Comment me voit-il, lui ? se demanda-t-elle. Elle se leva et alla chercher un grand miroir qu’elle posa face à la fenêtre, par terre contre une chaise. Puis elle s’assit sur un tapis, en se regardant, et écarta doucement les jambes. Le spectacle était un enchantement. La peau était sans défaut, et les lèvres roses et pleines. Cela lui fit penser à la feuille d’un caoutchouc dont il sort un lait secret lorsqu’on la presse avec les doigts, une sécrétion à l’odeur particulière, comme celle des coquillages. Ainsi de la mer, était née Vénus, portant en elle ce petit noyau de miel salé, que seules les caresses pouvaient extraire des profondeurs cachées du corps. Mathilde se demanda si elle pourrait le faire sortir de son mystérieux noyau. Elle ouvrit, de ses doigts, les petites lèvres et se mit à les caresser avec une douceur de chat. D’avant en arrière, elle se caressait comme le faisait Martinez avec ses doigts sombres et plus nerveux. Elle se rappelait la couleur mate de ses doigts qui contrastait tellement avec sa peau, ainsi que leur grosseur, qui semblait les destiner à irriter la peau plutôt qu’à éveiller le plaisir. Mais avec quelle délicatesse il la touchait, pensait-elle, frottant les petites lèvres entre ses doigts, comme du velours. Maintenant elle les massait comme lui, entre le pouce et l’index, tandis que de sa main libre elle continuait les caresses. Elle éprouva la même impression de dissolution que sous les doigts de Martinez. De quelque part se mit à couler un liquide salé couvrant la toison de part et d’autre de l’orifice qui maintenant luisait. Puis Mathilde voulut savoir à quoi elle ressemblait quand Martinez lui disait de se retourner. Elle s’allongea sur le côté gauche et présenta ses fesses au miroir. Elle pouvait ainsi voir son sexe par-derrière. Elle remua, comme elle, le faisait pour Martinez. Elle vit sa propre main apparaître au-dessus de la petite colline que formaient ses fesses qu’elle commença à caresser. Son autre main glissait entre ses jambes et elle la voyait par-derrière dans le miroir. De cette main, elle se caressait le sexe d’avant en arrière. Son majeur pénétra en elle et elle le fit aller et venir. Elle eut soudain envie d’être prise des deux côtés à la fois et de glisser son autre majeur entre ses fesses. En remuant d’avant en arrière, elle sentait tour à tour les deux doigts comme cela lui arrivait parfois lorsque Martinez et un ami la caressaient en même temps. L’approche de l’orgasme l’excita, elle se mit à faire des gestes convulsifs, comme pour attraper le dernier fruit d’une branche ; tirant, tirant sur la branche pour faire éclater le tout en un orgasme sauvage, qui l’envahit alors qu’elle se regardait dans la glace, et voyait ses mains actives, et le miel briller, mouillant tout son sexe et ses fesses, entre les jambes.
Anaïs Nin
Venus Erotica / 1940
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- > Archives pour le Lundi 12 mars 2012