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Deleuze et l’Anti-Œdipe – la production du désir / Guillaume Sibertin-Blanc / Etat, machine révolutionnaire et schizo-analyse (1)

Luttes de classes et conflits inconscients
Scizophrénie-paranoïa : l’Etat dans le désir et l’inconscient capitaliste. – Si Œdipe devient possible dans les formations despotiques, les conditions formelles n’en sont montées que dans une organisation libidinale elle-même surdéterminée par un appareil d’Etat qui en bloque simultanément l’actualisation. L’investissement désirant de cet appareil ne se « rabat » pas sur un agence ment familialiste privatisé. L’inceste lui-même demeure tout entier localisé dans une symbolique objective déterminée (les rites de la famille royale) (1). Chose du despote, il ne passe pas dans le registre fantasmatique des identifications imaginaires des sujets. Dans le sillage de la généalogie nietzschéenne de la morale, Deleuze et Guattari accusent cette différence : la loi transcendante n’y signifie pas encore un « manque-à-être » que le sujet devrait assumer pour pouvoir reconnaître son désir. La voix sacrée reste un silence éminemment signifiant tout en hauteur, et n’est pas encore intériorisée dans la voix d’un Surmoi chargé des valeurs dominantes et des idéaux de la morale sociale. Présupposé divin et cause transcendante apparente, le corps du despote fait bien de l’existence même des sujets une « dette » insurmontable ; mais cette dette infinie, précisément parce qu’elle est encore rapportée à ce créancier éminent déterminable dans l’objectivité sociale, ne peut pas être métabolisée et spiritualisée comme culpabilité de l’homme privé (A Œ, 256-257). Surtout, l’effectuation du complexe d’Œdipe comme mode de subjectivation du désir suppose, selon Deleuze et Guattari, une multiplicité de facteurs qui appartiennent directement à la généalogie du capitalisme. En dépend la manière dont l’Urstaat transcendant disparaît, ùais aussi fait retour dans les formes « évoluées » ou modernes de l’Etat, et finalement trouve à prendre de nouvelles positions tant dans le champ social que dans l’inconscient. Il faut d’abord, suivant la tendance de l’histoire universelle au décodage des flux, que ces derniers échappent de plus en plus au surcodage d’Etat, et contraignent l’Etat à inventer lui-même de nouveaux codes pour limiter, régler et s’approprier une production sociale qu’il contrôle de moins en moins (A Œ, 258-259, 263-265). Dans un tel processus de transformation créatrice des formes et des fonctions de l’appareil d’Etat, ce dernier n’organise plus par surcodage les flux de production, par exemple en limitant le grand commerce et en contrôlant l’émission et la circulation monétaires (A Œ,232-234). il tend à devenir un régulateur immanent à un champ de flux décodés, marchands, industriels et financiers. Il ne détermine plus lui-même sa propre domination de caste, mais se subordonne à des rapports de classes devenus des déterminations disctinctes découlant des modes de conjonction et d’appropriation de ces flux économiiques décodés. Il ne projette plus un manque symbolique dans un signifiant-maître vide et transcendant (Urstaat) ; il concourt à aménager et reproduire le manque dans l’immanence des rapports sociaux de production (A Œ, 279-283). Il ne constitue plus une forme transcendante du public, mais fait du public la forme dans laquelle s’affrontent des groupes d’intérêts privés, le pouvoir d’Etat s’intériorisant lui-même dans leurs antagonismes et passant au service des classes dominantes, de leurs contradictions internes, de leurs luttes et compromis avec les classes dominées (A Œ, 257-258, 261-263).
L’ensemble de ces facteurs définissent une socialisation ou un « devenir immanent » de la forme Etat qui, dans le retrait de l’Urstaat, n’affecte pas ses fonctions politiques, économiques, et même symboliques, sans transformer sa place dans les productions de l’inconscient et, partant, dans les positions subjectives des individus sociaux. En particulier la composante « paranoïaque » de l’Urstaat cesse d’être le monopole du souverain. La tension que lui confère sa transcendance, et son impuissance face à tout ce qui glisse sous ses prises et échappe à son contrôle – l’angoisse des lux décodés ou inappropriés -, passe dans le désir des sujets privés de l’âge moderne, comme un mode d’investissement inconscient de la formation sociale capitaliste comme telle. C’est dire que l’Urstaat ne disparaît pas purement et simplement. Seul disparaît ou passe à l’état latent le corps du despote comme être objectif du désir, au profit d’un nouveau corps plein : le capital, nouveau présupposé naturel ou divin attirant et repoussant les organes et les flux sociaux, se les appropriant comme leur quasi-cause et les réprimant. Si tel est désormais l’être objectif du désir, ou la façon dont l’instance dominante de la structure sociale passe dans l’inconscient et se subordonne la production désirante du réel historique, c’est en fonction de cette détermination de base que doit être conçue la paranoïa des « civilisés ».
Un telle situation doit être expliquée du point de vue de l’économie propre à cette formation. Nous avons vu en quel sens Deleuze et Guattari entendaient « l’affinité » entre le capitalisme et la schizophrénie, du point de vue d’une logique de la production qui tendanciellement ne présuppose plus de codes sociaux. Il importe d’autant plus à présent de souligner le caractère partiel, et ambigu, de cette affinité. La contradiction immanent du capitalisme, a-t-on dit, tient à ce qu’il ne peut se développer qu’en accusant sans cesse sa tendance au décodage des flux de production vers sa limite (processus schizophrénique) mais à la condition expresse de contrarier sans cesse cette tendance même, d’en différer la fin en l’intériorisant et en la déplaçant comme ses propres limites internes. L’instance qui prend principalement en charge ce déplacement, et qui en concentre donc les contradictions, est l’Etat. Il lui revient d’appuyer le décodage capitaliste de la production sociale, mais simultanément aussi de différer les effets de saturation du système en intervenant directement dans les formes de conjonctions économique, en réprimant les flux décodés non intégrables, et en déléguant sa répression à un appareil qui intériorise la limite et l’étouffe dans un agencement de subjectivation privée (famille). C’est cette localisation de l’intervention du pouvoir d’Etat dans la dynamique contradictoire du capitalisme, au niveau précisément du jeu mobile des limites de ce système, qui rend compte selon Deleuze et Guattari de la forme sous laquelle l’Urstaat, la forme-Etat paradigmatique, fait retour au sein des sociétés capitalistes (A Œ, 446-449).
