Archive pour le Tag 'psychiatrie'

Pour Jean Oury / Paul Machto

Ainsi le voilà parti !
On devait bien s’y attendre, cela allait arriver un jour ou l’autre, avec les quelques alertes au cours des dernières années. Il s’est éteint la nuit dernière à la Borde.
Nous laissant dans la tristesse de la perte.
Jean Oury, ce grand Monsieur aura marqué la psychiatrie française depuis plus de 60 ans, et nous laisse une oeuvre immense et un modèle de praticien, de penseur infatigable.
Lui qui se présentait toujours comme psychiatre, rappelait la parole de François Tosquelles, « La psychothérapie institutionnelle n’existe pas, c’est l’analyse institutionnelle qu’il faut sans cesse mettre au travail », nous rappelant toujours l’importance DU Politique.
Dans le droit fil de l’enseignement de Tosquelles qu’il avait connu comme interne en 1947 à Saint Alban, cet asile au fin fond de la Lozère, au bord de la Limagnole, il rappelait qu’en psychiatrie, il fallait marcher sur deux jambes, la psychanalyse et le marxisme.
De Saint Alban, cet hôpital où pendant les années de l’occupation et de la résistance, François Tosquelles avait jeté les bases de la pratique institutionnelle, rejoint par Lucien Bonnafé, puis Roger Gentis, il était parti après son internat vers le Loir et Cher, à la Clinique de Saumery. Il fallait l’entendre raconter comment il en est parti, en opposition avec le directeur, emmenant les patients dont il s’occupait, pour trouver un petit château et ainsi il a fondé la Clinique de La Borde.
Ce lieu thérapeutique, que Félix Guattari a rejoint en 1955, allait devenir une référence institutionnelle pour toutes celles et ceux qui ne pouvaient concevoir l’accueil de la folie que dans un cadre humain et respectueux, un lieu où la parole et la rencontre sont l’essentiel du soin aux malades mentaux. Mais aussi où les initiatives, autour de la création sont tout autant importantes que les médicaments et la psychothérapie référencée à la psychanalyse. Un lieu où les patients sont engagés dans la vie institutionnelle et le partage des tâches. Bien sûr ce lieu, comme tout lieu institutionnel, fut objet de critiques, de débats. Il n’en reste pas moins un lieu de résistance à l’entreprise normative des soins en psychiatrie.
Jean Oury déployait son enseignement, ou plutôt devrai-je dire sa parole, son discours dans de multiples rencontres, journées, colloques, mais aussi dans le cadre de son séminaire à Sainte Anne, qu’il a tenu tous les mercredis jusqu’à tout récemment encore.
Il savait ce que l’engagement voulait dire. Il nous l’a montré. Au cours des dernières années, il avait apporté son soutien au Collectif des 39, indigné, révolté après le discours indigne de Nicolas Sarkozy en décembre 2008, qui désignait les schizophrènes comme potentiellement criminels. Il était intervenu dès le premier meeting des 39 à Montreuil en février 2009, soutenant toutes les initiatives du collectif, prenant à nouveau la parole à la tribune lors des Assises citoyennes pour la psychiatrie et le médico- social organisées en juin 2013 à Villejuif par les 39 et les C.E.M.E.A ( Centre d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active).
Il m’a appris la simplicité de la parole, donnant le sentiment rare à son auditoire que nous pouvions être intelligent en l’écoutant ! Chose rare et essentielle. Il maniait si bien toutes les références philosophiques, psychiatriques et psychanalytiques, que c’était un vrai régal de l’écouter. Une belle et grande érudition énoncée, si tranquillement !
L’écouter donnait envie d’élargir le champ de la connaissance, pas du Savoir. LE Savoir il le laissait à d’autres qui comme la confiture aiment bien en étaler des tartines …
La transmission avec lui coulait de source, et même s’il s’emportait parfois contre les technocrates certificateurs c’était toujours avec humour et malice.
Oui il avait un côté malicieux que j’aimais beaucoup. Sa façon de dire « avec toutes leurs conneries… » !
Et sa grande humanité :
« Mais un sourire d’un schizophrène, comment vous l’évaluez ? »

