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Abécédaire Foucault : C, Colonie / Alain Brossat

C – Colonie
Il est bien évident que dans le travail de Foucault, envisagé dans toutes ses topiques successives, la colonie ou la colonisation ou le pouvoir colonial ne se présentent pas comme des concepts ou des objets massifs au même titre que, disons, la prison, l’enfermement ou bien le pouvoir psychiatrique. Si l’on envisage ce travail comme archéologie de la modernité, généalogie des pouvoirs modernes, ces motifs apparaissent assez distinctement, notamment dans l’explicite des « grands livres », comme autant de chaînons manquants. Le contraste est marqué ici, par exemple, pour prendre un exemple facile, avec Hannah Arendt pour qui une généalogie des pouvoirs totalitaires passe nécessairement par un volume entier consacré à l’impérialisme, à l’expansion coloniale, à l’inscription de la violence coloniale dans la généalogie des formes totalitaires (1).
Une façon commode, pour une foucaldologie de révérence, d’éluder ce que ce constat peut avoir d’un peu urticant pour nous, serait de le réduire à l’indice biographique ou aux conditions d’une histoire culturelle de la seconde moitié du XX° siècle. On remarquerait doctement, par exemple, que lorsque Foucault commence à exister comme penseur et homme public à ses propres conditions, au début/milieu des années 1960, le « créneau » anticolonial est déjà occupé par Sartre et les marxistes. Or, comme chacun sait, la grande ambition de Foucault est d’exister en marquant sa différence d’avec ces deux courants ou foyers de discours. On noterait, dans le même sens, que lorsque la parole de Foucault commence à compter, le chapitre colonial est, en France, officiellement refermé – avec les accords d’Évian et la fin  de la guerre d’Algérie, en 1962, donc. De nouveaux chapitres s’ouvrent alors, qui viennent se superposer à l’enjeu colonial à proprement parler : l’intervention impérialiste des États-Unis dans le Sud-Est asiatique, la course aux armements entre l’URSS et les États-Unis, et en France, la crise du pouvoir gaulliste qui trouve son paroxysme en mai-juin 1968.
Tout ce travail de contextualisation dont je ne fais ici qu’esquisser les contours n’est peut être pas inutile, mais il n’explique évidemment rien. Il ne peut permettre d’éluder la confrontation avec les problèmes qui trouvent leur siège dans ce que l’on pourrait appeler les logiques de l’œuvre, si le terme même d’œuvre n’était pas si litigieux à propos du travail de Foucault – un travail conduit, comme il le dit lui-même, en marchant en crabe. Selon ces logiques, en effet, ni l’esclavage, ni l’économie de plantation, ni la conquête de l’Algérie et la colonisation de peuplement au Maghreb ne sont nommés et explorés comme tels. Tout se passe comme si la généalogie de la modernité, celles de pouvoirs modernes et des formes de violence politique (la thanatopolitique) se concentrait sur des objets « métropolitains » et excluait toute prise en compte des interactions, dans  ces processus dynamiques, entre la constitution d’un champ spécifique, européen, ouest-européen ; un champ balisé par toutes sortes d’objets, de dispositifs, de techniques, de stratégies, de savoirs ; tout un champ discursif  jalonnant le biopouvoir et la biopolitique et hors duquel semble rejeté ce qui se manifeste comme projection hors de l’espace où est établi  ce « nous » français  (européen) : ces flux de conquête et de colonisation, de pillage et d’expansion et qui, pourtant, sont l’une des conditions pour que cette forme nouvelle du pouvoir, le pouvoir sur la vie, trouve son assise. On pourrait donc dire en première approche que la façon même dont Foucault spatialise et opère la découpe déterminant ses choix d’objets (Le Grand Renfermement, la scientia sexualis, le pastorat chrétien, la prison pénitentiaire…) le prive de tout accès à la singularité d’objets extérieurs à ce champ que devrait néanmoins prendre en compte une analytique des pouvoirs modernes – la médecine coloniale, le travail forcé aux colonies, l’architecture coloniale, etc.
D’une façon plus générale, on pourrait dire que c’est tout un pan de la recherche et de la puissance heuristique du travail de Foucault qui se trouve ainsi neutralisé : si l’on pense par exemple à la fortune extraordinaire qu’ont connues la notion d’hétérotopie et la problématique des espaces autres, on ne peut que regretter que la dimension de la colonie y soit si peu prise en compte – qu’est-elle en effet si ce n’est un « espace autre » par excellence, et pour le reste, tous ceux qui ont lu un peu Conrad, Orwell  ou Naipaul (etc.) savent à quel point la colonie est un monde peuplé d’hétérotopies tout à fait spécifiques…
Mais une fois opéré ce repli tactique, rien ne nous empêchera de repartir à l’offensive. On posera par exemple la question : si Foucault n’aborde pas de front les enjeux coloniaux, s’il ne se fait pas historien jusqu’à intégrer à son champ de recherche l’histoire coloniale et les espaces de colonisation, sa démarche place-t-elle pour autant ces objets dans l’angle mort de sa recherche? Ne pourrait-on pas plutôt repérer de nombreux biais par lesquels il va s’en emparer, mais selon la démarche qui lui est propre – en ne se préoccupant pas de reconstituer des scènes avec précision et exhaustivité (un programme qu’il abandonne volontiers aux historiens de profession). Il va, à l’inverse, s’essayer à problématiser, c’est-à-dire à poser un problème à propos de ces scènes ou objets – je fais ici référence à sa réponse à Jacques Léonard, un historien qui, à propos de Surveiller et punir, avait émis un certain nombre d’objections tournant notamment autour de l’insuffisance ou la partialité de ses sources, concernant l’histoire de la prison pénitentiaire (2).