« Nés du décodage et de la déterritorialisation, sur les ruines de la machine despotique, ces sociétés sont prises entre l’Urstaat qu’elles voudraient bien ressusciter comme unité surcodante et reterritorialisante, et les flux déchaînés qui les entraînent vers un seuil absolu. Elles recodent à tour de bras, à coups de dictature mondiale, de dictateurs locaux et de police toute-puissance, tandis qu’elles décodent ou laissent décoder les quantités fluentes de leurs capitaux et de leurs populations (…). L’axiomatique moderne au fond de son immanence reproduit l’Urstaat transcendant, comme sa limite devenue intérieure, ou l’un de ses pôles entre lesquels elle est déterminé à osciller. » (A Œ, 309-311)
Ainsi fondée dans la contradiction interne de la dynamique capitaliste de la production sociale, la bipolarité schizophrénie/paranoïa définit les deux pôles de l’investisssement libidinal immédiat de la formation historique correspondante (A Œ, 329-331, 407-408, 435-441). Elle révèle la façon dont cette contradiction, et l’Etat capitaliste qui y intervient, passe dans les productions primaires de l’inconscient. C’est pourquoi les investissements paranoïaque et schizophrénique ne désignent pas des catégories nosologiques distinctes, mais expriment le caractère inévitablement ambivalent de tous les investissements capitalistes du désir, les « oscillations de l’inconscient de l’un à l’autre des pôles », l’intrication de leurs valences pourtant antagoniques (A Œ, 125, 309, 330, 451). Pour le dire inversement, cette ambivalence marque l’efficace, dans l’inconscient, du rapport complexe du mode de production capitaliste aux limites de sa propre reproduction (A Œ, 435).
Le repérage d’un tel plan d’investissements inconscients immédiats des structures sociales capitalistes, donne à une « schizo-analyse » la tâche de discerner ces dynamiques schizophréniques et paranoïaques de notre formation historique. Cette tâche n’est toutefois pas une fin en soi. Elle ouvre à son tour le problème de suivre et de diagnostiquer les incidences de ces polarités libidinales, de leurs oscillations et contradictions, sur un autre plan qui s’en distingue formellement (les deux plans d’investissement étant toujours donnés ensemble, en interaction constante). Cette distinction suppose trois formulations (A Œ, 301-306, 411-419, 449-450). La première hérite de la topique freudienne et distingue des investissements inconscients et des investissements conscients ou préconscients. La seconde distingue des positions de désir (inconscient) et des positions d’intérêt (préconscient), et place l’argumentation sur un terrain théorique marxiste, celui d’une détermination des classes et de leurs rapports antagoniques en fonction « d’intérêts objectifs » assignables dans la structure sociale. La troisième en prolonge les répercussions pratiques sur le plan d’une politique de masse, en distinguant les désirs inconscients de groupe et les intérêts préconscients de classe. Cerner les raisons de cette distinction, mais aussi l’articulation de ces trois manières de la formuler, est capital : occupant l’ensemble de la dernière section de l’Anti-Œdipe, ce problème en concentre l’objectif pratique – celui que visent de façon programmatique ce régime d’analyse dénommé schizo-analyse, la détermination de ses tâches concrètes, et sa signification sous le double rapport d’une clinique des formes de subjectivité et d’une politique révolutionnaire d’émancipation des masses. Le paragraphe conclusif du livre récapitulera en ce sens : « La tâche de la schizo-analyse est enfin de découvrir dans chaque cas la nature des investissements libidinaux du champ social, leurs conflits possibles intérieurs, leurs rapports avec les investissements préconscients du même champ, leurs conflits possibles avec ceux-ci » (A Œ, 458).

La détermination de classe capitaliste – La distinction d’un « investissement libidinal inconscient de groupe ou de désir » et « d’un investissement préconscient de classe ou d’intérêt » faut d’abord fond sur un réexamen du problème de la détermination de classe. D’allure provocante, directement étayée cependant sur le dispositif conceptuel de l’histoire universelle du chapitre III, l’argumentation de Deleuze et Guattari commence par établir la thèse d’une unicité de classe du système capitaliste : « Il n’y a qu’une seule classe à vocation universaliste, la bourgeoisie » (A Œ, 301). Si d’un point de vue matérialiste la détermination théprique de classe doit être fondée en dernière analyse sur les rapports d’exploitation qui structurent les rapports socioéconomiques, alors cette exigence même n’est pleinement valide à son tour que lorsque ces rapports cessent d’être conditionnés par des codes sociaux extra-économiques présupposés. C’est ce qui distingue un rapport de classe des rapports d’exploitation précapitalistes – rapports de « rangs », de « castes » ou « d’ordres » – qui ne se laissent pas définir sans la dominance de tels codes (lignagers, coutumiers ou statutaires, politico-religieux ou politico-juridiques…) sur les rapports de production. Si au contraire la notion de « classe » implique la détermination immédiatement économique de ces rapports, et la subordination directe des divisions sociotechniques du travail à la production pour le capital, alors l’opposition théorique primaire de la formation capitaliste ne passe pas entre deux classes (et entre deux formes d’universalité). Elle passe entre les rangs, états, castes, qui codent et surcodent la production sociale, et la classe bourgeoise qui les combat, et qui les supplante en se mettant elle-même au service de l’accumulation élargie du capital et de l’universalisation de sa tendance au décodage des rapports et flux de production (A Œ, 303).
Cette thèse d’une unicité de classe des formations capitalistes impose une nouvelle opposition théorique à l’intérieur du capitalisme. celle-ci ne passe pas entre les travailleurs et les propriétaires des moyens de production, ou entre les salariés et les détenteurs des moyens d’investissement. Elle passe entre la bourgeoisie en tant qu’elle suffit à remplir le champ d’immanence capitaliste et à opérer ses déplacements de limites internes, et les flux décodés qui en esquissent chaque fois la limite extérieure, la ligne de rupture sans cesse conjurée, à la fois précaire et itérativement insistante : « elle est entre la classe et les hors-classe » (A Œ, 303). N’est-ce pas retrouver la première acception du prolétariat, cette « plèbe » déclassée qu’évoquait déjà Hegel, échappant )à la double dialectique des structures socioéconomiques des Stände et des structures sociopolitiques des Klassen (2) ? L’Anti-Œdipe avance une figure bien plus inattendue, creusant entre les deux termes de l’opposition une asymétrie radicale qui compromet la possibilité même de les rapporter l’un à l’autre : « Elle est entre la classe et les hors-classe. (…) Entre le régime de la machine sociale et celui des machines désirantes. Entre les limites intérieures relatives et la limite extérieure absolue. Si l’on veut : entre les capitalistes et les schizos, dans leur intimité fondamentale au niveau du décodage, dans leur hostilité fondamentale au niveau de l’axiomatique, (d’où la ressemblance, dans le portrait que les socialiste du XIXème font du prolétariat, entre celui-ci et un parfait schizo) » (A Œ, 303). Qu’il n’y ait là qu’une opposition théorique, qui ne livre nullement par elle-même son éventuelle signification pratique et politique, cela va de soi. Mais il faut en dire davantage : c’est l’impossibilité de lui donner un sens immédiatement politique qui en fait l’intérêt en en éclairant l’effet théorique. En effet, formulée dans un si énigmatique vis-à-vis, « les capitalistes et les schizos… », cette opposition bloque d’emblée toute identification subreptice des « hors-classe » – cet « autre » du capitalisme que désigne depuis Marx le terme de « prolétariat » – à sujet de l’histoire, à un agent collectif susceptible d’être identifié et de s’identifier lui-même au porteur de son sens et de sa destination vers une société sans classe. Plus profondément elle bloque toute possibilité de replier l’un sur l’autre le plan théorique et le plan politique, dans l’illusion d’une transparence réflexive qui ferait de l’organisation politique d’une classe prolétarienne la simple expression pratique des contradictions structurelles du capitalisme. En somme, en posant l’unicité théorique de classe, « terrible classe unique des bonshommes gris », Deleuze et Guattari reposent sur fond de contingence la question de l’antagonisme des classes dans l’histoire des société industrielles. A rebours d’une interprétation prompte à y projeter la signification transhistorique d’une forme politique invariante, le problème est de réinterroger à la fois la nécessité, et les limites de cette nécessité, de la bipolarisation de la lutte contre le capitalisme dans la forme politique et stratégique que lui a donnée l’histoire effective des mouvements ouvriers et de leurs partis : la forme d’un antagonisme entre ouvriers organisés en classe prolétarienne et capitalistes organisés en classe bourgeoise.