Il est triste et révoltant de voir combien la gauche au pouvoir, et notamment le Ministère de la Santé n’a pas su « profiter » de cette grande figure de l’histoire de la psychiatrie française, l’écouter parler de son expérience, tenir compte de ses avis pour mettre en œuvre des réformes de l’outil de soins si délabré et dramatiquement dévoyé par une dérive des pratiques et une déshumanisation.
Si je devais garder une seule chose de ce qu’il m’a transmis, qui me revient régulièrement dans ma pratique, lors des séances, et que j’aime transmettre aux patients, c’est la découverte du poème d’Antonio Machado :
« No hay camino, hay caminar ! » Le chemin se fait en marchant !
Il va bien sûr nous manquer, mais il nous laisse tant à lire et relire, travailler et penser, qu’il demeure avec nous.
Je suis heureux et riche de l’avoir rencontré.
Il fait partie des rencontres qui comptent dans une vie, après Bonnafé, Tosquelles, Castel et quelques autres …
La rencontre, un autre de ses mots essentiels, avec le sourire.
Paul Machto
Publié sur Mediapart le 18 mai 2014

http://www.mediapart.fr/content/un-monde-sans-fou-entretien-avec-jean-oury
Le film : La Borde, ou le droit à la folie d’Igor Barrère, émission de février 1977 : http://www.ina.fr/ video/CPA77052152
Quelques rapides références bibliographiques :
Un monde de fous / Patrick Coupechoux
À quelle heure passe le train /  Jean Oury – Marie Depussé
Il, donc / Jean Oury – entretiens avec Pierre Babin
et bien sûr ses séminaires de Sainte Anne, entre autres « le Collectif », « Création et schizophrénie », « L’aliénation », « La décision »

Télécharger le texte en pdf : fichier pdf 2014-05-16 Mdprt PM Pour Jean Oury

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La petite Borde / Emmanuelle Guattari

Les enfants de La Borde
Nous nous déplacions comme une nuée de passereaux, dans une nébuleuse hardie et bavarde.
Nous allions au château.
Nous traversions le Grand Salon, enfilions la Salle à manger vers la Cuisine (ou en sens inverse) dans de grandes effiloches d’enfants. Nous allions voir René, le cuisinier (mon oncle) ; nous lui demandions toujours quelque chose.
On demandait à aider pour porter les grosses poubelles, celles avec les restes que l’on triait à la fin des repas et les épluchures (et parfois, par hasard, d’autres choses) aux cochons. ils avaient de terribles petits yeux bleus. Ils mangeaient les mains qui traînaient et écrasaient leurs petits dans la bousculade qui poussaient des cris suraigus.
Quand un pensionnaire ne l’avait pas encore fait, on portait le seau de pain dur trempé aux canards de la Mare.
On allait pêcher de la friture aux étangs.
Nous glissions les plus minces par les soupiraux du Château sous la cuisine, pour remonter de la Cave les boîtes collectivité de fruits au sirop (prunes ou oreillons d’abricots) ou celle de crème de marron et nous allions nous cacher.
il y avait le cimetière de voitures, au parking à l’entrée de la Clinique, sur le chemin du Poulailler. Quand il pleuvait, on s’installait sur les banquettes et on conduisait tout l’après-midi les volants crantés et les boîtes de vitesse des vieilles Tractions noires, des 403 et des Dauphines, des DS. Ça sentait le moisi et l’huile de vidange.
À l’automne, au moment des batailles de marrons, nous prenions les couvercles des poubelles en métal pour faire des boucliers. Nous faisions de grandes batailles rangées avec des cocards et des larmes ; nous ne remettions pas toujours les couvercles.
Nous fumions en cachette les mégots que ne finissaient pas les Pensionnaires.
Nous allions au Poulailler gober les œufs, foulant la paille que nous avions escaladée.
Nous avions le droit d’aller dans les ateliers. Nous faisions de la poterie à la grande Serre ; de la couture avec Lala, quand elle installait une table dehors, sous le grand Cèdre près de la Chapelle. Nous faisions des guirlandes pour les fêtes ; nous allions à l’atelier Théâtre.
Nous allions voir nos parents, à l’Infirmerie du Château ou du Parc, ou à la Vaisselle.
Nous allions dire bonjour aux pensionnaires ; certains donnaient parfois des pièces de 1 franc pour aller boire un verre de soda au Bar ou acheter des bonbons.
On nous costumait pour les Kermesses. Nous allions jouer dans les kiosques et les cabanes vides qui avaient été construites et qui restaient ensuite.
À Noël, il y avait un grand sapin dans le Grand Salon et les enfants assis du personnel recevaient un cadeau.
On allait voir l’âne, Tintin, près de la scierie. C’est comme ça qu’on s’est approchés de la fosse.
Emmanuelle Guattari
La petite Borde / 2012

