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Le parti pris des animaux / Jean-Christophe Bailly / samedi 15 mars présentation de Chimères n°81 Bêt(is)es à la galerie Dufay/Bonnet

Singes
Le plaisir qui vient des animaux
de leur existence
- du fait qu’ils existent -
vient d’abord de ce qu’ils ne sont pas comme nous
de ce qu’ils sont différents :
ce n’est pas seulement que nous partagions le monde
avec eux
avec d’autres êtres donc, qui le regardent et le traversent
qui y vivent et y meurent
c’est qu’ils vivent, auprès de nous ou loin de nous
chats ou chauves-souris
chiens ou tigres
ou singes
dans d’autres mondes

or entre tous les animaux le singe a cette particularité
on le sait bien
d’être de nous le plus proche
et ce statut de presque-humain
d’humain non abouti, ou raté,
le prive de ce qu’il est
lui-même et pour lui-même
pas une « altérité » présentée sans fin et sans finesse aux hommes
comme un miroir déformant
mais une différence
un départ
pas un départ
mais des départs différents
des vies différentes, distinctes
selon les espèces
et les individus qui les composent

ainsi, au lieu de considérer tout ce qui chez le singe
s’approche
devrions-nous considérer tout ce qui chez lui
s’éloigne
ainsi, au lieu de prendre la mesure de ce qu’il sait
ou saurait faire
plus ou moins bien
plus ou moins comme nous
à savoir, compter, reconnaître des signes,
se regarder dans un miroir, se servir d’un outil, etc.
devrions-nous peut-être admirer tout ce qu’il fait
et que nous ne savons pas faire, pas faire du tout
tout ce qui de façon certaine constitue son langage et son monde
un monde plaisirs et de peurs,
de bonds et de retraits
dont nous n’avons même pas idée

ce monde peut s’apercevoir
- pas au cirque où le singe est réduit
péniblement à son rôle de double décalé et de clown
offert gratis au narcissisme humain
un peu au zoo où malgré l’enfermement
parfois habilement masqué
il est déjà un peu chez lui
où en tout cas il n’est pas déguisé et n’a ni tambour ni jupette
où il est lui-même, abandonné à lui-même
dans l’être à l’abandon du zoo
mais là où l’on peut vraiment le rencontrer
et bien sûr
c’est chez lui, dans la nature
dans ce qui reste de nature
c’est-à-dire, pour l’essentiel, dans des réserves
- savoir si les réserves, les espaces consentis aux animaux sauvages
ne sont pas eux aussi des sortes de zoos masqués, c’est une autre histoire
, que nous laisserons de côté -
mais enfin ils sont là, avec les autres, libres de leurs mouvements,
et c’est là, chez eux, devant eux, qu’il faut parler à leur propos
de danse :
d’une incroyable chorégraphie discontinue
de tensions flexibles
:
un jour, dans la réserve d’Amboseli au Kenya
(nous travaillions, Gilles Aillaud, Franck Bordas et moi à l’
Encyclopédie de tous les animaux, y compris les minéraux)
j’arrêtai la voiture pour admirer avec mes compagnons
une petite troupe de vervets qui se tenait sur le bord de la piste
(les vervets sont de petits singes très beaux et très agiles,
de véritables concepts de singes)
et ces vervets, au lieu de se prêter craintivement et à distance
à l’observation, à l’exception d’une mère portant son petit
et qui resta à quelques pas,
se ruèrent alors sur la voiture
dont les fenêtres étaient restées ouvertes
s’y livrant à des tentatives de chapardage et à des acrobaties
, pas des acrobaties d’acrobates de notre espace
mais des obliques et des courbes qui venaient
couper notre espace, le triturer et le réduire en miettes
: aucune frontalité, aucun point de fuite, aucune perspective
aucune précaution, aucune géométrie
mais un festival all over de ruptures comme s’ils avaient grimpé
le long de rubans de Moebius virtuels
ou saisi des lianes incolores
se comportant le long de ces voies élastiques et discontinues
comme des projectiles
c’est-à-dire comme des envoyés
des envoyés d’un autre espace
sans commune mesure avec le nôtre
espace pourtant frappé par des mains, des queues et des pattes
par de petites mains noires aux ongles finement manucurés
mains qu’il peut arriver, et cela arriva,
de serrer, bonjour, dans un moment de répit
dans une pause du ballet improvisé

