Archive pour le Tag 'lipodrame'

Dialogues / Duras – Godard

Jean-Luc Godard Avec le texte, ce qui m’ennuie, par rapport à la musique, c’est que j’ai l’impression qu’on me force… ou alors, c’est la parole du pouvoir, mais je n’arrive plus à la séparer de l’autre, à des moments.

Marguerite Duras Laquelle ?

JLG Eh bien, celle qui me fait suivre un mouvement plutôt qu’un mouvement, me suivre.

MD Mais tu parles de la parole avec musique, ou bien tu parles de la parole ? Tu dis que cela te gêne : dans India Song ?

JLG Non non, pas du tout ! C’est ma méfiance du texte, j’ai l’impression que, quel qu’il soit, même le tien, je n’arrive pas à le percevoir autrement, sinon par le biais d’autre chose qui lui est étranger, comme une image ; que j’arrive à percevoir ton texte dans des images. Mais ton texte seul, je n’arrive pas à le différencier des nouveaux philosophes ou des anciens philosophes…

MD Tu as parlé du Ravissement de Lol V. Stein.

JLG Le mot me suffit, parce que je mets une image, je mets un camion, je mets autre chose, alors… ça peut durer une journée. Parce que je fais tout ce travail ou ce plaisir.

MD Alors c’est vraiment un réflexe de refus que tu as.

JLG Un peu… Et alors, ça m’intéressait de te demander à toi, justement – toi qui as le réflexe contraire.

MD Oui…

JLG J’ai l’impression que je l’ai depuis longtemps, ce réflexe ; que je n’ai fait que le développer, mais que je l’ai eu tout naturellement ; que de travailler dans le cinéma n’a fait que le renforcer, le rendre définitif, comme si je m’étais dit : « bien, j’ai eu raison ». Maintenant je vois bien – alors que j’ai l’impression que toi, c’est le contraire, c’est le mouvement contraire.

MD C’est l’imprégnation de l’image par le texte. Ce mouvement est déroutant, chez toi. C’est encore ce en quoi je me retrouve le plus. Et toujours. Mais il faut quand même parler du discours dégradé que représente la parole du cinéma parlant. Je dis quelquefois que le premier film parlant, c’est Hiroshima mon Amour. Parce que Resnais m’a dit : « Ne faites aucune différence, je vous en supplie, c’est pour cela que je viens à vous, entre ce que vous écrivez et ce que je vous demande. » Je pense que c’était peut-être le seul à pouvoir accepter ça – et à le demander. De commencer un film sur la plus grande catastrophe du monde par : « Tu n’as rien vu à Hiroshima. » Alors que le monde entier était inondé de photographies. Et de ce point de vue-là, il est vraiment étonnant, Resnais. Je pense que ça m’est resté, à travers tous mes films, ce qu’il m’a demandé là. D’oser. Et bien entendu que je n’aurais pas fait du tout de cinéma si j’avais dû faire un film d’images, je n’aurais pas su.

JLG Mais je pense aujourd’hui qu’une parole d’homme est différente d’une parole de femme… Et que là, ce n’est pas par hasard si c’est une femme qui dit : « Tu n’as rien vu à Hiroshima. » Enfin, pas par hasard…  ça s’est fait comme ça.

MD Non, je ne crois pas. C’est-à-dire qu’on est moins habituées que vous à parler, à se trouver juge comme ça, tout d’un coup, tomber à pic sur un événement de ce calibre-là, fabuleux, comme la catastrophe d’Hiroshima. On a moins l’habitude, les hommes jugent tout le temps.

