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Archive journalière du 6 nov 2014

La fragmentation des identités LGBT à l’ère du néolibéralisme / Peter Drucker / revue Période

Si la sexualité a été un continent inconnu du marxisme, il y a longtemps que ce n’est plus le cas1. Dans les années 1970 et au début des années 1980, les historiennes lesbiennes/gay ont mis à profit les concepts marxistes et féministes pour retracer l’émergence des identités gay et lesbiennes contemporaines (Fernbach 1981 ; d’Emilio 1983a et 1983b)2. Malgré le fait que les catégories du matérialisme historique aient été supplémentées et, dans une large mesure, supplantées par les approches foucaldiennes depuis les années 1980, les analyses produites par la première génération d’historiens et de théoriciens influencés par le marxisme survivent au sein d’une large gamme de positions constructivistes. La plupart des chercheurs et chercheuses – sinon la plupart des lesbiennes et des gays – s’accordaient sur le fait que les identités gay et lesbiennes modernes sont tout à fait singulières et clairement distinctes de toutes les sexualités homoérotiques qui ont existé avant le siècle dernier, et de bon nombre de celles qui existent encore dans diverses parties du monde.
Qu’elles fassent mention de Marx, de Foucault, ou des deux, les analyses historiques de l’identité lesbienne/gay associent l’émergence de cette identité sexuelle au développement des sociétés modernes, industrialisées et urbanisées. Quelques historiens (d’Emilio 1983a) ont mené cette démarche de façon plus ou moins explicitement marxiste en rapportant cette évolution au concept de « capitalisme ». Une telle problématique se retrouve dans le travail de théoriciens et théoriciennes marxistes contemporains (Hennessy 2000 ; Sears 2005). Plus récemment, Kevin Floyd se dit témoin d’une « plus grande ouverture [dans la théorie queer] à un engagement direct avec le marxisme – le pouvoir explicatif du marxisme est désormais reconnu. » (Floyd 2009 : 2).
La recherche critique se montre en revanche plus hésitante à propos des questions qui ne figurent pas dans les études que nous venons de mentionner. Dès lors qu’on a exploré et retracé l’émergence de l’identité sexuelle lesbienne/gay en Europe et aux États-Unis, peut-on en rester là ? Alors que les études sur les communautés LGBT d’Asie et d’Afrique ont proliféré ces dernières années, il n’est pas rare de lire que toutes les sexualités homoérotiques auraient succombé à une identité lesbienne/gay monolithique promue par la mondialisation capitaliste – ce que Dennis Altman dénonce comme le triomphe du « gay mondialisé » (global gay) (Altman 2003). Tout comme l’homo sapiens a été représenté naïvement comme le point culminant de l’évolution biologique, ou la démocratie libérale comme le point culminant de l’histoire humaine, tous les chemins de l’histoire LGBT semblent mener à Castro Street, San Francisco. La théorie queer a parfois essayé de saper les fondements de cette vision monolithique de l’identité gay, en rejetant la focalisation unidimensionnelle sur l’« orientation sexuelle » qui la sous-tend (Seidman 1997 : 195). Mais au-delà de leur éloge (très abstrait) de la « différence », ces chercheurs et chercheuses ne se sont que très rarement confrontés aux problèmes que pose cette historiographie unilatérale eurocentrée des identités LGBT. Dans les termes de Paul Reynolds, ces travaux se sont « concentrés( sur la production sociale des catégories au plan discursif plutôt que sur  la causalité matérielle qui a engendré ces catégories, c’est-à-dire la force de contrainte des rapports sociaux de production. » (Reynolds 2003)
Dans cet article, je défendrai que la problématique de l’identité lesbienne/gay telle qu’elle a pris forme depuis les années 1970 dans les milieux LGBT a été déterminée par des facteurs socio-économiques. En outre, je soutiendrai qu’une histoire sociale constructiviste et marxiste3 permet d’étudier des identités sexuelles distinctes au sein du capitalisme, sans privilégier d’identité particulière, et qu’elle peut cartographier les identités lesbiennes/gay émergentes et les transformations récentes des identités sexuelles en tissant les liens entre ces évolutions identitaires et les stades que traverse le développement capitaliste. Dans ce contexte précis, la théorie marxiste des « ondes longues » (cycles de longue durée) se révèle être un outil précieux. Il s’agit plus précisément des analyses des évolutions récentes du mode de production capitaliste, qui a traversé une longue phase d’expansion jusqu’au début des années 1970 pour entrer dans une longue phase dépressive à travers les récessions des années 1974-75 et 1979-1982 (Mandel 1978 & 1995). Un tel cadre d’analyse pourrait se révéler plus robuste que les théories queer pour aborder ce qui est récemment devenu une préoccupation centrale dans ces théories – la défense de populations LGBT non conformistes ou moins privilégiées face à l’« homonormativité »4 – et contribuer à la formation d’un anticapitalisme queer.
Peter Drucker
 La fragmentation des identités LGBT à l’ère du néolibéralisme / 2014