Je veux dire par là que, lorsque Foucault, dans le dernier cours de « Il faut défendre la société », définit le racisme comme une technologie de pouvoir dont ne sauraient faire l’économie les pouvoirs modernes, une technologie fondée sur la fragmentation, l’introduction d’une coupure perpétuelle dans le corps de la population entre ceux dont l’existence est placée sous une signe de vie (la biopolitique dans son acception positive comme prise en charge et optimisation du vivant) et ceux  qui sont exposés à la mort, quand Foucault fait cette démonstration, n’est-ce pas en premier lieu la colonisation qu’il a dans le viseur – même si l’on peut dire que c’est un peu de biais qu’il aborde ici cette question et même si, à la fin de la leçon, sa démonstration va s’égarer dans des spéculations assez hâtives sur le socialisme ? Je cite : « Au fond, l’évolutionnisme (…) est devenu tout naturellement, en quelques années au XIX° siècle, non pas simplement une manière de transcrire en termes biologiques le discours politique, non pas simplement une manière de cacher un discours politique sous un vêtement scientifique, mais vraiment une manière de penser les rapports de la colonisation, la nécessité des guerres, la criminalité, les problèmes de la folie et de la maladie mentale, l’histoire des sociétés avec leurs différentes classes, etc. »
Et plus loin : « Le racisme va se développer primo avec la colonisation, c’est-à-dire avec le génocide colonisateur. Quand il va falloir tuer des gens, tuer des populations, tuer des civilisations, comment pourra-t-on le faire si l’on fonctionne sur le mode du bio-pouvoir ? A travers les thèmes de l’évolutionnisme, par un racisme » (3).
On voit bien, ici, comment Foucault travaille : en se décalant toujours par rapport à la façon dont un historien aborderait un objet comme la colonisation, c’est-à-dire en y revenant à propos du « problème » qu’il est en train de construire, à propos des relations entre biopouvoir et racisme, à propos de la façon dont les pouvoirs modernes, inéluctablement, gouvernent au racisme. En entreprenant de faire la démonstration, contre des évidences solidement établies, que le racisme, ce n’est pas en premier lieu un problème social et culturel lié à de mauvais héritages, à des crispations communautaires, à des différends liés à la religion ou au mode de vie – le racisme, c’est en premier lieu un mécanisme de pouvoir, un geste gouvernemental destiné à rendre les populations gouvernables – une leçon au rebours des énoncés dominants et dont l’actualité se détecte aisément dans notre présent, tout particulièrement…
On pourrait sans doute traiter sous le même angle un certain nombre de textes dans lesquels Foucault parle de la plèbe. La question coloniale ou la dimension coloniale de notre histoire n’y est pas abordée comme telle, mais elle s’identifie aisément dans le filigrane de plus d’un texte ; beaucoup plus qu’ignorée elle y est ce que l’on pourrait appeler le « supposé acquis ». Par exemple, dans l’entretien souvent cité qu’il accorde en 1972 avec Pierre Vidal-Naquet à Politique hebdo, à propos de la formation du Groupe d’information sur les prisons (4). Il est frappant que, dans ce texte, lorsqu’il entreprend de problématiser la séparation entre deux espèces populaires différentes, le peuple inscrit, légitime et légal, celui des organisations politiques et syndicales, celui qui a sa mémoire collective, ses héros, ses mythes et ses légendes, et l’autre peuple, la plèbe, définie comme ce « groupe humain, dont les limites varient, à la merci des autres », cette plèbe sans substance définie mais qui persiste à être « le foyer jamais tout à fait éteint de toutes les révoltes », il est frappant, donc, que l’exemple qui lui vient immédiatement à l’esprit, alors qu’il s’agit en principe de parler des prisons, ce soit celui de la manifestation des Algériens du 17 octobre 1961, ce massacre colonial perpétré par la police parisienne quelques mois avant la fin de la guerre d’Algérie… Les corps coloniaux, ceux des Algériens tombés sous le coup d’un État d’exception sur mesure et traités comme matériau humain exterminable (basculés du côté de la thanatopolitique) sont ici, en tant que corps plébéiens, mis en rapport avec d’autres corps ayant fait, en d’autres lieux et temps, l’objet d’une saisie violente par le pouvoir : fous ou réputés tels du Grand Renfermement, corps infâmes de l’Ancien Régime, etc. L’histoire coloniale vient ici se nouer à d’autres scènes et d’autres généalogies, fût-ce sur un mode beaucoup plus furtif, comme en passant.
Mais ce n’est pas seulement cela. Pour un pays comme la France où la formation d’un empire colonial est un élément constitutif de la construction et du développement de l’État-nation, le fait colonial, le rapport colonial, « la colonie », ce n’est pas ce qui s’oppose à la métropole, un ailleurs éloigné, ou un ensemble de dépendances extérieures séparées du pays proprement dit (de son histoire et de sa constitution sociale) par des océans et des déserts, « la colonie », c’est aussi un ensemble de rapports internes à la vie hexagonale, ce ne sont pas seulement des territoires conquis et exploités et des populations soumises et astreintes à un régime spécial de domination et de gouvernement,  « la colonie », c’est aussi toute une « endogénéisation » du rapport colonial dont l’effet est que toutes les strates de la vie sociale, publique, politique, culturelle, sont traversées elles aussi, dans la métropole, par « la colonie ». La colonie, et aujourd’hui la post-colonie (Achille Mbembe), en ce sens, elle a toujours été ici comme elle est ailleurs (5).
Alain Brossat
Abécédaire Foucault / 2014
(extrait de : C – Colonie)

