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Archive mensuelle de janvier 2012

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Cristal de temps / Gilles Deleuze / Cours sur le cinéma

(…) En d’autres termes il n’existe de présent que dédoublé. La nature du présent c’est le dédoublement. Là l’idée commence à devenir extrêmement intéressante et importante. Et à chaque instant, le présent se dédouble en présent qu’il est, et passé qu’il a été.
En d’autres termes il y a un souvenir du présent, il est déjà là. Il y a un souvenir de présent qui n’attend pas un nouveau présent pour être déjà là. Il y a cœxistence radicale entre, encore une fois, le présent qui se présente et le passé qui a été ce présent. Vous me direz : mais si le présent est constamment redoublé, s’il est constamment dédoublé, comment ça se fait que nous ne voyons pas ? la réponse est très simple, « à quoi ça nous servirait ? ». Ne devient image-souvenir que ce qui nous sert à quelque chose, on l’a vu, que ce qui sert à orienter nos actions. Seul ce passé là, seul ce souvenir là devient image-souvenir.
-  Cela revient à dire qu’il n’y a d’image souvenir que par rapport à un nouveau présent.
Mais le souvenir du présent lui-même, c’est à dire cette coexistence du passé avec le présent qu’il a été, ce dédoublement du présent, à quoi il nous servirait ? Et en plus il nous gênerait énormément. Toute, toute la ligne de l’action entraîne à suivre ce chemin là, et à neutraliser, à refouler celui-ci.
Sauf dans certains cas. Selon Bergson et des cas qui, selon lui toujours, on avait pas pu comprendre avant lui, il fallait découvrir cette nature du « redoublement du présent » pour comprendre ces expériences qu’on trouvait bizarres et qui étaient connues dans la psychiatrie, dans la psychologie qui étaient connues partout, de tout temps, à savoir ce qu’on appelait la paramnésie. La paramnésie ou le sentiment du déjà vécu. La paramnésie ou le sentiment du déjà vécu. Et qu’est ce que c’est que le sentiment du déjà vécu ou de la paramnésie ? C’est l’expérience qui arrive parfois, d’avoir strictement déjà vécu une scène qui est en train de se faire, qui se présente, et cette expérience est très particulière puisque ce n’est pas un sentiment de ressemblance, c’est pas le sentiment d’avoir vécu quelque chose de semblable, qui ferait appel à une mémoire, c’est le sentiment de l’avoir vécu, mais chaque détail. D’autre part, fait très paradoxal, c’est pas un sentiment localisable, c’est à dire datable. On l’a vécu dans un passé quelconque, et non pas il y a une semaine ou à la rigueur dans un passé cyclique, dans ses moindres détails. Aussi bien pour la psychiatrie que pour la psychologie, l’explication de la paramnésie a toujours été extrêmement complexe.
Bergson lui ça devient extrêmement simple, et il va de soi qu’il pensait à la paramnésie dès le début de sa conception du dédoublement du présent. Supposez qu’à la suite d’un raté de la vie, il y a une défaillance de la vie, de l’élan vital – l’élan vital c’est donc ce qui nous entraîne sur la ligne d’action et ce qui nous fait refouler ce qui ne nous est pas utile. Ce qui nous est utile, c’est les souvenirs par rapport à des présents actuels. Mais le souvenir par rapport au présent qu’il a été, le passé par rapport au présent qu’il a été, ça nous est pas utile, qu’est ce qu’on a à en faire ? Le présent est là, ça suffit déjà, si on nous en flanque deux ! On refoule ça.
Supposez qu’il y a un raté du mécanisme d’adaptation à la vie, voilà que va se faire le paradoxe suivant : puisqu’il y a contemporanéité ( là, je parle lentement pour que vous compreniez, que vous suiviez bien), une fois dit qu’il y a contemporanéité ou dédoublement du passé et du présent qu’il a été, supposez certains cas où au lieu de percevoir mon présent, je perçoive le passé qu’il est déjà ? Et si il y a contemporanéité du passé, du présent, voilà que je me mets non pas à percevoir la scène comme présente, mais je me mets à percevoir comme passé, c’est à dire qu’au lieu de percevoir ici, je perçois là. Je perçois l’actuel présent comme passé. Pas par rapport à un nouveau présent, je perçois l’actuel présent comme passé en soi.
Mais alors dans ces expériences là, je vis en effet, perpétuellement le dédoublement du présent et du passé en deux instances, dédoublement perpétuel en deux instances, dédoublement du présent en deux instances, dont l’une est constituée par le présent qui passe, et dont l’autre est constituée par un passé qui fait passer tous les présents. D’où, à la lettre : « le présent tombe dans le passé ».
Si je perçois le moment – or c’est au moment où il est présent qu’il tombe dans le passé. Si je perçois le moment où il tombe dans le passé, l’aspect sous lequel il tombe dans le passé, je perçois évidemment l’actuel présent comme passé.