: contact passager et frêle avec eux, avec leur monde
on serre la main d’un ami
on sait qu’il se méfie, qu’il est prêt à trahir
aussitôt par un bond en retrait le contrat silencieux
qu’on vient de nouer avec lui, avec ses petits yeux vifs
mais la chose a lieu, a eu lieu,
et c’est comme si l’on avait touché quelqu’un
qui habiterait à l’intérieur d’un labyrinthe
qui pour nous n’est qu’une boîte optique
et qui connaîtrait chaque coin ou recoin de ce labyrinthe
labyrinthe ou structure, il faut le dire,
écrite dans les trois dimensions de l’espace
la surface n’existant pas pour les vervets
qui se meuvent dans une marelle spatiale
fragile et déconcertante

ce qui est dit du vervet valant aussi, par exemple,
pour le colobe, mais
seulement jusqu’à un certain point et d’abord
parce qu’au colobe on n’irait certes pas serrer la main
: plus grand que le vervet, il est, lui, un roi-voleur
qui se joue de tout dans les hauteurs suspendues
on dirait, à le voir sauter de branche en branche
avec une précision de saltimbanque hyper entraîné
souple, tellement souple,
qu’il vient de voler un manteau
et qu’il l’emporte vers la canopée
mais ce manteau, justement, est à lui,
il est ce manteau noir et blanc qui virevolte
énorme cape dont il se sert presque comme d’une voile
qui faseyerait légèrement dans les descentes

ce qui vient à l’esprit quand on voit le colobe
c’est tout ce que notre fameuse posture
- la station debout du bipède confirmé -
a dû abandonner pour être
tout ce qu’elle a dû laisser sur les côtés et rejeter
à commencer par cette longue queue enroulante et tactile qui
, chez le colobe, se termine par un toupet blanc et remplace
allègrement le pouce qu’à la différence des autre singes il n’a pas

sans doute est)il instructif et intrigant
de constater que chimpanzés ou bonobos se servent de casse-noix
mais peut-être pourrait-on aussi ne pas oublier que la queue est un outil
un outil et une parure pour nous totalement perdus

avec les vervets et les colobes
(ou avec les merveilleux magots de l’Atlas
qui se désaltèrent en hiver avec des feuilles couvertes de givre
qu’ils sucent comme des esquimaux)
nous ne sommes pas du côté hominien
nous ne sommes pas vraiment du côté de ce qui
chez les primates
entraîne aux comparaisons avec l’homme
et c’est même pour cela que je les ai choisis
pour la libre et agile façon dont ils écrivent leur différence
en se laissant glisser sur les fibres d’air de la forêt ou de la savane

mais portant
et ici la petite poigne de cuir du vervet joue aussi son rôle
nous ne pouvons pas éviter la question
la question que nous nous posons toujours et depuis toujours
devant ces frères, ces faux frères ou ces vrais cousin
et qui est celle, justement, de ce cousinage :
fraternité si étroite qu’elle monte chez le bonobo
jusqu’à 98,6% de matériel génétique commun
: de telle sorte qu’il ne faut pas une longue réflexion
pour se demander si la frontière par nous placée
entre eux et nous
est bien étanche
et si leur communauté nous est franchement et tout entière opposable

ce ne sont même pas les similitudes frappantes ou les considérations
sur les facultés d’apprentissage des primates qui doivent compter ici en premier
c’est, ce serait d’abord leur regard
ce regard qu’ils nous renvoient et qui
au lieu de nous clouer au sol
suppose l’existence d’un espace de délibération et de transfert

Jean-Christophe Bailly
Le parti pris des animaux / 2013

Singes
Album : Singes

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Samedi 15 mars :
présentation de Chimères n°81 / Bêt(is)es à la galerie Dufay/Bonnet

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Du pense-bête au corps-à-corps / Jean-Claude Polack / Chimères n°81 / Bêt(is)es

Un promeneur croit reconnaître un passant sur le trottoir d’en face. Il traverse la rue et lui demande :
- Vous n’étiez pas au M.O.M.A. de New York, devant les Nymphéas, un dimanche de juin l’année dernière ?
- Non, pas du tout…
- Quand j’y pense, moi non plus… ça doit être deux autres.

