• Accueil
  • > Recherche : danse silence

Résultat pour la recherche 'danse silence'

Page 4 sur 32

« Barcelone, Varsovie, Stalingrad, Kobanê » (reportage photo de la manif du 18 octobre à Paris) / « L’État islamique a déjà perdu la bataille de Kobanê » / Un message des anarchistes sur place : « La révolution l’emportera à Kobanê ! » / Alternative libertaire

« Barcelone, Varsovie, Stalingrad, Kobanê » : reportage photo de l’Alternative libertaire

Dans une interview donnée le 17 octobre au journal turc prokurde Özgür Gündem, et reproduite par le site web anglophone Rojava report, Mehmûd Berxwedan, du commandement général des YPG, explique pourquoi l’État islamique (Daech) a, selon lui, « déjà perdu » la bataille de Kobanê.
Mehmûd Berxwedan est un officier des Unités de protection populaire (YPG), proches du PKK, qui défendent Kobanê face à Daech.
Dans le cadre d’une interview donnée à un journal sympathisant, il lui est certes impossible de paraître pessimiste, et il faut donc rester prudent quant à certaines de ses déclarations triomphalistes. Néanmoins, un certain nombre de ses analyses sont intéressantes, et renforcent l’idée que tout n’est pas perdu à Kobanê.
Ses déclarations reflètent également le nécessaire pragmatisme du combattant dos au mur, prêt à accepter toute aide d’où qu’elle vienne, y compris des puissances impérialistes arabo-occidentales.
L’essentiel de ses déclarations, en six points.
La suite sur le site d’Alternative libertaire

kk

Des camarades de l’Action anarchiste révolutionnaire (DAF) se sont portés au secours de la ville de Kobanê, assiégée par l’État islamique (Daech). Une partie a pénétré dans la ville. D’autres sont restés dans un village sur le territoire turc, Boydê. Ils et elles nous envoient ce message.

De Boydê, le 8 octobre 2014. 24e jour du siège de Kobanê par l’État islamique (Daech). Tandis que, dans tous les villages frontaliers, des militantes et des militants font rempart de leurs corps pour dissuader les attaques, toute la population, dans toute la région, s’est dressée pour empêcher la chute de Kobanê.
Depuis près de trois semaines, nous faisons office de boucliers humains dans le village de Boydê, à l’ouest de Kobanê. Ces deux derniers jours, les explosions et le fracas des armes se sont intensifiés dans les banlieues et dans le centre-ville. En même temps, les soldats turcs ont augmenté leur pression. Toutes celles et ceux qui approchaient la frontière, d’un côté comme de l’autre, ont été ciblés par des grenades lacrymogènes. Le village où nous nous trouvons a subi une attaque de ce type mardi. Plusieurs personnes ont également été blessées par des tirs à balles réelles.
Ces attaques sur les villages frontaliers signifient que les hommes de Daech sont, eux, autorisés à franchir la frontière. Le soutien de la République turque à Daech est évident ici. Bien sûr, ce n’est pas seule chose qui est évidente.

rojava-E369-B07D-DDE6
Nous avons appris qu’un des commandants de Daech dirigeant l’offensive sur Kobanê a été abattu par les YPG-YPJ. Pourtant, les combats n’ont pas diminué en intensité ; ils n’ont presque pas cessé de la journée.
Nous savons à présent que les explosions que nous entendons sont le fait des YPG-YPJ. Les miliciennes et les miliciens ont déserté les rues du centre-ville pour prendre les djihadistes en embuscade et, semble-t-il, cette tactique a fonctionné.
Dans les réunions, au village, certaines rumeurs font sensation. L’une d’elle est la crainte qu’inspirent les combattantes des YPJ aux djihadistes. En effet, Daech incarne l’État, la terreur, le massacre… mais aussi le patriarcat. Et les djihadistes craignent de ne pouvoir être considérés comme « martyrs » s’ils sont tués par une femme. D’où leur peur d’affronter les YPJ. Il faut dire que quand elles les rencontrent, les combattantes sont sans pitié. Cette lutte des YPJ, c’est celle de la liberté contre le patriarcat.
Ces deux derniers jours, le soulèvement au Kurdistan et dans les villes d’Anatolie donne un sentiment d’invincibilité du peuple organisé. Ce soulèvement renforce la confiance à Kobanê, dans les villages frontaliers et dans toute la Rojava. Chaque fois qu’un frère ou qu’une sœur tombe, notre douleur est vive, mais plus vive encore notre colère et notre détermination. Les cérémonies funèbres qui débutent à genoux se muent rapidement en danses effrénées, le martèlement de nos pas fait trembler la terre et transforme notre peine en une véritable rage.
C’est tout ce dont nous avons besoin ici. Pour la liberté et la révolution que nous espérons, en dépit de tout.
Vive la résistance populaire de Kobanê !
Vive la révolution dans la Rojava !
Vive l’Action anarchiste révolutionnaire !
(traduction Alternative libertaire)
Publié sur le site d’Alternative libertaire