Sur le Silence qui parle
Présentation de l’Abécédaire Foucault / Alain Brossat / Marco Candore / Librairie Texture 27 juin Paris
Abécédaire Foucault / Alain Brossat

visuel texture 27 juin

1 Hannah Arendt : Les origines du totalitarisme, traduit de l’anglais par Martine Leibovici, Gallimard, 2006.
2 « La poussière et le nuage » in L’impossible prison, recherches sur le système pénitentiaire au XIX° siècle, réunies par Michelle Perrot, Seuil, l’univers historique, 1980.
3 « Il faut défendre la société », cours au Collège de France, 1976, p. 229.
4 « Enquête sur les prisons : brisons les barreaux du silence », Dits et Ecrits (4 vol.) , Gallimard 1994, texte 88. vol II, p. 176 sqq.
5 Achille M’Bembe : De la post-colonie – essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Karthala, 2000.

colonie penitentiaire

Gouverner par la dette / Maurizio Lazzarato

Lexique introductif

AUSTÉRITÉ : « Les 500 plus fortunés de France se sont enrichis de 25 % en un an. Leur richesse a quadruplé en une décennie et représente 16 % du produit intérieur brut du pays. Elle compte aussi pour 10 % du patrimoine financier des Français, soit un dixième de la richesse entre les mains d’un cent-millième de la population » (Le Monde, 11/0/2013).
Pendant que les médias, les experts, les politiques réitèrent des incantations vantant l’équilibre budgétaire, se déroule une deuxième expropriation de la richesse sociale, après celle pratiquée à partir des années 1980 par la finance. La spécificité de la crise de la dette est que ses causes sont élevées au rang de remède. Ce cercle vicieux est le symptôme, non de l’incompétence de nos élites oligarchiques, mais de leur cynisme de classe. Elles poursuivent un but politique précis : détruire les résistances résiduelles (salaires, revenus, services) à la logique néolibérale.

DETTE PUBLIQUE : les dettes publiques ont atteint un niveau record dans tous les pays qui pratiquent l’austérité, ce qui signifie que les rentes des créanciers ont elles aussi atteint des niveaux records.

IMPÔT : l’arme principale du gouvernement de l’homme endetté est l’impôt. Il ne s’agit pas d’un instrument de redistribution qui viendrait après la production. Comme la monnaie, l’impôt n’a pas une origine marchande, mais directement politique.
Lorsque, comme dans les crises de la dette, la monnaie ne circule plus ni comme instrument de paiement, ni comme capital, lorsque le marché n’assure plus ses fonctions d’évaluation, de mesure, d’allocation de ressources, l’impôt intervient comme arme de gouvernementalité politique. Il assure la continuité et la reproduction du profit et de la rente bloqués par la crise, il exerce un contrôle économico-disciplinaire sur la population. L’impôt est la mesure de l’efficacité des politiques d’austérité sur l’homme endetté.