Pendant plusieurs années, avant que la remémoration des noms ne devienne pour moi un tracas constant, je fus affligé d’une amnésie précise et restreinte. Ma cinéphilie butait régulièrement sur le nom d’un comédien que j’aimais beaucoup, sans avoir pour cette préférence une explication plausible. Le nom de « Jean Rochefort » échappait régulièrement à mon commentaire d’un film où cet homme aux allures aristocratiques faisait passer la bouffonnerie et l’exactitude d’une sorte de folie.
Pour retenir son nom je recourus à un moyen mnémotechnique, combinant des métaphores et des métonymies avec une  simple homonymie, puisée dans l’œuvre de Jacques Demy. Chaque fois que je voulais retrouver le patronyme, je pensais donc à la ville où Les Demoiselles de Rochefort, en 1966, avaient chanté leurs plaisirs et leurs peines. Je l’avais traversée plusieurs fois après le tournage du film. Les images et les couleurs pastel de ses maisons étaient restées longtemps en l’état, donnant à la ville entière l’artificialité d’un décor, l’allure d’une scène prête pour la fabrique d’une comédie musicale. Les lieux, la danse et les chansons du film, que j’avais engrangés dans ma mémoire, me donnaient ainsi, joignant les sensations et les mots, une immédiate solution.
Ce stratagème m’est coutumier encore aujourd’hui.
Un jour, David, un jeune patient psychotique que je connaissais depuis son séjour de quelques années à la clinique de La Borde se mit brusquement à pouffer de rire pendant une séance de notre dialogue erratique. Surpris, je lui demandai ce qui l’avait amusé. Il me répondit alors en s’esclaffant : « vous ressemblez à Jean Rochefort ! »
Je tente encore aujourd’hui de comprendre comment une suite d’associations a pu enchaîner un nom avec une ville, des personnages, des couleurs et de la musique pour contourner une évidence que seule l’intuition divinatoire de la psychose a pu mettre à jour.
Tout est passé peut être par mon propre refoulement d’une visagéité que je ne pouvais reconnaître chez l’autre qu’en oubliant la mienne. Maintenant encore la ressemblance révélée par David ne me paraît pas certaine, bien qu’il m’arrive depuis longtemps de penser que j’aimerais avoir les traits et la dégaine de l’acteur du Mari de la coiffeuse et de Tandem. Patrice Leconte, curieusement, l’a toujours mis en scène sur un mode équivoque, entre l’humour sensible et l’ironie tragique ; sa voix et son visage se morfondent et sourient en même temps, brouillant les repères de son registre affectif, beau modèle de duplicité.
Où s’étaient insérés dans cette « séance » les mécanismes éventuels d’un « transfert » ?
Celui qui manquait au devoir de dire tout ce qui passe dans son esprit était le thérapeute, bien trop prudent pour proposer d’ailleurs cette méthode à son interlocuteur.
L’« inconscient à ciel ouvert » du schizophrène exige plutôt qu’on lui fournisse les moyens d’un refoulement. Mais le raccourci  visionnaire de David mettait à nu le nœud d’une trame de significations tissées contre l’oubli des corps et de leur « face-à-face », leur muet affrontement.
Peut-être m’emmenait-il vers des repérages antérieurs du « moi », avant toute jonction possible d’une image et d’un nom. Il voyait dans le miroir où je ne me regardais pas un double que je pouvais aimer, mais aussi le métier de comédien qui m’avait parfois tenté. Il  confirmait mon choix d’un modèle dans le trésor inépuisable des héros de cinéma. Des films – il l’avait sans doute compris – pouvaient venir en tiers dans notre couple trop spéculaire, tempérer les méfaits du vis-à-vis, sa charge antagoniste.
David allait peu au cinéma ; il avait bien fallu qu’il adopte ce personnage, et soit assez séduit pour retenir son nom. Sa parole, ce jour-là, me parut complice, mais découvrait en même temps une de mes identités virtuelles en l’approchant sous le masque d’une figure semblable.
Son intrusion inattendue dans mon intimité physique me donna l’impression d’être plus nombreux dans la pièce, un groupe d’êtres anonymes entraînés dans la multiplicité publique de leurs aventures, leurs objets et leurs goûts. Il ne me parlait pas seulement d’une image, mais de parcours, d’espaces, d’actions et de substitutions. Il me revenait la tâche d’examiner à nouveaux frais La Psychopathologie de la vie quotidienne, de repenser le Stade du miroir, de découvrir les flux de sensations, d’affects et de traces émotionnelles qui coulent sous les noms jusqu’à les noyer.
Bien avant des paroles, d’intenses perceptions s’inscrivent en la mémoire. Virginia Woolf les décrit avec minutie, les amène au premier plan des souvenirs dont elle chasse les mots et l’intelligence. Elle veut saisir les formes, les couleurs et les sons qui anticipent les objets ou les corps : « …mon premier souvenir… Il y avait des fleurs rouges et violettes sur un fond noir – la robe de ma mère, et ma mère était assise dans un train ou dans un omnibus et moi j’étais sur ses genoux. Je voyais par conséquent de tout près les fleurs qui la vêtaient, et je vois encore du violet et du rouge et du bleu, sur le noir. Ce devait être des anémones, j’imagine ». Elle s’intéresse ensuite aux événements qui précèdent les sujets, ou les excluent : « J’ai rêvé que je me regardais dans un miroir quand un horrible visage – une tête d’animal – est apparue soudain derrière mon épaule. Je ne peux être certaine qu’il s’agisse d’un rêve, ni que ce soit réellement arrivé. Me regardais-je un jour dans le miroir quand quelque chose, à l’arrière-plan, a remué et m’a paru vivant ? Je ne puis en être certaine. Mais je n’ai jamais oublié l’autre visage dans le miroir, que ce soit un rêve ou un fait réel, ni qu’il m’a effrayée » (1).
Jean-Claude Polack
Du pense-bête au corps-à-corps / 2014
Extrait du texte publié dans Chimères n°81 / Bêt(is)es