© Mercure de France, 2012

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Revue Recherches : en ligne

L’histoire des Editions Recherches commence en 1965 par la création de la revue Recherches. Regroupé autour du philosophe et psychanalyste Félix Guattari, un courant intellectuel et politique minoritaire, transversal aux courants communiste, anarchiste, socialiste, affirme poursuivre dans le quotidien l’engagement pris dans les luttes d’indépendance nationale. Il s’agit de construire une alternative multiple à l’enfermement de la folie par les institutions psychiatrique, scolaire, policière, judiciaire… Ce réseau militant cherche à élargir la brèche ouverte par la psychothérapie institutionnelle aux lendemains de la seconde guerre mondiale. Il travaille par groupes affinitaires et thématiques. La revue Recherches est l’organe de la Fédération des groupes d’études et de recherches institutionnelles (FGERI).
Mais comment trouver les moyens matériels et financiers d’étendre le réseau au-delà des bonnes volontés individuelles ? Des experts en santé publique, qui ont participé au numéro 6, Architecture, programmation et psychiatrie, conseillent de créer un bureau d’études, qui vendra aux institutions des idées susceptibles de les aider à se réformer. Le CERFI (Centre d’études, de recherches et de formation institutionnelles) est fondé en 1967. L’année 1968, les membres du CERFI participent au Mouvement du 22 Mars.
Dès 1969, le CERFI se développe comme collectif de travail autogéré et ouvert. Des contrats sont trouvés par relations. Et, ô miracle, le Ministère de l’Equipement trouve dans le numéro 6 des idées pour son projet de villes nouvelles. Il s’ensuit une période contractuelle un peu euphorique dans laquelle désirs des membres du CERFI et attentes des jurys d’appels d’offres s’enlacent dans la production de recherches originales. La revue publie les rapports comme autant de livres collectifs. Se constitue pour chaque numéro un groupe de travail hétérogène qui rebondit de là vers de nouvelles aventures.
Fort de son succès, le CERFI se disperse selon diverses pistes. Introduire inlassablement de la folie dans la place pour y maintenir sa ligne de fuite conduit à des dérives, inacceptables pour certains, mais aussi à des fulgurances sidérantes et admirées, tel le numéro 12 Trois milliards de pervers, interdit pour cause d’obscénité, et rédigé avec le Front homosexuel d’action révolutionnaire.
Jouer sur la scène des sciences humaines demande au contraire de la rigueur, du labeur, de la dignité, nouvelles valeurs qui prennent leur essor avec l’élection à la présidence de la République de Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Fini de rire, de créer, de batifoler. Le cartel des groupes du CERFI tire ses dernières cartouches jusqu’aux années 1980. Mais déjà le cœur n’y est plus. Critiqué dans ses engagements par certains membres du CERFI, Félix Guattari, qui travaille et crée avec Gilles Deleuze, prend de la distance et fonde avec Mony Elkaïm le réseau Alternatives à la psychiatrie, que prolongera la revue Chimères.
Surtout l’argent ne suit plus, il est redirigé par l’Etat vers l’horizon néo-libéral et l’individualisme compétitif. Les membres du CERFI, négocient des insertions sociales diverses, selon les passions des uns et des autres. La revue se transforme en collection de livres, les groupes de travail en auteurs. La passion éditrice de Florence Pétry, secrétaire de rédaction de la revue, perdure dans les Editions Recherches qui naissent de cette transformation. De nouvelles coopérations se nouent, ponctuelles ou durables. La recherche urbaine insiste, architecturale, sociale, esthétique. Et du tronc des éditions Recherches se détache une maison d’édition littéraire et poétique, La Chambre d’échos, animée par Florence Pétry et ses amis.
Anne Querrien
secrétaire générale du Cerfi
http://www.editions-recherches.com/revue3.php
http://www.editions-recherches.com/
http://www.lachambredechos.com/
Revue Recherches : en ligne dans Anarchies yayoi-kusama-leaves-1954.-tate-modern-retrospective

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