Depuis le 11 Septembre et la seconde guerre d’Irak, des démocraties occidentales font de la guerre sur la « frontière globale » contre différentes figures de la barbarie le principal moyen de promotion de leur supposée juste cause.
Ces campagnes s’engagent sous le signe de toutes sortes de mots et de syntagmes puissant – lutte contre l’ « Empire du Mal », défense des libertés mises à mal par les obscurantismes et les tyrannies, extension des valeurs universelles, etc. Mais cette égide est, étrangement, cela même qui ouvre le champ à une brutalisation sans limite des formes de guerre qui traduisent en pratique cette entreprise de démocratisation du monde. Les plis de la guerre totale sans règles ni limites qui se sont affichés tout au long du XX° siècle s’y trouvent constamment accentués : massacre indiscriminé des civils (Irak, Afghanistan), criminalisation à outrance et bestialisation de l’ennemi, mépris de toutes les règles du droit international et des lois de la guerre (droit des prisonniers), extension constante du théâtre des affrontements, redéploiement perpétuel de la figure de l’ennemi (à défaut de mettre la main sur Ben Laden, on s’en prend à Saddam Hussein…), mobilisation totale des opinions à coup de mensonges flagrants (les armes de destruction massive de Saddam…)…
Cette inclusion de la guerre totale (comme guerre des espèces) dans le champ des pratiques régulières de l’État démocratique (en France : pas de quinquennat, désormais, sans sa bonne petite « guerre juste »), cette souple combinaison de la fausse paix perpétuelle (interne) et de projections guerrières (externes) remet profondément en cause le récit apologétique de la Démocratie contemporaine. Depuis le 11/09, les Etats-Unis et leurs alliés sont engagés dans une guerre d’intensité variable mais bel et bien ininterrompue contre un ennemi mouvant et protoplasmique – terrorisme, islamisme, djihadisme, tyrannies, États voyous… Cette guerre perpétuelle est non seulement ce qui permet de pimenter la normativité démocratique de toutes sortes de recours à des dispositifs d’exception à usage interne aussi bien qu’externe (Patriot Act, vils noirs de la CIA et détentions secrètes…) mais aussi de juxtaposer, comme disait Foucault, le fonctionnement des formes classiques du biopouvoir avec le vieux pouvoir souverain de vie et de mort, ceci, notamment via la réactivation sans fin du racisme : « Si le pouvoir de normalisation veut exercer le vieux droit souverain de tuer, il faut qu’il passe par le racisme », remarquait Foucault, et c’est exactement à l’actualisation de cette combinaison que servent les guerres démocratiques contemporaines contre tous les « ismes » porteurs de l’indice (fondamentalement biologique, même s’il est déplacé vers le culturel ou le religieux) du mortifère.
C’est distinctement par le biais de ces prétendues guerres pour le droit, guerre éthiques que la thanatopolitique fait retour dans le corps de la biopolitique, que l’instinct de mort des démocraties conquérantes infecte le gouvernement des vivants.
Comment penser cette relation plastique mais constante qui s’établit aujourd’hui entre État de droit et État de guerre, dans les pratiques des démocraties occidentales ? Là où les guerres démocratiques visent, précisément, à entretenir la fiction de la pure adéquation de la promotion de l’Universel et de l’extension de la sphère du Droit avec le déchaînement d’une violence de saturation (ce qu’est la guerre d’attrition pratiquée par les puissances occidentales sur tous les théâtres où elles interviennent)…
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