Archive pour le Tag 'Nietzsche'

Page 2 sur 8

Le devenir révolutionnaire et les créations politiques / Gilles Deleuze / Entretien avec Toni Negri

Dans votre vie intellectuelle le problème du politique semble avoir été toujours présent. D’un côté, la participation aux mouvements (prisons, homosexuels, autonomie italienne, Palestiniens), de l’autre, la problématisation constante des institutions se suivent et s’entremêlent dans votre œuvre, depuis le livre sur Hume jusqu’à celui sur Foucault. D’où naît cette approche continue à la question du politique et comment réussit-elle à se maintenir toujours là, au fil de votre œuvre ? Pourquoi le rapport mouvement-institutions est-il toujours problématique ?

Ce qui m’intéressait, c’étaient les créations collectives plutôt que les représentations. Dans les « institutions », il y a tout un mouvement qui se distingue à la fois des lois, et des contrats. Ce que je trouvais chez Hume, c’était une conception très créatrice de l’institution et du Droit. Au début je m’intéressais plus au Droit qu’à la politique. Ce qui me plaisait même chez Masoch et Sade, c’était leur conception tout à fait tordue du contrat selon Masoch, de l’institution selon Sade, rapportés à la sexualité. Aujourd’hui encore, le travail de François Ewald pour restaurer une philosophie du Droit me semble essentiel. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas la loi ni les lois (l’une est une notion vide, les autres, des notions complaisantes), ni même le Droit ou les droits, c’est la jurisprudence. C’est la jurisprudence qui est vraiment créatrice de droit : il faudrait qu’elle ne reste pas confiée aux juges. On songe déjà à établir le droit de la biologie moderne : mais tout, dans la biologie moderne et les nouvelles situations qu’elle crée, les nouveaux événements qu’elle rend possibles, est affaire de jurisprudence. Ce n’est pas un comité des sages, moral et pseudo-compétent, dont on a besoin, mais de groupes d’usagers. C’est là qu’on passe du droit à la politique. Une sorte de passage à la politique, je l’ai fait pour mon compte, avec mai 68, à mesure que je prenais contact avec des problèmes précis, grâce à Guattari, grâce à Foucault, grâce à Elie Sambar. L’Anti-Œdipe fut tout entier un livre de philosophie politique.

Vous avez ressenti les événements de 68 comme étant le triomphe de l’Intempestif, la réalisation de la contreeffectuation. Déjà dans les années avant 68, dans le travail sur Nietzsche, de même qu’un peu plus tard, dans Sacher Masoch, le politique est reconquis chez vous comme possibilité, événement, singularité. Il y a des courts-circuits qui ouvrent le présent sur le futur. Et qui modifient, donc, les institutions mêmes ? Mais après 68, votre évaluation semble se nuancer : la pensée nomade se présente toujours, dans le temps, sous la forme de la contre-effectuation instantanée ; dans l’espace, seulement un « devenir minoritaire est universel ». Mais qu’est-ce donc que cette universalité de l’intempestif ?

C’est que, de plus en plus, j’ai été sensible à une distinction possible entre le devenir et l’histoire. C’est Nietzsche qui disait que rien d’important ne se fait sans une « nuée non-historique ». Ce n’est pas une opposition entre l’éternel et l’historique, ni entre la contemplation et l’action : Nietzsche parle de ce qui se fait, de l’événement même ou du devenir. Ce que l’histoire saisit de l’événement, c’est son effectuation dans des états de choses, mais l’événement dans son devenir échappe à l’histoire. L’histoire n’est pas l’expérimentation, elle est seulement l’ensemble des conditions presque négatives qui rendent possible l’expérimentation de quelque chose qui échappe à l’histoire. Sans l’histoire l’expérimentation resterait indéterminée, inconditionnée, mais l’expérimentation n’est pas historique. Dans un grand livre de philosophie, Clio, Péguy expliquait qu’il y a deux manières de considérer l’événement, l’une qui consiste à passer le long de l’événement, à en recueillir l’effectuation dans l’histoire, le conditionnement et le pourrissement dans l’histoire, mais l’autre à remonter l’événement, à s’installer en lui comme dans un devenir, à rajeunir et à vieillir en lui tout à la fois, à passer par toutes ses composantes ou singularités. Le devenir n’est pas de l’histoire ; l’histoire désigne seulement l’ensemble des conditions si récentes soient-elles, dont on se détourne pour « devenir », c’est-à-dire pour créer quelque chose de nouveau. C’est exactement ce que Nietzsche appelle l’Intempestif. Mai 68 a été la manifestation, l’irruption d’un devenir à l’état pur. Aujourd’hui la mode est de dénoncer les horreurs de la révolution. Ce n’est même pas nouveau, tout le romantisme anglais est plein d’une réflexion sur Cromwell très analogue à celle sur Staline aujourd’hui. On dit que les révolutions ont un mauvais avenir. Mais on ne cesse pas de mélanger deux choses, l’avenir des révolutions dans l’histoire et le devenir-révolutionnaire des gens. Ce ne sont même pas les mêmes gens dans les deux cas. La seule chance des hommes est dans le devenir révolutionnaire, qui peut seul conjurer la honte, ou répondre à l’intolérable.