ypg-15

Jacques Kebadian, Secours rouge du cinéma / Cinémathèque / du 5 septembre au 21 novembre 2014

« S’il était vrai que ce fait de nourrir un étranger se rencontrât dans toute la Nature et eût le caractère d’une loi générale – bien des énigmes seraient résolues. »
Goethe / 1827
Cité par Pierre Kropotkine in L’Entraide, un facteur de l’évolution / 1902

kebad pourquoi tu danses

C’est l’une des plus belles et gratifiantes biographies de cinéaste : un tract en trois feuillets ronéotypés, daté du 15 novembre 1970. « Le Comité du Secours Rouge du Cinéma proteste violemment contre la manière arbitraire dont la police a présenté à la presse l’arrestation de Jacques Kebadian, le cinéaste qui a été l’assistant de Robert Bresson, qui a collaboré avec J.L. Godard, et qui a pris une large part à la création des États Généraux du Cinéma en Mai 68. C’est depuis cette date que, cinéaste révolutionnaire, il décide de se lier plus concrètement au combat de la classe ouvrière. Il s’intègre à la lutte, il le fait comme ouvrier des usines Valentine, militant contre les conditions de travail inhumaines réservées aux ouvriers de cette usine : intoxication par vapeurs de soude, maladies mortelles, ‘accidents du travail’, polices patronales. Tout cela pour 3,40f de l’heure pour les travailleurs immigrés, et entre 4f et 4,70f pour les travailleurs français. Intellectuel militant révolutionnaire, il avait considéré que l’action politique menée dans une usine devait être la suite logique – une logique populaire et non bourgeoise– de son combat cinématographique. Il fut chassé de l’usine avec d’autres militants qui distribuaient des tracts, il est, depuis le 25 septembre, écroué à la Santé sous le régime des condamnés de droit commun. » En octobre, Jacques Kebadian est condamné à 2 mois de prison avec sursis. Vingt ans après, en mars 2000, il se voit condamné pour « vociférations » contre la police. Tout cinéphile ayant rencontré le très élégant et doux Jacques Kebadian ne peut manquer de sourire. Tout spectateur du Remords (1973), malicieuse parabole de René Vautier sur la lâcheté des cinéastes français face à la guerre d’Algérie et au racisme, appréciera les circonstances de l’interpellation : « lorsque des agents de la force publique s’en prennent sous ses yeux à un individu d’origine africaine, Kebadian met fatalement son grain de sel. ‘Un policier m’a dit: ‘Circulez!’ ‘Mais j’ai parfaitement le droit d’assister à la scène !’. Le Black de la rue Montorgueil n’est finalement pas le voleur à la tire recherché. ‘Pour éviter de rentrer bredouilles à la maison’, dit le cinéaste, les policiers le verbalisent. » (Renaud Lecadre, Le Monde du 18 mars 2000). Les jeunes gens dans Albertine (1972), les sans- papiers D’une Brousse à l’autre (1997), les Indiens zapatistes de La fragile Armada (2003), la classe ouvrière, le lumpenprolétariat, les exilés, Jacques Kebadian se poste aux côtés de tous les opprimés, aussi désespérée et inégale soit la lutte. Ne jamais se résigner, surtout pas à la disparition : une longue série de films consacrés à l’Arménie avant et après le génocide de 1915 ponctue un trajet qui se caractérise avant tout par ses nombreuses fidélités. Fidélité aux origines arméniennes, collaborations au long cours avec d’autres créateurs (Jean-Robert Ipoustéguy, Pierre Guyotat, François Marie Anthonioz, Patrick Bouchain…), constance du travail avec d’autres cinéastes (Franssou Prenant, Serge Avedikian, Joani Hocquenghem…), assiduité à bâtir une galerie de portraits de femmes exemplaires (Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle, Chouchan Kebadian et ses sœurs, les danseuses Apsaras du Cambodge…). Là où guerres, massacres et violence économique les ont arrachés, les films de Jacques Kebadian tissent et retissent les liens de la fraternité, de l’amour et de la création artistique (danse, architecture, littérature, peinture). Reconstruire, préserver, écouter les survivants, traverser le temps grâce aux traditions populaires, observer comment se cristallise la vie grâce aux œuvres savantes ou spontanées, transmettre la rumeur et les idéaux des peuples au combat : le travail de Jacques Kebadian affilie le cinéma à cette fonction résistante, solidaire et secourable qui, selon Goethe et Kropotkine, caractérise – aussi – l’espèce humaine.
Nicole Brenez

