Archive pour le Tag 'fascistes'

Nous ne nous reconnaissons pas…

Au moment où, dans nos pays d’origine, les luttes pour la dignité, la liberté et l’égalité font rage, nous assistons en France à un déferlement de forces conservatrices et réactionnaires porteuses d’inégalité :

- inégalité revendiquée entre femmes et hommes, sous couvert de défendre des différences entre sexes qui seraient soit-disant menacées ;

- inégalité entre homosexuels et hétérosexuels, avec la remise en cause de la loi sur le mariage pour tous ;

- inégalité entre les « races », dont le mot retrouve droit de cité : une ministre noire traitée de guenon, des propos racistes criés en pleine rue et, qui plus est, par des enfants ainsi instrumentalisés.

Or, nous ne voulons pas de cela pour nos enfants.

Lors de la Manif pour tous du dimanche 2 février 2014, une banderole écrite en arabe et en français affichait « Les Français musulmans disent non au mariage homosexuel ». Que certains se retrouvent dans ce slogan et affichent leurs penchants réactionnaires, cela ne nous étonne guère et c’est leur choix. Mais, pour notre part, nous ne nous reconnaissons :

- ni dans ce slogan, nous qui luttons, ici et là-bas, contre la marginalisation et la stigmatisation des homosexuels ;

- ni dans les délires de la prétendue menace d’indifférenciation entre les sexes à l’occasion des ABCD de l’égalité expérimentés dans les écoles, nous qui devons sans relâche défendre, ici et là-bas, l’égalité des droits entre femmes et hommes ;

- ni dans les propos racistes ou complotistes – que ce complot soit fantasmé comme celui des « arabes », des « musulmans », ou comme celui des « juifs » –, nous qui avons eu à affronter le fantasme du complot de « l’Occident » pour défendre dans nos pays d’origine la liberté de conscience, qui ne peut aller sans la sécularisation du droit.

Notre mémoire est celle des luttes d’indépendance pour l’égalité entre les peuples, des luttes sociales des années 1970 revendiquant « à travail égal salaire égal », des mouvements comme la Marche de l’égalité et contre le racisme de 1983, des associations de soutien aux luttes de femmes dans les pays du Maghreb.

C’est au nom de cette mémoire que nous rejoignons, ici et là-bas, les forces qui se battent contre toutes les inégalités et pour les libertés.

ACTIF, AFAPREDESA, AIDDA, Association démocratique des Tunisiens en France (ADTF), Association de défense des droits de l’homme au Maroc (ASDHOM), Association des Marocains en  France (AMF), Association des travailleurs maghrébins en France (ATMF), Association des Tunisiens en France (ATF), Association Engagement citoyen, CLAP-Villeurbanne, Collectif algérien en France ACDA (Agir pour le changement et la démocratie en Algérie), Collectif 3 C, Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT), Conseil des migrants au Maroc, Démocratie et veille citoyenne, EMCEMO, Engagement citoyen, Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), Femmes en Luth (Valence), Femmes Plurielles, Forum Palestine Citoyenneté, Immigration Développement Démocratie, Les Perseudes (Aix-en-Provence), Manifeste des libertés, Mouvement citoyen des Tunisiens en France (MCTF), Plateforme euromarocaine Migration, développement, citoyenneté, démocratie, Réseau Afrique Survie Migration, Réseau euro-maghrébin Citoyenneté et culture (REMCC), Sortir du colonialisme, Tunisie Culture et Solidarité, Unies-Vers-Elles.

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Contre Dieudonné, mais sans Valls / Edwy Plenel

Dès 2008, Mediapart alertait sur l’antisémitisme obsessionnel de Dieudonné. Plus de cinq ans après, nous nous sentons d’autant plus libres de refuser le piège tendu par le ministre de l’intérieur, Manuel Valls : se saisir du prétexte Dieudonné pour porter atteinte à nos libertés fondamentales. Cette politique de la peur, qui instrumentalise un désordre contre la démocratie, est le propre des pouvoirs conservateurs.

