On appelle encore, dans les Universités françaises, « équipes d’accueil » ce que bien d’autres nomment « centres de recherche ». C’est une bonne chose, même si souvent on en oublie le sens. L’équipe d’accueil HAR (Histoire des Arts et des Représentations) de Nanterre revendique ce sens : elle souhaite être et demeurer accueillante, et c’est là l’un de ses buts essentiels. Accueillir les idées, les réalisations, les volontés, prêter main forte à ce qui vient et à ceux qui y viennent, pour qu’ils restent et qu’ils s’épanouissent, sans idée de concurrence ou de hiérarchie administrativo-universitaire. Accueillir et, ensemble, tenter de penser. Il y a, dans la recherche une place pour toutes sortes de chercheurs, aussi surprenant que cela paraisse, estampillés ou pas, titulaires ou non, pourvu qu’ils soient exigeants. Nous croyons aussi qu’il est bon de tenter d’être généreux, malgré tout, malgré les politiques publiques relatives à la recherche, aussi globales que dangereuses parce que fondées sur la rivalité de tous. Accueillir certes, mais pas n’importe quel texte : en effet, on est en droit de supposer qu’il est nécessaire, pour être lu, d’avoir cherché quelque chose de nouveau à dire, de nouveau à trouver. Accueillir certes, mais pas n’importe quelles idées sous le prétexte que tout se vaut et que tout se vend, parce qu’il faut rester exigeant et conscient, autrement dit engagé dans ce qu’il convient d’appeler la politique. Car la recherche en sciences humaines est politique, et la recherche en études théâtrales est, nécessairement, politique.
« Théâtre(s) politique(s) » donc. La formule est pléonastique, ou doit l’être, tant le théâtre a pour objet la cité, pour sujet son fonctionnement, et pour dispositif d’en figurer l’organisation, la dynamique, et les questions qu’elles posent. Le théâtre est politique : il se prononce sur la politique. Mieux, il est une/la politique située dans et hors de la cité, une politique à blanc et pourtant performative au sein du lieu où il s’effectue et, de là, il appartient à cette cité qu’il a pour objet de figurer. Ce sont des évidences qu’il est nécessaire d’inscrire régulièrement comme bannière, titre, drapeau, et maintenant revue : « Théâtre(s) politique(s) ».
Mais il faut aussi dépasser les évidences, prendre le théâtre au mot. Politique. Autrement dit soutenir la politique comme champ du théâtre, en dénoter la présence et en faire le sujet de nos travaux. C’est ce que fait le Groupe (GTP) depuis quelques années, avec peu de moyens, sous l’impulsion de quelques-un(e)s — des obstiné(e)s. C’est maintenant ce qu’entreprend la Revue (RTP) dite « numérique », toute entière consacrée à ce champ d’études : le théâtre politique. Et ce que l’un et l’autre — le GTP et, par extension, sa revue — ambitionnent, c’est qu’un travail collectif anime cet espace. Lieu commode, aisément accessible, la revue numérique sera faite de rencontres et d’échanges entre diverses disciplines universitaires — dont les études théâtrales et les arts du spectacle, mais pas seulement — et l’ensemble des milieux artistiques. Dynamiser les réflexions, les solliciter et les encourager en utilisant le support numérique, là sera donc le rôle de cette revue.
Si ce genre de support est encore trop peu reconnu et relativement peu exploité dans les universités, il s’implante de plus en plus nettement dans les centres de recherches et entre peu à peu dans les mœurs des milieux artistiques, car ses avantages pour la recherche sont nombreux : accessibilité élargie, possibilité de varier les formes d’articles — film documentaire, entretien audio, documents (reproduction de pièces, captations de spectacle) peuvent s’ajouter aux analyses et commentaires —, plus grande marge de manœuvre d’un point de vue quantitatif — nombre d’articles, longueur des articles, types de documents, notamment iconographiques — et possibilité d’enrichir, après coup, les numéros — si la recherche est poursuivie, si la parution d’un numéro permet de rencontrer de nouveaux contributeurs, etc. On comprendra donc que la revue Théâtre(s) politique(s), consacrée au théâtre politique dans la diversité de ses conceptions et manifestations, puisse être ainsi, d’abord, le lieu d’un partage.
Pluriel et transversal dans ses approches (dramaturgique, historique, littéraire, philosophique, sociologique, etc.), attaché à l’articulation dynamique de la perspective historique et de la recherche très contemporaine, en dialogue avec les autres arts et médias (arts vidéo, chanson, cinéma, internet, marionnettes, peinture, photographie, télévision, etc.), ouvert aux regards non-universitaires (d’artistes, acteurs de la politique), chaque numéro de cette revue aura pour souci le partage, donc, et l’ouverture, en d’autres termes, une certaine générosité. Comme ce numéro présent, chaque livraison comprendra trois parties (ou rubriques) : un dossier thématique (« Dossier »), des articles indépendants (« Varia »), des comptes rendus de parution, de spectacle, de colloque ou de tout autre événement (« Comptes rendus »). Et pour clairement marquer les intentions, les buts et les thématiques de la revue, on notera qu’elle est inaugurée avec un dossier sur « les représentations de la Commune de Paris ». C’est un dossier de volumineux de 27 articles qui prend pour objets toutes sortes d’œuvres et d’artistes connus – Vallès, Brecht, Adamov, Ernest Pignon-Ernest – et peu connus – Ludger, Birster, Les Lorialets… L’enjeu de ce dossier est double puisqu’ s’agit de rendre compte des représentations théâtrales et artistiques de la Commune, passées et actuelles, de leur offrir une visibilité jusqu’ici peu évidente, mais aussi d’amorcer leur étude en soulevant les questions qu’elles posent, en défrichant leur terrain…
L’équipe d’accueil HAR est donc honorée, et ravie, d’accueillir cette Revue Théâtre(s) Politique(s) en son sein. Une revue politique : partageuse, exigeante, enthousiaste. Une revue dont l’efficacité tiendra à ceux qui la liront tout autant qu’à ceux qui la composent. Une revue nécessairement engagée dans les luttes du Théâtre, de l’Université, de l’Art et de la Cité.
Une vraie revue donc. Pour que ça change.
Au moins un peu.
Christian Biet
Edito du n°1 de la revue Théâtre(s) Politique(s) / mai 2013
http://theatrespolitiques.fr/
http://theatrespolitiques.fr/2013/03/presentation/
Rencontre autour des représentations de la Commune de Paris
Samedi 18 mai 2013 à partir de 14h à la Parole errante
(9, rue François Debergue – 93100 Montreuil – métro Croix de Chavaux – ligne 9)
PROGRAMME
14h : ouverture de l’exposition et présentation de la revue
14h30 : spectacle Morte ou vive… ? Vive la Commune ! de la Compagnie Même si
17h : table ronde sur les représentations de la Commune
19h : lecture d’Armand Gatti
19h30 : banquet communard
Participation libre
Télécharger le programme : representations commune de paris
Photo Carine Boeuf – Compagnie Jolie Môme