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Archive journalière du 24 oct 2014

Manifeste accélérationniste / Alex Williams et Nick Srnicek / Multitudes n°56

Ce vers quoi nous pousse l’accélérationnisme, c’est vers un avenir qui soit plus moderne, et d’une modernité alternative que le néolibéralisme est intrinsèquement incapable d’engendrer.

01. INTRODUCTION : Sur la conjoncture
1. En ce début de seconde décennie du XXIe siècle, la civilisation globale doit faire face à une nouvelle espèce de cataclysme. Les apocalypses à venir rendent ridicules les normes et les structures organisationnelles de la politique, telles qu’elles ont été forgées au moment de la naissance de l’État-nation, de l’émergence du capitalisme et d’un XXe siècle scandé par des guerres sans précédents.
2. Le dérèglement du système climatique planétaire est l’élément le plus important de la situation actuelle. À terme, cela menace la poursuite de l’existence de la population humaine globale. Quoique cela constitue la menace la plus critique à laquelle doive faire face l’humanité, il existe aussi une série de problèmes de moindre envergure, mais potentiellement aussi déstabilisants, qui se déploient à côté et parfois en intersection avec le dérèglement climatique. La destruction terminale de certaines ressources, comme l’eau douce et l’énergie, fait entrevoir des perspectives de famines de masses, d’effondrement des paradigmes économiques, de guerres chaudes et froides. Une crise financière permanente a conduit les gouvernements à embrasser la spirale paralysante des politiques d’austérité, de la privatisation des services sociaux, du chômage de masse et de la stagnation des revenus. L’automatisation croissante des processus de production, y compris dans le domaine du travail intellectuel, illustre la crise séculaire du capitalisme, qui va s’avérer rapidement, incapable de maintenir les niveaux de vie actuels, même chez les (anciennes) classes moyennes du Nord globalisé.
3. En contraste frappant avec ces catastrophes en voie d’accélération, les politiques actuelles sont plombées par leur incapacité à générer les nouvelles idées et modes d’organisation nécessaires à la transformation de nos sociétés, pour leur permettre de confronter et de résoudre les menaces d’annihilation à venir. Tandis que la crise gagne en force et en vitesse, la politique dépérit et bat en retraite. L’avenir se trouve annulé du fait de cette paralysie de l’imaginaire politique.
4. Depuis 1979, le néolibéralisme a été en position d’idéologie politique globale hégémonique, à travers diverses variantes selon les puissances économiques dominantes. Malgré les profonds défis structurels que les nouveaux problèmes globaux lui ont présentés – à commencer par les crises monétaires, financières et fiscales qui se sont succédé depuis 2007- 2008 – les programmes néolibéraux n’ont évolué que dans le sens d’un approfondissement. Cette évolution du projet néolibéral – ou néolibéralisme 2.0 – s’est contentée d’appliquer un nouveau tour d’ajustements structurels, surtout en encourageant de nouvelles incursions, plus agressives encore, du secteur privé dans ce qui reste des institutions et des services issus de la social-démocratie. Cela s’est imposé en dépit des effets sociaux et économiques directement négatifs de telles politiques, et en ignorant les limites fondamentales contre lesquelles viennent buter, dans le long terme, les nouvelles crises globales.
5. Si les politiques de droite, qu’elles relèvent de milieux gouvernementaux, non-gouvernementaux ou des grandes entreprises, ont eu la force d’imposer une telle néolibéralisation, c’est au moins partiellement du fait de la paralysie et de l’inefficacité chronique de ce qui reste de la gauche. Trente ans de néolibéralisme ont laissé la plupart des partis de gauche démunis de toute pensée radicale, vidés de toute substance et de tout mandat populaire. Au mieux, ces partis ont répondu aux crises actuelles en appelant à un retour vers des politiques économiques keynésiennes, en dépit du fait, pourtant évident, que les conditions qui ont permis la démocratie sociale d’après-guerre ont largement disparu. Nous ne pouvons pas revenir par décret ou par coup de baguette magique à l’emploi de masse qui prévalait à l’âge industriel du fordisme. Même les régimes néo-socialistes de la Révolution bolivarienne d’Amérique latine, en dépit de leur encourageante capacité à résister aux dogmes du capitalisme contemporain, restent malheureusement incapables d’avancer une alternative allant au-delà d’un socialisme datant du milieu du XXe siècle. Les syndicats, systématiquement laminés par les transformations néolibérales, sont sclérosés sur le plan institutionnel, et uniquement capables – au mieux – d’atténuer un peu les nouveaux ajustements structurels. Mais faute d’un effort systématique pour construire une nouvelle économie, et faute des solidarités structurelles capables de promouvoir de tels changements, les organisations ouvrières restent relativement impuissantes. Les nouveaux mouvements sociaux qui ont émergé après 2008 ont été incapables, eux aussi, d’articuler une vision idéologique politiquement nouvelle. Au lieu de cela, ces mouvements ont dépensé une énergie considérable sur des processus de démocratie directe qui ont privilégié l’auto-valorisation affective plutôt que l’efficacité stratégique, cultivant fréquemment une variante de localisme néo-primitiviste, comme si, à la violence abstraite du capital globalisé, ne pouvait s’opposer que l’« authenticité » douteuse et éphémère de communes valorisant l’immédiateté.
6. En l’absence d’une vision sociale, politique, organisationnelle et économique radicalement nouvelle, les puissances hégémoniques de droite continueront à promouvoir leur imaginaire rétréci, au déni des plus évidentes réalités. La gauche, au mieux, parviendra à résister temporairement et partiellement à quelques-unes des pires incursions. Mais ce ne sera qu’un baroud d’honneur contre la montée d’une marée irrésistible. Faire émerger une nouvelle hégémonie globale de gauche exige de retrouver des avenirs possibles aujourd’hui perdus – ou plutôt de retrouver la possibilité même de l’avenir.
Alex Williams & Nick Srnicek
Manifeste accélérationniste / mai 2013
Extrait du texte publié dans Multitudes n°56 / octobre 2014

Télécharger le manifeste intégralement :

fichier pdf Multitudes56-Accelerationnisme Manifeste

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