Un crime se prépare, et nous n’en serons pas les complices. Oui, un crime, c’est-à-dire un attentat contre les libertés. En République, du moins en République authentiquement démocratique, la liberté d’expression est un droit fondamental, tout comme la liberté d’information. Ce qui signifie qu’on ne saurait censurer au préalable l’une ou l’autre de ces libertés essentielles. On est en droit de leur demander des comptes de ce qu’elles disent, de leurs opinions ou de leurs informations. De les poursuivre en justice, de les faire condamner par des tribunaux. Mais seulement a posteriori, sans porter atteinte a priori aux droits fondamentaux qui font la force, et non pas la faiblesse, des démocraties : le droit de dire, le droit de savoir.C’est avec cette tradition républicaine qu’entend rompre, pour la première fois depuis la guerre d’Algérie, un gouvernement élu à gauche, essentiellement socialiste, à l’initiative de son ministre de l’intérieur, Manuel Valls. Dans la longue marche des libertés, où la gauche militante fut souvent aux premiers rangs, il fut acquis depuis un bon siècle que la loi ne pouvait interdire a priori un spectacle, quel qu’il soit. S’il créait des désordres, s’il portait atteinte à des personnes, s’il insultait et diffamait, l’arme démocratique ne pouvait être celle de l’interdiction administrative, où l’État s’érigeait en gardien des bonnes mœurs et des idées conformes. Seule la justice, jugeant publiquement et contradictoirement des faits après qu’ils eurent été commis, au grand jour et non pas dans le soupçon d’un procès en sorcellerie, peut les sanctionner.Or c’est cet héritage démocratique que la circulaire adressée le 6 janvier aux préfets par le ministre de l’intérieur entend remettre en cause (la télécharger ici en format PDF). Les « spectacles de M. Dieudonné M’Bala M’Bala » en sont le prétexte. Oui, le prétexte. Car la réalité délictuelle des spectacles de Dieudonné, militant antiraciste devenu propagandiste antisémite, n’a rien de nouveau. Nous nous en étions émus, ici même, fin 2008, après qu’il eut fait monter sur la scène du Zénith le négationniste Robert Faurisson pour lui décerner le « prix de l’insolence » dans une mise en scène clairement antisémite, assumant sans fard la diffusion d’une idéologie criminelle. Cinq ans après, Manuel Valls fait semblant de découvrir la perdition dieudonnesque et son abjection, au point de la transformer en sujet numéro un d’ordre public, loin devant les misères économiques, sociales, urbaines, qui minent et divisent le pays.À deux reprises, la circulaire Valls utilise l’adjectif « exceptionnel » pour qualifier ce qu’elle entend légitimer : une intervention de l’autorité administrative, de l’État, de ses préfets et de sa police, pour interdire les supposés spectacles de Dieudonné, devenus de fait meetings antisémites. Ce n’est pas un hasard, car il s’agit bien d’introduire un État d’exception au nom du combat, évidemment légitime, contre le racisme et l’antisémitisme. Mais c’est ici que s’ouvre le piège tendu à tous les démocrates et à tous les républicains, ce chemin où la liberté s’égare dans l’interdiction préalable de ceux qu’elle estime être ses ennemis, les ennemis de la liberté. S’égare et se perd durablement car, demain, après-demain, d’autres viendront qui énonceront leurs propres critères des libertés bienséantes et, du coup, se sentiront libres d’interdire sans frais ce qui les dérange ou leur déplaît.Seul le droit, et donc le juge, avec ses jurisprudences, ses instances, ses recours, ses débats contradictoires, ses héritages procéduraux, les lois, la Constitution française et les traités européens, peut protéger nos libertés. Laisser l’État en devenir le maître, de façon « exceptionnelle », c’est ouvrir la porte à l’arbitraire. « Quand une démocratie est attaquée dans ses fondements, elle se montre forte quand elle applique ses principes. Elle est faible si, face aux extrémismes, elle les abdique » : dans un communiqué lumineux, dont ce sont les deux premières phrases, la Ligue des droits de l’homme a, dès le 6 janvier, critiqué la voie empruntée par le ministre de l’intérieur, ces « interdictions préalables au fondement juridique précaire et au résultat politique incertain, voire contreproductif » (lire le communiqué intégral sous l’onglet « Prolonger »).La Ligue des droits de l’homme parle d’expérience. Née des combats fondateurs de l’affaire Dreyfus, contre l’antisémitisme français, la Ligue des droits de l’homme fut aussi marquée, à ses débuts, par le refus des « lois scélérates » par lesquelles la jeune Troisième République avait cru se défendre des attentats anarchistes en portant atteinte à la liberté d’expression des intellectuels de l’anarchie, de leurs idées et de leur propagande. L’un des jeunes juristes, auditeur au Conseil d’État, qui lui fournit alors l’argumentaire en droit pour refuser ce piège où la démocratie prétendait se défendre en se reniant n’était autre que Léon Blum, par la suite figure du socialisme français des origines et président du conseil du Front populaire.

