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Pour un nouvel anarchisme / René Schérer

Au début de ses Lettres luthériennes, en 1975, Pasolini écrit quelque chose de tout à fait intéressant. C’est qu’aujourd’hui, on assiste à une rencontre, à une jonction, une unification entre deux histoires, traditionnellement différentes et opposées : celle de la bourgeoisie et celle du peuple.
Ordinairement, dit-il (je résume ainsi sa pensée), l’histoire s’est écrite et pensée du point de vue du capitalisme, de la classe dominante. Elle a été celle des pères et des fils de la bourgeoisie. « L’histoire était leur histoire » dit le poète cinéaste. Quant à celle du peuple, elle se déroulait à part. Elle était celle des anciennes cultures, celles de ces sociétés archaïques ou exotiques étudiées par les ethnologues, se perpétuant et se répétant de génération en génération, où – je cite – « les fils répétaient et réincarnaient les pères ». Mais aujourd’hui tout a changé. Aujourd’hui, c’est-à-dire à l’heure de ceux que Pasolini nomme « les fils » (et je reviendrai tout à l’heure là-dessus), que, dans notre langue banalisée, nous nommerions plutôt « les jeunes », il s’agit, du point de vue de ce qui se passe actuellement dans la culture, aussi bien celle du peuple, des prolétaires ou paysans, que celle des bourgeois, d’une sorte de mutation radicale.
Il n’y a plus de culture populaire à opposer à une culture bourgeoise. Les deux se sont rejointes et confondues dans une même consommation de masse uniformisante et normalisante, qui a posé sur tout le même masque de vulgarité. Il n’y a plus cette réserve culturelle que le peuple conservait en son sein et qui, de tout temps, a nourri, revivifié la culture manifeste, celle des biens culturels proprement dits, dans la littérature, l’art ou les manières de se présenter et de se comporter. Il n’y a plus qu’une seule culture, ou, pour mieux dire, qu’une seule consommation de la culture, réception passive des produits diffusés par le marché capitaliste, concernant identiquement tout le monde, bourgeoisie ou plèbe, qu’il s’agisse de la possession des objets matériels ou idéaux, du vêtement, des modes d’être et d’agir, de jouir ou de vouloir, de l’apparence du corps propre – cette dernière mutation étant, selon l’idiosyncrasie de Pasolini, la plus visible et la plus redoutable. Quelque chose a changé dans l’homme, essentiellement dans sa jeunesse, avec son aspect que l’auteur des Lettres luthériennes n’hésite pas à qualifier de « monstrueux », dans sa présence hostile parmi les autres, sa manière de se distinguer et de se dissocier en s’érigeant en ghettos aux codes aussi débiles que secrets. Une mutation anthropologique résultant de cette unification consumériste.
« Les deux histoires se sont donc rejointes, affirme Pasolini. C’est la première fois dans l’histoire de l’homme. » Et il précise : « Cette modification s’est faite sous le signe et par la volonté de la civilisation de consommation » – autrement dit, du « développement ». Affirmation très intéressante, très curieuse et très importante pour la compréhension du monde contemporain. Du point de vue de la consommation, de la « civilisation de la consommation », tout le monde est identique. Tout le monde consomme ou aspire à consommer les mêmes choses, tout le monde se conforme ou tend à se conformer au même modèle (ou aux mêmes modèles, ce pluriel ne changeant rien, toutefois, à l’identité de la tendance).
Or – et c’est ce que va dire tout de suite après Pasolini – ce trait est celui-là même que, dans un autre domaine, notre société, l’ensemble des politiques et des philosophes, a rejeté récemment sous le qualificatif de « totalitaire ». Et on le retrouve ici, authentiquement, mais non reconnu, sous le masque rassurant, dit « progressiste », du « développement » (1), de l’accès, du droit à un traitement identique. Alors qu’il s’agit de l’illusion majeure, du vice le plus néfaste de notre temps. Cette illusion, toutes les couches sociales la partagent, tous les partis politiques de gauche ou de droite, toutes nuances confondues. « On ne peut pas dire que les antifascistes en général et les communistes en particulier se soient réellement opposés à une telle unification de caractère totalitaire – pour la première fois vraiment totalitaire – même si la répression qu’elle exerce n’est pas archaïquement policière (car elle a plutôt recours à une fausse permissivité) ». (…)
C’est la marche entière de la Civilisation que Pasolini repère et condamne. En cela, je le rapproche de Fourier qui, lui aussi, a repéré et dénoncé « l’ordre subversif », le mouvement rétrograde de la civilisation, responsable de ses dysfonctionnements et de ses maux.
Maintenant, les solutions proposées et les perspectives sont-elles les mêmes ? A première vue, il semblerait que non.