Guillaume Sibertin-Blanc
Deleuze et l’Anti-Œdipe – la production du désir / 2010
lire également sur le silence qui parle :
Y a-t-il moyen de se soustraire au modèle d’Etat
Trois problèmes de groupe 1 et 2

Deleuze et l'Anti-Œdipe - la production du désir / Guillaume Sibertin-Blanc / Etat, machine révolutionnaire et schizo-analyse (1) dans Anarchies kusama
1 Sur l’histoire symbolique initiatique de l’inceste royal, qui ne fait d’abord intervenir que le roi, sa soeur et sa mère (« père et fils n’existent pas encore »), cf A Œ, p. 236-250.
2 G.W.F. Hegel, Principes de la philosophie du droit, § 243-245.

Chaosmose / Félix Guattari

« Sur les planchers du pont, sur les parvis du bateau, sur la mer, avec le parcours du soleil dans le ciel et celui du bateau, se dessine, se dessine et se détruit à la même lenteur, une écriture, illisible et déchirantes d’ombres, d’arêtes, de traits de lumière brisée reprise dans les angles, les triangles d’une géométrie fugitive qui s’écoule au gré de l’ombre des vagues de la mer. Pour ensuite, de nouveau, inlassablement, encore exister. »
Marguerite Duras / l’Amant de la Chine du Nord

l’Objet écosophique (…)
Parler de machine plutôt que de pulsion, de Flux plutôt que de libido, de Territoire existentiel plutôt que d’instances du moi et de transfert, d’Univers incorporels plutôt que de complexes inconscients et de sublimation, d’entités chaosmiques plutôt que de signifiant ; enchâsser circulairement des dimensions ontologiques plutôt que de découper le monde en infrastructure et superstructure n’est peut-être pas seulement qu’une question de vocabulaire ! Les instruments conceptuels ouvrent et ferment des champs de possible, catalysent des Univers de virtualité. Leurs retombées pragmatiques sont souvent imprévisibles, lointaines, différées. Qui peut savoir ce qui en sera repris par d’autres, pour d’autres usages, à quelles bifurcations ils pourront concourir !
L’activité de cartographie et de métamodélisation écosophique, où l’être devient l’objet ultime d’une hétérogénèse sous l’égide d’un nouveau paradigme esthétique, devrait dons se faire à la fois plus modeste et plus audacieuse que les productions conceptuelles auxquelles l’Université nous a accoutumé. Plus modeste car elle devra renoncer à toute prétention à la pérennité, à toute assise scientifique inamovible, et plus audacieuse pour être partie prise et partie prenante de l’extraordinaire course de vitesse qui se joue actuellement entre les mutations machiniques et leur « capitalisation » subjective. L’engagement dans des pratiques sociales, esthétiques et analytiques novatrices est ainsi corrélatif d’un franchissement du seuil d’intensité de l’imagination spéculative, émanant non seulement des théoriciens spécialisés, mais aussi des agencements d’énonciation confrontés à la transversalité chaosmique propre à la complexité des objets écosophiques. Et le dégagement d’options éthico-politiques relatives aussi bien aux aspects microscopiques de la psyché et du socius, qu’au destin global de la biosphère et de la mécanosphère, appelle désormais une remise en question permanente des fondements ontologiques des modes de valorisation existants dans tous les domaines.
Cette activité cartographique pourra s’incarner de multiples façons. Une préfiguration déformée nous en est fournie par la séance de psychanalyse ou de thérapie familiale, les réunions de l’analyse institutionnelle, les pratiques de réseau, les collectifs socio-professionnels ou de quartier… Le trait commun à toutes ces pratiques paraît être celui de l’expression verbale. Aujourd’hui la psyché, le couple, la famille, la vie du voisinage, l’école, le rapport au temps, à l’espace, à la vie animale, aux sons, aux formes plastiques : tout devrait être remis en position d’être parlé. Cependant, ce n’est pas à ce seul niveau d’expression verbale que s’en tiendra l’approche écosophique (ou schizoanalytique). La parole demeure sans doute un médium essentiel ; mais elle n’est pas le seul ; tout ce qui court-circuite les chaînes significationnelles, les postures, les traits de visagéité, les dispositions spatiales, les rythmes, les productions sémiotiques a-signifiantes (relatives par exemple aux échanges monétaires), les productions machiniques de signe pouvant être impliquées dans ce type d’agencement analytique. La parole elle-même, je ne saurais trop y insister, n’intervient ici que pour autant qu’elle est support de ritournelles existentielles.
La cartographie écosophique n’aura donc pas pour fin première de signifier et de communiquer mais de produire des agencements d’énonciation aptes à capter les points de singularité d’une situation. Dans cette perspective, des réunions à caractère politique ou culturel auront vocation à devenir analytique et, inversement, le travail psychanalytique sera appelé à prendre pied dans de multiples registres micropolitiques. La rupture de sens, le dissensus, au même titre que le symptôme pour le freudisme, deviennent alors une matière première privilégiée. Les « problèmes personnels » devront pouvoir faire irruption sur la scène privée ou publique de l’énonciation écosophique. A cet égard, il est frappant de constater combien le mouvement écologiste français, dans ses diverses composantes, s’est révélé incapable, jusqu’à présent, de faire vivre des instances de base. Il s’est tout entier consacré à un discours d’ordre environnemental ou politique. Si vous interpellez les écologistes sur ce qu’ils comptent faire pour aider les clochards de leur quartier, ils vous répondent généralement que ce n’est pas de leur ressort. Si vous leur demandez comment ils pensent sortir de leurs pratiques groupusculaires et d’un certain dogmatisme, nombre d’entre eux reconnaissent le bien-fondé de la question, mais sont bien embarrassés pour y apporter des solutions ! Alors qu’à la vérité, le problème aujourd’hui n’est plus, pour eux, de se positionner à égale distance de la gauche et la droite, mais de contribuer à réinventer une polarité progressiste, de refonder la politique sur d’autres bases, de réarticuler transversalement le public et le privé, le social, l’environnemental et le mental. Pour aller dans ce sens, de nouveaux types d’instances de concertation, d’analyse, d’organisation devront être expérimentés ; peut-être d’abord à petite échelle et plus largement ensuite. Si le mouvement écologiste, qui se présente en France aujourd’hui sous un jour si prometteur, ne s’attelle pas à cette tâche de recomposition d’instances militante (dans un sens tout à fait nouveau, c’est-à-dire d’agencements collectifs de subjectivation) alors à n’en pas douter, il perdra le capital de confiance dont il se trouve investi, les aspects techniques et associatifs de l’écologie étant récupérés par les partis traditionnels, le pouvoir d’Etat et l’éco-business. Le mouvement écologique devrait donc, à mon sens, se préoccuper en priorité de sa propre écologie sociale et mentale.
