Le petit moment qu’il a fallu à l’autobus pour remonter la colline m’a permis de penser un peu à mon feuilleton policier à Babylone. Je me suis installé confortablement et Babylone m’a envahi l’esprit, comme du sirop d’érable chaud qu’on verse sur des crêpes brûlantes.
… Hmmmmmmmmmmm, c’est bon.
… Hmmmmmmmmmmm, Babylone. Il me fallait un titre pour mon feuilleton.
Comment l’intituler ?
Voyons voir.
Alors j’ai réfléchi aux titres de feuilletons que j’avais vus ces dernières années. Je suis vraiment un passionné de cinéma.
Mandrake le Magicien
Quand rôde le Fantôme
Les Aventures du capitaine Marvel
Le Mystérieux Dr Satan
L’Ombre
Les Tambours de Fu Manchu
et La Griffe de Fer.
Ces titres-là étaient tous bien et pour mon feuilleton il fallait que j’en trouve un qui les vaille. Pendant que le bus montait vers Nob Hill, s’arrêtait à tous les arrêts, laissait monter et descendre des voyageurs, j’ai passé en revue cent titres dans ma tête. Les meilleurs que j’ai trouvés c’était :
L’Horreur du Dr Abdul Forsythe
Les Aventures d’un privé à Babylone
Quand rôdent les Ombres-Robots.
Pas de doute : ça allait être marrant. J’avais le choix entre des quantités de possibilités ; mais il fallait que je fasse attention à ne pas me laisser emballer. Même en essayant de bien maîtriser ma Babylone, j’ai laissé passer deux arrêts après ma station et il a fallu que je refasse le trajet à pied dans l’autre sens.
Il fallait que je me surveille de très près, surtout dans la mesure où j’avais un client, pour ne pas me laisser de nouveau déborder par Babylone.
Richard Brautigan
Un privé à Babylone / 1977
« Nous avons tous une place dans l’histoire. La mienne, c’est les nuages. »