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Archive mensuelle de novembre 2011

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Tunisie : Nous sommes toutes des mères célibataires ! / Rassemblement samedi 26 novembre 15h / Châtelet Fontaine des Innocents Paris / Appel

Les 20, 21 et 22, à l’étranger et le 23 octobre 2011 en Tunisie, les Tunisiennes et les Tunisiens se sont exprimés par la voix des urnes et le parti islamiste Ennahdha a remporté 90 sièges sur 217, soit 41, 47% des suffrages exprimés.

Les ténors de ce parti tentent aujourd’hui de rassurer le peuple tunisien, les médias et l’opinion publique internationale. Ils défendent la voie de l’erdoğanisme modéré (modèle turc prôné par les Islamistes de l’AKP).
Les Ghannouchi, les Jebali et autres guides charismatiques, jurent tous leurs dieux qu’ils ne toucheront pas au Code du Statut Personnel, qu’ils ne remettront pas la polygamie au goût du jour et qu’ils n’interdiront pas les boissons alcooliques
Et pourtant…
D’autres, moins connus, travaillent en étroite collaboration avec les Salafistes dans les quartiers et les mosquées, marginalisant les croyants qui ne partagent leur vision rétrograde de l’Islam et des femmes.
Et pourtant…
La tête de liste nahdhaouiste de la circonscription Tunis 2, Souad Abderrahim, pharmacienne et mère de deux enfants, fraîchement élue, s’est exprimée sur les ondes de Radio Monte Carlo Doualiya, pour dire tout le mal qu’elle pensait des mères célibataires, qui en aucun cas ne devaient – selon elle – bénéficier de la protection de la loi, exception faite des femmes violées
Souad Abderrahim, ancienne militante de l’UGET, propulsée sur le devant de la scène politique pour redorer le blason d’Ennahdha, montre aujourd’hui le vrai visage de ce parti dont l’objectif reste : une conception de la constitution qui s’attaque aux acquis de la Tunisie moderne par petites touches, tout en maintenant un discours consensuel trompeur ; des remises en cause pour façonner une Tunisie d’un type nouveau, celle d’un islam réactionnaire.
Commence alors une politique « d’ajustement » insidieuse : remplacer l’adoption plénière (la Tunisie est le seul pays arabe et musulman dans ce cas) par la Kafāla (tutelle ou délégation d’autorité parentale), la disparition des bars et des maisons de joie, « l’encadrement » des grossesses « illicites », et du coup, la marginalisation des mères célibataires et des luqatā’ (bâtards).
Et qui sait, peut-être que demain, nous reverrions fleurir les maisons de redressement pour femmes (Dār Jwād) et qu’écloreraient dans les rues tunisiennes, des Komiteh qui veilleraient sur le respect des bonnes mœurs.

Nous, membres du Collectif Citoyen, dénonçons les propos de Souad Abderrahim et de Rached Ghannouchi, alertons sur les risques de régression des droits de la femme et de la famille en Tunisie et lançons un appel à mobilisation pour un flash mob, le samedi 26 novembre 2011 à 15h, à la place des Innocents (Châtelet / Paris).

Les participantes et les participants sont invités à se munir de poupées nues et « en fin de vie » qu’ils jetteront dans la Fontaine, après avoir inscrit sur leurs « petits corps » la mention : « bâtard(e) ».

Si vous souhaitez vous associer à cet appel, nous vous invitons à le signer et à nous rejoindre au rassemblement.

Vous pouvez envoyer vos signatures à ccpelt.collectifcitoyen@gmail.com

Collectif Citoyen
Contact : H. Zekri

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L’Humain végétalisé / Jacques Testart