En France, il était de tradition que certains chefs de file intellectuels soient investis d’une mission de guide de l’opinion. Mais cette période paraît heureusement révolue. Après avoir connu le règne des intellectuels de la transcendance – les prophètes de l’existentialisme, les « organiques » (au sens de Gramsci) de la grande époque militante, puis, plus près de nous, les prêcheurs de la « génération morale » – peut-être en viendrons-nous à prendre la mesure d’une immanence de l’intellectualité collective, celle qui compénètre le monde des enseignants, celui des travailleurs sociaux, des milieux techniques de toutes sortes. Trop souvent, la promotion par les médias et les maisons d’édition d’intellectuels guides a eu pour effet d’inhiber l’inventivité des Agencements collectifs d’intellectualité, qui ne bénéficient en rien d’un tel système de représentativité. La créativité intellectuelle et artistique, comme les nouvelles pratiques sociales, ont à conquérir une affirmation démocratique qui préserve leur spécificité et leur droit à la singularité. Cela étant, les intellectuels et les artistes n’ont de leçon à donner à personne. Pour reprendre une image que j’ai avancée il y a longtemps, ils confectionnent des boîtes à outils composées de concepts, de percepts et d’affects, dont divers publics feront usage à leurs convenance. Quant à morale, il faut admettre qu’il n’existe pas de pédagogie des valeurs. Les Univers du beau, du vrai et du bien sont inséparables de pratiques d’expression territorialisées. Les valeurs ne prennent de portée d’apparence universelle que dans la mesure où elles sont portées par des territoires de pratique, d’expérience, de puissance intensive qui les transversalisent. C’est parce que les valeurs ne sont pas fixées à un ciel d’Idées transcendantes qu’elles peuvent aussi bien imploser, s’arrimer à des stases chaosmiques catastrophiques. Le Pen est devenu un objet prévalent de la libido collective – pour l’élire ou pour le rejeter – du fait de son habileté à occuper la scène des médias mais aussi principalement en raison de l’affaissement des Territoires existentiels de la subjectivité de ce qu’on appelle la gauche, de la perte progressive de ses valeurs hétérogénétiques relatives à l’internationalisme, à l’antiracisme, à la solidarité, à des pratiques sociales innovatrices… Quoi qu’il en soit, les intellectuels ne devraient plus être sollicités de s’ériger en maîtres à penser ou en donneurs de leçon de morale, mais à travailler, fût-ce dans la plus extrême solitude, à la mise en circulation d’instruments de transversalité.
Les cartographies artistiques ont toujours été un élément essentiel de la charpente de toute société. Mais depuis leur mise en œuvre par des corporations spécialisées, elles ont pu apparaître comme un à-côté, un supplément d’âme, une fragile superstructure, dont on annonce régulièrement la mort. Et pourtant, des grottes de Lascaux à Soho en passant par l’éclosion des cathédrales, elles n’ont cessé d’être un enjeu vital pour la cristallisation des subjectivités individuelles et collectives.
Charpenté dans le socius, l’art, pourtant, ne se soutient que de lui-même. C’est que chaque œuvre produite possède une double finalité : s’insérer dans un réseau social qui se l’appropriera ou le rejettera et célébrer, une fois encore, l’Univers de l’art en tant, précisément, qu’il est toujours menacé de s’effondrer.
C’est sa fonction de rupture avec les formes et significations qui ont cours trivialement dans le champ social, qui lui confère cette pérennité à éclipse. L’artiste, et plus généralement la perception esthétique, détachent, déterritorialisent un segment du réel de façon à lui faire jouer le rôle d’un énonciateur partiel. L’art confère une fonction de sens et d’altérité à un sous-ensemble du monde perçu. Cette prise parole quasi animiste de l’œuvre a pour conséquence de remanier la subjectivité et de l’artiste et de son « consommateur ». Il s’agit, en somme, de raréfier une énonciation qui n’a que trop tendance à se noyer dans une sérialité identificatoire qui l’infantilise et l’annihile. L’œuvre d’art, pour ceux qui en ont l’usage, est une entreprise de décadrage, de rupture de sens, de prolifération baroque ou d’appauvrissement extrême, qui entraîne le sujet vers une recréation et une réinvention de lui-même. Sur elle, un nouvel étayage existentiel oscillera selon un double registre de retérritorialisation (fonction de ritournelle) et de resingularisation. L’événement de sa rencontre peut dater irréversiblement le cours d’une existence et générer des champs de possible « loin des équilibres » de la quotidienneté.
Vues sous l’angle de cette fonction existentielle – c’est-à-dire en rupture de signification et de dénotation – les catégorisations esthétiques ordinaires perdent une grande part de leur pertinence. Peu importent la référence à la « figuration libre », « l’abstraction » ou le « conceptualisme » ! L’important est de savoir si une œuvre concourt effectivement à une production mutante d’énonciation. La focale de l’activité artistique demeure toujours une plus-value de subjectivité ou, en d’autres termes, la mise à jour d’une néguentropie au sein de la banalité de l’environnement – la consistance de la subjectivité ne se maintient qu’en se renouvelant par le biais d’une resingularisation minimale, individuelle ou collective.
L’essor de la consommation artistique, auquel on a assisté ces dernières années, devrait être mis, cependant, en relation avec l’uniformisation croissante de la vie des individus dans un contexte urbain. Il faut souligner que la fonction quasi vitaminique de cette consommation artistique n’est pas univoque. Elle peut aller dans une direction parallèle à cette uniformisation, comme elle peut jouer un rôle d’opérateur de bifurcation de la subjectivité (cette ambivalence est particulièrement sensible avec la portée de la culture rock). C’est à ce dilemme que se heurte chaque artiste : aller dans le « sens du vent », comme l’ont préconisé, par exemple, la Transavantgarde et les apôtres du postmodernisme, ou bien œuvrer au renouvellement de pratiques esthétiques prises en relais par d’autres segments innovateurs du Socius, au risque de rencontrer l’incompréhension et l’isolement de la part du grand nombre.
Certes, il n’est nullement évident de prétendre faire tenir ensemble la singularité de la création et des mutations sociales potentielles. Et il faut bien admettre que le Socius contemporain ne se prête guère à l’expérimentation de cette sorte de transversalité esthétique et éthico-politique. Il n’en demeure pas moins que l’immense crise qui balaie la planète, le chômage chronique, les dévastations écologiques, le dérèflement des modes de valorisation, uniquement fondé sur le profit ou sur une assistance étatique, ouvrent le champ à positionnement différent des composantes esthétiques. Il ne s’agit pas seulement ici de meubler le temps libre des chômeurs et des « émarginés » dans les maisons de la culture ! En fait c’est la production même des sciences, des techniques et des rapports sociaux qui sera amenée à dériver vers des paradigmes esthétiques. Qu’il me suffise ici de renvoyer au dernier livre d’Ilya Prigogine et d’Isabelle Stengers où ils évoquent la nécessité d’introduire en physique un « élément narratif », indispensable à une véritable conception de l’évolution (1).