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1 Virginia Woolf. Instants de vie (« Moments of being »), Stock 1986, Livre de Poche (pages 68 et 74).

Compte-rendu très personnel de la manifestation du 22 février à Nantes et témoignage de Quentin qui a perdu un oeil‏

La manifestation était une des plus belles que j’ai faites. Des vrais gens  vivants, avec beaucoup d’énergie et de joie d’être là. De la musique, des banderoles et pancartes très « personnelles », des danses, chansons, déguisements (les masques de tritons étaient superbes) et même une cabane dans les arbres !
Nous sommes arrivés fatigués après un voyage dans un autocar pas vraiment ordinaire depuis Toulouse. Après avoir pris un petit déjeuner on est allé visiter le marché du centre-ville, avec nos pancartes qui indiquaient d’où nous venions. Un accueil très sympathique de beaucoup de gens, ce qui nous a tout de suite confirmés dans notre conviction que ce voyage en valait la peine.
Puis dans la rue on tombe sur l’arrivée de plusieurs dizaines de tracteurs, remplis d’individus souriants et plus ou moins déguisés. On s’est mis sur le trottoir en brandissant nos pancartes et là-aussi, nous avons senti que c’était important d’être-là. D’ailleurs, cela n’a pas cessé tout au long de notre périple : des « mercis » chaleureux de dizaines de personnes touchées que nous soyons venus de si loin. Beaucoup nous ont dit qu’ils nous rendraient la pareille, au cas où… Et nous en avons profité bien sûr pour leur parler de ce qui nous inquiète le plus : la menace toujours présente de l’exploitation des gaz de schiste  l’hallucinant projet du « Las Vegas » gardois, les « Golfs » de Saint Hilaire…
Nous avons fait une grande partie de la manif derrière la banderole des Montpelliérains « Gardarem la Terra ».  Tout au long du cortège, nous avons eu des contacts avec des gens qui ont eux-mêmes des problèmes dans leur région, on en reparlera.