La politique de la peur des néo-conservateurs
Avec Manuel Valls, mais aussi François Hollande qui l’a soutenu depuis un pays pourtant peu connu pour son attachement aux droits de l’homme, l’Arabie saoudite, ou Aurélie Filippetti qui, à cette occasion, transforme son poste en ministère de l’ordre culturel, avec Valls donc, nous sommes bien loin de cette tradition démocratique de la gauche française.
En revanche, nous sommes bien plus proches de la nouveauté politique incarnée, outre-Atlantique, par les divers courants néo-conservateurs qui, à droite comme à gauche, se saisissent des désordres apparents des nations et du monde pour restaurer des dominations ébranlées et fragilisées. Intellectuellement, l’argument invoqué pour interdire sans procès Dieudonné est le même qui, aux États-Unis, a légitimé le Patriot Act qui mit en cause les libertés fondamentales américaines au prétexte des attentats du 11 Septembre. Et, en pratique, le résultat sera aussi désastreux, produisant de nouveaux désordres plutôt que d’instaurer de durables apaisements.
C’est bien pourquoi les défenseurs des libertés s’alarment tout comme nous, sans pour autant faire l’once d’une concession à la posture victimaire prise par l’agresseur antisémite Dieudonné. Dans un entretien fort pédagogique au Monde, l’universitaire Danièle Lochak explique pourquoi « l’on doit se méfier de toute interdiction préventive prononcée par une autorité administrative », précisant : « C’est le prix à payer dans une démocratie qui entend veiller à la défense des libertés » (lire ici). Et, sur son célèbre blog « Journal d’un avocat », Maître Eolas s’en prend avec autant de rigueur juridique que d’humour dévastateur aussi bien à Dieudonné qu’à Manuel Valls, expliquant « pourquoi il ne faut pas faire taire Dieudonné mais ne pas l’écouter non plus » (lire là).
Enfin, à sa manière sobre au point de paraître abrupte, un ancien ministre de l’intérieur socialiste peu suspect de laxisme, Pierre Joxe, a laissé entendre, dès le 2 janvier, tout le mal qu’il pensait du chemin régressif emprunté par son successeur : « Peut-être que j’avais de meilleurs conseillers juridiques que lui… » (c’est à écouter, sous l’onglet « Prolonger », à 8 min 40 sec de la vidéo, avec, auparavant, une brillante illustration de ce que serait une authentique politique de gauche en matière de justice et de sécurité).
Imposant son duel avec Dieudonné comme le feuilleton médiatique du moment, Manuel Valls fait tout bêtement, et sinistrement, du Nicolas Sarkozy. Il exacerbe, hystérise, divise, dramatise, pour mieux s’imposer en protagoniste solitaire d’une République réduite à l’ordre établi, immobilisée dans une politique de la peur, obsédée par la désignation d’ennemis à combattre, tournant le dos à toute espérance transformatrice, authentiquement démocratique et sociale. Avec cette politique avilie, réduite aux émotions sans pensées, aux réflexes sans débats, aux urgences sans discussions, nous voulions en finir en 2012, et hélas nous y sommes toujours.
Sous Nicolas Sarkozy, dès 2009, nous nous étions retrouvés dans cette chanson de Rodolphe Burger qui proposait d’être, de nouveau, rassemblés « ensemble »« mais sans toi », ajoutait le refrain pour désigner celui-là même qui dressait la France contre elle-même.
Et c’est en repensant à cette chanson-manifeste que nous nous dressons, aujourd’hui, contre Dieudonné, mais sans Valls.
Edwy Plenel
Contre Dieudonné, mais sans Valls / 2014
Publié sur Mediapart le 7 janvier 2014
Lire également sur le Silence qui parle :
Dieudonné-Soral : l’anticapitalisme des imbéciles
La nécropolitique à la française / Beatriz Preciado
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La nécropolitique à la française / Beatriz Preciado