Marguerite Duras – Jean-Luc Godard
Dialogues / 1979 / 1980 / 1987
Extrait du dialogue de 1979

À voir : Lipodrame

film-hiroshima-mon-amour8

Comme des bêtes / Marco Candore / Chimères n°81 / Bêt(is)es

entracte

Chers géniteurs et employeurs,
Je vous écris depuis la colo dont je vous ai déjà parlé et où je m’amuse bien avec de nombreux et nouveaux amis. L’ambiance est bonne ainsi que la nourriture et cela compte beaucoup pour le moral, surtout quand on risque sa vie.
Tout va toujours bien pour l’instant comme précédemment indiqué et détaillé selon la procédure de sécurité. Je ne me plains pas, ni ne me sens, pour l’instant, particulièrement en danger ou menacé d’être découvert (je sais les risques encourus si jamais ma véritable identité était identifiée).
L’agente 68 ayant été cruellement repassée, je ne souhaite en aucun cas finir après elle comme objet principal d’une performance cannibale sur un mode passif (si l’on accrédite ce qui se dit car rien n’est encore démontré au sujet des pratiques coercitives de la Colonie).

electricpoledance
Nous sommes plus nombreux qu’au précédent séjour, plus d’une centaine de membres, tous et toutes à visages découverts cette fois, sans cagoules. Mais malgré cela, je dois avouer, Maison-Mère PapaMaman, que l’enquête n’avance guère : il est pour l’heure impossible d’accumuler, dans la visée d’une perspective accablante, des preuves à charge contre la Confrérie-Consœurerie dont l’existence se confirme pourtant de jour en jour (selon mes constats répétés, ce ne serait ni une rumeur, ni un canular).
Je / tu / il / elle / nous complotons, mais en quoi le jeu consiste-t-il, telle est toujours la question.
Il y a bien, de toute évidence, une « Comploterie », selon les propres termes des Frères et Sœurs, ou encore, dit de façon plus amusée : un Complotage ou con-pelotage, selon les jeux de langue subtils et autres pratiques fines en usage de ces adeptes de Toutânfhinès.
Marco Candore
Comme des bêtes / 2014
Extrait du texte publié dans Chimères n°81 / Bêt(is)es
Photos : Mécanoscope et Lydie Jean-Dit-Pannel
Suite des bêtises ICI

-highway-tournage

Lipodrame / Mécanoscope – Marco Candore / revue Chimères n°80 Squizodrame et schizo-scènes

un film de Marco Candore
avec (par ordre d’apparition) :
Vincent de Larose, Evelyne Neuvelt, Dan Tesk, Ernesto del Vargas,
Ivy Velvet, Anaïs Bé, Aude Antanse, Marco Candore (texte & voix)
réalisation & montage Marco Candore et Cherif Filali
musique Alain Engelaere
production Mécanoscope / décembre 2013

En agencement avec le numéro 80 de la revue
Chimères : « Squizodrame et schizo-scènes« 

« Il y a deux manières de voir un film, ou bien on le considère comme une boîte qui renvoie à un dedans et alors on cherche ses signifiés, et puis si l’on est encore plus pervers ou corrompu, on part en quête du signifiant, ou bien on considère ce film comme une petite machine asignifiante. Comment ça fonctionne pour vous ? Si ça ne fonctionne pas, si rien ne se passe, prenez un autre film… Cette autre vision est une vision en intensité. Il n’y a rien à expliquer, rien à comprendre, rien à interpréter. Cette manière de voir en intensité, en rapport avec le dehors, flux contre flux, machine avec machine, mise en fonctionnement avec autre chose, n’importe quoi… c’est une manière amoureuse… » / Gilles Deleuze

Trou noir, figure de l’absen-t-ce, de l’effacement, de la masse manquante et du vide. Affabulations, réminiscences ou fantasmes, délire des mondes ; machine à rêves et d’écritures, Lipodrame ne raconte pas une histoire en particulier mais plusieurs, potentielles, tout à la fois.