« Pourquoi cet acceptation du nouveau fascisme ? écrit Pasolini, en fin de son exorde. Parce qu’il y a – nous voici au noeud de la question – une idée directrice que tout le monde partage, sincèrement ou insincèrement, l’idée que la pauvreté est le plus grand malheur du monde, et que donc à la culture des classes pauvres doit se substituer la culture de la classe dominante ». Une culture de la pauvreté, en quelque sorte, reposant sur une prise de conscience des impasses du développement (de la croissance). Alors que Fourier propose une « société avide de richesses » et un développement sans limites, dû à l’association et au travail conjugué, incomparable aux pauvres jouissances que la civilisation, dans le morcellement de ses activités et son désordre anarchique, peut offrir.
Mais le développement selon Fourier est aux antipodes de celui de la société marchande, où l’accroissement de la pauvreté accompagne le gaspillage des ressources et la destruction de la Terre. De même, et en regard, la pauvreté à laquelle, de façon visionnaire, Pasolini accorde une signification directrice de l’histoire, n’a rien à voir avec le désespoir de la misère. Elle rayonne, elle est un surplus de sens et de beauté. Pasolini envisage la pauvreté du point de vue de cet accroissement d’intensité et de sens, à la manière dont Fourier envisageait, comme « issue » de la civilisation, une société où l’attraction passionnée a pris la place de l’illusoire valeur d’échange de la marchandise.
L’un et l’autre comblent les manques d’une modernité qui a fait croître autour d’elle le désert, comme a dit Nietzsche, et, sous couvert d’une course effrénée à la possession, le néant du sens, le nihilisme.
Car notre problème, celui du fondement d’une éthique, est bien d’échapper à ce nihilisme toujours renouvelé qui nous assaille et jette chaque génération, selon ses aspirations et ses limites, dans le malheur.
Je me tourne vers Fourier et vers Pasolini parce qu’ils nous ont donné, de façon que je crois inépuisable, et non encore peut-être explorée, à penser, chacun dans son ordre. Le sens, l’orientation et le but ou destinée de la production, de la consommation et de la jouissance, en en forgeant, chacun à sa manière encore, les figures et les concepts appropriés.
Ainsi, tout en formulant des responsabilités, ils nous libèrent du ressassement indéfini de la culpabilité historique.
Dira-t-on, avec Michel Hardt et Antonio Negri, par exemple, que nous sommes à l’ère d’une « post-modernité » pour laquelle il est nécessaire d’inventer de nouveaux concepts ? (2)
La querelle de la modernité et de la post-modernité me paraît obsolète et un peu dérisoire. Ce qui importe n’est pas de dépasser la modernité, mais de déceler l’erreur et l’impasse d’une modernisation qui ne signifierait rien d’autre que l’acceptation du fait accompli. De même, il n’est pas question d’établir des responsabilités pour juger, dénoncer et punir. Bien au contraire, il importe d’en finir avec le jugement, qu’il soit de Dieu, comme l’a magnifiquement proclamé, et de manière inégalable, phare de toute résistance contemporaine, Antonin Artaud, ou avec celui des hommes qui ne vaut pas mieux, puisque c’est le même. Il s’agit d’échapper à l’ordre du jugement et de la Loi pur affirmer le droit au désir qui ne consiste pas à accaparer et consommer de toujours renouvelées marchandises, mais à construire, avec les autres, avec la nature, avec soi-même, si nous avons bien compris Deleuze, de nouveaux agencements. Les agencements du désir opposés aux dispositifs mortels de la civilisation.
L’histoire coupable ou culpabilisée, jugée, est celle que voudrait nous imposer l’apocalypse libérale, cette révélation à la fois ricanante et résignée entendue généralement comme la fin des espérances idéologiques et la soumission aux diktats d’une réalité confondue avec le triomphe de la valeur d’échange, l’économie de marché, le libéralisme commercial. Donc la société de consommation, telle que la dénonce Pasolini.
Le trait paradoxal de la société consumériste est, qu’à la fois, elle étend la paupérisation et fait disparaître le pauvre, en tant que détenteur d’une culture et de valeurs propres. Tout le monde s’appauvrit et le pauvre disparaît dans l’uniformisation de la consommation culturelle. Dans la vulgarisation des masses qui obéissent à un commun modèle. Ce trait dominant et apparemment irréversible est le conformisme. Celui qui été imposé par l’identification du progrès au développement. Qui s’est produit de manière irréversible à partir du moment où le développement a imposé un type unique de progrès. Et cela dès le XIX° siècle, dans la domination et l’exploitation outrancière de la nature répondant à celle du travail humain. (…)
Nous avons atteint un état de connexion universelle complexe où les actions s’enchaînent en se répondant, où les problèmes d’exploitation sociale sont simultanément ceux de l’exploitation et de la détérioration, sans doute irréversible, des climats et des sols. Les trois écologies, matérielle, sociale et mentale se complètent, comme l’avait génialement établi Félix Guattari. Nous sommes arrivés au point critique où il n’est plus possible de le méconnaître et de nous en détourner. Il ne s’agit plus de discuter des reponsabilités, mais de les prendre en charge. Il ne s’agit plus de jeu de l’esprit, mais d’une tâche à accomplir aux différents points où une action peut mordre sur les choses.
René Scherer
Pour un nouvel anarchisme / 2008

