Archive pour la Catégorie 'Guattari'

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Qu’est-ce que l’écosophie ? / Félix Guattari / textes agencés et présentés par Stéphane nadaud

Qu’est-ce que l’Écosophie ? réunit les textes rares ou inédits que Félix Guattari rédige entre 1985 et 1992, à l’issue de ce qu’il a nommé « les années d’hiver ». Proche des partis écologistes, qui lui paraissent alors pouvoir exprimer un « nouveau type de militantisme » (il déchantera rapidement), il entreprend de formaliser une théorie écologiste dont l’ambition ne se limite nullement à la sauvegarde de l’environnement. Les textes qui composent ce volume exceptionnel constituent un témoignage précieux sur une période dont l’histoire politique reste en grande partie à écrire ; ils anticipent également les errements partisans du mouvement écologiste actuel.

Félix Guattari l’écosophe
Un titre en forme de question, « Qu’est-ce que l’écosophie ? », ne peut qu’appeler une réponse. Réponse qui est en réalité très simple : l’écosophie est le nom que Félix Guattari donne à son expérience philosophique et politique, depuis le milieu des années quatre-vingt jusqu’à sa mort, le 29 août 1992. Dans le titre choisi pour le présent recueil, on aura évidemment raison de voir un clin d’œil au livre de Gilles Deleuze et de Félix Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, paru aux éditions de Minuit en 1991. Au fil de la lecture des différents textes qu’il réunit, on constatera en effet qu’il y est bien question de la pensée politique et philosophique de Félix Guattari, de l’exposition de celle-ci et de sa construction – de son work in progress.
Si l’on suit Guattari dans les textes réunis ici, on le verra s’inscrire dans les grands mouvements de la philosophie occidentale. Dressant, à grands traits, une généalogie, on évoquera Husserl et Heidegger, à propos de sa manière de penser ontologie et subjectivité. On reconnaîtra la figure de Sartre dans certaines de ses actions, ou dans la multiplication des formes d’écriture qu’il explore alors activement : romans, pièces de théâtre philosophiques, essais. Il n’y a pas jusqu’à la psychanalyse qui, comme on le sait, ne l’ait assurément marqué ; cette dernière sera profondément questionnée par Félix Guattari, au point qu’il ira jusqu’à proposer, avec son ami Gilles Deleuze, de la rebaptiser « schizoanalyse » (1).
Félix Guattari était un penseur engagé  dans son temps, qui s’inscrit, par les dialogues constants qu’il entretint avec Gilles Deleuze, Michel Foucault, Jean Baudrillard, etc., au sein de ce que les Américains ont appelé la French Theory. Ces penseurs des années soixante-dix et quatre-vingt s’efforcèrent de surmonter le « choc » structuraliste des années quarante et cinquante – ils ont d’ailleurs abandonné leurs propres héritiers à la difficile tâche de surmonter à leur tour le post-structuralisme qu’ils avaient fabriqué.
Félix Guattari, c’est aussi la lutte contre, tout contre la post-modernité, aux côtés de Jean-françois Lyotard, de Paul Virilio. On connaît le Guattari popphilosophe (2) qui se saisit des objets les plus courants pour développer sa pensée. Mais s’il le fait alors, ce n’est pas de la façon si triste, si guindée, si faussement populaire (« snob », pourrait-on dire), avec laquelle d’autoproclamés « fresh théoriciens » s’essayent aujourd’hui à l’exercice. Si Guattari s’intéresse par exemple à la publicité télévisuelle, ce n’est pas pour la réduire à des concepts pré-existants. Il ne regarde pas la télévision comme on apprend sur les bancs de l’université à lire les Écrits de Lacan. Il invente une méthode qui consiste à lire Lacan comme on a pris l’habitude de regarder la télévision. Et puis, comment ne pas évoquer Nietzsche, bien que Guattari le cite rarement – l’a-t-il même jamais lu ? -, l’animal Nietzsche qui se devine, comme une carpe japonaise dont on soupçonne les mouvements sous les lentilles d’eau recouvrant la surface de l’étang, sans jamais l’apercevoir ? Nietzsche ne luttait-il déjà pas, comme Guattari le fit, pour ne pas rabattre la philosophie sur l’eudémonisme (une philosophie qui servirait à trouver le bonheur) ou sur  le système (une philosophie qui permettrait à ces « professionnels »de confectionner leur toile d’araignée afin d’y faire prisonnier quiconque serait tenté de s’en approcher – c’est ce qu’il reprochait à Spinoza) ? Une chose est sûre : Guattari n’a cessé, sa vie intellectuelle durant, de faire de la philosophie, c’est-à-dire, selon ses termes, de devenir écosophe. Autrement dit, l’écosophie est pour Félix Guattari le moyen d’associer son appétit insatiable pour la production théorique à son souci permanent de la praxis, de la prise en compte des réalités complexes du monde contemporain.
(…)
Lecteur, je t’invite à picorer ce livre, à faire comme le papillon auquel j’ai plus haut comparé Guattari. Utilise ce recueil comme tu pourrais utiliser le journal de Kafka, en y cueillant, chaque fois que l’envie t’en prend, ce que le hasard ou la nécessité te poussent y cueillir. Comme t’y invite Sade, « c’est à toi à prendre [ce qui te convient] et à laisser le reste, un autre en fera autant, et petit à petit tout aura retrouvé sa place. (…) choisis et laisse le reste sans déclamer contre ce qui reste, uniquement parce qu’il n’a pas le talent de te plaire. Songe qu’il plaira à d’autres et sois philosophe » (3).
Stéphane Nadaud
Qu’est-ce que l’écosophie ? / 2014
Textes de Félix Guattari agencés et présentés par Stéphane Nadaud
Éditions Lignes