CROISSANCE : l’Amérique est aujourd’hui au point mort, comme on le dit d’une voiture. Le moteur tourne, mais elle n’avance pas. Il tourne uniquement parce que la Banque centrale achète chaque mois pour 85 milliards de titres du Trésor et d’obligations immobilières et qu’elle assure, depuis 2008, un coût zéro de l’argent.
L’Amérique n’est pas en récession seulement parce qu’elle est sous perfusion monétaire. Elle est incapable de tirer le reste du monde hors de la crise qu’elle a elle-même provoquée.
L’énorme quantité d’argent injecté chaque mois par la Fed ne fait qu’augmenter très faiblement le volume d’emploi, par ailleurs constitué en majorité par des services à très bas salaire et des emplois « part-time ». Elle reproduit les causes de la crise, non seulement parce qu’elle creuse les différences de revenus dans la population, mais aussi parce qu’elle continue à financer et à renforcer la finance.
Si la politique monétaire échoue à faire repartir l’économie et l’emploi, tout en risquant d’alimenter une autre bulle financière, elle favorise le boom économique d’un secteur et un seul, la finance. L’énorme quantité d’argent disponible pour financer l’économie passe d’abord par les banques qui s’enrichissent au passage. Malgré la croissance anémique des autres secteurs de l’économie, les marchés financiers ont atteint un niveau record.
Tout le monde attend la croissance mais c’est tout autre chose qui se profile à l’horizon. Le primat de la rente, les inégalités abyssales entre les salariés et leurs managers, les différences monstrueuses de patrimoine entre les plus riches et les plus pauvres (en France, 900 à 1), les classes sociales figées dans leur reproduction, le blocage d’une mobilité sociale déjà faible (notamment aux USA où le rêve américain n’est plus qu’un rêve) font penser, plus qu’au capitalisme, à une variante de l’Ancien Régime.

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CRISE : lorsque nous parlons ici de crise, nous entendons la crise ouverte en 200 par l’effondrement du marché immobilier américain. En réalité, il s’agit d’une définition restrictive et limitée, puisque nous subissons la crise depuis 193. La crise est permanente, elle change seulement d’intensité et de nom. La gouvernementalité libérale s’exerce en passant de la crise économique à la crise climatique, à la crise démographique, à la crise énergétique, à la crise alimentaire, etc. En changeant de nom, on change seulement de peur. La crise et la peur constituent l’horizon indépassable de la gouvernementalité capitaliste néolibérale. On ne sortira pas de la crise (tout au plus changera-t-on d’intensité) tout simplement parce la crise est la modalité de gouvernement du capitalisme contemporain.

CAPITALISME D’ÉTAT : « Le capitalisme n’a jamais été libéral, il a toujours été capitalisme d’État. » La crise des dettes souveraines montre sans aucun doute possible la pertinence de cette affirmation de Deleuze et Guattari. Le libéralisme n’est qu’une des subjectivations possibles du capitalisme d’État. Souveraineté et gouvernementalité fonctionnent toujours ensemble, de concert.
Dans la crise, les néolibéraux n’essayent pas de gouverner le moins possible, mais, au contraire, de tout gouverner, jusqu’au détail le plus infime. Ils ne produisent pas de la « liberté », mais sa limitation continue. Ils n’articulent pas la liberté du marché et l’État de droit, mais la suspension de la déjà faible démocratie.
La gestion libérale de la crise n’hésite pas à intégrer un « État maximum» parmi les dispositifs d’une gouvernementalité qui exprime sa souveraineté uniquement sur la population.

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GOUVERNEMENTALITÉ : la crise rend évidentes les limites d’un des plus importants concepts de Foucault, la gouvernementalité, et nous pousse à le compléter. Gouverner selon Foucault ne signifie pas « soumettre, commander, diriger, ordonner, normaliser ». Ni force physique, ni série d’interdits, ni ensemble de normes des comportements, la gouvernementalité incite, à travers une « série de réglementations souples, adaptatives », à aménager un milieu qui conduit l’individu à réagir d’une manière plutôt que d’une autre. La crise nous montre que les techniques de gouvernementalité imposent, interdisent, norment, dirigent, commandent, ordonnent et normalisent.
La «privatisation» de la gouvernementalité nous oblige à prendre en considération les dispositifs « biopolitiques » non étatiques. Depuis les années 1920, des techniques de gouvernance se développent à partir de la consommation. Elles se déploient avec le marketing, les sondages, la télévision, Internet, les réseaux sociaux, etc., qui informent la vie dans toutes ses dimensions. Ces dispositifs biopolitiques sont à la fois de valorisation, de production de subjectivité et de contrôle policier.

