Printemps 1938 : les troupes hitlériennes, ovationnées par les Autrichiens, envahissent Vienne et livrent la communauté juive à la brutalité de la gestapo et de la population locale. Au 19 Berggasse, la famille Freud, dans une ville hostile, attend les autorisations pour rejoindre Londres. Un peu plus loin, dans la même rue, les SA et les SS viennent de perquisitionner les Editions Psychanalytiques Internationales. Anna a été brièvement arrêtée et Martin, recherché, a quitté précipitamment la ville. Freud est affaibli par son cancer qui continue de ravager sa mâchoire.
Dans cette succession d’événements chaotiques, c’est une lettre bien incongrue que Freud envoie à son fils Ernst le 12 mai 1938. En pleine tourmente, alors que ses proches sont menacés, il évoque longuement l’objet de ses préoccupations : le sauvetage de sa collection d’antiquités : « Si j’arrivais en homme riche, je commencerais une nouvelle collection avec l’aide de ton beau-frère. Mais il faudra me contenter des deux petites pièces que la princesse a emportées lors de sa première visite et des choses qu’elle a achetées à mon intention pendant son dernier séjour à Athènes et qu’elle conserve actuellement à Paris. Que pourrais-je me faire envoyer de ma propre collection ? Voilà qui est bien incertain. A vrai dire, cela me fait penser au sauvetage de la cage du serin lors d’un incendie ». Le 4 juin 1938, Freud quitte définitivement l’Autriche, sans sa collection, confiée à une société d’expédition viennoise et à l’administrateur nazi Anton Sauerwald. Le 3 août, après deux mois d’attente, il confie à son ami Max Eitingon que « ce n’est que lorsque ses antiquités seraient arrivées qu’il se sentirait libéré du joug nazi ». Quelques jours plus tard, la collection est enfin livrée au domicile londonien.
Située au carrefour très fréquenté de la vie privée, de la pratique analytique et des écrits théoriques, la collection d’antiquités de Freud n’a jamais fait l’objet d’une seule publication de son vivant. Après sa mort et jusque dans les annèes 1990, les spécialistes de Freud n’eurent pas grand-chose à lire sur la question, et bien que la plupart des chercheurs ne l’aient ni vue ni étudiée, tous s’accordèrent pour donner un avis unanime sur « la vraie nature » de la collection. Il était évident pour tous qu’elle était avant tout égyptienne, grecque et romaine, issue des fouilles archéologiques. Le catalogage systématique des objets de la collection effectué au 20, Maresfield Gardens en 1986 a révélé bien des surprises, les vrais grains de sable et les fausses perles.
Il faut cependant attendre Lydia Marinelli, conservatrice au Museée Freud de Vienne et directrice scientifique à partir de 1999 pour que des préjugés tenaces et majoritaires soient sérieusement réinterrogés. Lorsqu’elle rencontre le photographe Edmund Engelman en 1995, cela fait déjà trois ans qu’elle travaille au 19 Berggasse. A partir de cette adresse « matériellement évidée », elle parvient en quelques années à transformer une attraction touristique en lieu de recherche reconnu pour la qualité de ses interventions et de ses expositions.
Les musées Freud de Londres et de Vienne qui se partagent l’inventaire freudien entretiennent des relations notoirement conflictuelles mais en 1998 Lydia Marinelli impose une trêve et organise sa première grande exposition intitulée Meine… alten und dreckigen Götter (« mes… vieilles divinités dégoûtantes »). Pour la première fois depuis l’exil de Freud, une partie de la collection d’antiquités revient sur le lieu de ses origines. L’exposition, finement agencée, sera ouverte au public du 26 novembre 1998 au 7 avril 1999 et ne manquera pas de contrevenir aux attentes des « commanditaires » viennois, le tout étant pris dans les questions de direction du musée. L’exposition donne lieu, dans la foulée, à la publication d’un catalogue, du même nom, en collaboration avec les londoniens, et dont Lydia Marinelli écrit le texte d’ouverture, mais en 2000, elle réservera à une revue spécialisée un deuxième texte sur le même sujet, beaucoup plus offensif et chatoyant. Malgré son titre en apparence sobre et peu engageant Dreckige Götter, eine Austellung über Freuds archäologische Sammlung (voir la bibliographie), le propos est en rupture totale avec l’idéal esthétique et muséal convenu. Les brèches inaugurées par Lydia Marinelli laissent une empreinte sensible sur une nouvelle génération de chercheurs enthousiastes, comme Ruben Gallo, jeune universitaire d’origine mexicaine, peu enclin à se contenter de l’iconographie servie au 20 Maresfield Gardens. En s’éloignant des textes canoniques qui font la part belle à la métaphore archéologique, Marinelli met surtout en évidence que Freud se pose comme propriétaire d’une collection qui s’oppose de manière certaine au principe de la muséologie. Japon, Inde, Chine, Nouvelle-Guinée, Amérique latine, tout cela s’entasse, se fait, se défait, 3000 pièces dans les années 1930, 2000 à Londres, des débris partout sur les étagères, les tables, les bureaux, les vitrines, sur le sol, dans les tiroirs… La correspondance de Freud et ses notes per- sonnelles apportent un éclairage inattendu sur ses liens opaques avec les antiquaires, son système particulier de tractation et d’échange, sa manière d’aborder ses collaborateurs « extra européens » – « Se peut-il que le dieu, étant habitué à Calcutta, ne supporte pas le climat de Vienne ? » dit-il d’un Vishnu qui se détériore.