Voilà. Je dirais de tout présent – alors ce serait la seconde figure, qui n’apparait pas chez Bergson mais je la fais pour mon plaisir, faut qu’elles soient bien égales hein, les deux – tout simple. Qu’est ce que c’est ça ? (il dessine au tableau) ça c’est le présent qui est, ça c’est le passé contemporain. La même chose en tant que présent actuellement est comme déjà passé. Le dédoublement du présent, comprenez où je voulais en venir, dédoublement du présent, si c’est vrai cette histoire alors là c’est très curieux, si le présent se dédouble à chaque instant, j’appellerais ce dédoublement là pour mon compte, c’est plus pour mes projets à moi, ce qu’on aurait entamé si l’année avait été plus longue, et bien on aurait appelé ça – là je me serais servi d’un mot que Félix Guattari aime beaucoup, mais qu’il emploie je crois, un peu dans une autre occasion – je dirais ça c’est exactement comme Guattari appelle : un cristal de temps. Un cristal de temps. C’est à dire lorsqu’un présent « saisit en soi » le passé qu’il a été. Cette espèce de redoublement du temps dans le dédoublement du présent, va constituer un cristal de temps. Et il y aura pleins de petits cristaux de temps comme ça.
Alors Guattari il a tout à fait raison de dire : « bah ! finalement les cristaux de temps c’est finalement des ritournelles, des petites chansons ». C’est ces opérations perpétuelles par lesquelles un présent se dédouble, et alors en effet qu’est ce qui se passe quand j’appréhende dans un cristal de temps, ce dédoublement du présent ? Ce qui se passe c’est que je me vis comme « à la lettre », comme spectateur de moi-même. D’une part je suis agi et d’autre part je me regarde agir. Voyez comme nous sommes loin de la formule courante de « j’agis » qui était celle du plan de matière avec S. J’agis, c’est à dire je réagis en ayant le choix, à des excitations que je reçois. Là il s’agit plus de ça mais que le souvenir du présent, ou avec le passé contemporain du présent qu’il a été, il s’agit plus d’agir. Il s’agit d’être dans la situation du dédoublement qui correspond à ce dédoublement du présent, c’est à dire à la fois, je suis agi et je me regarde agir, et c’est exactement la fonction du cristal de temps, comme quand j’avais mon œil là, qu’est ce qu’il y a dans le cristal, c’est la même chose qu’au dehors, c’est la même chose mais hors du cristal c’est le présent, dans le cristal c’est le passé lui-même.
-  Et alors c’est plus une image-souvenir ? c’est vraiment ce qu’il faudrait appeler un souvenir pur. Un souvenir pur, un souvenir du présent comme tel. Ou bien ça peut remonter à très loin, un souvenir du présent comme tel, c’est pas simplement un souvenir du présent comme tel ou bien ça peut remonter à très loin du moment que ça obéit toujours à la règle suivante : ce sera un passé qui ne sera pas saisi par rapport au présent en fonction duquel il est passé, mais qui sera saisi par rapport au présent qu’il a été.
-  C’est ça la formule cristalline.
Bizarre, bizarre, c’est pour ça que je dirais : ben ! oui oui si on faisait nos trucs de cinéma, je dirais « bah oui, il y a des images-cristal au cinéma, il y a des , des images, je crois bien qu’on en a parlé l’année dernière, des images d’Ophüls, c’est des purs cristaux de temps qu’il fait. Ha, les choses sont toujours saisies d’ailleurs, dans de véritables cristaux, les images sont saisies dans des cristaux, d’une autre manière parce qu’il conçoit pas, il faudrait voir tous les styles de cristal. Le cristal le cristal c’est une chose si belle, si, ha. je l’ai ! qu’est ce que je voulais dire… oui oui oui c’est ça. Fellini aussi a constitué les plus belles images-cristal, non pas plus belles que celle d’Ophüls, mais c’est d’autres cristaux, c’est pas les mêmes cristaux.
Bon. Je me dis tout d’un coup, il aurait fallu si je sois en meilleure forme, ça me paraît, je sais pas, vous comprenez quelque chose, ou pas ? Oui, ça va ? ça va, bon. Bon alors, vous comprenez que, si ça va, vous avez là ce que je pourrais appeler notre première figure « directe » du temps.
-  J’ai une image-temps directe, c’est le dédoublement du passé… du présent, c’est à dire la coexistence du passé avec le présent qu’il a été, ou la saisie du passé dans le cristal. Un peu… C’est la boule de cristal, ce que vous voyez dans une boule de cristal, si vous… si vous y mettez un peu de bonne volonté (rire). C’est ce que vous êtes censés voir quand vous allez consultez votre voyante, ha non, c’est elle qui voit. C’est une fonction de voyance ? bon et puis après ?, c’est une fonction de voyance. Mais alors, encore un effort. À ce moment là, ça va m’être difficile de m’arrêter, à ce moment là c’est pas seulement la coïncidence du présent actuel et du passé qu’il est déjà, dans le cristal on peut remonter, à condition qu’on saisisse toujours le passé, non pas encore une fois, par rapport au présent en fonction duquel il est passé, c’est à dire l’actuel présent, mais en fonction du présent qu’il a été.
