Archive pour le Tag 'gilles deleuze'

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Comme des bêtes / Marco Candore / Chimères n°81 / Bêt(is)es

entracte

Chers géniteurs et employeurs,
Je vous écris depuis la colo dont je vous ai déjà parlé et où je m’amuse bien avec de nombreux et nouveaux amis. L’ambiance est bonne ainsi que la nourriture et cela compte beaucoup pour le moral, surtout quand on risque sa vie.
Tout va toujours bien pour l’instant comme précédemment indiqué et détaillé selon la procédure de sécurité. Je ne me plains pas, ni ne me sens, pour l’instant, particulièrement en danger ou menacé d’être découvert (je sais les risques encourus si jamais ma véritable identité était identifiée).
L’agente 68 ayant été cruellement repassée, je ne souhaite en aucun cas finir après elle comme objet principal d’une performance cannibale sur un mode passif (si l’on accrédite ce qui se dit car rien n’est encore démontré au sujet des pratiques coercitives de la Colonie).

electricpoledance
Nous sommes plus nombreux qu’au précédent séjour, plus d’une centaine de membres, tous et toutes à visages découverts cette fois, sans cagoules. Mais malgré cela, je dois avouer, Maison-Mère PapaMaman, que l’enquête n’avance guère : il est pour l’heure impossible d’accumuler, dans la visée d’une perspective accablante, des preuves à charge contre la Confrérie-Consœurerie dont l’existence se confirme pourtant de jour en jour (selon mes constats répétés, ce ne serait ni une rumeur, ni un canular).
Je / tu / il / elle / nous complotons, mais en quoi le jeu consiste-t-il, telle est toujours la question.
Il y a bien, de toute évidence, une « Comploterie », selon les propres termes des Frères et Sœurs, ou encore, dit de façon plus amusée : un Complotage ou con-pelotage, selon les jeux de langue subtils et autres pratiques fines en usage de ces adeptes de Toutânfhinès.
Marco Candore
Comme des bêtes / 2014
Extrait du texte publié dans Chimères n°81 / Bêt(is)es
Photos : Mécanoscope et Lydie Jean-Dit-Pannel
Suite des bêtises ICI

-highway-tournage

V comme Voyage / Deleuze, Abécédaire

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« On est peut-être cons mais pas au point de voyager pour le plaisir »
Samuel Beckett / Mercier et Camier

Dialogues / Gilles Deleuze et Claire Parnet

Oui, le mourir s’engendre dans nos corps, il se produit dans nos corps, mais il arrive du Dehors, singulièrement incorporel, et fondant sur nous comme la bataille qui survole les combattants, et comme l’oiseau qui survole la bataille. L’amour est au fond des corps, mais aussi sur cette surface incorporelle qui le fait advenir. Si bien que, agents ou patients, lorsque nous agissons ou subissons, il nous reste toujours à être dignes de ce qui nous arrive. C’est sans doute cela, la morale stoïcienne : ne pas être inférieur à l’événement, devenir le fils de ses propres événements. La blessure est quelque chose que je reçois dans mon corps, à tel endroit, à tel moment, mais il y a aussi une vérité éternelle de la blessure comme événement impassible, incorporel, « Ma blessure existait avant moi, je suis né pour l’incarner. » Amor fati, vouloir l’événement, n’a jamais été se résigner, encore moins faire le pitre ou l’histrion, mais dégager de nos actions et passions cette fulguration de surface, contr’effectuer l’événement, accompagner cet effet sans corps, cette part qui dépasse l’accomplissement, la part immaculée. Un amour de la vie qui peut dire oui à la mort. C’est le passage proprement stoïcien. Ou bien le passage de Lewis Carroll : il est fasciné par la petite fille dont le corps est travaillé par tant de choses en profondeur, mais aussi survolé par tant d’événements sans épaisseur. Nous vivons entre deux dangers : l’éternel gémissement de notre corps, qui trouve toujours un corps acéré qui le coupe, un corps trop gros qui le pénètre et l’étouffe, un corps indigeste qui l’empoisonne, un meuble qui le cogne, un microbe qui lui fait un bouton ; mais aussi l’histrionisme de ceux qui miment un événement pur et le transforment en fantasme, et qui chantent l’angoisse, la finitude et la castration. Il faut arriver à « dresser parmi les hommes et les œuvres leur être d’avant l’amertume ». Entre les cris de la douleur physique et les chants de la souffrance métaphysique, comment tracer son mince chemin stoïcien, qui consiste à être digne de ce qui arrive, à dégager quelque chose de gai et d’amoureux dans ce qui arrive, une lueur, une rencontre, un événement, une vitesse, un devenir ? « A mon goût de la mort, qui était faillite de la volonté, je substituerai une envie de mourir qui soit l’apothéose de la volonté. » À mon envie abjecte d’être aimé, je substituerai une puissance d’aimer : non pas une volonté absurde d’aimer n’importe qui n’importe quoi, non pas s’identifier à l’univers, mais dégager le pur événement qui m’unit à ceux que j’aime, et qui ne m’attendent pas plus que je ne les attends, puisque seul l’événement nous attend, Eventum tantum. Faire un événement, si petit soit-il, la chose la plus délicate du monde, le contraire de faire un drame, ou de faire une histoire. Aimer ceux qui sont ainsi : quand ils entrent dans une pièce, ce ne sont pas des personnes, des caractères ou des sujets, c’est une variation atmosphérique, un changement de teinte, une molécule imperceptible, une population discrète, un brouillard ou une nuée de gouttes. Tout a changé en vérité. Les grands événements, aussi, ne sont pas des concepts. Penser en termes d’événement, ce n’est pas facile. D’autant moins facile que la pensée elle-même devient alors un événement.
Gilles Deleuze
Dialogues – Entretiens avec Claire Parnet / 1977-1996
Dialogues / Gilles Deleuze et Claire Parnet dans Anarchies antonin-artaud-la-bouillabaisse-de-formes-dans-la-tour-de-babel1948
dessin d’Antonin Artaud / la Bouillabaisse de formes dans la tour de Babel / 1948

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