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1 Sur ce terme, et sur tous les concepts guattariens utilisés, le lecteur pourra se reporter au glossaire proposé en fin de volume, p. 575, constitué à partir de définitions tirées des textes de ce recueil. Ce choix s’explique par le fait que les concepts de Guattari n’ont cessé d’évoluer depuis ses premiers écrits des années soixante, alors qu’il gardait le plus souvent le même terme pour les qualifier. Le concept de ritournelle a ainsi profondément varié entre l’Inconscient machinique (1979) et les présents écrits. Aussi, pour ne pas subsumer ses concepts-outils (au sens deleuzo-guattarien du terme) sous une définition par trop signifiante et fixée – qui ne serait après tout que la mienne -, une reprise de certains passages des textes de cet ouvrage a été préférée.
2 Sur cette question, voir l’appendice « Pophilosophie » de mon Manuel à l’usage de ceux qui veulent réussir leur [anti]œdipe, Paris, Fayard, 2006.
3 D.A.F. de Sade, Les 120 Journées de Sodome, Sceaux, Éditions Jean-Jacques Pauvert, 1953, p.100.
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Squizodrame et schizo-scènes / Anne Querrien, Flore Garcin-Marrou, Marco Candore / Édito Chimères n°80

En octobre 2012 paraissait à Barcelone un livre coordonné par Gabriela Berti : Félix Guattari, los ecos del pensar. La jeune philosophe de Barcelone nous proposait un tour du monde des groupes qui se réclament de la pensée de Deleuze et Guattari. Nous connaissions au Brésil Suely Rolnik et ses livres, Cartographies du désir et Micropolitiques ; nous connaissions Peter Pál Bart et le théâtre Ueinzz. Mais nous avons découvert avec stupéfaction l’activité schizoanalytique collective de Gregório Baremblitt et les différentes institutions qu’il a créées. Nous sortions d’une année de lectures collectives de Chaosmose et de philo-performances qui nous avaient alertés sur l’affinité entre certains théâtres et la pensée de Guattari. Nous avions commencé à redécouvrir le théâtre de Félix Guattari.
Apprendre que Gregório Baremblitt avait mis au point le schizodrame comme dispositif de recherche et d’intervention clinique nous semblait s’inscrire dans la suite logique des travaux en cours de Chimères. Ne peut-on percevoir notre société comme un entremêlement de schizodrames, comme un champ de forces opposées dans lequel chacun ou chaque groupe ont à construire sa propre dramatisation, sa propre ligne de fuite ? La théâtralisation récente des manifestations politiques, notamment des manifestations altermondialistes, avec l’usage de masques, de marionnettes, de slogans satiriques, indique cette nouvelle importance de la dramatisation dans le traitement des situations politiques. Nous avons proposé que ce numéro 80 de Chimères s’appelle « Schizodrames » au pluriel.
Halte-là nous a fait savoir Baremblitt en brésilien pendant que nous lui écrivions en français. – Le schizodrame, c’est du sérieux, c’est une invention que j’ai faite en composant, de manière éclectique, autour de la colonne vertébrale des travaux de Deleuze et Guattari, l’ensemble des apports de la pensée institutionnaliste et critique contemporaine. Un travail de transformation de la psychanalyse commencé avant de lire L’Anti-Œdipe – dans lequel j’ai ensuite trouvé la théorie qu’il me fallait pour créer des dispositifs