1 On parlerait plutôt de nos jours de « croissance ». Ce mot connote encore mieux qu’il ne s’agit aucunement d’amélioration du sort commun, puisqu’il a simplement rapport à l’accroissement de la masse financière, au « PIB » ou revenu brut d’une nation.
2 Michel Hardt, Antonio Negri, Empire, Paris, Exils, 2000, en particulier p.202 qui contient de beaux développements sur le pauvre « figure de la post-modernité », omniprésent et « fondement de toute possibilité d’humanité » mais sans référence à Pasolini.
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Rhizome / Gilles Deleuze & Félix Guattari

(…) à la différence des arbres ou de leurs racines, le rhizome connecte un point quelconque avec un autre point quelconque, et chacun de ses traits ne renvoie pas nécessairement à des traits de même nature, il met en jeu des régimes de signes très différents et même des états de non-signes. Le rhizome ne se laisse ramener ni à l’Un ni au multiple. Il n’est pas l’Un qui devient deux, ni même qui deviendrait directement trois, quatre ou cinq, etc. il n’est pas un multiple qui dérive de l’Un, ni auquel l’Un s’ajouterait (n + 1). Il n’est pas fait d’unités, mais de dimensions, ou plutôt de directions mouvantes. Il n’a pas de commencement ni de fin, mais toujours un milieu, par lequel il pousse et déborde. il constitue des multiplicités linéaires à n dimensions, sans sujet ni objet, étalables sur un plan de consistance, et dont l’Un est toujours soustrait (n – 1). Une telle multiplicité ne varie pas ses dimensions sans changer de nature en elle-même et se métamorphoser. A l’opposé d’une structure qui se définit par un ensemble de points et de positions, de rapports binaires entre ces points et de relations biunivoques entre ces positions, le rhizome n’est fait que de lignes : lignes de segmentarité, de stratification, comme dimensions, mais aussi ligne de fuite ou de déterritorialisation comme dimension maximale d’après laquelle, en la suivant, la multiplicité se métamorphose en changeant de nature. On ne confondra pas de telles lignes, ou linéaments, avec les lignées de type arborescent, qui sont seulement des liaisons localisables entre points et positions. A l’opposé de l’arbre, le rhizome n’est pas un objet de reproduction : ni reproduction externe comme l’arbre-image, ni reproduction interne comme la structure-arbre. Le rhizome est une antigénéalogie. C’est une mémoire courte, ou une antimémoire. Le rhizome procède par variations, expansion, conquête, capture, piqûre. A l’opposé du graphisme, du dessin ou de la photo, à l’opposé des claques, le rhizome se rapporte à une carte qui doit être produite, construite, toujours démontable, connectable, renversable, modifiable, à entrées et sorties multiples, avec ses lignes de fuite. Ce sont les calques qu’il faut reporter sur les cartes et non l’inverse. Contre les systèmes centrés (même polycentrés), à communication hiérarchique et liaisons préétablies, le rhizome est un système acentré, non hiérarchique et non signifiant, sans Général, sans mémoire organisatrice ou automate central, uniquement défini par une circulation d’états. Ce qui est en question dans le rhizome, c’est un rapport avec la sexualité, mais aussi avec l’animal, avec le végétal, avec le monde, avec la politique, avec le livre, avec les choses de la nature et de l’artifice, tout différent du rapport arborescent : toutes sortes de « devenirs ».
Un plateau est toujours au milieu, ni début ni fin. Un rhizome est fait de plateaux. (…)