Bon. Qu’est ce que ça veut dire ça ? Et bah, si je reprends… On va périr… Fait chaud, hein ? On n’en peut plus ! C’est curieux hein, ça doit être lié parce que vu que moi ça va pas, plus ça devient invivable, mieux je me sens. Les bien-portants vous allez tous tomber comme des mouches, ça va être épatant ! Qu’est ce qu’il y a ? Non on peut pas ouvrir les fenêtres, sinon c’est moi qui tombe !
Qu’est ce que je voulais dire, bah oui, voilà. Je dis exprès que mon schéma, il va pas coïncider tout à fait au schéma de Bergson, il ressemble à un schéma donné par Bergson pour des raisons uniquement de simplification c’est pas que je me permette de corriger Bergson. je ne le suis pas exactement mais ceux qui compareront, rectifieront d’eux mêmes et comprendront pourquoi.. Mais qu’est ce que cela ? (Gilles Deleuze écrit au tableau) Là à la limite, c’est mon cristal de temps. Là c’est le présent, et là c’est le passé qui coexiste avec lui, c’est à dire c’est le passé qui cœxiste avec le présent qu’il a été. Il y a dédoublement ou redoublement. Voilà.
Alors prenez notre scène là . Notre scène. Vous êtes là, dans cet état de malaise, moi vaincu par la maladie, unis dans un même courage, nous sommes là. Vous avez, mettons, la ligne T. Ce que nous voyons, c’est ça. Cet actuel présent. Ce que nous avons tout intérêt à nous cacher, c’est que, enfin, « tout intérêt »… C’est que ce présent est déjà passé. Ce présent est tellement déjà passé qu’il coexiste avec le passé qui a été ce présent. Et là il y a redoublement. Et si au plus près de la scène, parce que nous sommes unis dans une même intention et dans un extrême effort qui ne laisse aucune pensée étrangère vous traverser – l’un de vous a une seconde d’inattention. Ça lui rappelle quelque chose. C’est pas une paramnésie, ça lui rappelle quelque chose, un souvenir qui le traverse, une fois où il avait été aussi mal. Ou bien même, quelqu’un tout d’un coup se dresse, alors anecdote à la Kierkegaard, bat des bras, s’écroule, s’évanouit, et dit : « c’est insupportable », parce que ça lui rappelle, ça lui rappelle un souvenir extrêmement douloureux, à savoir une salle, un commissariat de police où il fut enfermé avec cinquante autres personnes, tout le monde étouffant. Voilà. Et cela (inaudible). Le même ou un autre ! Là je m’épuise en cherchant des exemples convaincants ce n’est pas la peine, hein.
… On pourrait dire que ces circuits sont plus ou moins larges, là j’ai coïncidé, j’ai décollé de la stricte réduplication du présent et du passé… Non, du passé et du présent qu’il a été. Et pourtant je reste dans la perspective – Je suis en train de développer le cristal. Et à chaque fois, je peux avoir un circuit, dont le présent qui passe, fait partie… Et chaque fois que je pense à ceci ou à cela – par exemple : « on dirait un commissariat de police, euh…, on dirait une salle d’hôpital, on dirait – comme je me suis embarqué comme émigrant pour l’Amérique »… bon, et bien voilà… A chaque fois C’est pas simplement des métaphores ou des comparaisons, c’est un aspect de la réalité de plus en plus profond qu’il m’est dévoilé. Des circuits de pensés qui pénètrent de plus en plus dans le temps, au même temps que des aspects de plus en plus profonds de la réalité nous sont découverts. Voyez là ? Je suis sorti du sein de cristal du temps, c’est le développement du cristal. Le cristal du temps me donnait pour la première fois une image directe du temps sous la forme du dédoublement du présent. Là, j’ai pour la première fois une figure directe de la pensée, sous la forme de la complémentarité Des niveaux des pensées… Car je pourrais pas revenir… À chaque fois comme dit Bergson, et il le dit merveilleusement « Je suis forcé de faire un nouveau circuit ». Et la bêtise serait de croire que ce sont des métaphores, ce ne sont pas des métaphores. Chaque fois, un aspect de la réalité de plus en plus profond, en surgit. Alors, j’essaye de dire, bon, si à condition – mais comme c’est un cours de conclusion, évidemment, ça a l’air d’être des applications, mais je vous en supplie, ne croyez pas que c’est des applications – si, j’essaye de le dire, quant au cinéma, qu’est-ce qu’il y a ? Autant, dans le premier cas, vraiment, des images de cristaux de temps, alors…c’est… Vous voulez que je vous cite un exemple qui m’a frappé, qui m’a paru Une chose admirable, admirable, qu’ils nous ont donné à la télé il y a pas longtemps, dans… comment ça s’appelle ? Amar… CP : Amarcord,
