Les humains semblent être ainsi faits qu’ils veulent retarder l’échéance fatale. Ralentir le cours du temps… rester tumescent, en érection, excitée. Se faire attendre pour maintenir le désir à son point culminant… Voilà à quoi servent ces obstacles que sont nos censures et nos interdits, ces pathétiques systèmes de prohibition qui nous servent de gris-gris contre l’angoisse de la mort. Qu’on les appelle «barricades mystérieuses» ne change rien à l’affaire… L’érotisme tout entier tourne autour de ces fragiles barrières qui masquent par intermittence le corps bien-aimé… comme s’il était possible de suspendre le cours du temps en repoussant le moment tant attendu de voir. Elles concentrent en elles tous les espoirs d’accomplissement. C’est la boîte de Pandore qu’il ne faut pas ouvrir. C’est la malle aux trésors des histoires de pirate. C’est le dragon qui veille sur une montagne d’or… Ce sont ces tabous absurdes que nous transmettons aux enfants, en même temps que le désir fou de ne jamais mourir.
Agnès Giard
Pourquoi nous cachons-nous pour jouir ? / novembre 2012
in les 400 culs