« J’ai connu Pepe Giuliano quand elle était à Paris, et fréquentait les Chevaliers de Notre-Dame de l’Anarchie, une confrérie ultra-secrète dont les buts étaient si obscurs que ses membres eux-mêmes ne savaient pas ce qui les réunissaient, le nom même de la société ne semblaient rien signifier. Ils ne semblaient pas vraiment avoir le sens de l’humour, enfin je n’en sais trop rien, je ne les ai jamais vus, j’en ai peut-être croisés en draguant Pepe mais par définition, je ne peux pas le savoir, la clandestinité absolue n’est-ce pas. »

Il était une fois une coïncidence qui était partie faire une promenade
avec un petit accident. /
Lewis Carroll

En guise de. Lipodrame est un court métrage de quinze minutes, tourné sans scénario. C’est aussi un film caché dans / pour un autre film à venir (plus long en métrage ; mais quid du métrage avec le numérique ? à méditer).
Cornet : à dés, pistons, acoustique, de frites. « Faire » des images sans vraiment savoir où / vers quoi elles mèneront. Intuition vague problématique en forme de : spirale ; des disques de vinyle ; des galaxies – au centre, le trou noir dévore tout et poussières et étoiles s’y précipitent  – ; tango-vertigo des lavabos et des latrines (plus ou moins étranges histoires trouées telles : un fromage suisse ou la surface lisse d’un espace-temps recomposé), gobant fluides et autres matières pour de longs et poétiques et incessants voyages de jour comme de nuit en de mystérieux tuyaux où guettent toutes sortes de minotaures et êtres aux aguets. Pavillon de l’oreille autre spirale et feuille timbrée à l’affût et tout dans le noir en case départ.
Jeu-dé, jeté-e. Donc on jette les dés, le hasard et toute la clique de l’éternel retour qui n’en finit pas de revenir ni tout-à-fait-le-même-ni-tout-à-fait-un-autre, on a des musiques, des ritournelles obsessives, des bruits de toutes sortes dans la tête, mais aussi un fantasme de silence, un désir impossible du silence impossible ; une voix viendra, elle vient toujours. Qu’est-ce que c’est au juste, cette, heu, chose ? Il n’y a pas d’histoire, seules des cartes rebattues, redistribuées, combinant des potentialités. Is That Jazz. Est-ce du cinéma. Il y a bien une caméra, des lumières, des acteurs, de la musique et du mouvement – même celui, à peine perceptible, d’une respiration, les battements de cils de deux yeux clos feignant le sommeil. Capture de micromouvements. Voler l’image.
Bande de pillards. Puis vient une voix, elle vient toujours celle-là, pour raconter, là où il n’y a rien a priori. La galerie des portraits ne propose rien mais un chemin se fait, qui surtout ne doit pas trop dire, trop remplir. Laisser du vide, du neutre – relatif. Une petite machine asignifiante. La voix donnant un semblant d’ordre, de sens, même et surtout si « tout est faux ». La fable est ténue et persistante. Mais il est possible, tout aussi bien, de raconter tout autre chose sur ces mêmes images. Pillage de visages et de corps, de mots, de jeu de citations, sans procédé ni méthode ou modèle. La voix, les mots, les noms sont venus après, au fil de la plume du montage. Puis celui-ci s’est calé sur la voix puis inversement ou le contraire. Ainsi de suite.
Il n’y a pas vraiment de personnages, juste des noms, des vitrines sans boutique. Statut du décor de théâtre / de cinéma. Derrière, la coulisse, les loges avec des tables à repasser, des tickets de caisse à se faire rembourser, des issues de secours, et la rue où passent le temps réel et le monde. Réel ? Tom Bom, Ricki Pompola, Carmen Tortillas (dite aussi Pepe Giuliano ou Dolores ou Maria ou Mariem ou Fleur-de-Lotus entre autres), Ingeborg Vermeersson : des noms-machines, des noms-rhizomes, le magasin est la vitrine, le décor, les personnages n’ont pas d’autre profondeur que la surface offerte. Machines à continuer. En creux, par défaut, par une case vide, c’est là que se découvre un ou des passages, que peut se dérouler un des rubans possibles.
Marco Candore
Lipodrame (ou Comment j’ai réalisé incertain de mes films) / 2013
Extrait de l’article publié dans Chimères n°80

Mécanoscope

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