Amacord ! Amacord, Amarcord, Amarcord. Eurh… Il y a une image qui me paraît sublime, c’est les petits gars, les lycéens, il y a le grand hôtel qui vient de fermer, c’est l’hiver, l’hiver qui revient, les lycéens… Ils arrivent, très mélancoliques, la saison est finie, c’est la fin des vacances, dans mon souvenir il y a la neige – mais on oublie tellement vite que j’ai déjà oublié – il y a la neige qui commence à tomber, et puis ils sont là, dans cette atmosphère cotonneuse. Et puis, chacun, ils sont absolument isolés, les uns des autres, il y en a cinq ou six, absolument isolés. A des distances alors que Fellini a dû calculer ça, on voit ce que c’est un grand cinéaste. Et il a dû calculer les…, il a dû faire les marques pour qu’ils soient pas trop près, pas trop loin. Et à la lettre, chacun mène sa propre affaire. Il y en a un, petit gros, le préféré de tout le monde, le pitre qui fait semblant, qui se courbe et qui fait semblant de jouer du violon, en dansant sur place dans mon souvenir. Il y a le grand dadais aux yeux cernés, qui lui marche, et c’est un pas de danseur timide, il ose pas danser, alors il marche mais c’est une espèce de pas rythmique, tout droit, comme ça, avec son cache-col, et il marche en horizontal, tandis que l’autrel fait ses tournants. Il y a un troisième qui fait je ne sais plus quoi, ils doivent être cinq. Et c’est d’une telle science, d’une telle… il suffit pas de le dire pour le faire, faut savoir… Que ces personnages absolument isolés, qu’au même temps ils composent un groupe, un groupe où ils sont inséparables, cette espèce d’identité de l’inséparabilité et la séparation. C’est un truc fantastique… Et là, c’est tellement l’identité du présent avec son propre passé, c’est tellement ce que j’appelle une « image cristale » où un passé – puisque c’est, supposons l’enfance de Fellini – un passé – c’est tout le temps ça qu’il fait, Fellini – saisir un passé non pas en fonction, non pas simplement en fonction du présent par rapport auquel il est passé, mais en fonction du présent qu’il a été. Donc il nous donne pas l’ancien présent, il nous donne – mais il nous donne pas non plus, le souvenir par rapport un nouveau présent. Ce que j’appelle un cristal de temps c’est que, il nous donne le passé par rapport au présent que ce passé a été. Vous comprenez ? D’où « l’étrange, étrange vie ». Comme si on voyait la chose à travers une boule de cristal. Oui bien voilà c’est beaucoup plus clair, je peux pas dire mieux, de toute façon, faut bien s’entendre…
Alors là, il y a certaines images, certaines images de Rossellini, qui sont typiquement là, ce schéma là. Et même, je crois que Rossellini était celui qui a eu le plus sens de ça. Qu’ à chaque fois, et c’est en ce sens qu’il atteint, vraiment, à des images-pensée directes. C’est pas seulement les cristaux de temps, c’est pas que les cristaux de temps soient insuffisants, cristaux de temps c’est toute une… Encore une fois les chefs d’oeuvre, c’est bien Ophüls qui fait tout en cristaux de temps. Et Fellini – et pourtant ils ne se ressemblent pas les deux. Mais ils ont, ils ont quelques ( ?) Ils ont un but… je sais pas. Mais chez Rossellini, qu’est-ce qu’il se passe ? Constamment une pensée mise en demeure de constituer des nouveaux circuits, en fonction des nouveaux aspects de la réalité à découvrir. Alors, je dirais, voilà, je reviens, un cas typique de Fellini. Je crois que c’est ’Europe 51’. La bourgeoise, la bourgeoisie italienne, oui. C’est le présent, et tout un coup la révélation, la voyance. Vous allez voir. À la première vue on dirait c’est comme dans une boule de cristal, mais non. Il ne suffit pas de le dire. À supposer qu’elle le sente et elle le sent, la bourgeoise italienne depuis ’Europe 51’… Non, c’est peut-être… Euh… Elle dit tout d’un coup : « J’ai cru voir des condamnés » , « J’ai cru voir des condamnés… ». Elle voit les ouvriers qui entrent dans l’usine et elle dit : « J’ai cru voir des condamnés ».