Toutes les séances se dérouleront en présence de Jacques Kebadian

Cinémathèque française
51 rue de Bercy – Paris 12°
Cinéma d’avant-garde / Contre-culture générale

Séances à venir : vendredis 26 septembre / 24 octobre / 21 novembre
(voir programme complet ci-dessous)

Kebadian
Album : Kebadian

8 images
Voir l'album

Télécharger le programme : fichier pdf 01. Jacques Kébadian Hommage DEF3 ILL light-3

Nice chance

Confessions d’un barjo / Philip K. Dick

Tous les membres de ma famille étaient minces sauf ma mère. Dès que je chaussais les lorgnons à monture d’acier dont écopaient les petits garçons à l’époque, ça me donnait l’air d’un vrai binoclard, d’un rat de bibliothèque. Il faut dire que j’avais le front haut. Ensuite, au lycée, j’étais couvert de pellicules, qui me faisaient le cheveu plus clairsemé qu’en réalité. De temps à autre, j’étais pris de bégaiements, mais je m’étais rendu compte qu’en me penchant brusquement, comme pour chasser un truc que j’aurais eu sur la jambe, je réussissais à prononcer le mot voulu. J’ai donc contracté l’habitude de le faire. J’avais, et j’ai toujours, une marque près du nez, sur la joue, une séquelle de varicelle. Étant très souvent énervé au lycée, je n’arrêtais pas de la triturer, si bien qu’elle s’est infectée. J’ai aussi connu d’autres problèmes de peau en rapport avec l’acné – même si, dans mon cas précis, les boutons adoptaient une texture violacée que le dermatologue attribuait à une infection généralisée de basse intensité. Je reste d’ailleurs, malgré mes trente-quatre ans, sujet à des éruptions de temps en temps – pas sur le visage, mais sur les fesses ou les aisselles.
Au lycée, j’étais bien habillé, ce qui me permettait de me faire valoir et d’être apprécié par mes pairs. Notamment grâce à ce pull en cachemire bleu que j’ai porté presque quatre ans, jusqu’à ce qu’il finisse par tellement empester que mon prof de gym m’a obligé à le jeter. De toute façon, il m’avait dans le nez, parce que je ne me douchais jamais pendant ses cours.
C’est grâce à l’American Weekly, et non à un quelconque mensuel, que je me suis pris de passion pour la science.
Vous vous rappelez peut-être l’article sur la mer des Sargasses qu’ils ont publié dans leur numéro du 4 mai 1935. J’avais alors dix ans, à peine l’âge de lire autre chose que des comics. J’étais en fin de CM1. Une énorme illustration en six ou sept couleurs s’étalait sur deux pleines pages. Elle montrait des navires coincés depuis plusieurs siècles dans la mer des Sargasses. On voyait les squelettes de matelots recouverts d’algues, les voiles et les mâts pourrissants des bateaux. Qui étaient tous différents. Il y en avait même de l’Antiquité grecque et romaine, et plusieurs remontant à l’époque de Colomb, sans compter des nefs vikings. Emmêles tous ensemble. Sans jamais remuer. Bloqués pour l’éternité, piégés par la mer des Sargasses.
Le texte expliquait de quelle façon ils s’y faisaient happer, et qu’aucun ne s’en extirpait jamais. Leur nombre était tel qu’ils gisaient par le fond plat-bord contre plat-bord sur des kilomètres. Toutes les sortes de vaisseaux qui avaient jamais existé – même si, sur la fin, quand la marine à vapeur avait fait son apparition, il y en avait eu moins à se retrouver coincés, vu qu’ils ne dépendaient plus du vent. Ils avaient leur propre moyen de locomotion.