JD in black slip as white trash

LUTTE DE CLASSE : le capitalisme néolibéral a instauré une lutte de classe asymétrique, qu’il gouverne. Il n’y a qu’une classe, recomposée autour de la finance, du pouvoir de la monnaie de crédit et de l’argent comme capital. La classe ouvrière n’est plus une classe. Le nombre d’ouvriers a considérablement augmenté depuis les années 1970 de par le monde, mais ils ne constituent plus une classe politique et n’en constitueront plus jamais une. Les ouvriers ont bien une existence sociologique, économique, ils forment le capital variable de cette nouvelle accumulation capitaliste. Mais la centralité de la relation créancier/débiteur les a marginalisés politiquement de manière définitive. À partir de la finance et du crédit, le capital est continuellement à l’offensive. À partir de la relation capital/travail, ce qui reste du mouvement ouvrier est continuellement sur la défensive et régulièrement défait.
La nouvelle composition de classe qui a émergé tout au long de ces années, sans passer par l’usine, est composée d’une multiplicité de situations d’emploi, de non-emploi, d’emploi intermittent, de pauvreté plus ou moins grande. Elle est dispersée, fragmentée, précarisée, et elle est loin de se donner les moyens d’être une « classe » politique, même si elle constitue la majorité de la population.
Comme les barbares à la fin de l’Empire romain, elle opère des incursions aussi intenses que rapides, pour se replier immédiatement après sur ses « territoires » inconnus, notamment aux partis et aux syndicats. Elle ne s’installe pas. Elle donne l’impression de tester sa propre force (trop faible encore) et la force de l’Empire (encore trop forte) et elle se retire.

FINANCE : de pléthoriques débats inutiles occupent journalistes, experts économiques et personnel politique : la finance est-elle parasitaire, spéculative ou productive? Controverses oiseuses parce que la finance (et les politiques monétaires et fiscales qui vont avec) est la politique du capital.
La relation créancier/débiteur introduit une discontinuité forte dans l’histoire du capitalisme. Pour la première fois depuis que le capitalisme existe, ce n’est pas la relation capital/travail qui est au centre de la vie économique, sociale et politique.
En trente ans de financiarisation, le salaire, de variable indépendante du système, s’est transformé en variable d’ajustement (il est toujours à la baisse tandis que la flexibilité et le temps de travail sont toujours à la hausse).

TRANSVERSALITÉ : ce qu’il faut souligner, ce n’est pas tellement la puissance économique de la finance, ses innovations techniques, mais bien plutôt le fait qu’elle fonctionne comme un dispositif de gouvernance transversal, transversal à la société et transversal à la planète. La finance opère aussi transversalement à la production, au système politique, au welfare, à la consommation.
La crise des dettes souveraines confirme, approfondit et radicalise selon une pente autoritaire les techniques transversales de gouvernement, puisque « nous sommes tous endettés ».
Maurizio Lazzarato
Gouverner par la dette / 2014
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Éditions les Prairies ordinaires

Également sur le Silence qui parle :
Abécédaire Foucault / Alain Brossat
Abécédaire Foucault : présentation à la librairie Texture vendredi 27 juin, Paris

Catégorie Foucault

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Images : Cosmopolis / David Cronenberg et Margin Call / JC Chandor

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Constellations : Trajectoires révolutionnaires du jeune 21e siècle / Collectif Mauvaise troupe / Introduction

De ce début de siècle, nous avons encore le souvenir. De ses révoltes, de ses insoumissions, nous sommes nombreux à ne rien vouloir oublier. Nous savons pourtant que nous vivons dans un monde qui s’en emparera, nous en dépossédera afin que des enseignements n’en soient jamais tirés, et que rien de ce qui est advenu ne vienne repassionner les subversions à venir.
Pour extirper cette mémoire d’un si funeste destin, nous avons fait un « livre d’histoires ». Des histoires de rétifs, d’inadaptés, des histoires de lutte contre ce même ordre des choses qui menace aujourd’hui de les ensevelir sous son implacable actualité. « Ne faites pas d’histoires », c’est le mot d’ordre imposé par une époque piégée dans le régime de l’urgence et des plans de redressement. Ne faites pas d’histoires, et suivez le courant. L’économie répondra à vos besoins, les aménageurs assureront votre confort ; la police garantira votre sécurité, l’Internet votre liberté, et la transition énergétique, votre salut.
A contrario, les histoires de cet ouvrage injectent du conflit dans la paix sociale, viennent mettre du trouble là où devraient régner le contrôle et la transparence ; elles reflètent la recherche d’un certain ancrage dans un présent qui partout se défausse. Ce sont des histoires d’expérience et de transmission contre la dépossession, d’enracinement et de voyage contre l’anéantissement des territoires, d’intelligence collective contre l’isolement et l’exploitation. Elles parlent de jardins, de serveurs web, de stratégies, de fictions, de bouteilles incendiaires, de complicités, de zones à défendre, de free parties, d’assemblées, de lieux collectifs… Des histoires à vivre debout et à donner du souffle.
À une vaine recherche d’exhaustivité – le multiple ne se rendant jamais si mal que dans un catalogue – nous avons préféré la force d’évocation de quelques expériences riches des mondes qu’elles contiennent et des passerelles qu’elles nous dévoilent.
Elles sont devenues pour nous autant d’étoiles. Certaines sont mortes, et pourtant leur lumière continue de nous parvenir ; d’autres brûlent encore à l’heure où l’on écrit. Entre elles, des zones d’ombre persisteront, et c’est bien ainsi.