d’accompagnement de militants, de créateurs d’entreprises autogérées, de travailleurs sociaux en Argentine, en Uruguay et au Brésil, mais aussi des dispositifs cliniques qui ne sont que des indications pour une pratique schizoanalytique de masse. Mais le schizodrame ne se trouve pas dans la nature sociale comme vous avez l’air de le penser, ce n’est pas une manière d’observer des pratiques hétérogènes, mais une manière bien précise de construire des dispositifs d’intervention. Le schizodrame ne se décline pas au pluriel, il n’existe qu’au singulier, comme invention théorique et pratique de Baremblitt.
Qu’à cela ne tienne ! Nous avons rebaptisé notre numéro « Squizodrame et schizo-scènes » pour rassembler dans une même production la pratique latino-américaine du squizodrame (transcrit squ-) et la diversité des tentatives théâtrales qui se sentent proches de la schizoanalyse de Deleuze et Guattari (notée sch-) sans se concevoir comme des applications. La schizodramatisation du monde est rendue ici sensible par l’exemple de la ville de Detroit, autrefois championne de l’industrie automobile et aujourd’hui, territoire d’invention d’un nouveau mode d’existence fait d’agriculture, de recyclage, de pauvreté, à la recherche d’un nouveau chemin entre des perspectives contradictoires, lieu forcé de la création. Créations théâtrales avec des prisonniers et/ou des fous, accueil de Rroms, théâtres-forums sur des questions politiques complexes, poésies, images, textes, corps, villes, rêves, concepts dialoguent avec l’interventionnisme latino-américain pour tracer une nouvelle cartographie partielle du deleuzo-guattarisme tel qu’il se pratique de part et d’autre de l’océan atlantique. Symptomatologie de dramaturgies qui nous aident à penser un « théâtre clinique », un « schizo-théâtre » et le renouveau d’un théâtre politique, dont s’emparent d’autres générations de militants, en écho aux soulèvements des populations arabes, sud-américaines, européennes, appelant à l’agencement des inconscients et à l’émancipation des consciences.
En poursuite et en lien avec une discussion ouverte ici sur le cinéma en tant que « machine asignifiante » –, en agencement avec son support papier, ce numéro de Chimères se prolonge, via son site, par la mise en ligne d’images filmées de fiction (Lipodrame), de performances (Mayte Bayón, Damien Schultz) ou sur le mode documentaire (Mukhtadara), les « schizo-scènes » ne se limitant pas au seul espace théâtral. Le sujet n’est pas épuisé : nous aurons à cœur de proposer une suite, un ou plusieurs rendez-vous, journée(s) et/ou soirée(s) de philo-performances, de lectures de textes – Sarraute, Woolf, Joyce, peut-être, et entre autres…
À suivre !
Anne Querrien, Flore Garcin-Marrou, Marco Candore
Squizodrame et schizo-scènes / novembre 2013
Edito Chimères n°80
de toutes les couleurs
De toutes les couleurs / Gérard Fromanger

Entretien avec Stéphane Nadaud à propos de la Révolution moléculaire de Félix Guattari / la Vie manifeste

Entretien avec Stéphane Nadaud
Réalisation Emmanuel Moreira – 56′

Félix Guattari
la Révolution moléculaire / 1977 / 1980 / 2012
Edition et préface de Stéphane Nadaud

Entretien avec Stéphane Nadaud à propos de la Révolution moléculaire de Félix Guattari / la Vie manifeste dans Anarchies desktop_22

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