« Je pense aussi que vous pouvez me reprocher d’avoir fait la part trop grande aux choses matérielles (…). Ce sont des faits terribles, mais regardons-les en face. Il est certain, bien que ce soit déshonorant pour nous comme nation, que par suite de quelques défauts dans notre communauté, le poète pauvre n’a pas de nos jours, et n’a pas eu depuis deux cents ans, la moindre chance de réussite… Un enfant pauvre en Angleterre n’a guère plus d’espoir que n’en avait le fils d’un esclave à Athènes de parvenir à une émancipation qui lui permette de connaître cette liberté intellectuelle qui est à l’origine des grandes œuvres. C’est cela même. La liberté intellectuelle dépend des choses matérielles. La poésie dépend de la liberté intellectuelle ».
Virginia Woolf / Une chambre à soi
RDV jeudi 27 février à 14h
au Palais Royal pour aller en manifestation jusqu’au Medef, 55 avenue Bosquet, Métro Ecole militaire
ou un rassemblement à l’appel d’organisation de chômeurs et précaires aura commencé à 13H
Le Medef, l’UPA et la CGPME arrivent à la négociation de ce jeudi 27 février 2014 avec un texte proposant la suppression du régime des intermittents du spectacle ainsi que celui des intérimaires.
Plus de la moitié des chômeurs, intermittents ou non, sont actuellement non indemnisés. C’est l’un des moyens – décisif- par lesquels se construit une société de concurrence où chacun est conduit à s’opposer à tous les autres.
Nous ne voulons pas être sauvés
Alors que le Medef déclare que les patrons ne sont en rien redevables des 30 milliards que le gouvernement leur a donné, le ministre de l’emploi ne se prononce pas sur les mesures justes et adaptées aux intermittents proposées par un grand nombre des principales personnes concernées [1]… sous prétexte de ne pas brusquer des « partenaires sociaux » supposés en décider seuls.
Pourtant, le Medef préconise que l’Etat compense la perte de droits résultant de la suppression des annexes 8 et 10 de l’Unedic. L’objectif de l’organisation patronale est clair : tous précaires et sans droits sociaux. Et cela au nom de l’équité ! Ce que l’on risque c’est, comme souvent par le passé, qu’au nom du « déficit », on prétende « sauver le régime » en enfonçant/déglinguant ceux qui en dépendent [2].
Selon nous, toute personne a droit à des conditions d’existence dignes. Or, aujourd’hui, si l’on excepte les nantis, seuls ceux qui bénéficient d’emplois stables et durables avec des salaires corrects et de bonnes conditions de travail, sont dans ce cas…
L’objectif du Medef est d’instaurer une flexibilité généralisée en rognant et en cassant les droits de ceux qui alternent chômage et emplois afin de disposer d’une main d’œuvre corvéable à merci. Le Medef s’emploie tout bonnement, depuis plus de 20 ans, à supprimer les annexes 8 et 10 car, par delà tous les arguments comptables [3], il s’agit pour eux d’en finir avec l’idée même qu’une protection sociale un tant soit peu adaptée aux caractéristiques de l’emploi soit possible.
Les néolibéraux ont un projet de société bien défini [4] qui leur permet de penser les choses sur la durée et de manière stratégique : séparer les artistes et techniciens en 2003 n’avait d’autre objectif que de préparer la sortie des techniciens du régime de l’intermittence. Après les attaques répétées de la cour des comptes, la mise en place de l’ANI (Accord sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi), la CGPME (un des trois syndicats d’employeurs représentés aux négociations) a fait le premier cette proposition. Le Medef la radicalise en réclamant purement et simplement la suppression des annexes 8 et 10. Et comme de coutume, ce train là risque d’en cacher un autre. Les soi-disant « négociations » en cours montreront bientôt à quoi une telle provocation est destinée à préparer la voie… Au vu de la politique d’austérité actuelle, il se pourrait bien que l’on cherche à rogner les droits de tous les « chômeurs en activité à temps réduit », de plus en plus nombreux, et pas ceux des seuls intermittents du spectacle.