Il n’est pas aisé de définir ce qui se passe à la ZAD, ni de comprendre comment autant d’endroits et de personnes, à travers la France, ont été touchés par cette situation. Pour autant, on sent que ce mouvement respire la sécession : une nouvelle géographie s’esquisse, de nouveaux rapports s’expérimentent, une discipline du partage s’élabore, une attention à ne pas s’accomoder de la présence policière s’aiguise. Depuis Rennes, c’est ce mouvement que nous aimerions prolonger. C’est pourquoi nous soumettons au débat des 15 et 16 ces trois propositions.
La ZAD à tous
La ZAD n’est plus une affaire de quelques-uns et déborde amplement la seule construction d’un aéroport. Après des semaines de bataille à quelques centaines contre les gendrames mobiles, des milliers de personnes ont conquis un nouveau terrain dit « la Châtaigneraie ». En ça, on peut dire que la victoire n’est pas seulement devant nous, elle est déjà présente dans ce que nous avons réussi à assumer en termes de pratiques et de désirs politiques. Nous devons prolonger sur place la multiplicité des présences. Comment faire ? Ce que nous proposons c’est de s’organiser en vue d’un roulement continu des comités, bandes ou amicales anti-aéroport sur la ZAD, et ce, jusqu’à la fin de l’hiver – dans un premier temps. En plus des allers-et-venues plus ou moins réguliers, des semaines particulières voient le jour : aux dix jours de résistance contre l’occupation militaire à la Châtaigneraie répond une invitation du 27 décembre au 3 janvier par Kulon Progo à défendre la Sècherie et fêter le nouvel an. Il suffirait que chaque ville prenne en charge une semaine : cuisiner, construire, animer la radio, tenir la NO-TAVerne, organiser des discussions, accueilir ceux de passage, etc. Selon les désirs, des visages différents peuvent se dessiner au cours des semaines. L’important est de maintenir une présence sur la ZAD qui corresponde au pari du 17 novembre, à l’ampleur européenne qu’a pris la situation.
La ZAD partout
Un mouvement d’un nouveau type est né avec une puissance de contamination qui nous a tous surpris. Les 22 et 23 novembre, quand des centaines de personnes se battent contre la police qui veut expulser les Rosiers et perquisitionner la Châtaigneraie, partout surgit actions, blocages et occupations, de toutes sortes. Ce qui se répand dépasse largement le soutien, ce qui sort des bocages ce sont les rapports de force qui serpentent la zone. Ici et là, on s’organise pour faire du bruit, occuper la police, les mairies, les chantiers. Et nous avons raison. Comme nous l’indiquait récemment un syndicat de police dans le Télégramme : « Il ne faudrait pas qu’il y ait d’autre gros événements de ce type en France ou des manifestations dans tout le pays. Il n’est pas possible de tenir dans la durée et de fixer autant d’effectifs sur un seul site ». Prenons-le au mot et insistons encore et encore sur ce double mouvement qui allie concentration et décentralisation. En même temps que nous décidons des moments forts où le nombre est nécessaire, notre capacité à maintenir une tension sur l’ensemble du territoire met les pouvoirs en difficulté. Accordons-nous donc sur ceci : chaque groupe choisit ses modalités d’actions, le sabotage de nuit renforce la manifestation bruyante, les soirées de soutien appuient les blocages d’axes routiers, et vice-versa.
La ZAD anticipe
Le gouvernement a retardé de six mois la destruction de la forêt et le début des chantiers. Ce temps, croit-il, lui sera suffisant pour sécuriser la zone, c’est-à-dire étendre l’occuaption militaire et empêcher toute possibilité d’habiter les lieux. Cette « reculade » nous laisse du temps pour anticiper au mieux. Alors, le jeu s’inversera : ce sera désormais à notre tour de déloger les machines. L’anticipation est une qualité de premier ordre. Si la manifestation de réoccupation du 17 novembre a été une résussite, c’est parce qu’elle avait été prévue bien à l’avance. Comme il l’a déjà été évoqué lors de l’assemblée du 18 novembre, nous pensons qu’il serait judicieux d’installer un presidio quelques jours avant le début des chantiers pour devancer l’arrivée des buldozers. Il serait mis en place à l’endroit même des chantiers. Dans un second temps, une manifestation dès les débuts des chantiers serait à prévoir. En Italie, le mouvement NO-TAV appelle presidio les campements où les moyens logistiques d’accueil, de nourriture et de couchage sont réunis pour la venue d’un grand nombre, en vue d’une offensive ciblée sur les chantiers. Le presidio est la condition matérielle pour combattre et habiter ensemble. L’habitude que nous prendrons à tourner entre les villes (proposition 1) nous aidera à construire et tenir les presidio.
Assemblée sur la ZAD, Maison de la Grève, 12 décembre 2012