consistance problématique que dans les conditions terrestres, se retrouvera là-bas – comme un équivalent, en quelque sorte, du principe de conservation des machines abstraites : les conditions problématiques peuvent être différentes ou non-pertinentes, cependant, à tous les points des coordonnées, existe le même type de consistance au niveau des machines abstraites.
Car, poser des problèmes de topologie, de chimie organique ou autre, dans des galaxies où il n’y a vraiment aucun type d’équivalent de relations énergétiques, quel sens cela a-t-il ? Aucun. Cela ne se pose que si des conditions similaires existent. Et pourtant, la problématique donnera le même résultat. C’est un axiome : les mêmes conditions problématiques étant réunies, donneront le même type de consistance abstraite, le même type de problématique.

L’axiome du plan de consistance
Il existe un champ universel des machines abstraites qui couvre l’ensemble de toutes les problématiques. C’est une garantie de consistance, hors toutes les coordonnées et hors tous les territoires. C’est l’extensivité absolue de la déterritorialisation qui nous permet de générer des possibles flous.
Fondant le temps de la coupure, le temps de la rupture problématique, c’est aussi ce qui nous garantit que le temps permet, en effet, de remanier quelque chose et de refonder une problématique. Autrement dit, l’économie du possible peut être, effectivement, innovatrice. Le temps d’une rupture permet de réagencer des solutions inédites, non calculables en termes de trajectoire déterministe, et répondant à un plan de machinisme abstrait.
Les champs problématiques échappent aux démons de la place, ils peuvent toujours aboutir à une possible remise en question radicale de toutes les problématiques calculables. Et cette éruption des champs problématiques est le fait des machinismes abstraits : porteurs des événements les plus rares, ils peuvent court-circuiter les champs problématiques et faire des connexions là où toutes les conditions antérieures, tous les calculs possibles des trajectoires d’objets, de relations du déjà-donné et du déjà-prévu sont vains. Une coupure machinique abstraite peut donc – quelle que soit la problématique – toujours surgir. Les événements rares – singuliers – ont cette capacité d’apporter, en quelque sorte, une anti-entropie, une énergie innovatrice, une puissance d’ordination nouvelle, quels que soient les niveaux de stratification et de transfert des problématiques.

Un champ des possibles flous
Un champ des possibles flous, porteur de devenirs hétérogènes au niveau des machines abstraites, s’oppose aux trajectoires déterministes des champs problématiques porteurs d’objets homogènes, identifiables, reproductibles. Les machines abstraites sont des êtres absolument déterritorialisés, existant hors de toutes les coordonnées d’agencements.
Les idéalités problématiques sont des déterritorialisations relatives, toujours prises dans le métabolisme des agencements. La consistance des idéalités est relative à des champs territorialisés – manifestes ou potentiels – alors que les machines abstraites ne relèvent pas de processus possibilistes ; et c’est parce qu’elles échappent aux processus possibilistes qu’elles sont, précisément, une coupure dans les champs de possibles calculables : elles postulent une pure consistance hors de toutes coordonnées. À cet égard, le machinisme abstrait, porteur de toutes les puissances d’innovation intégrales, représente une potentialité.
C’est pourquoi le niveau des machines abstraites se trouve substitué au niveau énergétique de la libido : il met en question, radicalement, toute idée d’économie quantitativiste, pulsionnelle.
Félix Guattari
Des problèmes / séminaire du 10 mars 1981
Texte intégral à télécharger :
fichier pdf guattari séminaire 10.03.81
Des problèmes / Félix Guattari / Séminaire mars 1981 dans Dehors uforange

La caméra et les signes / Mayette Viltard / Place publique de l’Unebévue / 23 mars / Cinéma l’Entrepôt