Nos sociétés sont aujourd’hui le dos au mur et elles devront, pour leur survie, développer toujours davantage la recherche, l’innovation et la création. Autant de dimensions qui impliquent une prise en compte des techniques de rupture et de suture proprement esthétiques. Quelque chose se détache et se met à travailler à son propre compte tout autant qu’au vôtre si vous êtes en mesure de vous « agglomérer » à un tel processus. Une telle remise en question concerne tous les domaines institutionnels, par exemple l’école. Comment faire vivre une classe scolaire comme une œuvre d’art ? Quelles ont les voies possibles de sa singularisation, source de « prise d’existence » des enfants qui la composent (2). Et dans le registre de ce qu’autrefois j’ai nommé des « révolutions moléculaires », le tiers-monde recèle des trésors qui mériteraient d’être explorés (3).
Un rejet systématique de la subjectivité, au nom d’une mythique objectivité scientifique, continue de régner dans l’Université. A la belle époque du structuralisme, le sujet s’est trouvé méthodiquement expulsé de ses matières d’expression multiples et hétérogènes. Il est temps de réexaminer ce qu’il en est des productions machiniques d’image, de signe d’intelligence artificielle, etc. comme nouveau matériau de la subjectivité. Au Moyen Age, l’art et les techniques avaient trouvé refuge dans les couvents qui étaient parvenus à subsister. Aujourd’hui, ce sont peut-être les artistes qui constituent les ultimes lignes de repli de questions existentielles primordiales. Comment aménager de nouveaux champs de possible ? Comment agencer les sons et les formes de telle sorte que la subjectivité qui leur est adjacente reste en mouvement, c’est-à-dire réellement en vie ?
La subjectivité contemporaine n’a pas vocation de vivre indéfiniment sous le régime du repli sur soi, de l’infantilisation mass médiatique, de la méconnaissance de la différence et de l’altérité dans le domaine humain autant que dans le registre cosmique. Ses modes de subjectivation ne sortiront de leur « encerclement » homogénétique que si des objectifs créateurs paraissent à leur portée. C’est de la finalité de l’ensemble des activités humaines dont il s’agit ici. Au-delà des revendications matérielles et politiques émerge l’aspiration à une réappropriation individuelle et collective de la prduction de subjectivité. Ainsi l’hétérogénèse ontologique des valeurs est-elle en passe de devenir le nœud des enjeux politiques qui manquent aujourd’hui le local, la relation immédiate, l’environnement, la reconstitution du tissu social et la portée existentielle de l’art… Et au terme d’une lente recomposition des agencements de subjectivation, les explorations chaosmiques d’une écosophie, articulant entre elles les écologies scientifique, politique, environnementale et mentale, devraient pouvoir prétendre se substituer aux vieilles idéologies qui sectorisaient de façon abusive le social, le privé et le civil, et qui étaient foncièrement incapables d’établir des jonctions transversales entre le politique, l’éthique et l’esthétique.
Qu’il soit cependant clair que nous ne préconisons ici, en aucune façon, une esthétisation du Socius, car après tout, la promotion d’un nouveau paradigme esthétique est appelée à bouleverser tout autant les formes d’art actuelles que celles de la vie sociale ! Je tends la main vers le futur. Selon que j’estimerai que tout est joué d’avance ou que tout est à reprendre, que le monde peut être reconstruit à partir d’autres Univers de valeur, que d’autres Territoires existentiels doivent être construits à cette fin, ma démarche sera empreinte d’une assurance mécanique ou d’une incertitude créatrice. Les grandes épreuves que traversent la planète, tel l’étouffement de son atmosphère, impliquent un changement de production, de mode de vie et d’axes de valeur. La poussée démographique, qui va faire, en quelques décennies, se multiplier par trois la population de l’Amérique latine et par cinq celle de l’Afrique (4), ne procède pas d’une inexorable malédiction biologique. Des facteurs économiques, c’est-à-dire de pouvoir et, en dernier ressorts, subjectifs, des facteurs culturels, sociaux, mass médiatiques en constituent la clé. L’avenir du tiers-monde repose d’abord sur sa capacité à ressaisir ses propres processus de subjectivation dans le contexte d’un tissu social en voie de désertification. (Au Brésil, par exemple, on voit coexister un capitalisme de Far West, une violence sauvage des gangs et de la police, avec d’intéressantes tentatives de recomposition des pratiques sociales et urbanistiques dans la mouvance du Parti des Travailleurs.)
Dans les brumes et les miasmes qui obscurcissent notre fin de millénaire, la question de la subjectivité revient désormais comme un leitmotiv. Pas plus que l’air et l’eau elle n’est une donnée naturelle. Comment la produire, la capter, l’enrichir, la réinventer en permanence de façon à la rendre compatible avec des Univers de valeurs mutants ? Comment travailler à sa libération, c’est-à-dire à sa re-singularisation ? La psychanalyse, l’analyse institutionnelle, le film, la littérature, la poésie, des pédagogies innovantes, des urbanismes et des architectures, créateurs… toutes les disciplines auront à conjoindre leur créativité pour conjurer les épreuves de barbarie, d’implosion mentale, de spasme chaosmique, qui se profilent à l’horizon et pour les transformer en richesses et en jouissances imprévisibles, dont les promesses, au demeurant, sont tout aussi tangibles.
Félix Guattari
Chaosmose / 1992
A lire également sur le Silence qui parle :
Cartographier l’inconscient / Manola Antonioli
Arpenter la maison du monde / Manola Atonioli et Anne Sauvagnargues

et Chimères n°77, Chaosmose 1, une lecture collective
Chaosmose / Félix Guattari dans Anarchies yayoikusama
1 « Pour les hommes d’aujourd’hui, le « Big Bang » et l’évolution de l’Univers font partie du monde au même titre que hier, les mythes d’origine », dans Entre le temps et l’éternité, Fayard, 1988, p.65.
2 Dans la ligne de la Pédagogie institutionnelle, voir, parmi bien d’autres ouvrages, celui de René Laffitte : Une journée dans une classe coopérative : le désir retrouvé, Syros, 1985.
3 Sur les réseaux de solidarité subsistant parmi les « vaincus » de la modernité dans le tiers-monde : Serge Latouche, la Planète des naufragés. Essai sur l’après-développement. La Découverte, 1991.
4 Jacques Vallin (de l’INED, Transversales Science/Culture, 29, rue Marsoulan – 75012 Paris, n°9 de juin 1991. La population mondiale, la population française ; la Découverte, Paris, 1991.

Freud et Oskar Panizza : l’amour des enfants / Penser et faire sont une seule et même chose / Mayette Viltard

En préparant le texte de présentation de ce colloque (1), j’avais écrit : « Comment accéder à une visibilité essentielle à la proclamation d’une sexualité déviante, tout en sachant que cette visibilité est également essentielle à la surveillance de ceux dont la vie est ainsi mise en écriture ? ». David Halperin, à qui je l’avais envoyé, m’a d’abord répondu : « Oui… Mais je ne l’aurais pas dit comme ça », ce qui m’a tourmentée. Heureusement, le lendemain, il m’a envoyé sa critique : « Tu ne vas quand même pas dire que les queers fabriquent leur propre surveillance ! ». L’avais-je dit ? Sans doute. J’ai donc tenté une autre formulation : « Comment accéder à une visibilité nécessaire à la proclamation d’une sexualité déviante tout en sachant que cette visibilité est ironiquement utilisée par la norme indispensable à la surveillance de ceux dont la vie est ainsi mise en écriture ? ». Ce n’était guère mieux. Formuler ainsi la question, n’est-ce pas déjà la mettre en impasse ?