Il me semble que Mille Plateaux, que je considère comme l’une des grandes œuvres philosophiques de ce siècle, est aussi un catalogue de problèmes irrésolus, surtout dans le domaine de la philosophie politique. Les couples conflictuels processus-projet, singularité-sujet, composition-organisation, lignes de fuite, dispositifs et stratégies, micro-macro, etc. – tout cela, non seulement reste toujours ouvert mais est sans cesse rouvert, avec une volonté théorique inouïe et avec une violence qui rappelle le ton des hérésies. Je n’ai rien contre une telle subversion, bien au contraire… Mais quelquefois il me semble entendre une note tragique, là où on ne sait pas où amène la « machine de guerre ».

Je suis touché de ce que vous me dites. Je crois que Félix Guattari et moi, nous sommes restés marxistes, de deux manières différentes peut-être, mais tous les deux. C’est que nous ne croyons pas à une philosophie politique qui ne serait pas centrée sur l’analyse du capitalisme et de ses développements. Ce qui nous intéresse le plus chez Marx, c’est l’analyse du capitalisme comme système immanent qui ne cesse de repousser ses propres limites, et qui les retrouve toujours à une échelle agrandie, parce que la limite, c’est le Capital lui-même. Mille Plateaux indique beaucoup de directions dont voici les trois principales : d’abord une société nous semble se définir moins par ses contradictions que par ses lignes de fuite, elle fuit de partout, et c’est très intéressant d’essayer de suivre à tel ou tel moment les lignes de fuite qui se dessinent. Soit l’exemple de l’Europe aujourd’hui : les hommes politiques occidentaux se sont donné beaucoup de mal pour la faire, les technocrates, beaucoup de mal pour uniformiser régimes et règlements, mais d’une part ce qui risque de surprendre, c’est les explosions qui peuvent se faire chez les jeunes, chez les femmes, en fonction du simple élargissement des limites (cela n’est pas « technocratisable »), et d’autre part c’est assez gai de se dire que cette Europe est déjà complètement dépassée avant d’avoir commencé, dépassée par les mouvements qui viennent de l’Est. Ce sont de sérieuses lignes de fuite. Il y a une autre direction dans Mille Plateaux, qui ne consiste plus seulement à considérer les lignes de fuite plutôt que les contradictions, mais les minorités plutôt que les classes. Enfin une troisième direction, qui consiste à chercher un statut des « Machines de guerre », qui ne se définiraient pas du tout par la guerre, mais par une certaine manière d’occuper, de remplir l’espace-temps, ou d’inventer de nouveaux espaces-temps : les mouvements révolutionnaires (on ne considère pas suffisamment par exemple comment l’OLP a dû inventer un espace-temps dans le monde arabe), mais aussi les mouvements d’art sont de telles machines de guerre.
Vous dites que tout cela n’est pas sans une tonalité tragique, ou mélancolique. Je crois voir pourquoi. J’ai été très frappé par toutes les pages de Primo Levi où il explique que les camps nazis ont introduit en nous « la honte d’être un homme ». Non pas, dit-il, que nous soyons tous responsables du nazisme, comme on voudrait nous le faire croire, mais nous avons été souillés par lui : même les survivants des camps ont dû passer des compromis, ne serait-ce que pour survivre. Honte qu’il y ait eu des hommes pour être nazis, honte de n’avoir pas pu ni su l’empêcher, honte d’avoir passé des compromis, c’est tout ce que Primo Levi appelle la « zone grise ». Et la honte d’être un homme, il arrive aussi que nous l’éprouvions dans des circonstances simplement dérisoires : devant une trop grande vulgarité de penser, devant une émission de variétés, devant le discours d’un ministre, devant des propos de bons-vivants. C’est un des motifs les plus puissants de la philosophie, ce qui en fait forcément une philosophie politique. Dans le capitalisme, il n’y a qu’une chose qui soit universelle, c’est le marché. Il n’y a pas d’État universel, justement parce qu’il y a un marché universel dont les États sont des foyers, des Bourses. Or il n’est plus universalisant, homogénéisant, c’est une fantastique fabrication de richesse et de misère. Il n’y a pas d’État démocratique qui ne soit compromis jusqu’au cœur dans cette fabrication de la misère humaine. La honte, c’est que nous n’ayons aucun moyen sûr pour préserver, et à plus forte raison faire lever les devenirs, y compris en nous-mêmes. Comment un groupe tournera, comment il retombera dans l’histoire, c’est ce qui impose un perpétuel « souci ». Nous ne disposons plus d’une image du prolétaire duquel il suffirait de prendre conscience.