La question révolutionnaire
S’il y a de l’histoire à écrire sur la décennie, c’est à partir de cette kyrielle d’expériences qui viennent reposer la question révolutionnaire. Nous disons « reposer », sans avoir à décréter si oui ou non cette question s’était éteinte dans les années 90 (voire 80). Nous disons « question révolutionnaire » parce que nous nous demandons bien ce que c’est, la révolution. La vieille conception héritière du bolchevisme – la révolution comme prise du pouvoir – est battue en brèche depuis des décennies et n’existe même plus comme pôle de tension. Reste que les façons de déposer le pouvoir sans le prendre sont peu référencées, et que l’imaginaire qui se dessine autour est loin d’être saillant et univoque (disons plutôt qu’il est pâle et divers…).
Au-delà du sentiment largement partagé d’un monde invivable, ce qui manifeste cette reprise, la voix qui formule la question, ce sont les existences embarquées dans cet élan, brutalement ou petit à petit, au cours des dernières années. Des vies qui se lient aux aspirations révolutionnaires, qui s’y construisent, s’y rencontrent et y tiennent. Leurs multiples voix se mêlent à d’autres, beaucoup plus nombreuses, jusqu’à vibrer ensemble en quelques occasions (durant des mouvements comme l’antimondialisation ou le CPE, et à leur suite). Elles se mêlent à toutes celles qui, par leurs petites dissonances quotidiennes, marquent le tempo. Se forme alors un ensemble parfois cacophonique, dont aucun des éléments ne connaît la partition à l’avance.
C’est peut-être ce qui s’impose à nous en premier lorsque nous abordons cette histoire : ce qui s’en dégage de plus profondément politique se niche jusque dans les plis de l’existence. Les gestes les plus quotidiens se font des moments de la lutte, tandis que les grands événements ne résonnent pas sans dessiner de nouveaux devenirs aux êtres. Là où « faire de la politique » rimait jadis avec critique et « engagement », se font désormais écho des existences prises entièrement dans l’idée de tenir ensemble la lutte et la vie. Comment pourrait-on en effet s’engager – au sens sartrien – dans nos vies ? Si elles portent dans leurs formes mêmes le combat, il n’est plus question de sortir militer, mais bien de partir de là où l’on est, de conjointement « vivre et lutter », dans une tension jamais résolue.
Nous parions également que cette galaxie d’expériences singulières se laisse lire comme une offensive. Il n’est plus, à notre sens, de sujets révolutionnaires identifiés comme les tenants d’un grand bouleversement à venir. Plus non plus – ou trop pour être regroupées dans un instant décisif – de Bastilles à prendre. Difficile dans ce cas de trouver des mots : tout cela constitue-t-il un mouvement ? Une génération politique ? La révolution reste à l’état de question, dont le livre n’est pas une réponse, mais à laquelle chaque texte se confronte, forgeant ainsi des outils à utiliser et à affûter dans les temps à venir.
Nous avons donc suivi des intuitions, des hypothèses, contenues dans toutes ces tentatives d’inscrire le combat à même l’existence. Ce sera pour beaucoup l’histoire d’aiguillages qui mènent vers des voies inattendues, qui creusent des fondations et se maintiennent dans leur bouleversement. « Partir de là où l’on est » désigne cette densification qui joue avec les frontières, tant territoriales qu’identitaires, et qui prend en compte aussi bien l’idée d’une origine, que celle d’un nécessaire mouvement. C’est l’existant mêlé aux possibles qu’il contient, et que fait circuler, en son langage propre, l’imaginaire. Et comme il n’existe pas d’îlot, pas d’oasis pour échapper à un ordre des choses qui a achevé depuis longtemps de se répandre aux quatre coins du globe, une telle exploration relève du combat.
Ce combat trouve son sens dans ses apparitions présentes ; non en un quelconque âge d’or à venir mais dans les expériences qui en constituent la texture. Les programmes ont été enterrés. Et c’est bien justement l’absence d’idéologie qui nous rend la révolution désirable, autant qu’elle la fait discrète. Néanmoins, il est bon quelquefois d’édifier des repères juste devant nos pas : « avoir des pistes », « esquisser des chemins ». Ces histoires sont de celles qui donnent le goût de l’inconnu, qui bâtissent leurs plongeoirs au bord des abysses d’avenir.

