Que faire d’Edward Saïd aujourd’hui ?
Une conférence tactile et insouciante »
politiques de l’affiliation, pratiques de l’histoire, communs possibles
Ce colloque est le 4ème d’une série commencée il y a trois ans à Sétrogran :
2011 : Le Baudelaire des philosophes
2012 : Pasolini, à suivre ?
2013 : Orwell, les dissensus du sens commun
Il fait l’objet, comme les trois précédents, d’une publication coordonnée
par Philippe Bazin.
Edward Saïd, les effets des mythologies coloniales
Pour commander les actes, c’est ICI
Extrait de la communication de Christiane Vollaire :
Un ouvrage critique (1) de Valerie Kennedy, paru en 2000, voyait dans l’œuvre d’Edward Saïd trois directions : l’une qui l’orientait vers le contexte post-colonial, la seconde vers la question de la Palestine, et la troisième vers la responsabilité des intellectuels. Il semble en fait que ces trois questions ne constituent pas trois directions, mais soient au contraire intégralement liées et indissociables l’une de l’autre dans son œuvre.
Et les trois paraissent soudées par cette volonté, dénoncée de façon centrale par Saïd, de masquer le rapport de domination politique sous l’affectation d’un triomphe de la neutralité scientifique. C’est cette affectation de neutralité, cette conviction du bon droit comme supériorité originelle de la raison occidentale, qui sous-tend aussi bien l’exotisme factice dénoncé dans l’Orientalisme, que l’enrégimentement des intellectuels dans l’entreprise coloniale ou néo-coloniale, et, jusque dans les violences de l’actualité la plus récente, la question palestinienne, dont le travail de Saïd, mort en 2003, nous semble éclairer par anticipation les devenirs contemporains.
Et c’est, fondamentalement, en explorant les troubles de sa propre histoire que Saïd se donne les moyens de l’analyser.
Conflit politique et conflit intérieur
Saïd écrit ainsi, dans l’introduction d’un recueil de textes sur l’exil : « Dans ma propre expérience, la Palestine a toujours été identifiée, poétiquement ou irrémédiablement, à la question de la dépossession et de l’exil. (…) Il y a également le sentiment d’une dissonance engendrée par la séparation, la distance, la dispersion, les années de perte et de désorientation. » (2) On aurait tort d’y voir une sorte de lamentation : c’est bien plutôt la matrice du travail sur la dissonance qui sous-tend l’ensemble de sa production, incluant son rapport fondateur à la musique. L’autobiographie n’est nullement ici une forme d’épanchement ou d’exhibition de l’intime, mais tout au contraire une quête constante du commun, sous la mise en évidence du dissensus.
2 Edward Saïd, Réflexions sur l’exil et autres Essais, Actes Sud, 2008, p. 34.