Perception de l’usine. Autre Circuit. Elle pouvait pas nous mettre là dedans, elle pouvait pas mettre un petit bout. « J’ai cru voir des condamnés », ça change tout. C’est un autre circuit de pensée. Du coup un aspect plus profond de la réalité. Oui, les usines sont des prisons, oui, les usines sont des prisons. Et pas par métaphores, je dirais pas, les usines sont comme des prisons. Je dirais, elles sont peut-être pas des prisons, c’est pas des prisons, d’accord mais d’une autre manière, ce sont des prisons. Et oui, ce sont des prisons ;
On pourrait concevoir un troisième aspect, et c’est ce qui se passera, et c’est tellement une technique à Rossellini que c’est ce qui se passe dans l’admirable « Stromboli », tous les circuits de pensée de l’héroïne, vont correspondre à des aspects de plus en plus profonds de la réalité de l’île, de la réalité insupportable, insoutenable de l’île. Depuis, la pêche au thon, et la mort du thon, lorsque à quoi correspond comme circuits de pensée, la réaction d’horreur : « Non. Ne me le faites pas toucher ». Et ça se passe au bas de l’île, et normalement ça finira dans l’explosion volcanique et dans le grand cri de l’héroïne : » Mon dieu, c’est trop beau, je suis finie ». C’est trop beau, je suis finie… Quelque chose d’insupportable, qui réunit les circuits les plus extrêmes de la pensée avant que tout craque, auquel correspond la révélation cette fois ci de toute l’île vue d’en haut, avec le feu du volcan, l’île toute noire sur la mer noire et là Il me semble, ce système… Alors, cette fois ci, il faudrait parler de « circuits de la pensée » et non plus des cristaux de temps. Et dans les circuits de la pensée ce qui correspond, le corrélât de chaque circuit de la pensée, c’est un aspect de réalité.
Ah… Si bien que, on a presque fini, joie, revenons au cône, essayons de traduire… Voyez ? Ça s’est très bien passé finalement. Ma figure 1 du dédoublement du cristal, est passée dans la figure 2, du circuit, et maintenant, il reste à faire passer la figure 2, la figure 2 du circuit dans une dernière figure : figure 3. Évidemment celle du cône. Si je prends mes lignes 1, 2, 3, 4, comment les retrouver sur le cône ? Faire autant de sections qui ne seront pas des sections d’images-souvenir. Qui seront des sections : régions du passé ou de la pensée. Des régions du passé ou de la pensée. Et là j’aurai dans chaque région, personne n’aura de peine à montrer que, il y a de toute manière, toute la pensée et tout le passé. Ce sont pas des images, ce sont pas des images-souvenir, c’est pas de la psychologie. Ce sont des régions d’être. Ce sont des régions d’être et de pensée, voyez pourquoi ça enchaîne.
Là, j’avais les aspects les plus profonds, de plus en plus profonds de la réalité, là, les circuits les plus profonds de pensée. Et bien, chacun de ces coupes c’est une région de pensée – être, d’être pensée. Simplement, suivant la région sur laquelle vous vous installez, comme il dit, tel ou tel aspect, prédomine. Là il emploie de drôles de mots, j’ai pas le temps de citer les textes, tel ou tel aspect prédomine. Alors, disons, il y a une infinité de coupes puisqu’elles n’existent pas. Il faut le fabriquer. À chaque fois vous le fabriquez dans le cône. Tout ça, c’est très mouvant, il faut mettre ça en mouvement. Tous là, comme les circuits, ils préexistent pas. Il fallait attendre la Bourgeoise de Fellini…euh… de Rossellini, pour que ces circuits là se découvrent. Il fallait attendre l’héroïne de Stromboli, etc. Alors, bon ça, et là supposons que j’ai un circuit où ce qui domine c’est l’usine. Je prends un exemple idiot puisqu’il s’agit de, il s’agit pas…, je prends un détail. Je dirais le monde comme travail. Là, un circuit, ce qui domine c’est prison. Là, un circuit, ce qui domine, c’est cataclysme.