Nous appelons « plateau » toute multiplicité connectable avec d’autres tiges souterraines superficielles, de manière à former et étendre un rhizome. Nous écrivons ce livre comme un rhizome. Nous l’avons composé de plateaux. (…) Chaque plateau peut être lu à n’importe quelle place, et mis en rapport avec n’importe quel autre. Pour le multiple, il faut une méthode qui le fasse effectivement ; nulle astuce typographique, nulle habileté lexicale, mélange ou création de mots, nulle audace syntaxique ne peuvent la remplacer. Celles-ci en effet, le plus souvent, ne sont que des procédés mimétiques destinés à disséminer ou disloquer une unité maintenue dans une autre dimension pour un livre-image. Techno-narcissisme. (…)
En aucun cas nous ne prétendons au titre d’une science. Nous ne connaissons pas plus de scientificité que d’idéologie, mais seulement des agencements. Et il n’y a que des agencements machiniques de désir, comme des agencement collectifs d’énonciation. Pas de signifiance, et pas de subjectivation : écrire à n (toute énonciation individuée reste prisonnière des significations dominantes, tout désir signifiant renvoie à des sujets dominés). Un agencement dans sa multiplicité travaille à la fois forcément sur des flux sémiotiques, des flux matériels et des flux sociaux (indépendamment de la reprise qui peut en être faite dans un corpus théorique ou scientifique). On n’a plus une tripartition entre un champ de réalité, le monde, un champ de représentation, le livre, et un champ de subjectivité, l’auteur. Mais un agencement met en en connexion certaines multiplicités prises dans chacun de ces ordres, si bien qu’un livre n’a pas sa suite dans le livre suivant, ni son objet dans le monde, ni son sujet dans un ou plusieurs auteurs. Bref, il nous semble que l’écriture ne se fera jamais au nom d’un dehors. Le dehors n’a pas d’image, ni de signification, ni de subjectivité. Le livre, agencement avec le dehors, contre le livre-image du monde. Un livre-rhizome, et non plus dichotome, pivotant ou fasciculé. Ne jamais faire racine, ni en planter, bien que ce soit difficile de ne pas retomber dans ces vieux procédés. « Les choses qui me viennent à l’esprit se représentent à moi non par leur racine, mais par un point quelconque situé vers le milieu. Essayez donc de les retenir, essayez donc de retenir un brin d’herbe qui ne commence à croître qu’au milieu de la tige, et de vous tenir à lui » (Kafka, Journal). Pourquoi est-ce si difficile ? C’est déjà une question de sémiotique perspective. Pas facile de percevoir les choses par le milieu, et non de haut en bas ou inversement, de gauche à droite ou inversement : essayez et vous verrez que tout change. Ce n’est pas facile de voir l’herbe dans les choses et les mots (Nietzsche disait de la même façon qu’un aphorisme devait être « ruminé », et jamais un plateau n’est séparable des vaches qui le peuplent, et qui sont aussi les nuages du ciel).
On écrit l’histoire, mais on l’a toujours écrite du point de vue des sédentaires, et au nom d’un appareil unitaire d’Etat, au moins possible même quand on parlait de nomades. Ce qui manque, c’est une Nomadologie, le contraire d’une histoire. (…)
Les nomades ont inventé une machine de guerre, contre l’appareil d’Etat. Jamais l’histoire n’a compris le nomadisme, jamais le livre n’a compris le dehors. Au cours d’une longue histoire, l’Etat a été le modèle du livre et de la pensée : le logos, le philosophe-roi, la transcendance de l’Idée, l’intériorité du concept, la république des esprits, le tribunal de la raison, les fonctionnaires de la pensée, l’homme législateur et sujet. Prétention de l’Etat à être l’image intériorisée d’un ordre du monde, et à enraciner l’homme. Mais le rapport d’une machine de guerre avec le dehors, ce n’est pas un autre « modèle », c’est un agencement qui fait que la pensée devient elle-même nomade, le livre une pièce pour toutes les machines mobiles, une tige pour un rhizome (Kleist et Kafka contre Goethe).
Gilles Deleuze & Félix Guattari
Mille plateaux, Capitalisme et schizophrénie 2 / 1980
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Quoi / Où