Comment le devenir minoritaire peut-il être puissant ? Comment la résistance peut-elle devenir une insurrection ? En vous lisant, je suis toujours dans le doute à propos des réponses à donner à de telles questions, même si, dans vos œuvres, je trouve toujours l’impulsion qui m’oblige à reformuler théoriquement et pratiquement de telles questions. Et pourtant, quand je lis vos pages sur l’imagination ou les notions communes chez Spinoza, ou quand je suis dans l’Image-Temps votre description sur la composition du cinéma révolutionnaire dans les pays du tiers monde, et que je saisis avec vous le passage de l’image à la fabulation, à la praxis politique, j’ai presque l’impression d’avoir trouvé une réponse… Ou est-ce que je me trompe ? Existe-t-il donc un mode pour que la résistance des opprimés puisse devenir efficace et l’intolérable définitivement effacé ? Existe-t-il un mode pour que la masse de singularités et d’atomes que nous sommes tous puisse se présenter comme pouvoir constituant, ou au contraire, devons-nous accepter le paradoxe juridique d’après lequel le pouvoir constituant ne peut être défini que par le pouvoir constitué ?

femen2

Les minorités et les majorités ne se distinguent pas par le nombre. Une minorité peut être plus nombreuse qu’une majorité. Ce qui définit la majorité, c’est un modèle auquel il faut être conforme : par exemple l’Européen moyen adulte mâle habitant des villes… Tandis qu’une minorité n’a pas de modèle, c’est un devenir, un processus. On peut dire que la majorité, ce n’est Personne. Tout le monde, sous un aspect ou un autre, est pris dans un devenir minoritaire qui l’entraînerait dans des voies inconnues s’il se décidait à le suivre. Quand une minorité se crée des modèles, c’est parce qu’elle veut devenir majoritaire, et c’est sans doute inévitable pour sa survie ou son salut (par exemple avoir un État, être reconnue, imposer ses droits). Mais sa puissance vient de ce qu’elle a su créer, et qui passera plus ou moins dans le modèle, sans en dépendre. Le peuple, c’est toujours une minorité créatrice, et qui le reste, même quand elle conquiert une majorité : les deux choses peuvent coexister parce qu’elles ne se vivent pas sur le même plan. Les plus grands artistes (pas du tout des artistes populistes) font appel à un peuple, et constatent que « le peuple manque » : Mallarmé, Rimbaud, Klee, Berg. Au cinéma, les Straub. L’artiste ne peut que faire appel à un peuple, il en a besoin au plus profond de son entreprise, il n’a pas à le créer et ne le peut pas. L’art, c’est ce qui résiste : il résiste à la mort, à la servitude, à l’infamie, à la honte. Mais le peuple ne peut pas s’occuper d’art. Comment un peuple se crée, dans quelles souffrances abominables ? Quand un peuple se crée, c’est par ses moyens propres, mais de manière à rejoindre quelque chose de l’art (Garel dit que le musée du Louvre, lui aussi, contient une somme de souffrance abominable), ou de manière à ce que l’art rejoigne ce qui lui manquait. L’utopie n’est pas un bon concept : il y a plutôt une « fabulation » commune au peuple et à l’art. Il faudrait reprendre la notion bergsonnienne de fabulation pour lui donner un sens politique.

Dans votre livre sur Foucault et puis aussi dans l’interview télévisuelle à l’INA, vous proposez d’approfondir l’étude de trois pratiques du pouvoir – le Souverain, le Disciplinaire – et surtout celui du Contrôle sur la « communication » qui aujourd’hui est en train de devenir hégémonique. D’un côté ce dernier scénario renvoie à la plus haute perfection de la domination qui touche aussi la parole et l’imagination, mais de l’autre, jamais autant qu’aujourd’hui, tous les hommes, toutes les minorités, toutes les singularités sont potentiellement capables de reprendre la parole, et avec elle, un plus haut degré de liberté. Dans l’utopie marxienne des « Gründrisse », le communisme se configure justement comme une organisation transversale d’individus libres, sur une base technique qui en garantit les conditions. Le communisme est-il encore pensable ? Dans la société de la communication, peut-être est-il moins utopique qu’hier ?