Bergson ira jusqu’à dire « à chaque région, à chaque région de la coupe, il y a des points brillants ». C’est ce que nous, on appellerait des singularités. Bon, et ben, penser ça veut dire quoi ? Penser, ça veut dire à la fois tracer dans l’être et la pensée. Encore une fois à chaque section corresponde aussi bien à un aspect de l’être qu’un circuit de pensée. Quand vous pensez, que signifie penser ? Pour Bergson, c’est tout simple : c’est s’installer dans une de ces régions. Seulement voilà, vous avez toujours le risque de vous tromper. Vous avez toujours un risque, c’est toujours un risque. Vous partez du point S, qui est l’insertion dans l’image-matière. Il faut que vous fassiez un saut, quand vous pensez, vous savez pas ce que vous allez pensez, vous savez pas ce que vous cherchez. Penser, et là, c’est Bergson emploie, « s’installer d’emblée », cela ressemble assez à ce que d’autres appelleraient « sauter », s’installer d’emblée dans la région, dans le région quoi ? là, dans le région qui contient, je dirais même pas la réponse que je cherche, mais qui contient déjà la question que je ne sais même pas formuler. Et je pense que, pour moi, je sens quelque chose ne va pas où dans le monde ou en moi, et je fais le saut, je m’installe d’emblée dans une région, qui est censée me révéler quoi ? À la fois, un aspect de l’être qui m’était caché et un circuit de pensée que je n’avais pas encore. Donc, cela, il faut que je saute dans une région. Et que je risque toujours de, ou bien rater mon saut, ou bien m’installer dans une mauvaise région. Si je m’installe dans une mauvaise région, je pourrai penser tout ce que je veux et longtemps, ce que je penserai n’aura strictement aucun intérêt. Ça ne comprendra ni la question, ni la réponse à la question. Alors, cet art de penser est une chose très…
Comprenez que, donc le cône, présenté ainsi dans sa forme totale, avec le point d’insertion avec le plan de la matière. J’ai donné la suite de la figure 2, exactement comme la figure 2 donnait la suite de la figure 1, c’est-à-dire des cristaux de temps, c’est-à-dire les figures directes de la pensée, mes images directes, mes images-pensées directes, les images-temps directes, sur lesquelles j’aurais voulu travailler en fin de cette année, cela auraient été les cristaux de temps. Les… Les circuits de la pensée et… comment dire ? Les régions, les régions noétiques ontologiques, c’est-à-dire, les régions d’être et de pensée, qui expliquent, et qui devraient expliquer, ce que restait encore un problème en 2, c’est-à-dire, cet complémentarité entre les circuits de pensée de plus en plus vastes, et les aspects de réalité de plus en plus profonds. Dieu, dieu, c’est trop beau, je suis fini. Voilà, et ben ça y est, et bien très bonnes vacances.
Gilles Deleuze
Cours sur le cinéma / 7 juin 1983
la voix de Gilles Deleuze
Cristal de temps / Gilles Deleuze / Cours sur le cinéma dans Cinéma amarcord

Transformer le monde : entre transmission, créativité et militantisme ? / Constellation 1961 / Séminaire transdisciplinaire – Bruxelles, 31 janvier 2012

Après un premier séminaire en octobre dernier autour de cet objet ou projet hybride, indéterminé, flou et fou qu’était encore « Constellation 1961 – L’anniversaire qui n’est pas » ;
Après une première représentation de la performance spectacle « Constellation 1961 », suivie d’un débat, le 23 novembre 2011, dans le cadre du Festival des Libertés ;
Nous vous convions à un nouveau séminaire transdisciplinaire autour des enjeux de Constellation 61 et des récifs entre lesquels cette nef de fou est amenée à naviguer pour traverser les océans du présent et y découvrir les îles du possible.
Le processus de création, la dynamique artistique et politique de Constellation 61 se veulent toujours collectifs, interactifs et évolutifs. Il importe donc de partager les points de vue sur la première escale du 23 novembre et de réfléchir ensemble aux possibilités de rebondir sur cette expérience pour aller plus loin. Car Constellation 61 escompte toujours sillonner petit à petit à travers les villes d’Europe en vue de susciter du débat, des envies ou des initiatives de transformation.
Voici l’ordre du jour ou l’ordre de questionnements que nous proposons pour structurer cette réflexion hybride et collective. Nous demanderons à quelques personnes ressources d’alimenter de leurs expériences et réflexions chacun des chapitres ou ensemble de questionnements de ce séminaire.

introduction : des enjeux de constellation et des formes hybrides
Lors de notre première rencontre l’objet hybride « Constellation 61 » n’était pas facile à cerner tant du point de vue du fond (historique, philosophique, politique) que de la forme (théâtre, performance, multimédia). Il n’était sans doute pas évident de voir où ce projet pouvait mener, ni quelle pouvait être l’implication de chacun. Déjà, cependant, une série de questions et d’enjeux décisifs pour Constellation 61 ont été pointés.
Désormais nous ne partons plus de rien ou de ce qui ne faisait sens que dans l’esprit de quelques initiateurs. Nous pouvons approfondir les questions et discuter autour d’un objet concret, tel que montré publiquement le 23 novembre, et à partir d’un cadre un peu plus précis, tel que défini lors de la préparation de la soirée du 23 novembre. Pour ceux qui n’ont pu assister à la représentation au Festival des Libertés, l’objet est accessible via le texte de la performance spectacle et une captation vidéo de la représentation.
Puisque telle est sa vocation, le projet reste ouvert à la discussion et évoluera au fil des interactions qu’il suscitera. Mais ces discussions partiront désormais de ce qui a déjà été réalisé (on ne va pas tout reprendre à zéro) et seront orientées par l’ambition de Constellation 61 de circuler à travers l’Europe pour transmettre une expérience du possible, pour rencontrer un public large et diversifié et pour susciter partout des dynamiques participatives.