Cette difficulté a renouvelé un des problèmes que j’ai régulièrement rencontré dans ma pratique et mon expérience psychanalytique : est-ce que participer à un certain nombre d’activités, en particulier institutionnelles, de prises de paroles, de publications, etc. qui contribuent de près ou de loin à faire émerger des visibilités nouvelles déclenche obligatoirement en retour la création d’un arsenal disciplinaire supplémentaire de la part des institutions, (gestion, administration, lois, police, etc.) venant détruire, et souvent, violemment, ce qui était en train d’émerger ? Le psychanalyste, par sa seule présence dans une institution (médico-éducative, judiciaire, psychiatrique, sociale, etc.) peut-il prétendre se situer dans un espace où le dicible, le visible ne sont pas encore formés ? Et la porte du cabinet ne fait-elle pas illusion sur une hypothétique fermeture d’un espace qui se penserait privé ?
Lors du colloque organisé par Clinic Zones en 2002 « Anna Freud mannequin de son cas », nous avions reçu Elisabeth Young Bruehl pour nous parler de son travail sur la biographie d’Anna Freud. Elle avait cité, à ce moment-là, ses affrontements terribles avec Jeffrey Masson et surtout Peter Swales, (remis au goût du jour par le Livre noir de la psychanalyse) lequel, nous avait-elle dit, lui envoyait par la Poste des produits pour douche vaginale pour qu’elle se rince les dents, et autres insultes variées. Je n’avais pas saisi pourquoi, dans nos échanges, elle insistait pour dire qu’elle était prête à abandonner son cabinet de psychanalyste de New York, à la fois pour suivre sa compagne à Toronto (2), mais aussi se consacrer à faire avancer les droits des enfants contre les abus sexuels. Je ne comprenais pas pourquoi ce sujet était pour elle essentiel, et au fond, je ne saisissais pas vraiment comment elle posait le problème.
Il se trouve qu’à partir des années 1970, j’ai eu diverses activités qu’on appelait contestataires, ou groupusculaires, ou libertaires, et j’ai participé à la création de nouvelles formes de pratiques avec des fous, et par la suite, avec « des enfants et des jeunes » en difficulté. On dit « des enfants » et « des jeunes ». Freud parlait « des impubères », mais aujourd’hui, on dit « enfant » ou « mineur », ou « jeune », ou « ado », pour dire inapte à un consentement, tout en différenciant « les enfants » et « les jeunes », ceux qui ont ou n’ont pas la majorité sexuelle. Il y a donc aujourd’hui des « enfants pubères ». J’ai ainsi participé « sans le savoir » à l’accession à la visibilité et au discours d’un nouveau concept et de ce qui a brutalement viré à une nouvelle pathologisation et criminalisation : la pédophilie.
René de Ceccatty parlait ce matin d’une sorte de mise entre parenthèses qu’ont été les années 1970 et disait qu’à l’évidence, quelque chose ne s’était pas transmis. Les tentatives que j’ai pu faire, avec beaucoup d’autres, de transformer les anciens mouroirs d’enfants en lieux de vie, comme on disait, ont connu un arrêt brutal, en 1982, et sont devenues suspectes. Avec l’entrée dans ce que Guattari a pu appeler les années d’hiver, il y a effectivement eu une amnésie collective. Qu’est-ce qui a fait que quelque chose s’est fermé et que les débats en cours ont été, à mon avis, clos ?

Le Coral et l’érotique puérile
On n’a pas oublié le FAHR, même si l’on ne sait plus très précisément quelles avancées il a produites, ni quelle formidable inventivité politique avaient les Gazolines ou les Gouines rouges, – je pense par exemple, à l’incroyable film sur la Banque du sperme… On n’a certes pas oublié le MLF. Mais il y a un silence (et pour le moment, sans doute justifié puisque la censure est féroce) sur l’énorme changement de la fonction de l’enfant dans la société qui s’est produit après les années 1970, à partir je dirais de 1982, ce que Guattari, à une année près, appelle les années d’hiver. Bref, qui se souvient qu’en mai 1977, Libé saluait la création du « Front de libération des pédophiles », immédiatement attaqué par le Parquet ?
Nous avons déjà parlé avec une partie d’entre vous qui êtes ici aujourd’hui, de la naissance du mot « pédophile ». Certes, le mot « pédophile » a été créé dans les années 1900, mais il n’était pratiquement pas utilisé. Et c’est bien dans le mouvement des années 1970 que le mot « pédophile » a pris corps. Gide disait pédéraste même s’il pouvait s’agir de « très jeunes » garçons. Gabriel Matzneff trouvait que le mot « pédophile » « sentait le camphre, la pharmacie, le bromure », (il faut dire que le mot avait fait une brève apparition à propos des Ballets bleus en 1959), aussi proposait-il « philopède ». Malgré les poursuites judiciaires, le Hors série du N°12 de la revue Recherches, « Trois milliards de pervers. Grande encyclopédie des homosexualités », de mars 1973, ou encore le N°19, « COïRE », de René Schérer et Guy Hocquenghem, d’octobre 1976, ou encore le Gai pied, journal des homosexualités, N°0, de février 1979, circulaient, à peine sous le manteau. Impossible de citer tous les débats naissants qui accompagnaient ces publications, tracts, journaux, affiches, (sans parler des graffitis), etc. imprimés sur du mauvais papier où l’on trouvait pêle-mêle la libération des mœurs, le droit à la différence, la liberté sexuelle, la défense de l’avortement, de la prostitution, la levée des tabous, l’amour des couples informels, les communautés, les homosexualités, la zoophilie, la pédophilie, etc. Le seul tabou qui perdurait était l’usage de la violence, et comme l’écrivait Jacques Dugué dans un article de Libé du 27 janvier 1979 : « Qu’on ne laisse subsister des lois que pour des actes sexuels consommés avec violence et qui sont d’ailleurs le plus souvent le fait d’hétérosexuels irascibles sur des petites ou des jeunes filles (3). Pourquoi un homme n’aurait-il pas le droit d’aimer un enfant ? »
Me voilà renvoyée à Freud et à ce qu’il disait à propos de l’amour pour les impubères. Il y a, dans Trois essais sur la théorie du sexuel, des passages très connus, je vais vous en lire un qui l’est peut-être un peu moins (4) : « L’immense force de l’amour ne se montre nulle part plus forte que dans ses aberrations, l’amour pour l’impubère, ou la zoophilie. Ce qu’il y a de plus élevé et de plus bas sont partout attachés de la façon la plus intime dans la sexualité. Du ciel à travers le monde jusqu’à l’enfer (5) ».
Ainsi, malgré beaucoup d’affrontements, – ou grâce à beaucoup d’affrontements –, les débats se poursuivaient. Jusqu’à l’affaire du Coral (6), déclenchée par une dénonciation calomnieuse, en septembre 1982.