« Il faut qu’il y ait un chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse. »
Friedrich Nietzsche

« Car en moi il y a toujours eu deux pitres, entre autres, celui qui ne demande qu’à rester où il se trouve, et celui qui s’imagine qu’il serait un peu moins mal plus loin. »
Samuel Beckett

« Dès qu’il y a rêve de l’autre, il y a danger. Le rêve des gens est toujours un rêve dévorant qui risque de nous engloutir. Que les autres rêvent, c’est très dangereux, le rêve est une terrible volonté de puissance, chacun de nous est plus ou moins victime du rêve des autres, même quand c’est la plus gracieuse jeune fille. Même quand c’est la plus gracieuse jeune fille, c’est une terrible dévorante, pas par son âme, mais par ses rêves. Méfiez-vous du rêve de l’autre, parce que si vous êtes pris dans le rêve de l’autre, vous êtes foutu. »
Gilles Deleuze

« À un certain moment, face aux événements publics, nous savons que nous devons refuser. Le refus est absolu, catégorique. Il ne discute pas, ni ne fait entendre ses raisons. C’est en quoi il est silencieux et solitaire, même lorsqu’il s’affirme, comme il le faut, au grand jour. Les hommes qui refusent et qui sont liés par la force du refus, savent qu’ils ne sont pas encore ensemble. Le temps de l’affirmation commune leur a précisément été enlevé. Ce qui leur reste, c’est l’irréductible refus, l’amitié de ce Non certain, inébranlable, rigoureux, qui les tient unis et solidaires. »
Maurice Blanchot / Ecrits politiques, 1953-1993

« Rentré chez lui, il eut besoin d’elle : il était comme un homme dans la vie de qui une passante qu’il a aperçue un moment vient de faire entrer l’image d’une beauté nouvelle qui donne à sa propre sensibilité une valeur plus grande, sans qu’il sache seulement s’il pourra revoir jamais celle qu’il aime déjà et dont il ignore jusqu’au nom. Même cet amour pour une phrase musicale semble un instant devoir amorcer chez Swann la possibilité d’une sorte de rajeunissement… »
Marcel Proust

« Agis contre le temps, donc sur le temps,
et espérons-le, au bénéfice d’un temps à venir. »

Friedrich Nietzsche

Il n’est plus temps. Plus temps de se plaindre / de pleurer sur soi / d’attendre la réalisation d’idéaux qui n’ont jamais existé que dans la tête des prêtres. Il n’a jamais été temps. Ou, peut-être, est-il plus que jamais temps.
Temps d’exiger / de se battre / de rêver et d’espérer.
Ce que nous voulons ? Tout !
Aussi avons-nous la volonté de ne pas seulement dire non. Aussi affirmons-nous notre désir de construire.
N’être ni contre quelque chose ou quelqu’un, ni pour quelque chose ou quelqu’un. Pas d’objet à notre désir.
Ce contre quoi nous sommes ? Tout !
Ce pour quoi nous sommes ? Tout !