Les enjeux principaux de Constellation 61 seront donc rappelés en introduction : la question de la transmission avant tout. Le contenu de la transmission : la transmission d’histoires mineures, d’une expérience éthique et politique, d’un savoir et d’une pensée critique,… La forme de la transmission : académique, spectaculaire, confidentielle, initiatique…  L’articulation entre l’héritage historique et le contexte actuel dans une optique de transformation, entre la changement du monde et la transformation de soi, entre les postures radicales et les revendications larges (consensuelles)…
Le séminaire se veut transdisciplinaire puisqu’il traite de questions psychiatriques, psychanalytiques, culturelles, artistiques, politiques, historiques, pédagogiques, sociologiques, philosophiques… Il se veut aussi hybride en cherchant une ligne de fuite entre le séminaire de type académique, l’atelier créatif et l’assemblée autogérée.

1) l’usage du spectacle comme outil de transmission historique et politique
Pour transmettre les expériences de transformation de la psychiatrie et le contexte plus général dans lequel elles s’inscrivent, la démarche de Constellation 61 cherche à esquiver l’alternative, à tracer une ligne de fuite, entre la transmission académique à travers des livres ou des colloques qui ne s’adresse qu’aux élites intellectuelles et ne transmet qu’un savoir théorique, la transmission médiatique spectaculaire qui s’adresse au grand public mais ne transmet que du divertissement (Entertainment) et censure ou euphémise le contenu politique, et la transmission confidentielle ou initiatique entre paires ou au sein d’un cercle confiné qui permet d’aller très loin dans le contenu mais ne s’adresse qu’à très peu de personnes et en général aux personnes déjà concernées voire convaincues.
Comment rendre populaires, accessibles à tous, les problématiques pointues qui animent Constellation ? Comment parler d’histoires mineures sans rester cantonné aux minorités ou aux marginalités ? Comment intéresser aux enjeux de Constellation un public non concerné par le secteur de la santé mentale ? Comment utiliser la création artistique à des fins politiques ? Quelle est la force mobilisatrice du spectacle ou de la « fiction » pour alimenter notre engagement quotidien ? Comment faire du spectacle un déclencheur de débat ? Comment proposer une performance spectacle qui ne tombe pas dans les travers passivisant, atomisant ou lobotomisant de la Société du spectacle ? Comment éviter que les aspects techniques, matériels et promotionnels de la diffusion d’un spectacle ne rognent sur son contenu politique et ses enjeux sociaux ? Comment éviter la posture d’avant-garde, toujours élitiste, sans se laisser emporter par l’attitude populiste consistant à rentrer dans un jeu de séduction avec le public pour capter le consensus et trouver une place dans le marché ? Comment s’adresser à un large public sans le réduire à la position de spectateur, pour l’inciter à l’action ? Comment représenter le mouvement du possible sans le figer dans une représentation, une image arrêtée ?
Plus pratiquement : à quels lieux et quels partenaires s’adresser pour faire tourner Constellation 61 en Europe ?

2) un mélange subtil et explosif d’images, de sons, de textes, d’histoires, de voix, de corps et de mouvements
Alors qu’initialement, il était prévu de ne présenter au Festival des Libertés 2011 qu’une étape de travail, un « work in progress »  et d’axer la soirée sur le débat, la performance spectacle du 23 novembre s’est avérée bien plus aboutie qu’escomptée. Elle a rencontré un vif enthousiasme de la part du public présent. Elle pourrait presque être proposée telle quelle à d’autres festivals ou en d’autres lieux. Cependant la création se veut évolutive, elle suscite, déjà en l’état, des remarques, des suggestions, des critiques… et nous pouvons toujours faire mieux.
La vocation de la performance de transmettre une expérience, de déclencher des débats et de susciter des engagements est-elle atteinte ? Comment l’améliorer en ce sens ? La performance doit-elle être plus ou moins didactique ? Etait-elle assez explicite ou pas assez subtile ? Trop ou pas assez rythmée (trop longue ou trop courte) ? La performance transmet-elle suffisamment le possible en marche, l’utopie concrétisée ? Comment éviter d’être donneur de leçon ou vendeur de solution ? Comment maintenir la force de l’aléatoire tout en structurant la création ? Comment donner plus de chair à cette performance fort technique et théorique ? Faut-il y mettre plus de vécu ? Moins de références ou intégrer d’autres textes, d’autres expériences ? Comment mieux marier les dimensions théâtrales et multimédias (dessin, vidéo, musique) ?
Comment intégrer, dans une évolution cohérente et pertinente, les multiples retours que suscite Constellation 61 et les apports proposés par les uns et les autres, tous n’allant pas forcément dans le même sens, n’ayant pas les mêmes attentes ?