Cet article m’avait marqué. À bien des égards, il me rappelait une des aventures de Jack Armstrong, the All American Boy, qui m’avait semblé cruciale puisqu’elle portait sur le cimetière des éléphants. Je me souviens, le jeune Jack possédait une clé qui tintait de façon étrange lorsqu’on la frappait, et qui permettait d’y accéder. J’ai passé longtemps à cogner sur le moindre bout de métal que je croisais afin de le faire résonner, en m’efforçant de produire ce bruit, de dénicher cet endroit à moi tout seul (une porte était censée s’ouvrir quelque part dans la roche). Quand j’ai lu ce fameux article sur la mer des Sargasses, j’y ai vu une similitude importante : on recherchait le cimetière des éléphants pour ses monceaux d’ivoire, et la mer des Sargasses contenait des millions de dollars en or et pierres précieuses, les cargaisons des navires pris au piège. Il suffisait de les retrouver pour se les approprier. Mais la différence entre les deux, c’était que le cimetière des éléphants n’avait rien d’une réalité scientifique – un simple mythe rapporté par des explorateurs et des indigènes en proie aux fièvres -, tandis que la mer des Sargasses constituait un fait établi.
J’avais étalé le texte sur le sol du séjour, dans la maison dont nous étions alors les locataires sur Illinois Avenue. Quand ma sœur Fay est entrée avec mes parents, j’ai tâché de l’intéresser à la question. Sauf qu’elle n’avait que huit ans. Nous nous sommes chamaillés atrocement. Au bout du compte, mon père s’est emparé de l’American Weekly et l’a jeté dans le sac en papier qui faisait office poubelle sous l’évier. Ça m’a tellement contrarié que j’ai eu un fantasme autour de la mer des Sargasses à son sujet. Une vision si écœurante que même aujourd’hui, je ne supporte pas d’y repenser. Comme ç’a été l’un des pires journées de ma vie, j’en ai toujours voulu à Fay, que je tenais pour responsable de la suite : si, comme je le demandais, elle avait lu cet article, si elle m’avait écouté en parler, rien n’aurait mal tourné. Ça me déprimait au plus haut point que quelque chose d’aussi important – et d’aussi beau, en un sens – finisse aussi avili. Ça revenait à piétiner un rêve fragile pour le détruire.
Aucun de mes parents ne s’intéressait à la science. Mon père a travaillé pour un autre gars, un Italien, comme menuisier charpentier et comme peintre. Il a passé plusieurs années de sa vie aux chemins de fer Southern Pacific, au service entretien, sur les gares de triages de Gilroy. Il ne lisait jamais rien sauf le San Francisco Examiner, le Reader’s Digest et National Geographic. Ma mère, d’abord abonnée à Liberty, s’est mise à une revue pour ménagères une fois que ça a cessé de paraître. Ni elle ni mon père n’ont fait d’études, scientifiques ou autres. Ils nous décourageaient systématiquement de bouquiner, Fay et moi. Ils ont régulièrement razzié ma chambre au cours de mon enfance afin de brûler tout ce qui pouvait tenir d’une lecture, y compris les ouvrages empruntés à la bibliothèque. Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que j’étais à l’armée à me battre sur Okinawa, ils ont fait une descente dans cette pièce, qui avait toujours été la mienne. Ils ont raflé tous mes magazines de SF et mes albums photos de filles pour les flanquer au feu, même mes livres du pays d’Oz et mes exemplaires de Popular Science, exactement comme quand j’étais petit. À mon retour, moi qui les avais défendus contre l’ennemi, j’ai retrouvé une maison vide de trucs à lire. Et tous mes précieux dossiers de données scientifiques insolites avaient disparu corps et biens. Je me souviens malgré tout de la plus surprenante, sans doute, dans ce fichier qui en contenait des milliers : la lumière a un poids. Chaque année, la Terre augmente de cinq tonnes à cause des rayons du soleil qui la frappent. Cette réalité-là n’a jamais quitté mon esprit. J’ai d’ailleurs calculé il y a quelques jours que, à compter de la date où je l’ai appris, en 1940, près de 950 tonnes de clarté solaire se sont abattues sur cette planète.
