Il y eut ces journées creuses, la chaleur dans ta chambre, comme dans une chaudière, comme dans une fournaise, et les six chaussettes, requins mous, baleines endormies, dans la cuvette de matière plastique rose. Ce réveil qui n’a pas sonné, qui ne sonne pas, qui ne sonnera pas l’heure de ton réveil. Tu poses le livre ouvert à côté de toi, sur la banquette. Tu t’étends. Tout est lourdeur, bourdonnement torpeur. Tu te laisses glisser. Tu plonges dans le sommeil.
Georges Perec
Un homme qui dort / 1967
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Le temps, qui veille à tout, a donné la solution malgré toi. Le temps qui connaît la réponse a continué de couler. C’est un jour comme celui-ci, un peu plus tard, un peu plus tôt, que tout recommence, que tout commence, que tout continue. Cesse de parler comme un homme qui rêve. Regarde ! Regarde-les. Ils sont là des milliers et des milliers, sentinelles silencieuses, Terriens immobiles, plantés le long des quais, des berges, le long des trottoirs noyés de pluie de la Place Clichy, en pleine rêverie océanique, attendant les embruns, le déferlement des marées, l’appel rauque des oiseaux de mer. Non. Tu n’es plus le maître anonyme du monde, celui sur qui l’histoire n’avait pas de prise, celui qui ne sentait pas la pluie tomber, qui ne voyait pas la nuit venir. Tu n’es plus l’inaccessible, le limpide, le transparent. Tu as peur, tu attends. Tu attends, Place Clichy, que la pluie cesse de tomber.
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Georges Perec et Bernard Queysanne
Un homme qui dort / 1974
voix Ludmila Mickaël / avec Jacques Spiesser