Le 21 octobre 1982, une meute de journalistes, micros et caméras au poing, débarquent en hélicoptères en même temps que la police dans un lieu de vie, le Coral, à Aymargues et tournent des images d’arrestations et d’enfants apeurés qui accèdent brutalement à la pleine lumière du journal télévisé de 20 heures. Les enfants sont évacués vers des lieux psychiatriques, le directeur, le psychiatre et quelques éducateurs sont arrêtés. Ce fait divers est un tournant radical dans la cristallisation, quasi d’un seul coup, de toute une série de lois en œuvre aujourd’hui. La presse se déchaîne, pédophilie, inceste, attouchements sexuels, maltraitance de mineurs de moins de 15 ans, exploitation sexuelle des handicapés, etc. Claude Sigala, le directeur, finira par être condamné a trois ans de prison dont trente mois avec sursis, non pas pour pédophilie, mais pour « attentat à la pudeur sur mineurs de moins de quinze ans » (Le Monde, 14 mars 1987). Jean-Michel Carré a tourné, en 1995, au Coral réouvert, un film de fiction, Visiblement je vous aime (7), avec le magnifique acteur Denis Lavant, mais aussi avec les jeunes, les éducateurs, et le directeur Claude Sigala, à nouveau en fonction. Et simultanément, il a tourné un documentaire. Le festival de Cannes s’est extasié et a voulu voir dans le film de fiction un témoignage bien-pensant sur la créativité des handicapés, berk. Alors que le film (et le documentaire) sont très prudemment cryptés. Ils montrent, ou plutôt suggèrent, ce dont avaient été accusés les gens du Coral. À commencer par la première image (qui était à la base de la dénonciation), un jeune homme, nu, (décemment filmé, quoique…) s’arrose longuement avec délices avec un jet d’eau sur la pelouse. Innocemment ? On le regarde. Innocemment ? Tout le monde se touche, se pousse, les lits sont proches, ça gueule, ça rit, ça se roule par terre, on devine les journées au lit à se masturber, les déambulations la nuit dans le jardin, les affrontements musclés, les câlins, bref, tout ce qui est désormais interdit dans les institutions.
Freud et Oskar Panizza : l'amour des enfants / Penser et faire sont une seule et même chose / Mayette Viltard dans Désir microbook
Quelles « personnalités » furent directement emprisonnées, ou inquiétées, ou citées ? René Schérer, Félix Guattari, Gabriel Matzneff, Guy Hocquenghem, Tony Duvert, Michel Foucault, Jack Lang qui dans le Gai Pied du 31décembre 1991 avait écrit : « La sexualité puérile est encore un continent interdit, aux découvreurs du XXIe siècle d’en aborder les rivages ». Et malgré tous les soutiens, les pétitions, le quasi acquittement de tout le monde, la réouverture du Coral ensuite, le ver était dans le fruit : « Jusqu’où sont-ils allés exactement ? », murmurait-on. Je vais revenir sur cet argument, le pire.
Le tout fut orchestré par la psychanalyse, nous fait remarquer René Schérer dans Une érotique puérile. Jenny Aubry, Maud Mannoni, Françoise Dolto ont été les chevilles ouvrières de la disciplinarisation de l’enfance en fournissant les bases de ce qui sera ensuite retenu pour les transformations des lois pénales. Je laisserai de côté ici Jenny Aubry, avec sa note ambiguë de Lacan (8) sur les utopies communautaires, ou Maud Mannoni et sa façon de soutenir que le symptôme de l’enfant répond à ce qu’il y a de symptomatique dans la structure familiale (9), pour ne retenir ici que Françoise Dolto, contre laquelle René Schérer soutient un brillant pamphlet (10). Car c’est elle qui va déplier tous les termes de la nouveauté psychanalytique des années 1980, elle et tous ceux pour qui elle servait de référence dans la psychanalyse d’enfant. C’est donc elle, le Savonarole des nurseries, comme l’appelle René Schérer, qui va clairement établir que le développement de l’enfant dans sa route vers le génital est dévié par la rencontre d’un adulte pervers et de ce fait, est atteint d’un traumatisme ineffaçable.
Dans la préface à Psychanalyse et famille (11), 1976, Dolto va soutenir que l’adulte éducateur doit être, pour l’enfant, un exemple vivant. Il doit « être prêt à abandonner les plaisirs du corps », il doit être « castré de ses jouissances archaïques » vis-à-vis de l’enfant. Ces mères trop aimantes, (ou parfois les grands-parents, ou même le père) qui considèrent l’enfant comme leur chose, « sont au sens propre, des pédérastes ». Et enfin, des parents si aimants « sont en fait des parents peloteurs ».
La question n’était plus la répression de la masturbation, c’était le contraire. Il était prescrit que l’enfant se masturbe, c’était la preuve d’un bon développement et de la santé de ses pulsions, mais à une condition, c’était qu’il se touche lui- même. Pas question que quiconque d’autre le touche. Comment un geste de « contact » pouvait-il être garanti comme étant strictement dépourvu de tout érotisme ? Tout geste, de fait, devenait corrupteur ! Nous avons donc assisté à cette transformation incroyable, la naissance de l’enfance intouchable. Il est désormais interdit de jouer avec un enfant en pointant un index sur sa joue : « Tu as une tache ! Pistache ! » Et on lui donne une « petite claque ». C’est un des jeux qu’on trouve dans le film sur le Coral dont je vous parlais. C’est aussi le geste érotique qui fait basculer le roman de la Gradiva : une mouche sur la joue, une claque, un baiser. Mieux, l’enfant doit être averti, et très jeune, des risques précis qu’il encourt si un monsieur lui propose des bonbons, ou veut l’aider, ou s’intéresse à lui de quelque façon que ce soit. Aujourd’hui, les enfants de six ans manient avec facilité le vocabulaire de la Brigade des Mineurs, j’en ai de nombreux témoignages.
Et actuellement, nous assistons à la naissance d’une cohorte de lois sur l’enfance qui donnent raison de A jusqu’à Z à René Schérer et Guy Hocquenghem. La claque du jeu érotique est devenue une maltraitance. La violence est devenue un concept qui nécessite un protocole pour y répondre. On signale, on décrit, on dénonce : il y a la levée du secret professionnel pour la pédophilie et la maltraitance. Nous bénéficions du Portail Unique pour tous les dégénérés : les vieux, les fous, les enfants en retard, les déviants, tous ceux qui dépassent de la case des normaux doivent passer par le même Guichet de la Maison De la Personne Handicapée. Une Maison, bien sûr, comme la Maison d’arrêt… Chaque dévié bénéficie d’un projet personnel de redressement, pour définir les prestations qu’on doit lui appliquer. Et à l’abri d’un discours médical et d’un serment d’Hippocrate généralisé, – tu ne désireras pas celui que tu soignes –, l’intouchabilité des enfants est devenue totale, on ne change plus un enfant dans une crèche, on lui donne un soin. Sans oublier les descentes de police dans les établissements si la moindre plainte est déposée pour un supposé non-respect de tout cela : c’est ainsi que la directrice d’un IME, institut médico-éducatif que je connais bien, a vu débarquer récemment, un matin, à l’heure de l’ouverture, une vingtaine de policiers qui se sont dispersés au pas de charge dans tout l’établissement, comme au Coral, pour traquer la maltraitance et empêcher les éducateurs de communiquer entre eux. Quant à elle, embarquée derechef dans un fourgon de police sous les yeux des enfants et des éducateurs pour une mise en garde à vue, on lui a pris dès l’arrivée, le cordon de sa capuche d’anorak, ses collants, et son ADN. Avec discours poli des flics en fin de journée lorsqu’il l’ont relâchée avant la nuit, n’ayant rien « trouvé ».