3) de l’histoire dont nous héritons à l’histoire que nous écrivons
Le but de Constellation 61 est de susciter du débat, des envies de transformations et du possible. Il est donc inenvisageable de donner une représentation de la performance spectacle sans que celle-ci ne soit suivie ou précédée d’une discussion avec les participants (voire idéalement  inscrite dans un processus plus étendu de séminaires, rencontres, ateliers,…) Le débat du 23 novembre a déçu une partie des participants. Nous pourrons en expliquer brièvement les raisons mais il importe surtout de rebondir sur cette expérience pour mieux penser le dispositif de discussion autour de Constellation 61.
Comment partir de la performance spectacle pour susciter une discussion participative sur les enjeux du présent (et non sur l’histoire passée) ? Quels dispositifs de discussion mobiliser ou inventer (avec ou sans intervenants, avec ou sans modérateur, avec ou sans exposés, avec ou sans synthèse de ce qui se dit,…) ? Comment transposer dans le contexte d’aujourd’hui, fort différent, la force des possibles qui animaient les années ’60 ? Quelle est la force mobilisatrice de l’histoire pour l’engagement dans le quotidien ? Comment ne pas idéaliser le passé, ne pas présenter Constellation 61 comme un âge d’or ? Comment passer des conditionnements du passé – l’histoire qui nous écrit – à la transformation du présent – l’histoire que nous écrivons ? Comment passer du trou de serrure de la psychiatrie aux paysages de toutes les institutions et politiques à transformer ? Comment rebondir sur l’expérience italienne pour interroger la situation belge et des autres contrées que Constellation traversera ?

Ce séminaire transdisciplinaire se déroulera
mardi 31 janvier 2012 de 13h à 17h à Bruxelles Laïque (salle de conférence)
18-20 avenue de Stalingrad – 1000 Bruxelles

http://pdivittorio.wordpress.com/
Transformer le monde : entre transmission, créativité et militantisme ? / Constellation 1961 / Séminaire transdisciplinaire - Bruxelles, 31 janvier 2012 dans Flux constellation-61

Journal de l’amour / Anaïs Nin

Cher Collectionneur. Nous vous détestons. Le sexe perd tout son pouvoir et toute sa magie lorsqu’il devient explicite, abusif, lorsqu’il devient mécaniquement obsessionnel. C’est parfaitement ennuyeux. Je ne connais personne qui nous ait aussi bien enseigné combien c’est une erreur de ne pas y mêler l’émotion, la faim, le désir, la luxure, des caprices, des lubies, des liens personnels, des relations plus profondes qui en changent la couleur, le parfum, les rythmes, l’intensité.
Vous ne savez pas ce que vous manquez avec votre examen microscopique de l’activité sexuelle à l’exclusion des autres qui sont le combustible qui l’allume. Intellectuel, imaginatif, romantique, émotionnel : Voilà qui donne au sexe ses textures surprenantes, ses transformations subtiles ses éléments aphrodisiaques. Vous rétrécissez votre monde de sensations. Vous les desséchez, l’affamez, le videz de son sang.
Si vous nourrissiez votre vie sexuelle de toutes les aventures et excitations que l’amour injecte à la sensualité vous seriez l’homme le plus puissant du monde. La source du pouvoir sexuel est la curiosité ; la passion. Vous observerez sa petite flamme qui meurt d’asphyxie. Le sexe ne saurait prospérer sur la monotonie. Sans inventions, humeurs, sentiments pas de surprise au lit.
Le sexe doit être mêlé de paroles, de promesses de scène, de jalousie, d’envie, de toutes les épices de la peur, de voyages à l’étranger, de nouveaux visages, de musique de danse d’opium, de vin. Combien perdez-vous avec ce périscope au bout de votre sexe, alors que vous pourriez jouir d’un harem de merveilles distinctes et jamais répétées? Il n’y a pas deux chevelures pareilles, mais vous ne voulez pas que nous gaspillions des mots à décrire une chevelure ; il n’y a pas deux odeurs pareilles, mais si nous nous attardons, vous vous écriez :  » Supprimez la poésie. » Il n’y a pas deux peaux qui aient la même texture, et jamais la même lumière, la même température, les mêmes ombres, jamais les mêmes gestes ; car un amant, lorsqu’il est animé par l’amour véritable, peut parcourir la gamme entière des siècles de science amoureuse. Quels changements d’époque, quelles variations d’innocence et de maturité, d’art et de perversité…
Nous avons discuté à perdre haleine pour savoir comment vous êtes. Si vous avez fermé vos sens à la soie, à la lumière, à la couleur, à l’odeur, au caractère, au tempérament, vous devez être à l’heure qu’il est tout à fait racorni. Il y a tant de sens mineurs qui se jettent tous comme des affluents dans le fleuve du sexe. Seul le battement à l’unisson du sexe et du cœur peut créer l’extase.
Anaïs Nin
Journal de l’amour / 1932-1939
Journal de l'amour / Anaïs Nin dans Eros carobuenosaires1

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