Lorsqu’il avait besoin d’argent, il épousait une riche héritière qu’il ruinait jusqu’au dernier sou puis changeait de pays. La plupart du temps, ses femmes ne se révoltaient pas et ne prévenaient pas la police. Les quelques semaines ou quelques mois d’idylle les avaient frappées bien davantage que la perte de leur fortune. Elles avaient le sentiment d’avoir connu la grande vie, celle qui vaut d’être vécue, fût-ce pour un moment.
Il les transportait si haut, d’enchantement en enchantement, que son départ ressemblait à un envol, paraissait presque naturel, aucune partenaire n’aurait pu le suivre dans ses grandes envolées. Cet aventurier libre, insaisissable, qui bondissait ainsi d’une branche dorée sur l’autre, se fit presque prendre au piège, le piège de l’amour, quand, par une belle nuit, il rencontra la danseuse brésilienne Anita au Théâtre péruvien. Ses yeux en amande ne se fermaient pas comme ceux des autres femmes mais comme ceux des tigres, des pumas et des léopards, les deux paupières se rejoignant avec une paresseuse lenteur, semblant presque cousues ensemble au niveau du nez, ce qui lui donnait un regard oblique et lascif, tel celui d’une femme qui ne voudrait rien savoir de ce que l’on fait avec son corps. Elle avait l’expression d’une femme à qui l’on est en train de faire l’amour, ce qui excita au plus haut point le Baron dès leur première rencontre.
Lorsqu’il se rendit dans les coulisses pour la voir, elle était en train de se préparer pour la scène au milieu d’une profusion de fleurs et pour le délice de ses admirateurs assis autour d’elle, elle était, à ce moment précis, occupée à passer du rouge à lèvres sur son sexe, ne permettant évidemment à personne d’esquisser le moindre geste d’approche. Quand le Baron entra, elle leva à peine la tête et lui sourit. Elle avait posé un pied sur une petite table, relevé sa robe à volants, et recommençait à passer du rouge sur ses lèvres en riant de l’excitation des hommes qui l’entouraient.
Son sexe ressemblait à une fleur de serre géante, plus grand que tous ceux qu’avait vus le Baron, avec une toison abondante et bouclée, d’un noir brillant. Elle passait du rouge sur ces lèvres avec autant de soin qu’elle l’aurait fait sur sa bouche, si bien qu’elles finirent par ressembler à des camélias rouge sang, que l’on aurait forcés à s’ouvrir, pour laisser apparaître le bouton intérieur encore fermé tel le cœur plus pâle, à la peau plus fine, de la fleur.
Anaïs Nin
Venus Erotica / 1940
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Archive mensuelle de novembre 2011
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A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d’ombre ; E, candeur des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silence traversés des Mondes et des Anges :
- O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux ! -
Arthur Rimbaud
Voyelles / 1870 ou 1871
Las aves vuelan apesar de la lluvia
Les oiseaux volent malgré la pluie
Les rois nous saoulaient de fumées
Paix entre nous guerre aux tyrans
Appliquons la grève aux armées
Crosse en l’air et rompons les rangs
S’ils s’obstinent ces cannibales
Á faire de nous des héros
ils sauront bientôt que nos balles
Sont pour nos propres généraux !
Eugène Pottier / Pierre Degeyter
l’Internationale / 1871 / 1888
« Nous ne devons pas simplement commémorer, nous devons communier »
Nicolas Sarkozy
Paths of Glory (les Sentiers de la gloire) / Stanley Kubrick