C’est certain que nous entrons dans des sociétés de « contrôle », qui ne sont plus exactement disciplinaires. Foucault est souvent considéré comme le penseur des sociétés de discipline, et de leur technique principale, l’enfermement (pas seulement l’hôpital et la prison, mais l’école, l’usine, la caserne). Mais en fait, il est l’un des premiers à dire que les sociétés disciplinaires, c’est ce que nous sommes en train de quitter, ce que nous ne sommes déjà plus. Nous entrons dans des sociétés de contrôle, qui fonctionnent non plus par enfermement, mais par contrôle continu et communication instantanée. Bien sûr on ne cesse de parler de prison, d’école, d’hôpital : ces institutions sont en crise. Mais si elles sont en crise, c’est précisément dans des combats d’arrière-garde. Ce qui se met en place, à tâtons, ce sont de nouveaux types de sanctions, d’éducation, de soin. Les hôpitaux ouverts, les équipes soignantes à domicile, etc., sont déjà apparus depuis longtemps. On peut prévoir que l’éducation sera de moins en moins un milieu clos, se distinguant du milieu professionnel comme autre milieu clos, mais que tous les deux disparaîtront au profit d’une terrible formation permanente, d’un contrôle continu s’exerçant sur l’ouvrier-lycéen ou le cadre universitaire. On essaie de nous faire croire à une réforme de l’école, alors que c’est une liquidation. Dans un régime de contrôle, on n’en a jamais fini avec rien. Vous-même, il y a longtemps que vous avez analysé une mutation du travail en Italie, avec des formes de travail intérimaire, à domicile, qui se sont confirmées depuis (et de nouvelles formes de circulation et de distribution des produits). A chaque type de société, évidemment, on peut faire correspondre un type de machine les machines simples ou dynamiques pour les sociétés de souveraineté, les machines énergétiques pour les disciplines, les cybernétiques et les ordinateurs pour les sociétés de contrôle. Mais les machines n’expliquent rien, il faut analyser les agencements collectifs dont les machines ne sont qu’une partie. Face aux formes prochaines de contrôle incessant en milieu ouvert, il se peut que les plus durs enfermements nous paraissent appartenir à un passé délicieux et bienveillant. La recherche des « universaux de la communication » a de quoi nous faire trembler. Il est vrai que, avant même que les sociétés de contrôle se soient réellement organisées, les formes de délinquance ou de résistance (deux cas distincts) apparaissent aussi. Par exemple les piratages ou les virus d’ordinateurs, qui remplaceront les grèves et ce qu’on appelait au XIXe siècle « sabotage » (le sabot dans la machine). Vous demandez si les sociétés de contrôle ou de communication ne susciteront pas des formes de résistance capables de redonner des chances à un communisme conçu comme « organisation transversale d’individus libres ». Je ne sais pas, peut-être. Mais ce ne serait pas dans la mesure où les minorités pourraient reprendre la parole. Peut-être la parole, la communication est-elle pourrie. Elles sont entièrement pénétrées par l’argent : non par accident, mais par nature. Il faut un détournement de la parole. Créer a toujours été autre chose que communiquer. L’important, ce sera peut-être de créer des vacuoles de non-communication, des interrupteurs, pour échapper au contrôle.

Dans Foucault et dans Le Pli, il semble que les processus de subjectivation soient observés avec davantage d’attention que dans certaines de vos autres œuvres. Le sujet est la limite d’un mouvement continu entre un dedans et un dehors. Quelles conséquences politiques cette conception du sujet a-t-elle ? Si le sujet ne peut pas être résolu dans l’extériorité de la citoyenneté, peut-il instaurer celle-ci dans la puissance et la vie ? Peut-il rendre possible une nouvelle pragmatique militante, à la fois « pietas » pour le monde et construction très radicale ? Quelle politique pour prolonger dans l’histoire la splendeur de l’événement et de la subjectivité ? Comment penser une communauté sans fondement mais puissante, sans totalité, mais, comme chez Spinoza, absolue ?

On peut en effet parler de processus de subjectivation quand on considère les diverses manières dont les individus ou des collectivités se constituent comme sujets : de tels processus ne valent que dans la mesure où, quand ils se font, ils échappent à la fois aux savoirs constitués et aux pouvoirs dominants. Même si par la suite ils engendrent de nouveaux pouvoirs ou repassent dans de nouveaux savoirs. Mais, sur le moment, ils ont bien une spontanéité rebelle. Il n’y a là nul retour au « sujet », c’est-à-dire à une instance douée de devoirs, de pouvoir et de savoir. Plutôt que processus de subjectivation, on pourrait parler aussi bien de nouveaux types d’événement : des événements qui ne s’expliquent pas par les états de choses qui les suscitent, ou dans lesquels ils retombent. Ils se lèvent un instant, et c’est ce moment-là qui est important, c’est la chance qu’il faut saisir. Ou bien on pourrait parler simplement de cerveau : c’est le cerveau qui est exactement cette limite d’un mouvement continu réversible entre un dedans et un dehors, cette membrane entre les deux. De nouveaux frayages cérébraux, de nouvelles manières de penser ne s’expliquent pas par la micro-chirurgie, c’est au contraire la science qui doit s’efforcer de découvrir ce qu’il peut bien y avoir eu dans le cerveau pour qu’on se mette à penser de telle ou telle manière. Subjectivation, événement ou cerveau, il me semble que c’est un peu la même chose. Croire au monde, c’est ce qui nous manque le plus ; nous avons tout à fait perdu le monde, on nous en a dépossédé. Croire au monde, c’est aussi bien susciter des événements même petits qui échappent au contrôle, ou faire naître de nouveaux espaces-temps, même de surface ou de volume réduits. C’est ce que vous appelez « pietas ». C’est au niveau de chaque tentative que se jugent la capacité de résistance, ou au contraire la soumission à un contrôle. Il faut à la fois création et peuple.
Gilles Deleuze
Le devenir révolutionnaire et les créations politiques / non daté
Entretien avec Toni Negri / Publié dans Multitudes