Quand j’ai lu le livre de Michel Tort, Fin du dogme paternel (12), j’ai en particulier été intéressée par un paragraphe intitulé la « Relance de la gauche libertaire », à propos du courant psychanalytique « nouvelle gauche libertaire lacanienne, post-sadienne » comme il dit, dans lequel il situe Jean Allouch, avec Éthification de la psychanalyse. Calamité (13), ou Marcela Iacub, dans Robopsy – Des lois pour des âmes des âmes pour les lois (14). Il note que ce courant récuse le psychanalyste comme bon pasteur. Mais il critique que dans ce courant libertaire, la psychanalyse, en invoquant la transposition des pulsions qui fait que le sexe n’est pas localisable en quoi que ce soit, serve à ouvrir à l’inéluctable liberté de faire n’importe quoi non pas avec l’autre, mais de l’autre (15). Certes, il précise que ce n’est ni le cas de Jean Allouch pour ce qui concerne la psychanalyse, ni le cas de Marcela Iacub pour ce qui concerne le droit, mais il pose cependant une question. Si on ne dit rien des crimes sexuels, est-ce qu’il n’y a pas là un déni qui rejoint la position qui était celle d’avant les années 1970, de 1880 à 1970 ? Autrement dit, s’agit-il d’une posture libertaire, et peut-être libertine, qui reproduit un déni des violences sexuelles au profit d’un flirt avec la débauche d’antan, et qui équivaut au déni qui recouvrait la pédophilie homosexuelle ?
Nous revoilà avec l’argument qui nous clouait le bec quand nous voulions soutenir le Coral : savez-vous jusqu’où ils sont allés dans leur amour des enfants ? Qu’est-ce que vous en dites ? On n’en disait rien du tout, puisque le débat ayant dégénéré de cette façon, on ne pouvait que se taire. L’humanisme avait repris le dessus. Exactement comme les débats sur les prisons, qui avaient dégénéré en « de bonnes conditions de détention », repeindre les cellules avait remplacé le fond scandaleux de l’affaire qui était de faire bouger les frontières des notions d’innocence et de culpabilité.
Toutefois, j’ai conservé de mes années soixante-dix mes trois intercesseurs freudiens préférés. Je ne dirai rien de Gide aujourd’hui, qui écrivait « Je ferais aussi bien de publier Corydon, voilà quinze ans que je fais de la psychanalyse sans le savoir », ni de Pasolini qui fait le tour du lac dans sa grosse bagnole avec Laura Betti qui doit lire à sa demande les Cinq cas de psychanalyse « parce qu’il y a tout là-dedans » et elle disait « ça donne mal au cœur ». J’aurai recours à Werner Schroeter, véritable obsédé, à une époque, de « l’Homme aux rats », à qui je vais aujourd’hui demander d’intercéder pour entrer dans les arcanes du rêve de Freud qu’on appelle classiquement « le rêve du Comte Thun », une façon de brouiller les cartes d’emblée. Car ce comte s’appelait Faire, le Comte Faire, Graf Thun, et ses ennemis appelaient Graf Nichtsthun, le Comte qui ne fait rien. Et à son propos, Freud rêve cette phrase : « Est-ce que penser et vivre réellement ce qu’on pense sont une seule et même chose ? » L’intention équivaut-elle l’action ? Ses associations l’amènent au Concile d’amour, une pièce d’Oskar Panizza, de 1895, interdite, qui expédia Panizza en prison pendant un an. Werner Schroeter a fait en 1981 le film Le Concile d’amour, inédit en France, interdit en 1985 au Tirol sur demande du diocèse d’Innsbruck, arrêt confirmé par la Cour Européenne des Droits de l’Homme en 1994.
Mayette Viltard
Freud et Oskar Panizza : l’amour des enfants
Penser et faire sont une seule et même chose

Extrait du texte publié dans Saint Foucault, un miracle ou deux ?
Ouvrage collectif sous la direction de Mayette Viltard
Cahiers de l’Unebévue /
2013
Site de l’ELP
Site de l’Unebévue

morton-bartlett Désir dans Flux
1 Colloque « Saint Foucault : un miracle ou deux ? » Paris, 12 et 13 mai 2012, organisé par la revue l’Unebévue et l’école lacanienne de psychanalyse.
2 Elizabeth Young Bruehl est effectivement allée vivre à Toronto en 2007 avec Christine Dunbar, elle est décédée en décembre 2011. Son livre posthume vient d’être publié : Understanding and Preventing Prejudice Against Children, Yale University Press, 2012.
3 Sous Vichy l’attentat à la pudeur a été codifié différemment selon qu’il était hétéro ou homo, et ce, jusqu’à 1982.
4 S. Freud, Trois essais sur la théorie du sexuel, traduction Christine Toutin, Eric Legroux, Mayette Viltard, édition bilingue, La transa. (interdite jusqu’à janvier 2010).
5 J’ai annoncé mon intervention au colloque par ces quelques lignes : « Dans la forêt obscure le panneau est là. OAPI. Œuvre d’Accroissement des Peines Infernales. L’avais-je déjà vu ? Je suis tellement amnésique. Et sur la pente, une pauvre petite fleur, autre- fois appelée érotique puérile. Comme un soldat disparu. » Un appel à Pasolini et sa Divine mimésis, sa remontée des enfers sur la dure pente fienteuse pour atteindre le purgatoire, sur la plage d’Ostia.
6 Guy Hocquenghem, dans son livre Les Petits garçons, Albin Michel, 1983, raconte l’affaire.
7 Dans le film, tous les jeunes ont évidemment plus de 15 ans, comme la Lolita de Kubrick, sinon, le film aurait été interdit.
8 Jacques Lacan, « Note sur l’enfant 1969 », rédigé par Jenny Aubry à partir de notes manuscrites que Lacan lui a données, dans son livre Enfance abandonnée, Scarabée, 1983, repris dans Ornicar ? 1986, puis dans Autres écrits, Seuil, 2001, p. 373.
9 Maud Mannoni, l’Enfant arriéré et sa mère, Seuil, 1964, L’enfant, « sa maladie » et les autres, Seuil, 1967, etc.
10 René Schérer, Une érotique puérile, Paris, Galilée, 1978.
11 Françoise Dolto, Préface à Psychanalyse et famille, du Dr. David, Paris, Armand Colin, 1976.
12 Michel Tort, Fin du dogme paternel, Paris, Flammarion Aubier, 2005.
13 Jean Allouch, Éthification de la psychanalyse. Calamité, Cahiers de l’Unebévue, 1997.
14 Marcela Iacub, « L’esprit des peines et les transformations réelles du droit pénal en matière sexuelle », in « Robopsy, des lois pour les âmes, des âmes pour les lois », l’Unebévue, revue de psychanalyse, N°20, Paris, unebévue-éditeur, 2002.
15 Il ne cite aucun exemple.

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