Le texte intégral sur le site de la revue Période :
http://revueperiode.net/la-fragmentation-des-identites-lgbt-a-lere-du-neoliberalisme/

madonna

 

Performing Naked Feminism : A Taiwanese Contextualization of the Femen’s Body / Elsa Daniels and Julien Quelennec

« In the beginning, there was the body, feeling of the woman’s body, feeling of joy because it is so light and free. Then there was injustice, so sharp that you feel it with your body, it immobilizes the body, hinders its movements, and then you find yourself your body’s hostage. And so you turn your body against this injustice, mobilizing every body’s cell to struggle against the patriarchy and humiliation. You tell the world : Our God is a Woman !
Our Mission is Protest !
Our Weapon are bare breasts !
And so FEMEN is born and sextremism is set off. » (femen.org)

The statement is clear : the body is the core of Femen’s activism. Their movement is a reaction against all forms of alienation of the woman’s body. It was originally free, but now it is enchained. This parody of genesis sets the tone of Femen’s activism: it is provocative and subversive, with a touch of humor. Anna Hutsol, one of the founders of Femen, declared in 2009 how the Femen had developed a “unique way of civil self-expression based on creativity, courage, humor, efficiency and shock.” (1) However, if this is indeed a good description of the undertaken actions of the Femen, one cannot but feel ill-at-ease while reading the texts which are supposed to provide a more elaborated view of their political stance. Identifying the sex-industry as “the most large-scale and long-term genocide against women” (femen.org) for example, certainly cannot be seen as part of a humoristic strategy anymore. We can read in such formulation the expression of a certain truth claim (the genocide belongs to the regime of international law and supposes a form of universalism) that goes far beyond the mode of actions Femen have chosen in order to face the socio-political injustice imposed on women. With such claims, the rebellious body in action becomes representative of a certain representation of the woman’s body as bearer of a universal truth: the oppressive nature of the patriarchal order. Most critiques of the Femen have focused on the use of the topless body for feminist actions, but few have paid serious attention to the role of the text inscribed on the body of the protester. What could be a discursive analysis of the Femen’s movement? Is there anything interpretable in the words “Fuck Putin !” or “Fuck the Church !”? It seems to us that this is where the Femen’s political use of the body must be problematized. On the one hand, their actions manifest the desire to break away from a dominant representation of the woman’s social role. The breast becomes a weapon and is not identified anymore as a source of pleasure or as a source of nourishment (Yalom, 105). The performative nature of their action is effective in activating a strategy of subjective agency in search of control of its own body. Is this what they mean when they say that their body is politicized through their topless protests ? The body is not objectified, because it speaks back and does not subject itself to the desire of the observer. On the other hand, the body of the woman is somehow idealized (“Our God is a woman”) and becomes the bearer of a truth, the revolutionary truth of the free women, even if it is vulgar and obscene. To use their own words : “Body-poster is the truth delivered by the body by means of nudity and meanings inscribed on it” (femen.org). The passage from a politicization of the body in action to the inscription of truth on the body of the protester is important because it indicates the point where the body cannot fully speak for itself and needs to be re-articulated in a language which can speak for and about it. Our concern is that this articulation of the body to language, its translation, seems to be largely ignored by the Femen who engage in their actions with a sense of self-certainty associated to the nude truth (or the self-evident truth of the nude). To what extent then is the initial politicization of the body operated by the Femen not limited by their participation in a discursive universalization of the woman as a category ? In that perspective, we would like to question the Femen’s current tendency to re-appropriate, as “Femen-like,” any protest which would make use of the topless body as a form of political expression.
We will first try to provide a contextual understanding of the formation of the Femen in Ukraine. Our goal is not to make the detailed history of this group, but to have a glimpse at the geo-historical conditions of its transnationalization. It is important, because we think that the universalist claims of the Femen should be placed in a post-cold war context in order to evaluate the possible imperialist tendencies underlying their movement. Then, we will come back to overview Femen’s actions, and try to shed light on some of the limits of the standardization of the politicization of the body. We wonder if the inclination to perform body politics as a way to attract public attention is not also what keeps Femen’s discourse at a level of abstraction where they lose sight of the contextual conditions of the protest. In these both parts, we will refer to the Taiwanese context in order to put into perspective the problem posed by the supposed universalism of the Femen’s body politics.
Elsa Daniels and Julien Quelennec
Performing Naked Feminism :
A Taiwanese Contextualization of the Femen’s Body
/ 2014

Communication produite à Korça (Alabanie)
Université d’été d’Ici et d’ailleurs / Les usages politiques du corps

Texte intégral à télécharger : fichier pdf performing naked feminism

Femen
Album : Femen

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Femen 5

1 http://observers.france24.com/content/20090828-how-they-protest-prostitution-ukraine-femen-sex-tourism




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