À paraître en octobre 2014 : Chimères n°83 – Devenirs révolutionnaires

À lire également sur le Silence qui parle :
Contrôle et devenir / Gilles Deleuze / Entretien avec Toni Negri
Pensée nomade (sur Nietzsche)
Mai 68 n’a pas eu lieu (avec Félix Guattari)
Les paradoxes des devenirs (René Schérer)
À voir et écouter :
G comme Gauche (Abécédaire)

femen1

Gilles Deleuze, Félix Guattari et Gilles Châtelet – De l’expérience diagrammatique / Joachim Dupuis

En 2004, la revue TLE (1) pointait dans la pensée de Gilles Deleuze et Gilles Châtelet un usage notable de la notion de diagramme (sans parler toutefois de Félix Guattari avec qui Deleuze a écrit quatre livres majeurs). Mais depuis le thème semble être tombé dans l’oubli.
Il y a peut-être deux raisons à cela.
La première tient à l’image que nous nous faisons de la pensée de Deleuze et Guattari qui ont donné de la philosophie une approche qui rompt tellement avec les habitudes de pensée traditionnelles que nous croyons qu’ils se sont détachés de toute l’histoire de la philosophie et qu’ils ne visent pas à replacer leurs pensées dans une tradition. C’est ce que confirme d’ailleurs un entretien consacré à Guattari (2). Des journalistes, pourtant philosophes de formation, lui reprochent le fait que la pensée du rhizome semblerait couper tout ancrage avec la tradition, puisqu’il refuse dans Mille Plateaux l’idée d’arbre (donc d’un ancrage dans une histoire). C’est une critique évidemment superficielle. Guattari et Deleuze (comme Gilles Châtelet d’ailleurs) n’ont pas rompu avec la tradition, ou les traditions philosophiques ou psychanalytiques. Ils les vivent simplement autrement : ils les « pensent » sous forme d’expériences, d’expérimentations.
En fait, ce que Deleuze, Guattari, Châtelet nomment « diagramme » n’est pas quelque chose de résolument nouveau. Il y a, pour chacun, toute une tradition derrière : chez Châtelet, le diagramme relève, comme dessin scientifique, de toute une tradition scientifique, seulement cette tradition est lue, pensée par rapport à la tradition romantique allemande (notamment le Schelling « scientifique ») ; et chez Deleuze, c’est à la tradition kantienne du sublime et à la tradition vitaliste, de Nietzsche à Bergson, via Simondon, qu’il faut se référer ; quant à Guattari qui fut sans doute le plus subtil des disciples de Lacan, par l’acuité de ses idées, il semble trouver dans les psychanalyses et la linguistique sociologique et pragmatique sa matière de réflexion.
Ce que les « traditions » oublient c’est qu’on doit se sentir impliqué par ce que nous pensons ; de même nous ne pensons pas sans que quelque chose nous force à penser. Autant il est facile de penser une expérience de pensée venant de la science, autant la pensée chez le philosophe semble avoir gardé la rigidité du « logos », au point qu’elle y semble impensable. Si Einstein fait l’expérience de la relativité avec des images comme l’ascenseur ou le train, nous semblons prendre cela comme naturel, mais dès que l’on se situe sur le plan de la philosophie, c’est comme si cela devenait absurde. Les philosophes, surtout l’historien traditionnel de la philosophie, ne semblent pas « comprendre » de quoi il parle. Pour lui la philosophie n’a rien qui doive faire vibrer puisqu’il la place du côté de la raison, d’une sorte d’une pensée coupée de tout milieu, de tout surgissement.
La seconde raison est liée à la difficulté de penser le diagramme comme une expérience, surtout quand il s’agit de considérer un diagramme au sens scientifique. La difficulté tient précisément à l’idée qu’on se fait habituellement du mot : le fait par exemple que nous pensions le diagramme scientifique comme schéma utile pour clarifier un certain nombre d’opérations de calcul le réduit à la fonction d’outil. Parler d’expérience diagrammatique, au contraire, c’est une façon de rompre, de court-circuiter le sens originel et de proposer une autre manière de penser avec lui. On dira – pour bien faire la différence – que le diagramme doit être habité, selon l’expression de Philippe Roy, plus qu’il n’est l’objet d’une habitude, donc d’un usage.
Au premier abord, il est vrai, parler d’expérience diagrammatique semble, selon l’usage traditionnel des mots, contradictoire. Le diagramme, au sens traditionnel d’un schéma, d’un graphique rend compte d’une expérience scientifique (en servant d’illustration) plutôt qu’il n’est lui-même une expérience, même lorsqu’on songe à l’étude des diagrammes dans un cadre épistémologique, comme Kaiser (3) l’a fait par exemple remarquablement avec son étude sur les diagrammes de Feynman, où on suit l’évolution des diagrammes du physicien après la seconde guerre mondiale. Mais les diagrammes ne modifient en rien la pensée des penseurs, l’analyse suggère seulement des simplifications, la recherche d’une sorte d’optimum des possibilités qu’offre tel ou tel dessin pour représenter une analyse algébrique.