Ceci n’est pas un livre d’Histoire
« Tout ce à quoi on s’adosse pour se retourner vers l’histoire et la saisir dans sa totalité, tout ce qui permet de la retracer comme un patient mouvement continu, tout cela, il s’agit systématiquement de le briser. Il faut mettre en morceaux ce qui permettait le jeu consolant des reconnaissances. […] L’histoire sera « effective » dans la mesure où elle introduira le discontinu dans notre être même. » / Michel Foucault

L’historiographie classique perçoit le temps comme un flux continu, régi par la loi de causalité. Un événement succède logiquement à l’autre, le présent est aisément défini par le passé, et donc l’avenir est d’ores et déjà prévisible à travers même le regard jeté sur le présent. C’est ce flux temporel qui conduit l’humanité vers le perfectionnement, c’est lui, le Progrès en marche (qui induit le fait de masquer les failles et les échecs).
A contrario, nous ressentons deux nécessités : tracer les pistes de demain sans étourdir l’inconnu, et sauver le passé, « l’arracher au conformisme qui, à chaque instant, menace de lui faire violence ». La conception de l’histoire que nous avons adoptée n’est donc en aucun cas celle de l’historien, car « notre histoire » se trouve constamment prise dans nos présents, et tendue vers l’avenir. Rien n’est moins neutre que de tenter d’écrire l’histoire. Mais à la différence de l’histoire « officielle » qui vise à se confondre avec la vérité, nous assumons notre point de vue, notre absence de neutralité. C’est pourquoi ce livre s’organise en « constellations » : le ciel, comme le passé, se lit, et les étoiles se relient selon l’œil qui les regarde. Nos yeux ont tracé des ponts, ont tissé les fils faits de l’assomption d’un parti pris particulier. Ce parti pris, nous le disons « politique », en ceci qu’il envisage dans chaque situation les possibles qu’elle recèle et la force qui en émane. « Contrairement à la perception naïve, c’est-à-dire non politique, du présent, qui n’y découvre jamais que la répétition ou la trace d’une situation déjà dé-passée, la lecture politique d’une constellation donnée sera celle qui, en quelque sorte, la déplacera d’un cran en direction de l’avenir. (Stéphane Mosès, L’Ange de l’Histoire)» Ce déplacement ne s’opère que si l’on considère des fragments de temps dans leur singularité, comme porteurs d’une disposition au changement, à l’imprévu, au possible.
Les quatre parties intitulées « trajectoires politiques » sont les seules parties qui, sans structurer le livre, sacrifient au temps chronologique. Parce que notre vécu s’éprouve aussi entre des « avant » et des « après », parce que nos expériences se laissent également saisir comme un enchaînement, comme une sédimentation, ces trajectoires serpentent au rythme saccadé des luttes : depuis le mouvement anti-mondialisation au tournant des années 2000, pour (ne pas) finir à l’automne 2013, période de bouclage des derniers textes.
S’il y a un sens à isoler cette entité historique – de la même façon que le périmètre géographique du livre ne s’étend pas trop au-delà des frontières françaises – c’est certes depuis une expérience partagée propre au collectif à l’origine de cet ouvrage. Mais c’est également parce qu’elle trouve sa cohérence dans l’apparition d’une mémoire commune dépassant les groupes et les individus. Les cabanes perchées dans les arbres du parc Mistral éclosent à nouveau à la ZAD, sur un même air de famille indignados et antimondialistes encerclent les lieux du pouvoir, et les blocages du mouvement des retraites de 2010 matérialisent quatre ans plus tard le slogan « bloquons tout ! » des anti-CPE. Des pratiques et des idées réapparaissent et s’affinent alors qu’on les croyait oubliées. Un des enjeux de ce livre consiste précisément à entretenir et à étendre ce partage au-delà d’une commune présence aux choses et aux événements, affermissant ainsi une communauté d’expérience par-delà les générations et les frontières.
S’il nous semble important de ne pas évacuer toute dimension chronologique, notre ambition se situe pourtant dans une rupture avec celle-ci. En reliant nos étoiles au mépris du calendrier, l’établissement de constellations tente d’enjamber les écueils de l’historiographie. Il permet d’employer un temps « qualitatif », qui considère chaque instant dans sa spécificité unique, et non comme une simple transition entre celui qui le précède et celui qui le suit ; un temps qui permette d’appréhender le présent comme ouvert sur une multiplicité d’avenirs possibles. Penser en termes de « constellations » transmue alors le temps linéaire en « temps des possibles », permettant la constitution d’une histoire commune, transverse, avec le lecteur.
« L’histoire des opprimés est une histoire discontinue », alors que « la continuité est celle des oppresseurs », disait Walter Benjamin. La continuité historique est l’illusion entretenue par la « mythologie des vainqueurs » afin d’effacer toute trace de « l’histoire des vaincus ». Cette terminologie est quelque peu vieillie, mais continue néanmoins à nous toucher, même si nous refusons de nous déclarer, d’avance, « vaincus », comme nous rechignons à désigner des « vainqueurs » de toujours. Pourtant, l’histoire telle que nous la percevons emprunte à la « tradition des opprimés » quelques-uns de ses ressorts. Elle naît des ruptures du tissu historique, des sursauts et des révoltes, sans être pour autant amnésique. L’écrire sans la trahir, c’est emprunter à cette tradition ses traits spécifiques : sa non-linéarité, ses ruptures, ses intermittences. Les constellations figurent ces césures, cet arrêt du temps (puisqu’elles figent des situations et des événements). « Arracher à la seconde qui passe la charge explosive qu’elle contient », voilà l’utopie contenue dans le ciel des constellations…

