la remontée
La prise, c’est quoi ? C’est la manière qu’ont les choses de se prendre à leur propre contrainte (leur propre force, leur propre jeu, leur propre bêtise, où elles font monde). Et c’est la manière de les y aider, de les faire glisser, les faire passer (parfois très lentement), à proximité de soi, pour en être sauf. Ainsi la contrainte ne vise plus, elle n’atteint plus, ni ne touche. Ce n’est même plus une contrainte (qui doit s’appliquer à un sujet, qui la ressent), elle est vide.
Dans ce vide, le résultat, c’est le geste, la figure, la forme de l’esquive.
L’esquive a une parenté très forte avec la montée, la remontée (peut-être la révélation, du moins l’exsudation) : une fois prise et vidée, la contrainte a un effet. Elle remonte dans le geste (chez le danseur sans doute, l’acrobate peut-être, l’aïkidoka à coup sûr), la figure, la forme. Le travail d’OP est d’accompagner une contrainte, de l’augmenter (le pli, la loupe, l’empreinte), et, dans l’esquive qui en résulte, laisser remonter. On peut appeler ça une décompression, chaque forme un palier. OP est la mer.
La peinture
OP ne peint pas sur la toile, en ajoutant — une couche de peinture, une touche de couleur, le dessin d’un motif, qui viendraient couvrir un espace vierge, inerte, neutre, en attente. OP n’est pas peintre. Il ne couvre pas. Il ne recouvre pas. Pas plus qu’il ne découvre, en grattant ou plongeant vers des profondeurs. Il presse, comprime, prend, fixe, quadrille de manière à ce que la toile (le tissu, la trame, le fil, le matériau initial) soit prise, plus encore qu’elle ne l’est par sa trame, son fil, son motif initial, sa matérialité. Par le bourrage d’un cadre, pli selon pli, en forçant un geste ; par la pose d’une loupe, qui exagère une vision. S’il y a une peinture, une teinture, un motif, une épaisseur ou une variation, ils viennent de la toile. Ils en sortent. Ils en remontent.
De ce point de vue, son travail (à partir de 1994) sur les taches propres, proposition élémentaire, radicale, est fondamental : il enlève la surface, par double contrainte des traces et de son geste qui les nettoie, et c’est la surface qui remonte. Dans sa simplicité, c’est cela qui est en jeu, et chaque fois.
La surface n’est donc pas une ligne, une frontière, une limite. Elle est dans sa remontée, ses strates, son feuilletage.
Simple surface nue, elle serait une contrainte aussi effarante que le temps.
Paul Laurent
à lire sur le site d’Olivier Peyronnet
Exposition du 31 janvier au 22 février 2014
Vernissage jeudi 30 janvier à 17h
Galerie À REBOURS / 7 rue Aubriot Paris 4ème arrondissement
Olivier Peyronnet
Paliers de décompression / 2014
EXPO-OLIVIER-PEYRONNET
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