Sans doute l’idée de faire l’expérience d’un diagramme semble prendre plus de sens avec la linguistique. Chez Peirce, le diagramme est un signe, un sous-signe relevant de la catégorie « icône », qui désigne tout signe qui « représente son objet principalement par sa similarité, quel que soit son mode d’être ». Dans ce cadre, le diagramme est à la limite, signe et outil, puisque faisant partie de la catégorie des signes iconiques – par exemple, la carte de France est le diagramme de la France -, il peut d’ailleurs être représenté comme un ensemble (schéma logique). On ne conçoit alors l’expérience que comme une intuition, une saisie visuelle de rapports.
Ce qui est commun à ces usages, qu’ils soient scientifiques, épistémologiques, ou pragmatiques, c’est que le diagramme est toujours vu comme un dessin, un certain tracé, une esquisse de quelque chose, qui n’est pas forcément réelle, mais qui appelle un rapport d’identité, de ressemblance. La philosophie traditionnelle réduirait ces usages à trois caractères du diagramme : le diagramme est un signe (il se donne comme intuition de quelque chose avec qui il a des traits de ressemblance) ; le diagramme est un outil pour illustrer une opération intellectuelle, il nous permet de schématiser, de construire une intuition d’un calcul physique ou mathématique ; le diagramme est spatial, puisqu’il représente un objet ou une vérité algébrique, logique.
Ainsi parler d’expérience à propos du diagramme semble excessif : il est plutôt un moyen de représenter ou d’intuitionner un calcul.
Mais le mot d’ « expérience », dans l’usage que l’on voudrait donner au diagramme, suggère l’idée d’épreuve, quelque chose qui nous affecte. En ce sens, on doit se souvenir de l’emploi de cette notion chez Foucault, depuis son Histoire de la folie à ses textes sur la sexualité. La notion d’expérience peut, dans le cadre de l’histoire de la philosophie, convenir aux philosophies qui chercheraient à sortir de partages analytiques : théorie / pratiques, discours / institutions, subjectif / objectif, normal / pathologique, etc. Pour Foucault, il s’agit de voir que l’être (l’individu) se constitue par l’expérience (4) et que c’est elle qu’il faut donc penser si nous voulons le comprendre.
Deleuze, Guattari, Châtelet doivent être comptés dans cette tradition de « l’expérience » au sens défini par Foucault. L’un des enjeux du présent travail est de montrer que cette idée d’expérience foucaldienne est déjà une manière de définir l’expérience diagrammatique. C’est, mutatis mutandis, la même idée. Qu’on ne s’étonne donc pas que Foucault soit une référence importante dans le travail des trois penseurs que nous allons étudier.
L’introduction dans le champ philosophique du diagramme comme expérience de pensée qui échappe à la partition sujet / objet, en tentant de penser plutôt un « milieu », est donc située au tournant des années 70, au moment même où s’élaborent les pensées de Deleuze et Guattari. Gilles Châtelet suivra la lignée de son maître Deleuze dans les années 90.
Mais que signifie rompre l’opposition sujet / objet ? C’est rompre avec une conception utilitariste, « logicienne » du diagramme. Ce n’est plus un outil, ce n’est plus un signe. Qu’est-ce donc alors ? Peut-on vraiment parler de diagramme, l’instruire comme concept et dire qu’il n’est pas un outil ?
Si Deleuze, Guattari, Châtelet ont tant de peine à être lus par les philosophes, et moins de difficulté à être lus par d’autres, c’est que les premiers sont pétris de cette conception « positiviste » du diagramme, qui réduit celui-ci à un outil et à un signe.
La philosophie de Deleuze ne pensera plus en termes de réflexion mais de création, la pensée psychanalytique de Guattari ne pensera plus en termes de concepts ou de travail analytique, mais de schizoanalyse, la pensée épistémologique de Châtelet se voudra critique de la façon dont l’histoire des sciences pense toute expérience scientifique de manière froide sans sa dimension d’épreuve, sans les affects qui l’accompagnent.
Le diagramme pour Deleuze, Guattari, Châtelet ne représente pas le monde, mais le trace, trace un « monde », ré-ouvre la dimension virtuelle de toute représentation qui s’est comme éteinte avec la naissance de la pensée moderne : un diagramme ne sera donc plus seulement lié à une forme (premier caractère), il ne pourra plus servir, puisqu’il est quelque chose qui nous affecte et ne nous est pas extérieur, il aura une dimension temporelle et spatiale (second et troisième caractères). Ce qui revient à dire que, sans sortir des formes, on appréhende quelque chose qui échappe à une découpe d’objet et qui pourtant s’élabore, s’actualise et / ou se virtualise. Le diagramme est lié à un geste, il est au fond travaillé par du geste, ce que porte déjà l’étymologie indo-européenne du mot : grbh- gratter, égratigner.