Réfutant les représentations jaunies d’un collectionneur conventionnel et amateur de cigares que Zweig a données de lui, Freud lui répond « que le lascar est tout de même un peu plus compliqué ».
l’Unebévue
Samedi 21 janvier 2012 à la galerie au premier étage de l’ENTREPOT
7 à 9 rue Francis de Pressensé 75014 Paris
de 14h à 16h30 / Participation aux frais 10 euros / tarif réduit 5 euros
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Nous allons cette année continuer d’étudier, d’explorer, les nouvelles figures de résistance, les nouveaux monstres contemporains qui indiquent aux psychanalystes ce qu’ils ne doivent en aucun cas négliger : les stratégies de l’économie du désir dans le champ social, ce que Félix Guattari appelait très exactement les micropolitiques.
Toutes ces figures parias exposent les transformations qui les écartent d’un « être-ensemble » dans lequel chacun est poussé à une psychologisation des rapports sociaux, orchestrée par les omniprésents « psys » raccourcis. Sous couvert du primat du symbolique et du primat du génital, Mon Moi est devenu la référence-clé, soyons authentiques, exprimons-nous, soyons nous-même, devenons auto-entrepreneurs, et construisons une cellule capitonnée, cellule qui n’est plus celle de la famille dé/composée re/composée mais celle du couple, comme l’avait vu Guy Hocquenghem voilà longtemps. Les enfants, désormais, alternent entre des couples.
« Le Moi [est] la somme des identifications du sujet, la superposition des différents manteaux empruntés à ce que j’appellerai le bric-à-brac de son magasin d’accessoires » disait Lacan en mars 1955.
Performer ces manteaux ne suffit plus. Disjoindre sexe et genre, revisiter le S-M, élaborer, d’un point de vue situé, une anthropologie politique du sexe, prendre en compte l’effet scarificateur du signifiant qui résonne, voilà certes, des tâches en cours chez les psychanalystes. Mais comment mettre en jeu ce que Guattari attendait de « l’autoréférence » ? « L’autoréférence, par rapport à celle des pouvoirs et des savoirs, disait-il, je l’ai définie comme étant la plus singulière, la plus contingente, celle qui ancre les réalités humaines dans la finitude et aussi la plus universelle, celle qui opère les traversées les plus fulgurantes entre des domaines hétérogènes. Il faudrait dire autrement : elle n’est pas universelle au sens strict, elle est plus riche en Univers de virtualité, la mieux fournie en lignes de processualité. »
« Là où l’on pourrait penser qu’on est le plus éloigné de la psychanalyse, il se pourrait bien qu’on en soit au plus près, voire au coeur même : la question de la terminaison de l’analyse est celle du moment où la satisfaction du sujet trouve à se réaliser dans la satisfaction de chacun, c’est-à-dire de tous ceux qu’elle s’associe dans une œuvre humaine [...] la fin de l’analyse didactique n’étant pas séparable de l’engagement du sujet dans sa pratique. Qu’y renonce donc plutôt celui qui ne peut rejoindre à son horizon la subjectivité de son époque. »
C’est du moins ce qu’écrivait Lacan il y a longtemps.