Problématiser, on le sait, ce n’est ni s’opposer, ni relativiser. C’est parvenir à construire une question. À la suite du film projeté le matin, je vais essayer de présenter, avec ceux qui l’auront vu, comment la machine-caméra est précieuse pour nous plonger dans les espaces où les signes travaillent sur eux-mêmes.
Opposer Deleuze&Guattari à Lacan est une absurdité. D&G sont, au contraire, parmi les très rares chercheurs qui veulent problématiser Lacan. Comme pouvait le dire Guattari, et cela, très tardivement, bien après l’événement de l’Anti-Œdipe, il y en a qui refusent de nous lire, alors qu’ils n’ont même pas commencé à lire Lacan.
On connaît Logique du sens et Différence et répétition, qui forment (non sans les autres textes de Deleuze, bien sûr,) un préalable à l’entrée de Deleuze dans la problématisation de Lacan, et l’on admet que, sans ces lectures, on rate les bases des quatre livres de D&G : les deux Capitalisme et schizophrénie : l’Anti-Œdipe et Mille Plateaux, le Kafka, et Qu’est-ce que la philosophie ? On donne généralement moins d’importance, sinon aucune, aux deux textes que j’appellerai « fondamentaux » de Guattari, qui sont « D’un signe à l’autre » et « Machine et structure ».
Pourtant, à propos de ces deux textes, Deleuze a écrit, à la fin de « Trois problèmes de groupe » qui est un texte présentant Psychanalyse et transversalité :
« Ce livre doit être pris comme le montage ou l’installation, ici et là, de pièces et rouages d’une machine. Parfois des rouages tout petits, très minutieux, mais en désordre, et d’autant plus indispensables. Machine de désir, c’est-à-dire de guerre et d’analyse. C’est pourquoi l’on peut attacher une importance particulière à deux textes, un texte théorique où le principe même d’une machine se dégage de l’hypothèse de la structure et se détache des liens structuraux (« Machine et structure »), un texte-schizo (« D’un signe à l’autre ») où les notions de « point-signe » et de « signe-tache » se libèrent de l’hypothèse du signifiant. »
Erreur d’en déduire que « se dégager de l’hypothèse de la structure », « se détacher des liens structuraux », « se libérer de l’hypothèse du signifiant », signifieraient abandonner la structure et le signifiant. Pas du tout.
En effet, pour Guattari, problématiser le trait unaire (« un bata- clan à la 6-4-2 ») et s’engager dans la diversité des régimes de signes est une lecture de la séance « historique » du 6 décembre 1961 de Lacan, tout comme problématiser la structure est une lecture de la position de Lacan sur la machine comme « matérialisant le rapport du sujet au signifiant » (séance non moins historique du 8 décembre 1954, à laquelle il faut ajouter la fin du texte des Écrits « Subversion du sujet et dialectique du désir » (septembre 1960), répété dans la séance du 11 janvier 1961 du séminaire sur le Transfert).
Ceci pour en venir à ce fait que si la psychanalyse ne s’engage pas dans ces problématisations, je vais reprendre là aussi le texte de Deleuze présentant Psychanalyse et transversalité, la psychose va rester à l’horizon de la psychanalyse comme la véritable source de son matériel clinique tout en en étant exclue, et la psychiatrie de secteur, avec son quadrillage de quartier et sa triangulation planifiée, risque de nous faire bientôt regretter les asiles fermés d’autrefois.
Pratiquer la psychanalyse avec le signifiant sans le signe, et la structure sans la machine, ramène à l’insidieuse facilité du pernépsy, grâce à laquelle le névrosé se neutralise-normalise avec l’Œdipe, (une pensée « inerte », dit Whitehead, caractérise une idée sous le régime de l’image dogmatique de la pensée), le psychotique va à l’hôpital psychiatrique se détériorer, et le pervers va en prison pour être puni. D’où le choix du film présenté aujourd’hui, un montage, une installation, un vrai film, pas une narration psychomerdo pour faire pleurer dans les chaumières sur les vieux, les fous, les enfants, avec les deux cocos Oscar et César.
La conscience et son binarisme n’a jamais pu entrer dans les systèmes que Freud élaborait, il en restait au « devenir-conscient ». Mais si l’on veut approfondir cette magnifique question des D&G sur les devenir-x, où va-t-on aller ? Ce sont les pervers qui apportent le changement social, comme l’affirment Freud et Barjot. Si on répudie le binarisme, comment penser la sexualité ? le pas-tout- pas-tout ? Il y a une proposition dans Mille Plateaux : « La sexualité est la production de n sexes qui sont autant de devenirs incontrôlables ». Si l’on met les variables elles-mêmes en état de variation continue, on est dans un espace lisse, c’est-à-dire un espace du plus petit écart, un espace de points infiniment voisins, dont les raccordements de voisinages sont indépendants de toute voie déterminée. Le nœud borroméen transformerait-il l’impérial RSI en nomade malgré tous les efforts de Lacan pour le dompter, le fixer, et le rendre apte à supporter la métaphore ?
Mayette Viltard
la Caméra et les signes
Organisé par la revue l’Unebévue
samedi 23 mars à l’Entrepôt, 7 à 9 rue Francis de Pressensé Paris 14ème
matin 9h30 à12h salle de ciné
après-midi 14h à 16h30 à la Galerie verte
Participation aux frais 10 euros / tarif réduit 5 euros

Voir site ELP
La caméra et les signes / Mayette Viltard / Place publique de l'Unebévue / 23 mars / Cinéma l'Entrepôt dans Cinéma 1
Quelques lectures :
Deleuze Logique du sens / Différence et répétition
Deleuze & Guattari Capitalisme et schizophrénie : l’Anti-Œdipe et Mille Plateaux / Kafka / Qu’est-ce que la philosophie ?
Guattari Psychanalyse et transversalité (réed. la Découverte) / D’un signe à l’autre (1961-1966) / Machine et structure (1969) / Trois problèmes de groupe (de Deleuze)
Lacan Séminaire Le Moi, séance du 8 décembre 1954 / L’identification séance du 6 décembre 1961, site elp
Dans les Écrits : « Subversion du sujet et dialectique du désir » (septembre 1960)
et 11 janvier 1961 du séminaire sur le Transfert.
On peut allonger la liste : l’Instance de la lettre dans l’inconscient (1957)
Trois problèmes de groupe sur le Silence qui parle : 1 et 2
2 anti-oedipe dans Dehors




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