Il faut donc considérer que c’est par le diagramme que nous aurons une expérience ; que peut-être tout ce que nous éprouvons vraiment, nous l’éprouvons parce que nous expérimentons quelque chose par la pensée, parce que nous vivons quelque chose dans un diagramme.
Les mots « expérience » et « diagramme » sont donc bien synonymes si on entend « expérience » au sens d’une expérience de pensée qui mobilise des affects, une autre temporalité que la temporalité classique – qui repose sur un découpage du temps institutionnalisé (présent-passé-futur).
Il y a dans le travail des trois penseurs que nous allons étudier, quelque chose qui a à voir avec ce que le peintre Barnett Newman nomme un « sujet » (matter subject), c’est-à- dire non pas une idée abstraite sortie de toute forme naturelle (ce qui renvoie plutôt au logos, ou des universaux), mais quelque chose qui donne à saisir directement dans une matière, comme sa « fonction » propre, irréductible à tout usage du monde (virtuel).
Ainsi on se tromperait gravement si on pensait que les diagrammes chez Deleuze, Guattari ou Châtelet ne servent qu’à représenter. C’est précisément parce que l’on réduit le diagramme à la représentation que l’on ne voit pas que l’on doit nécessairement échapper à celle-ci pour la penser. On est un peu comme l’animalcule de Poincaré, qui, habitant d’une dimension 1 (la ligne), ne pourrait se penser qu’en habitant aussi une dimension 2 (plan). Mais, inversement, c’est souvent parce qu’on réduit le virtuel à l’actuel, que l’on en fait une sorte d’idée abstraite qui est comme un décalque d’une chose. Si donc on peut parler de faire l’expérience d’un diagramme, ce n’est pas pour tomber dans la pensée commune (utilitaire même du scientifique), mais pour penser qu’il y a plus que ce qui est donné, il faut bien postuler qu’il y a une dimension ontologique, métaphysique qui accompagne toute forme. Un diagramme ne pourra donc être simplement un signe pour représenter un objet qui m’est utile.
Il faut penser le diagramme comme quelque chose qui n’est pas dans le monde, dans la société, dans notre corps, ou dans la pensée, car sinon on en reviendra toujours à une sorte d’origine, à une extériorité qui limite le diagramme à être lu ou saisi uniquement comme signe d’une chose. Il faut penser le diagramme à la croisée de ces dimensions et comme leur échappant puisque c’est à partir de lui que nous pourrons tracer le réel de manière non représentative, le voir autrement, tel qu’il est (devient). Le diagramme est quelque chose que nous habitons et qui nous habite. C’est un certain ancrage, un « certain lieu », un « milieu ».
Deleuze et Guattari n’ont pas cessé de considérer le monde, le réel, de façon à capter et à penser les intensités (affects) qui s’en dégagent, intensités qui sont irréductibles à toute espèce de norme et qui relèvent du temps ou d’affects. Ils ont pensé les intensités plutôt « comme » une expérience artistique.
Dans le cas de Châtelet, les diagrammes relèvent de la science ; et comme ses prédécesseurs, il considère que ces diagrammes ne sont pas des illustrations de la pensée, mais l’expression même des intensités de la pensée. Il se passe quelque chose. Il y a de l’événement. Mais il révèle plus clairement la dimension physicomathématique ou topologique du diagramme, en le faisant relever d’une logique des gestes (en consacrant ce concept). Il intègre aussi le diagramme dans un processus de métaphorisation, ouvrant la possibilité d’une « mythologie ».
Notre objectif dans cet essai est donc de comprendre l’évolution du concept de diagramme à l’intérieur des systèmes de pensée de Deleuze, Guattari et Châtelet. Mais plutôt que d’opposer les systèmes de pensée, nous essayerons de voir comment finalement leurs concepts, en particulier le concept de diagramme, résonnent entre eux.
Il nous semble que leurs ouvrages dégagent des expériences qui peuvent être vécues comme des plongées exaltantes pour saisir autrement la réalité de la pensée et la pensée de la réalité, et que ces expériences s’articulent entre elles et déploient une Expérience diagrammatique.
Ce travail, nous l’espérons, complètera, amendera aussi, le travail de la revue TLE qui, comme nous l’avons déjà signalé, a consacré un numéro spécial au diagramme comme nouveau régime de pensée.
Joachim Dupuis
Gilles Deleuze, Félix Guattari et Gilles Châtelet
De l’expérience diagrammatique
/2012