Quelle est l’actualité de SCUM ? Que vient faire cette question dans les Clinic Zones de cette année, intitulées les Manteaux de l’imaginaire ? Jusqu’où le manteau colle-t-il à la peau, est-il la peau, un sac de peau, si l’image ne vient pas stabiliser le passage ? De Marguerite Anzieu à Valerie Solanas, que cherchent les femmes qui trouent la peau de l’autre ? SCUM ! Racaille ! Mais aussi S.C.U.M., Society for Cutting Up Men, Société pour Tailler les Hommes en Pièces. Les rapports entre le patriarcat et le capitalisme, voilà un des points de reconnaissance de bien des échanges féministes, depuis le début du xxe siècle jusqu’au tout récent Pornotopie de Beatriz Preciado. Mais comment se fait-il que SCUM Manifesto, liasse de quelques feuillets écrits par Valerie Solanas en 1968 et vendus dans la rue, connaisse autant de diffusion et d’éditions dans le monde entier encore aujourd’hui et soit le nom de ralliement de nombreux groupes de musique, de punks, de théâtre, de performers, et de très divers artistes contemporains ? SCUM Manifesto serait-il lu aujourd’hui si Valerie Solanas n’avait pas troué la peau d’Andy Warhol ? Quand ORLAN apparaît en Arlequin, véritable métaphore du croisement des cultures, le manteau touche aux opérations, à la peau, à la visagéité. Qu’y a-t-il derrière la peau ? Une « seconde » peau ? Elle explore les croisements en utilisant la peau comme médium. On passe de la peau à la chair. Est-ce ainsi que la chair se fait verbe, est-ce ce qu’ORLAN appelle « mettre ensemble l’intime et le social » ? Faible, folle, cochonne, folklo, sans grade, pauvre, Valerie Solanas faisait le tapin avec le langage. Elle avait entamé des études de psychologie à l’université, et elle a pu, par la suite, dire que « le but de certaines études c’est d’éloigner au maximum de certaines professions ». Catherine Lord, dans divers articles et installations, ne parle pas de tentative d’assassinat, mais de collision frontale entre Valerie et Andy. SCUM est le manifeste d’une vie basse, une stratégie pour habiter à la fois la première personne et un collectif. Valerie avait, par exemple, demandé à Warhol de l’aider à lancer des manifestations SCUMMY, ce ne seraient pas des conférences, expliquait-elle, mais « beaucoup d’échanges avec le public ». Déchiffrer SCUM est ardu. En saisir l’importance, encore davantage. Et ce n’est pas une facilité que de dire : psychanalystes, encore un effort, pour considérer Freud comme un auteur de Dirty Books et la passe comme un dispositif SCUMMY.
« Le sujet ne reste jamais tout à fait prisonnier de ses chaînes signifiantes – translucides, aseptiques, imputrescibles et intemporelles, il ne parvient pas à s’y sentir à l’aise. Il n’est à son affaire qu’avec des objets moins nobles. Son lieu de prédilection, c’est le moins que rien et, pour l’y soutenir, son cavalier préféré, c’est la chair défaillante, voire même quelque peu faisandée. » Félix Guattari / « d’un signe à l’autre » in Psychanalyse et transversalité / 1966.
l’Acualité de SCUM
José Attal / Ninette Succab / Anne-Marie Vanhove / Marie-Magdeleine Lessana / Jean-Hervé Paquot
Paris 3 et 4 décembre 2011
Hôtel Parnasse-Holiday Inn / 79-81 avenue du Maine
Inscriptions sur place à 9h
Formation permanente 275e / A titre individuel 100e / Tarif réduit 50e
Clinic Zones
110 Bd Raspail 75006 PARIS / cliniczones@wanadoo.fr
Ecole Lacanienne de Psychanalyse
Valérie Solanas / SCUM Manifesto / à télécharger en pdf :
scummanifestovaleriesolanas.pdf
Comité nomade
Ninette Succab-Glissant / Xavier Leconte / Anne-Marie Vanhove
Sommaire :
Penser le monde entier aujourd’hui comme somptueusement illégitime. En hommage à Édouard Glissant
http://www.unebevue.org/unebeweb/28/hommage
Un Carlyle représente le sujet pour un autre Melville. Copyleft / Xavier Leconte
Le moment où un jeune homme s’enrôle sur un bateau noir est aussi fatidique que l’instant où une moniale épouse le Christ. Comme la jeune fille au Carmel, le pirate se voue à l’absence. En prenant librement de la testostérone, Beatriz Preciado se proclame « pirate de genre », elle n’en passera pas par les fourches caudines d’un protocole, elle sera un usager copyleft. Faut-il suivre Lacan, qui déclare que le Sartor Resartus, de Carlyle, est l’annonce de ce qu’avec Marx et Freud, le sujet va subir ? Melville, dans Moby Dick, guerroie contre l’idéalisme et maugrée : « Ferme ta bouche, vieux Carlyle, toi et ton Goethe ! » Serions-nous devenus les poissonstenus du capitalisme pharmacopornographique, de drôles de poissons, ni corps vivants, ni corps morts, mais connecteurs présents ou absents, actuels ou virtuels ?