Anti / Chimères n°64-65

« Il est question de partir dans toutes les directions. De semer, comme on sème un suiveur, le pouvoir civilisé. De creuser, partout où on peut miner l’édifice. Toujours surprendre l’ennemi par-derrière. Ne jamais être là où précisément il attend. Et que devienne pratique l’évidence : il n’y a pas de sujet révolutionnaire, pas de sujet du tout. »
Guy Hocquenghem

« Et tout d’un coup, nous sentons que nous ne sommes plus les mêmes forçats. Il n’y a rien eu. Et un problème dont on ne voyait pas la fin, un problème sans issue, un problème où tout le monde était aheurté, tout d’un coup n’existe plus et on se demande de quoi on parlait. C’est qu’au lieu de recevoir une solution, ordinaire, une solution que l’on trouve, ce problème, cette difficulté, cette impossibilité vient de passer par un point de résolution pour ainsi dire physique. Par un point de crise. Et c’est qu’en même temps le monde entier est passé par un point de crise pour ainsi dire physique. Il y a des points critiques de l’événement comme il y a des points critiques de température, des points de fusion, de congélation ; d’ébullition, de condensation ; de coagulation ; de cristallisation. Et même, il y a dans l’événement de ces états de surfusion qui ne se précipitent, qui ne se cristallisent, qui ne se déterminent que par l’introduction d’un fragment de l’événement futur ».
Charles Péguy / Clio, lu dans Différence et répétition / Gilles Deleuze

1) Toute société secrète comporte une arrière-société encore plus secrète, soit qu’elle perçoive le secret, soit qu’elle le protège, soit qu’elle exécute les sanctions de sa divulgation (or il n’y a aucune pétition de principe à définir la société secrète par son arrière-société secrète : une société est secrète dès qu’elle comporte ce redoublement, cette section spéciale) ; 2) Toute société secrète comporte son mode d’action, lui-même secret, par influence, glissement, insinuation, suintement, pression, rayonnement noir, d’où naissent les « mots de passe » et les langages secrets (et il n’y a pas là de contradiction, la société secrète ne peut pas vivre hors du projet universel de pénétrer toute la société, de se glisser dans toutes les formes de la société, en en bousculant la hiérarchie et la segmentation : la hiérarchie secrète se conjugue avec une conspiration des égaux, la société secrète ordonne à ses membres d’être dans la société comme des poissons dans l’eau, mais elle aussi doit être comme l’eau parmi les poissons ; elle a besoin de la complicité de toute une société environnante).
Gilles Deleuze & Félix Guattari
« Devenir-animal, devenir-imperceptible »
Mille plateaux, Capitalisme et schizophrénie 2
/ 1980

« Conspirer, c’est respirer ensemble »
Radio-Alice / 1977

« Aujourd’hui il ne s’est rien passé. Et s’il s’est passé quelque chose, le mieux est de le taire, parce que je ne l’ai pas compris. »
Roberto Bolaño
les Détectives sauvages / 1998

« Écrire comme un chien qui fait son trou, un rat qui fait son terrier. Et, pour cela, trouver son propre point de sous-développement, son propre patois, son tiers-monde à soi, son désert à soi »
Deleuze, Guattari / Kafka. Pour une littérature mineure / 1975

… quand l’âme plonge dans une vraie nuit noire, il est constamment trois heures du matin, jour après jour. (…) on n’attend plus de voir s’effacer le moindre chagrin, (…) on devient le témoin forcé d’une exécution, de la désintégration de sa propre personnalité.
Francis Scott Fitzgerald / la Fêlure

Quoi / Où anishkapoor22

 

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