Concernant les « incidents » , ils étaient déjà prévisibles  vue la gigantesque ampleur du déploiement policier, la disproportion des moyens utilisés par les forces dites de « l’ordre » et l’interdiction arbitraire d’emprunter un lieu qui avait été jusque-là un passage habituel des manifestations à Nantes.
Le plus impressionnant fut sans doute l’incendie d’appareils de forage situés sur une place.  Mais il faut noter surtout la tentative de plomber l’ambiance par le déploiement de gendarmes mobiles, puissamment harnachés, et qui interdisaient l’accès au centre. Dans le ciel, un hélicoptère de la police qui survolait le cortège en permanence, tel une menace latente, ajoutait à un sentiment d’insécurité. A la fin, le bruit de ce bourdon métallique se fit encore plus gênant, au point de rendre très difficile l’audition des « prises de parole », là où stationnaient les 500 tracteurs, au terme du trajet.
Au cours de celui-ci nous avons pu voir la devanture d’un siège de Vinci totalement dévastée, ce qui,  je crains de devoir le reconnaître, m’a plutôt mis en joie.
Mais nous n’avons pas assisté aux incidents ultérieurs. Il faut dire que la fatigue de la nuit sans sommeil et de la marche commençaient à devenir pesante. A la fin de la manifestation, on s’est réfugiés dans un café, histoire de récupérer. Et c’est en sortant que l’on a vu l’ampleur des dégâts, si l’on peut dire. Car loin d’être « dévasté », comme on l’a entendu dire ensuite sur France Inter, une partie du centre avait en effet subi quelques modifications dont on ne peut pas vraiment dire, à mon sens, qu’elles le desservaient. Ces modifications apportées au décor urbain étaient d’ailleurs très ciblées. Ainsi d’affreuses baraques de métal avaient été transformées en braseros et laissaient échapper flammes et fumée, évoquant irrésistiblement les tableaux de Turner. Quelques façades de banques et d’agence de voyages étaient détruites, ce qui, nonobstant les analyses politiques que l’on pourra faire des conséquences plus ou moins fâcheuses de ce genre d’action, n’est pas non plus un spectacle spécialement désagréable à regarder.
Parfois un trait d’humour taggé sur ce qui restait de vitrine venait souligner que cette réponse sinon véritablement citoyenne, du moins raisonnablement humaine, à l’agression à la fois morale et esthétique que nous subissons sans broncher de façon quotidienne dans les centres de nos villes n’était qu’une manière de prendre au mot l’incitation à venir fréquenter ce genre d’endroit. Ainsi, sur la vitrine d’une agence de voyage se côtoyaient ces deux inscriptions :  l’officielle prétendant de façon faussement amicale et pompeuse :  « Bienvenue chez nous ! », et celle, sobre et plus sincère, des visiteurs d’un soir, se contentant d’un laconique « Nous sommes passés ». Mais enfin, lorsque tant de façades affichent avec autant de vulgarité une passion si violente pour l’argent et la frime, leurs propriétaires ne prennent-ils pas le risque que l’on vienne en effet, un beau jour, ayant perdu toute patience, leur dire notre irritation ?
Bref, nous avons déduit de toutes ces observations qu’il y avait eu des « casseurs ». Mais que celles et ceux qui n’ont jamais eu envie de lancer dans ces fallacieuses façades vitrées le moindre pavé leur jettent la première grenade assourdissante…
Enfin, parcourant les rues de la ville pour regagner notre surprenant moyen de locomotion, nous avons dû respirer, avec les habitants de cette cité livrée aux caprices des escadrons de gendarmes, un air totalement pollué par les gaz lacrymogènes, lesquels furent répandus avec une absence irresponsable de sens de la mesure.
Manifestement, tout avait été fait pour créer des conditions propres à exciter la juste colère des manifestants et, en soumettant tout le centre à une occupation policière digne de Kiev,  à susciter dans la population des sentiments d’exaspération vis-à-vis de ceux-ci.
Mais de ce que j’ai vu et ressenti, je ne crois pas que cette dernière stratégie ait eu les résultats escomptés. Certes, les médias aux ordres ont mis en avant les « dégâts » provoqués par les « casseurs », et de ce point de vue, ces actions que l’on pourrait tout aussi bien considérer comme relevant de la salubrité publique pourraient nuire à la popularité du mouvement. Mais il y avait tant d’énergie et de conviction qui rayonnaient de ce défilé que ce qui restera sera la joie d’avoir été réunis pour une si belle cause, et cette joie est communicative…

P.S : Je viens de recevoir ce message :
Bonjour, on vient d’apprendre qu’un jeune homme de 28 ans a perdu un oeil suite à l’éclatement d’une des nombreuses grenades assourdissantes. Il n’avait rien à voir avec les violences générées en marge de la manifestation. C’est terrible ! Christian Grisollet / ACIPA
Il me semble que les vrais « casseurs », ce sont qui ordonnent l’usage de ces armes de guerre contre des individus qui soit sont loin d’avoir des armes équivalentes, soit sont totalement désarmés. Jusqu’à quand allons-nous accepter que leurs  grenades dites « assourdissantes » soient utilisées contre des manifestants ou même de simples passants ? Si manifester implique le risque de perdre un œil, que devient le prétendu droit de manifester ?