Akoma, traversée de mots parmi les arbres / Franz Succab
… Par-dessus tout cela, il y avait la langue ancestrale et le nombre inimaginable de choses et de gestes qu’elle pouvait déjà kriyé. Si bien que parler avec les parents cette autre langue obligatoire à l’école, impliquait de taire la nôtre de l’intérieur. Pire encore lorsqu’il a fallu passer à l’écrit. Quand on change de langue ou quand on passe de la bouche à la plume, on émigre d’un lieu à l’autre, d’un univers à l’autre. On mue. C’est ainsi que je suis parti, avec quelques autres, en me prémunissant contre toute nostalgie, qui-veut-dire, tout retour en enfance. Et ma langue, réputée babillarde, voire primitive, devint nomade.
Message d’une fille de rédacteur sportif : les espèces compagnes / Donna Haraway (traduction Denis Petit)
Les camarades accompagnant mon père – les nouages constitutifs d’espèces compagnes qui retiennent mon attention – ne sont ni moi ni aucun autre organisme, mais une paire de béquilles et deux fauteuils roulants. Ils furent ses partenaires dans le jeu pour mener sa vie. Il vivait en relation avec sa propre présence physique d’une façon qui n’a jamais considéré une seule minute que le déni ou l’immobilité – c’est-à-dire une vie hors du corps – soit une option viable. Le mode de vie viable, c’était la relation d’espèces compagnes.
Créoliser un fantasme de soumission. Isaac Julien, un artiste postcolonial / Ninette Succab-Glissant
http://www.unebevue.org/unebeweb/28/isaac-julien-un-artiste-postcolonial
« Je joue avec la surface de la scène pour qu’elle forme une relation importante entre la scène gay contemporaine et l’histoire ancienne » dit Isaac Julien. Sur fond d’un tableau de Briard, La traite des nègres, il crée des tableaux vivants qui présentent d’autres formes de sexualité de l’homme noir et articulent une tension entre les affirmations historiques ethniques et un discours qui veut dénier ces énoncés. Il nous amène à reconnaître que l’expérience coloniale a affecté la constitution sociale et psychique des deux parts. Il permet la fabrication d’une sorte de mémoire imaginaire où l’identité gay croise sans contestation un espace intermédiaire politiquement et psychologiquement fragmenté. En cela, son film, The Attendant, parle à la fois à la diaspora africaine et au monde occidental.
Basquiat / Warhol, une rencontre queer / Anne-Marie Vanhove
http://www.unebevue.org/unebeweb/28/basquiatwarhol
C’est l’histoire de la rencontre entre deux artistes majeurs, héros queer des années quatre-vingts, l’un, enfant noir des classes moyennes, de père haïtien et de mère portoricaine, vivant à Brooklyn, l’autre, enfant blanc timide et un peu chochotte, devenu une reine fabuleuse de la lascivité et la pornographie, l’un soumis au racisme, l’autre à l’homophobie. José Esteban Muñoz, professeur assistant de Performance Studies à l’école Tish d’Art de l’Université de New York fait de la rencontre Jean-Michel Basquiat / Andy Warhol un exemple de rencontre queer qui lui semble illustrer ce qu’il appelle la « désidentification ».
Colère / Françoise Vergès
Tu t’es toujours promis d’éviter une colère aveugle. Tu as toujours voulu que la colère nourrisse la pensée, que ta colère soit à la hauteur de la pensée. Colère devant la violence du monde, devant la morgue et l’arrogance des puissants, devant leur soif de posséder, leur avidité, leur mépris. Tu te souviens que tu as remarqué dès ta petite enfance des marques de cette morgue, de ce mépris. Tu as grandi dans une de ces anciennes colonies, devenues département français en 1946. La misère était là sous tes yeux.
RER, dernière station / Claudine Davril
20 heures, le RER arrive à la dernière station. Je me lève et regarde derrière moi. Surprise : nous ne sommes plus que deux dans le wagon. Une jeune femme brune aux cheveux longs est déjà debout près de la porte, le visage tendu. Il faut sortir de mes rêveries et changer de rythme… Le passage est en partie obstrué. Quelques jndcit sont grimpés sur les portillons et envahissent l’accès vers la sortie.