J’ai grandi en écoutant des histoires de la guerre civile espagnole. Pendant des années, j’ai demandé aux adultes comment ils avaient pu se tuer entre frères, comment la mort était devenue l’unique façon de faire de la politique. Je ne réussissais pas à comprendre pourquoi ils s’étaient battus, ce qui les avait poussés à se détruire, à tout détruire. Ma grand-mère, fille de vendeurs ambulants, était catholique et anarchiste. Son frère, ouvrier pauvre de l’industrie sardinière, était athée et communiste. Son mari, comptable de la mairie d’un village, était militant franquiste. Le frère de son mari, ouvrier agricole, fut enrôlé de force dans l’armée de Franco, entraîné à traquer les rouges. L’histoire la plus traumatique de la famille, qui revenait sans cesse, comme un symptôme, dans une tentative condamnée à l’échec de refaire sens, racontait comment le mari de ma grand-mère avait sorti de prison mon oncle, le communiste, le jour prévu de son exécution. Les dîners familiaux finissaient souvent dans les larmes de mon grand-père bourré qui criait à mon oncle: «Ils m’ont presque obligé à te tirer une balle dans le dos.» Ce à quoi mon oncle répondait : «Et qui nous dit que tu n’en aurais pas été capable ?» Interpellation suivie d’un cortège de reproches, qui dans mon oreille d’enfant sonnait comme une actualisation posthume de la même guerre. Ça n’avait ni sens ni résolution.
C’est seulement il y a quelques années que j’ai commencé à comprendre que ce ne fut pas la détermination idéologique, mais la confusion, le désespoir, la dépression, la faim, la jalousie et pourquoi ne pas le dire, l’imbécillité, qui les avaient conduits jusqu’à la guerre. Franco a sorti une légende de son képi, selon laquelle une alliance diabolique entre francs-maçons, juifs, homosexuels, communistes, Basques et Catalans menaçait de détruire l’Espagne. Mais c’est lui qui allait la détruire. Le national-catholicisme a inventé une nation qui n’existait pas, a dessiné le mythe d’une Espagne éternelle et nouvelle, au nom de laquelle mes oncles étaient sommés de s’entretuer. Comme autrefois en Espagne, un nouveau langage national-chrétien français cherche à inventer une nation française qui n’existe pas et qui ne propose que violence.
Je suis venu vivre en France en suivant les traces de 68, qu’on pouvait lire à travers une philosophie dont la puissance athlétique n’était comparable qu’au football espagnol. Je suis tombé amoureux de la langue française en lisant Derrida, Deleuze, Foucault, Guattari ; je désirais écrire cette langue, vivre dans cette langue. Mais par-dessus tout, j’imaginais la France comme le lieu dans lequel l’imbécillité qui mène au fascisme serait désagrégée par la force des institutions démocratiques – conçues pour encourager la critique plutôt que le consensus. Mais l’imbécillité et la confusion qui ont terrassé mes ancêtres ibériques pourraient bien atteindre la France.
J’ai du mal à croire, ces derniers temps, à la fascination qu’exerce le langage de la haine tenu par le national-christianisme français, à la vélocité avec laquelle accourent ses sympathisants, qu’ils soient dans l’opposition ou au gouvernement – comme Valls qui applique avec fierté des politiques lepénistes au sein d’un gouvernement socialiste. L’extrême droite, la droite et une partie de la gauche (ceux qui croient que les Roms, les émigrants, les musulmans, les juifs, les Noirs, les homosexuels, les féministes… sont la cause de la décadence nationale) entendent démontrer que la solution aux problèmes sociaux et économiques viendra de l’application de techniques d’exclusion et de mort contre une partie de la population. J’ai du mal à croire que 20% des Français soient dans une telle confusion qu’ils fondent un espoir de futur sur la forme la plus antique et brutale de gouvernement : la nécropolitique – le gouvernement d’une population par l’application des techniques de mort sur une partie (ou la totalité) de cette même population, au bénéfice non de la population, mais d’une définition souveraine et religieuse de l’identité nationale.
Ce que préconisent les langages national-chrétiens quand ils agitent le drapeau de la rupture et de la rébellion sociale ne peut être appelé politique, mais guerre. La militarisation des relations sociales. La transformation de l’espace publique en espace surveillé. Fermer les frontières, blinder les utérus, expulser les étrangers et les émigrants, leur interdire de travailler, de se loger, de se soigner, éradiquer le judaïsme, l’islam, enfermer ou exterminer les Noirs, les homosexuels, les transsexuels… En définitive, il s’agit de nous expliquer que certains corps de la République ne doivent pas avoir accès aux techniques de gouvernement, en fonction de leur identité nationale, sexuelle, raciale, religieuse, qu’il y a des corps nés pour gouverner et d’autres qui devraient rester les objets de la pratique gouvernementale. Si cette proposition politique les séduit, et je pense aux électeurs de Le Pen, dont les déclarations et les gestes m’ont hélas toujours été familiers, il faut l’appeler par son nom : qu’ils disent que ce qu’ils désirent, c’est la guerre, que ce qui leur convient, c’est la mort.
Beatriz Preciado
la Nécropolitique à la française / 2013
Chronique publié dans Libréation le 22 novembre 2013
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