P.S n°2 : Je viens de recevoir le témoignage de Quentin, le jeune homme qui a perdu l’oeil gauche :
Retranscription du témoignage de Quentin, gravement blessé le 22 février à Nantes23 février 2014, 15:33
Ça a démarré vraiment quand on s’est retrouvés vers Commerce, au moment où on devait remonter normalement le cours des 50 otages, ce qui était censé être le parcours de la manif. Là, il y avait des cars de CRS et des barrières qui bloquaient tout. Nous quand on est arrivés, direct on s’est fait gazer. Il y a eu tout de suite des gaz lacrymo qui ont été jetés sur les gamins, sur tous les gens qui étaient là.
c’était la manifestation paisible, normale ?

mg

C’était la manifestation paisible mais il y avait quand même déjà des gens un peu excités déjà avant, depuis le début de la manif. Donc nous on est restés un petit peu dans la zone, voir un peu ce qui se passait, et puis après, sur les conseils des organisateurs et tout, on a continué à marcher, à aller vers le point de ralliement, l’endroit où c’était fini, pour qu’il y ait un mouvement et que ça s’essoufle un peu.
Après, il y a eu plusieurs salves d’affrontement, des lacrymos qui perpétuellement revenaient, lancés par les flics. Et moi, ce qui m’est arrivé, c’est à la fin, on était vers la place Gloriette, entre Gloriette et l’autre là, là où il y a le café plage, ce rond-point là en fait, près du CHU justement. Et nous on allait pour se replier, on rentrait, les CRS avançaient eux, avec les camions et tout le truc, et moi je reculais avec tout un tas d’autres gens. Je reculais en les regardant pour pas être pris à revers et pouvoir voir les projectiles qui arrivaient. Et là, à un moment, j’ai senti un choc, une grosse explosion et là je me suis retrouvé à terre et, comme ils continuaient à nous gazer, ils continuaient à envoyer des bombes assourdissantes alors que j’étais au sol, des gens ont essayé de me sortir le plus vite possible, de m’emmener plus loin aussi. Et puis après  je sais pas trop, on m’a mis dans une… les pompiers m’ont emmené quoi.
Et donc, on dit que tu as reçu une grenade assourdissante qui, au lieu d’être tirée en l’air, a été tirée de façon horizontale, dans ton œil ?
Je l’ai prise directement dans le visage. Elle a explosé dans mon visage. Vu ce que ça a fait… Elle a explosé là et c’est comme ça que moi je l’ai ressenti, quoi. Le choc, ça a été un bruit et une douleur extrêmement vive sur le coup, puis bon moi je me suis écroulé. C’est vrai que c’était assez violent j’ai trouvé. Il y avait, de la part des manifestants, des gens qui voulaient absolument lancer des trucs sur les CRS mais les CRS, eux, gazaient n’importe qui. Et ils visaient, au flash ball, ils étaient cachés, on les voyait viser, suivre des gens qui marchaient ou qui couraient en face pour aller se mettre à l’abri. Ils les visaient, les suivaient et shootaient, quoi. et ils visaient pas les pieds. On a vu la façon dont ils tiraient, c’était très… c’était ciblé.
Et toi tu étais là, en manifestant paisible, tu n’étais pas armé, tu n’avais rien dans les mains ?
J’étais pas armé, j’avais pas de masque à gaz, j’avais pas de lunettes de protection. On était là pour une manifestation familiale, festive, on était là pour faire masse, pour faire du nombre. Et après, c’est vrai que je suis resté même s’il y avait les lacrymos, parce que je trouvais ça injuste et qu’il fallait rester. Y’avait des gens, y’avait des pères de famille, y’avait des anciens, y’avait un petit peu de tout et voilà, moi je voulais rester aussi avec les gens pour montrer qu’on était là mais sans…
(Quentin n’a plus d’œil gauche)
Jyhel, du Collectif NDDL de Nîmes

nouvelles du front et des blessés : http://27novembre2007.blogspot.fr/

http://dormirajamais.org/nddl

http://nantes.indymedia.org/articles/28990

http://www.rennestv.fr/catalogue/info/un-journaliste-de-rennestv-blesse-par-des-eclats-de-grenade-assourdissante-a-nantes.html

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