« Nous avons moins besoin de grands récits, fussent-ils de la libération, que d’un peuple de conteurs. »
Les récits qui se donnent à lire dans ce livre sont éminemment pragmatiques. Ils trouvent leur source et leur sens au ras des événements, au ras de l’existant. Ils se racontent et se construisent depuis ceux qui font, vivent et se battent. Ils ne constituent pas seulement un corpus dont nous nous inspirons : ces étoiles sont directement la substance, le corps de cette histoire immédiate. Nous ne partons pas, ou plus, d’une origine vierge de tout enseignement depuis laquelle on déploierait de la spéculation et de la prospective à l’envi. Si cet ouvrage se projette, donne à penser et élabore, c’est au milieu du vécu, des tentatives, des échecs et des avancées de celles et ceux qui ont fait cette histoire. Réfléchir depuis ce point, au milieu d’une telle matière, c’est subir l’inconfort de se retrouver souvent bloqué par le poids du réel et de ce qui le façonne. Mais quand enfin une piste, un axe de lecture et de compréhension du monde se dessine, c’est avec d’autant plus de force qu’il se déploie, qu’il nous embarque.
Les mots peinent parfois à rendre compte de la texture d’une époque ; la forme-livre se prête à ce que des images viennent les seconder, en étant par elles-mêmes porteuses de récit. Les dessins qui viennent ponctuer le livre sont ainsi issus d’une composition à quatre mains, où les traits, les collages et l’aquarelle déploient graphiquement chaque constellation. Les « trajectoires politiques » sont, quant à elles, ouvertes par des affiches et des photographies, ces dernières étant pour la plupart tirées du travail du collectif de photographes « tendance floue », qui s’attache depuis plus de 20 ans à raconter le monde au travers de regards singuliers.
Le collectif d’écriture, d’une douzaine de membres qui se sont pour une part rencontrés dans le processus d’élaboration du livre, s’est trouvé au cœur des événements et des questions qui le traversent. Au cours de nos deux années de travail, durant lesquelles ont été collectés les contributions et témoignages qui constituent la matière de cet ouvrage, huit constellations nous sont apparues : que signifient aujourd’hui déserter et quitter les sentiers battus ? Comment apprendre et savoir faire lorsque les voie habituelles de la transmission mènent à des impasses ? Comment faire la fête quand règnent les festivités ? Que peut encore vouloir dire habiter quelque part ? Mais aussi : qu’est-ce qu’un imaginaire en révolte ? Peut-on se plonger dans le grand bain de la numérisation générale sans s’y noyer ? Que peut signifier « intervenir politiquement » après tant de déconvenues des mouvements révolutionnaires ? Et quelles seraient les pistes pour parvenir à s’organiser sans recourir aux affres des organisations ? Émaillant ces huit constellations, un « chœur », voix polyglotte du collectif d’écriture, accompagnera le lecteur. Il énoncera leurs enjeux, donnant aussi quelques précisions sur les choix et les sélections de textes. Cette parole n’a pas pour ambition de surplomber les récits d’expérience d’un « nous » omniscient, mais de permettre de prendre ensemble ce foisonnement, de le comprendre comme constitutif d’une dynamique qui trouve des cohérences fortes. Pour autant, le « nous » dont ce chœur se fait la voix ne se confond pas avec les voix singulières des différentes contributions.
Chaque constellation est à la fois une porte, une sortie, un passage. En suivant les étoiles filantes esquissées à la fin de certains textes, une lecture transversale se dessine, faite de sauts entre des contributions dont la proximité est différente de celle qui a lié les constellations. L’amoureux des cabanes en bois qui se plongera dans la partie savoir-faire y trouvera de nouvelles routes vers l’intervention politique ou l’habiter. L’habitué des teufs techno tracera peut-être son chemin des fêtes sauvages vers la constellation de l’imaginaire, avant de revenir à celle des désertions. C’est aussi cette rencontre de mondes qui parfois s’ignorent que ce livre propose. Nous ne doutons pas que certains y trouvent des absences, peut-être insaisissables depuis le regard que nous avons choisi de porter. Nous souhaitons justement qu’elles fassent naître l’envie de compléter cette histoire, qui n’a de cesse de se dérouler, qui trop rarement s’écrit. Pour cela, entre autres espaces possibles, nous avons ouvert un site internet où se retrouveront les textes de cet ouvrage (sur le principe du lyber), les documents d’époques cités, ainsi que d’autres contributions qui viendront le prolonger : constellations.boum.org. Ce livre ne sera jamais, nous l’espérons, un objet clos, fini, univoque. Nous l’envisageons comme un fragment sur lequel viendront s’aimanter d’autres fragments.

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