Photo : Julia Maria Lopez Mesa

J

1 Revue TLE n°22, 2004, sous la direction de Noëlle Batt.
2 Dialogue entre Félix Guattari, Michel Field et Emmanuel Hirsch dans La philosophie est essentielle à l’existence humaine, l’aube poche essai, p. 20-22, notamment.
3 David Kaiser, Drawing theories Apart, the dispersion of Feynman Diagrams in Postwar Physics, The University of Chicago, 2005.
4 Lire à cet égard la très belle présentation de Pierre Macherey dans l’édition Folio essais du livre de Michel Foucault : Raymond Roussel.

Du bestiaire au surhumain / Bruno Heuzé / Chimères n°81 / Bêt(is)es

« Et qu’est-ce que les Idées, avec leur multiplicité constitutive,
sinon ces fourmis qui entrent et sortent par la fêlure du Je ? »
Gilles Deleuze / Différence et répétition

Bestiaires singuliers pluriels
On connaît le grand bestiaire déployé par Nietzsche, dont chaque animal est comme une constellation faisant écho aux différentes latitudes de la psyché humaine, dont il sonde en éclaireur les multiplicités diagrammatiques avant que Freud n’aille y planter les bases dogmatiques de la psychanalyse. S’y côtoient le chameau et l’âne, emboitant le pas l’un de l’autre en portant le fardeau de la vie dans une acceptation tantôt courageuse tantôt résignée, le lion qui entend conquérir le désert et en faire le territoire de sa volonté en affrontant le dragon du devoir, le bouc dont le chant dionysiaque célèbre la naissance de la tragédie, mais aussi les tarentules qui empoisonnent la pensée dont elles enserrent le ciel dans la toile de la raison, ou encore l’oiseau qui au contraire lui fait côtoyer les cimes et dont les pattes portent ces mots silencieux qui mènent le monde ; sans oublier le cheval, dont Nietzsche parle peu, mais au cou duquel il se suspend alors qu’il quitte définitivement la compagnie humaine, trop humaine.
On se souvient en particulier des animaux de Zarathoustra, l’aigle et le serpent, qui l’accompagnent comme les doubles différenciés de son ombre de voyageur, ombre à deux têtes dissemblables en quelque sorte, avec laquelle il ne cesse de dialoguer parmi les terres accueillantes et hostiles. C’est ainsi sous l’égide du regard aquilin cerclé d’une sagesse ophidienne, que se trouve énoncée pour la première fois la doctrine de l’Éternel Retour, que Zarathoustra fait d’abord mine d’éluder avant d’en tirer l’affirmation suprême du surhumain, affirmation qui relaie son appel initial à retrouver le sens de la terre.
Éparse est le bestiaire deleuzo-guattarien, marqué avant tout d’empreintes territoriales et de lignes de fuite, animé de glissements de milieux et de pliages improbables, peuplé de meutes et traversé de noces contre nature. Une flore s’y parsème, comme une faune s’y distribue sans compter, mais en agençant leurs puissances : le trèfle et le bourdon, et bien sûr la guêpe et l’orchidée dont le célèbre mariage frappe de son emblème inter-règne l’héraldique métamorphique de Deleuze et Guattari. Mais il faut aussi évoquer ici les loups et les rats qui s’engouffrent et filent vers un intempestif horizon ; les langoustes et les saumons qui se mettent en route, pris dans une grande transhumance traversée par les flux de la terre ; ou encore, l’oiseau Scenopoïetes qui, tel l’acteur se mettant lui-même en scène, retourne les feuilles autour de lui pour dessiner de leur envers plus clair le podium sur lequel il chantera, conjuguant alors ritournelles sonore et graphique ; et le plus insolite peut-être, la tique qui ne perçoit de la lumière que ses intensités calorifiques, et qui semble faire signe sur la voie ombragée allant d’une pensée sans image vers une nouvelle image intensive de la pensée.
Chaque animal est ici une de ces régions du plan de Nature, faisant contrepoint avec les autres, et à travers lesquelles l’homme repasse lorsqu’il pense, agit et devient, au fil de trajectoires filantes, émaillées d’alliances intempestives et de pliures imprévisibles. Ainsi se dresse et s’étend la cartographie d’un inconscient machinique, spinoziste et intensif, fait de chimères, d’agencements et de métallurgie, d’hybrides, de centaures et de cyborgs. Territoires animaux, latitudes humaines, assemblées technologiques et sphères sociales s’y mélangent et se font écho dans un grand opéra à facettes, dont la scène n’est autre qu’une terre déstratifiée, « la légère », celle de Nietzsche précisément : terre de la ductilité et des métamorphoses, dont le bestiaire fabuleux joue par épiphanie des superpositions du surhumain et du moléculaire.
Bruno Heuzé
Du bestiaire au surhumain / 2014
Extrait du texte publié dans Chimères n°81 / Bêt(is)es
Photo : Lydie Jean-Dit Pannel / http://ljdpalive.blogspot.fr/
Lydie JD-Pannel

12345...8



boumboumjames |
femmeavenirhomme |
Toute une vie... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Warhol l'avait dit...un qua...
| juliette66
| les bonnes "occaz" de Murielle