« Qu’ils sont bêtes ! », c’est le cri qu’on pousse pour injurier tous ceux qui violent notre capacité d’entendement et de tolérance, qu’il s’agisse du déferlement haineux d’un fondamentalisme, ou même de la vulgarité d’une émission de télé-réalité. Et cette angoisse se répand : nous n’aurions jamais été autant cernés par des puissances bêtes et malfaisantes, des poussées identitaires d’une autre époque, le racisme, l’homophobie, le règne des marchés financiers et la suffisance de leurs représentants sur fond d’appauvrissement économique et subjectif. Nous serions une multitude à partager cet état d’hébétude, presque de l’ordre d’un trauma, en nous sentant paradoxalement toujours plus seuls et démunis.
La bêtise chez Deleuze et Derrida est le véritable problème de la pensée. Comment peut-on être bête, c’est-à-dire cantonner la pensée à reproduire ce qui est déjà connu, par exemple ? La bêtise est un régime où la pensée se complaît par conformisme au lieu d’exercer son inventivité, au lieu d’obéir aux forces qui la poussent à créer.
Mais peut-on éviter d’être bête ? La bêtise protège, elle s’abreuve de savoir pour se complaire dans une image de souveraineté, elle engendre une violence réactive qui préserve le reflet du miroir. Toute décision ou action souveraines ne comporteraient-elles pas inextricablement de la bêtise et de la bestialité ?
Se déplaçant sur la multitude des seuils de la langue comme une émanation nocive incontrôlable, la bêtise inquiète et rend les utopies suspectes, elle laisse planer la menace constante de capacité d’envahissement.
Impuissance ? Fatalité ? Comment trouver le fil clinique ou l’espace artistique d’une libération subjective entre ces pavés ? Et si nos démocraties tenaient elles-mêmes sur des pactes anachroniques, produisant des subjectivités qui dénient tout jeu à l’inconscient et donnant libre cours à des forces réactives qui déchaînent la bêtise ?
Ce numéro de Chimères empoignera le combat entre la bête humaine et l’animal politique, entre des affects et des raisonnements, entre une souveraineté fondée sur la force et la musique d’un peuple en marche vers une démocratie toujours à venir.
Quelques recommandations pour les auteurs :
DATE LIMITE : fin septembre 2013.
Longueur : en moyenne, entre 10 000 et 35 000 signes espaces compris, ou plus courts, mais exceptionnellement seulement plus longs, en fonction du nombre de textes retenus.
Style accessible et pas trop de notes, ce n’est pas une revue d’érudition universitaire.
Eviter les appels de notes et préférer des numéros intégrés dans le corps du texte renvoyant à des notes en fin d’article (cela facilite les choses à la composition).
Adresse d’envoi : chimeresbetise@yahoo.fr
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