L’ascenseur. Il y a plus de choses dans un ascenseur d’hôpital que dans toute la philosophie.
Tous, les uns contre les autres. Les regards : antennes, tentacules, pseudopodes qui se cherchent, se frôlent, se tâtent. S’attardent, se dérobent. Chaleureux ou glacés. Ça va ? Faut bien. Comme un lundi. Médecins et aides-soignantes. Hommes et femmes, blancs et noirs. Brèves rencontres. Les élèves, polycopiés de cours à la main. Internes sortants de garde, soulagés, farauds, cool, faussement décontractés. Des professeurs et des garçons de salle. Tout près, se touchant. S’ignorant. Bref coup d’œil sur le badge. Symbolique à nu. Frontières imperceptibles, présentes, douloureuses. Qui c’est ? Ah oui. En être ou pas. Tutoiement, prénoms. Salut ! Un malade sur une civière. Le patient, allongé, semble perdu. Le rassurer. Quelques mots. Et puis ne pas oublier d’acheter un journal parce qu’à la consultation faudra attendre. Combien de temps ? Sais pas. Pédiatrie, septième étage. Charlotte. Timide, apeurée. « C’est ton doudou ? – Oui d’un signe de tête. » Vite nounours disparaît. Caché derrière le dos. Jardin secret. Vie privée. Oh là ! Fausse manœuvre. Retour au sous-sol. La radio, la morgue.
Max Dorra
Leçons de solitude – l’hôpital / 2013
Extrait du texte publié dans Chimères n°78 / Soigne qui peut (la vie)
Sur le Silence qui parle : Soigne qui peut / Valérie Marange
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Photo : The Time That Remains (le Temps qu’il reste) / Eila Suleiman / 2009
L’auteur de -leçons de solitude, l’hôpital intitulé aussi soigne qui peut (la vie) – nous fait toucher du doigt, la dure, l’implacable réalité de cet endroit qu’est l’hôpital emprunt de solitudes, d’angoisses, de peur … (la violence face cachée de toutes les peurs comme sait bien nous le dire l’auteur).
Dans la revue chimères 3 mots sont mis en évidence par Max DORRA :
- FUGACE –) lieu l’ascenseur
rencontres de toutes sortes : patients, aides-soignants
de mouvements, de situations, d’alternances de formes et
de couleurs de ….rythmes
- DOULOUREUSE –) la visite
regard acéré de l’auteur sur : les blouses blanches
et les pyjamas, le langage médical, les hésitations
sur les traitements à appliquer ou pas, rassurer les
les patients en attente de résultats, rivalité entre
individus (carrière, avancement ….)
- DECHIREE –) préavis de grève
Là, ambivalence. Sentiments opposés face à ce que
l’on doit faire ou pas y aller ne pas y aller et qui représente une dualité de valeur pour soi-même et les collègues …
Le tableau décrit par Max DORRA avec une lucidité pour le moins effarante, tout au moins en ce qui me concerne, ouvre les yeux sur ce que vit au quotidien l’ensemble du personnel médical ce qui échappe complétement aux usagers même si on connaît les difficultés que ce personnel hospitalier rencontre …. on sait pertinemment qu’il y a un manque pressant de personnel médical, entre autre, cela engendre : lassitude voire stress chez d’autres et donc arrêts de travail etc.. etc… alors que le travail devrait être un lieu où on se sent bien. Comment remotiver ce personnel et réussir à remettre sur pieds un hôpital qui me paraît bien malade lui-même. et qui à grand besoin de soins intensifs !
Je tiens malgré tout à rendre hommage à tous ceux qui savent, malgré leurs conditions de travail parfois difficiles, accueillir avec amabilité pour ce qui est des secrétariats et remercier aussi les médecins qui prennent le temps d’écouter,d’entendre, de comprendre et cela avec beaucoup de bienveillance et de très grandes compétences. Pour tout cela un grand merci.
A-L.