Poèmes / Kpêdétin Ahouansou
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Je. Ne suis pas folle
Les peintres « Saint Soleil » d’Haïti / Dany Ducosson
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Le mouvement des peintres Saint Soleil est tout à fait singulier dans l’histoire de la peinture haïtienne. Il résulte d’un projet d’un artiste haïtien Jean-Claude Garoute dit « Tiga », décédé en 2006, qui voulait créer une communauté artistique qui serait en quelque sorte une production collective de résistance des pauvres, du peuple. J’ai eu, grâce à une amie peintre, Odile Latortue, la possibilité en 1997 de le rencontrer ainsi que quelques-uns des peintres : Dieuseul Paul, Louisiane Saint-Fleurant, Saint-Jean, Denis Smith.
N’y va pas sans la rage. De Dylan Thomas à Sherman Alexie / Traduction Nicolas Plachinski
Le poème du gallois Dylan Thomas vient subvertir le récit de Sherman Alexie, tout comme la femme indienne subvertit les sex toys américains. Rage, rage against the dying of the light. Les enfants du peuple indien n’accepteront pas sans rage la mort de la lumière.
Passer les plombs / Anne Marie Ringenbach
http://www.unebevue.org/unebeweb/28/passer-les-plombs
Rencontrer Lena Goarnisson met en demeure de nous confronter à notre propre version du deuil. Aux antipodes du compassionnel et du lacrymal, elle a développé, depuis 1997, une démarche de production artistique directe avec les personnes qui accueillent son projet Memento Mori. Il s’énonce comme point de départ d’une réflexion collective, à partir d’un objet qu’elle fabrique, un plomb, en échange du récit d’un événement dramatique ayant entraîné la mort d’une ou plusieurs personnes. Les plombs voyagent avec leurs porteurs, ce qui assure une circulation des morts parmi les vivants. Les morts acquièrent une certaine forme de nomadisme, traversant famille, pays, toutes catégories qui soutiennent mais aussi séparent les vivants entre eux.
Pléthore de morts-vivants / Rosine Liénard
« Zombie » : drôle de mot, né dans une île, Haïti, et issu d’un double drame, l’esclavage, et la traite des Noirs africains. Les zombies, depuis, ont couru le monde. On les croyait cantonnés à la culture populaire, aux films, aux comics books ou aux jeux vidéos, mais voilà qu’ils s’attaquent à la recherche, infectent le champ universitaire, parasitent les nouvelles technologies. Serions-nous devant un des mythes de notre monde moderne ?
Ceci n’est pas une sculpture / Mireille Lauze
http://www.unebevue.org/unebeweb/28/ceci-nest-pas-une-sculpture
Plus loin, de derrière les pins, une chose apparaît et fait signe, masse noire retenant un éclat de lumière. Une non-sculpture, bloc de matière indéfinie tourmentée de quelles forces… Nous saurons plus tard : elle est un fragment d’avion explosé en plein vol en 1963. Tout se mêle… minéral, humain, végétal… Chairs brûlées d’hommes, bois d’arbres calcinés, métaux en fusion.
La couleur comme caravansérail philosophique. Les fondements de la phénoménologie & l’inventaire de Romano / Jean-Claude Dumoncel
Cet article est un compte rendu rigoureux de l’ouvrage de Claude Romano, Au coeur de la raison, la Phénoménologie dont le chapitre VIII est un véritable Compendium de la Couleur considérée d’un point de vue philosophique. Ce chapitre roule essentiellement sur trois types de propositions qui sont respectivement illustrés par les trois exemples suivants : (a) La couleur est étendue. (b) Une même surface ne peut être entièrement bleue et jaune. (c) Entre le rouge et le jaune il y a l’orangé. La proposition (a) est à comprendre selon la thèse de Berkeley quand il énonce en passant, comme allant de soi, que la couleur ne peut exister sans étendue.
La proposition (b) offre un exemple de la pierre d’achoppement à laquelle s’est heurté selon Wittgenstein l’atomisme logique exposé dans son Tractatus logico-philosophicus. La proposition (c) offre un paradigme de la Grammaire ou Géométrie des couleurs développée par le second Wittgenstein, paradigme de sa Grammaire Philosophique.
l’Unebévue n° 28
les Bateaux noirs du genre / juin 2011