Et tenez, aussi, un deuxième truc, qui se sait de plus en plus parmi les gens intelligents : n’importe qui est capable de faire bouger les objets à distance par un simple effet de concentration ! J’en ai toujours eu conscience, puisque je m’y adonnais dans mon enfance. Toute ma famille également, du reste, même mon père. Nous pratiquions cette activité couramment – surtout en extérieur, dans les lieux publics comme les restaurants. Un jour, nous nous sommes tous polarisés sur un client en costume gris que nous avons forcé à reculer la main droite pour se gratter la nuque. Une autre fois, à bord d’un bus, nous avons poussé une grosse femme de couleur à se lever pour descendre – encore que ça nous ait demandé beaucoup d’énergie, sûrement à cause de sa masse corporelle. Tout ça a pourtant été fichu par terre un jour, par ma sœur, qui a brusquement lâché, alors que nous nous focalisions sur un homme assis à l’opposé de nous dans une salle d’attente :
- Quelles conneries.
Ça a mis mes parents hors d’eux. Mon père l’a houspillée, pas tant pour avoir fait preuve d’une telle grossièreté à son âge (elle avait dans les onze ans), que parce qu’elle venait de briser notre concentration. Elle devait tenir ça d’un des gamins de l’école Millard Fillmore où elle se  trouvait alors en CM2. Malgré sa jeunesse, c’était devenu une dure à cuire, une cogneuse. Elle pratiquait le kick-ball et le base-ball, elle passait son temps dans la cour de récré des garçons plutôt que de rester en compagnie des filles. Elle a toujours été mince, comme moi. dans le temps, elle était très douée pour la course à pied, presque autant que les sportives professionnelles, et elle avait coutume de chiper des trucs pour filer s’empiffrer dans un coin – comme, mettons, la ration hebdomadaire de bonbons gélifiés que je m’achetais le samedi matin avec mon argent de poche. Même maintenant, à plus de trente ans, elle n’a jamais trop pris de formes ; elle a des jambes élancées, une démarche élastique, et elle suit des cours de gym et de danse moderne deux fois par semaine. Elle pèse dans les cinquante-huit kilos.
Étant garçon manqué, elle a toujours eu un vocabulaire masculin, et le jour où elle s’est mariée, c’est avec le patron d’une petit fabrique de panneaux et de portails métalliques. Un rude gaillard, lui aussi, jusqu’à sa crise cardiaque. Ils avaient l’habitude de partir escalader les falaises ensemble à Point Reyes, dans leur comté. Et pendant toute une période, ils ont eu, et monté, deux chevaux arabes. Le volant ayant été rabattu haut au-dessus de sa tête – par Fay -, Charley, qui reculait à toute vitesse, s’est coincé le pied dans un terrier de taupe et s’est étalé sur le dos. Il s’est relevé en jurant comme un charretier puis, constatant que sa raquette s’était cassée en deux, il a filé vers la maison pour en chercher une autre. Son cœur l’a lâché au moment où il ressortait.
Fay et lui s’étaient copieusement engueulés, comme d’habitude, donc il y a peut-être un lien. Quand Charley s’emportait, il ne savait plus ce qu’il disait, et Fay est du même tonneau – elle emploie non seulement des mots orduriers, mais aussi tout un éventail d’insultes, histoire d’attaquer son interlocuteur sur un point faible, en balançant sans discernement tout ce qui pourra faire mal, vrai ou faux. Autrement dit, ils s’envoyaient des tas de noms d’oiseaux à la figure, et à très haute voix, si bien que leurs filles n’en perdaient presque aucune miette. Charley a toujours eu tendance à se montrer grossier, y compris dans son vocabulaire normal, c’est dans l’ordre des choses lorsqu’on a été élevé dans le Colorado, et Fay a toujours aimé sa façon de s’exprimer. Ils formaient un sacré couple, ces deux-là. Je me rappelle qu’un jour où nous étions tous les trois sur leur terrasse à nous dorer au soleil, et où j’avais émis par hasard une remarque, sans doute en rapport avec les voyages dans l’espace, Charley m’a lancé :
- Isidore, tu es vraiment un barjo fini.
Philip K. Dick
Confessions d’un barjo / 1975

space detective

123456...32



boumboumjames |
femmeavenirhomme |
Toute une vie... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Warhol l'avait dit...un qua...
| juliette66
| les bonnes "occaz" de Murielle