« Chaque année, chaque jour, des espèces nouvelles naissaient, plus nombreuses qu’il n’en fallait à l’armée des naturalistes pour leur trouver un nom ; certaines monstrueuses, d’autres charmantes, d’autres encore inopinément utiles, comme les chênes laitiers qui poussaient dans le Casentino. Pourquoi ne pas espérer dans un progrès ? Pourquoi ne pas croire en une nouvelle sélection millénaire, en un homme nouveau qui aurait la force et la rapidité du tigre, la longévité du cèdre, la prudence de la fourmi ? (1). » Ce surhumain imaginé par Primo Levi n’a pas les raideurs instrumentales des androïdes bidouillés par nos modernes transhumanistes. Il doit son écart à la norme que nous connaissons, à une modification inouïe : celle de la levée des défenses immunitaires qui permettrait la fécondation des femmes par des entités animales ou même végétales.
Primo Levi n’implique aucune sexualité dans ces hybridations hors normes, seulement le passage libre d’un matériel absolument étranger, capable de s’introduire en l’humain, féconder et transmettre ses propres caractéristiques. Que cela soit possible par la voie du tube digestif plutôt que celle de la matrice n’apporterait ni ne retirerait rien à l’imaginaire du romancier dont la prescience se trouve en avance, comme souvent, sur les constats de la dissection.
Or, il vient d’être admis que le végétal peut s’introduire en l’animal autrement que pour lui apporter des calories ou des vitamines, des fibres ou de l’amidon. On avait longtemps négligé le rôle de petits acides nucléiques, nommés micro-ARN présents chez tous les êtres vivants, d’autant qu’ils sont issus de la partie de l’ADN qu’on estimait sans aucun intérêt (« ADN poubelle »), comme si la prise en compte de ce domaine (95% de l’ADN quand même) risquait de perturber la belle compréhension qui soutenait le « génie génétique ». Des travaux récents ont accordé à ces micro-ARN la propriété de freiner des synthèses protéiques et donc de jouer sur des fonctions vitales. Enfin, une découverte extraordinaire vient d’arriver grâce à des Chinois qui ont démontré que les micro-ARN des végétaux que nous consommons ne sont pas détruits par la digestion, se retrouvent dans nos organes, et en modulent le métabolisme ! (Lin Zhang et al., Cell Research, 2011).
Ainsi la nature procède à un mélange fonctionnel des ordres végétal et animal. Sans être totalement soumis à quelque loi végétalienne, nous voici sommés d’admettre que nous sommes de la nature : le fonctionnement de nos cellules hépatiques est modifié par un grain de riz comme l’est certainement celui de nos cellules pulmonaires par un épi de maïs ou de nos cellules musculaires par une feuille d’épinard.
Que les carnivores exclusifs ne s’imaginent pas à l’abri : la même chose doit arriver avec des micro-ARN de bœuf, de dinde, de grenouille ou de moule.
Le message de ces innombrables ovnis demeure infinitésimal dans le bruit métabolique mais il signe une fusion certaine des ordres biologiques, capable de moduler notre physiologie et donc nos pathologies.
Quelles leçons tirer de cette découverte ? D’abord, on constate qu’elle a fait couler beaucoup moins d’encre médiatique que n’importe quel bricolage aventureux opportunément annoncé juste avant un téléthon. Mais on observe aussi que les rares commentaires, essentiellement par des chercheurs, portent sur l’ouverture espérée à des tests pour prévenir des risques pathologiques ou à de nouvelles technologies pour éviter ces pathologies. Sans nourrir une critique de l’improvisation qui a diffusé les OGM ou la thérapie génique avant qu’on dispose de la connaissance suffisante du monde vivant pour pouvoir prétendre à sa « maîtrise ». D’autant que cette découverte considérable survient au moment même où les biotechnologies s’orientent vers la création d’une nouvelle classe de plantes transgéniques consistant en l’introduction de séquences codant des micro-ARN dans des plantes comestibles pour en modifier les propriétés. C’est-à-dire qu’on va faire entrer dans la chaîne alimentaire des molécules dont on découvre des propriétés insoupçonnées qu’on ne connaît pas encore ! Comme si chaque brèche ouverte dans l’immense ignorance autorisait la suffisance scientiste à faire comme si on avait tout compris, à nier qu’il reste d’innombrables inconnues dont une seule peut suffire à ruiner l’édifice technologique. Faute d’humilité, nos productions brevetables sont souvent des injures à l’intelligence.
Jacques Testart
l’Humain végétalisé / 2011
Texte publié dans Libération le 14 octobre 2011
Voir également Chimères n°75 Devenir-Hybride
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Gyohei Zaitsu, danseur Butô
1 « Dysphylaxie », in Lilith / Nouvelles, Livre de Poche 1989.

Brice Dellsperger – Body Double : aux frontières du réel / Mickaël Pierson / Chimères n°75 / Devenir-Hybride

Présent sur la scène de l’art contemporain depuis les années 1990, Brice Dellsperger poursuit à travers son œuvre une recherche sur les formats de distribution (cinéma, vidéo, clip) et a souvent recours à des performers pour mettre en image ses obsessions sur la puissance imaginaire du cinéma hollywoodien, le voyeurisme et l’érotisme. Depuis 1995, il a entrepris avec Body Double un vaste projet de remakes de séquences, ou parfois de films entiers (Body Double X en 1998 d’après l’Important c’est d’aimer, de Zulawski), de monuments du cinéma contemporain, essentiellement américains. Dans chaque segment retourné, les personnages du film original sont interprétés par un unique acteur, plus rarement par plusieurs. Homme ou femme, l’acteur ou l’actrice choisi(e) revêt l’identité de tous les personnages et joue successivement tous les rôles. Dans Body Double X (1998), l’artiste et performer Jean-Luc Verna incarne donc Servais, le photographe déchu, puis Nadine l’actrice ratée et enfin son mari éploré. Tous ces personnages se retrouvent ensuite au sein d’une même image par le biais d’un travail d’incrustation. Sur ces nouvelles images, Dellsperger appose la bande-son originale du film. L’acteur et ses personnages ont donc la voix de leurs modèles. Si le remake est fait à l’identique (respect du découpage, du cadre, du rythme et des intentions de jeu des acteurs originaux), le nouveau film est constamment décrédibilisé : par la répétition du même visage et du même corps sur des personnages différents, par l’impossibilité pour les regards de se croiser, par l’écart entre le corps et les voix, etc. Si l’acteur doit normalement se faire oublier derrière son personnage, se fondre en lui pour lui donner naissance, le personnage chez Dellsperger devient le support d’un corps, une bannière qui occupe et barre l’écran, se superpose à l’histoire jusqu’à la faire oublier. La série des Body Double est une mise en avant du corps. Le film n’est plus un réservoir à fictions, mais le réceptacle d’un corps qui s’expose au plus près de l’image.
Le titre donné par l’artiste à ses remakes est toujours Body Double suivi du numéro du film. Il en existe aujourd’hui vingt-sept, plus Body Double X. Dellsperger joue avec la signification de ce titre : corps double, doublure. Le nouvel acteur mime la performance de l’orignal, s’empare de ses gestes et de sa voix, poussant à l’extrême la pratique de la « doublure corps » au cinéma (l’acteur remplacé par le corps d’un autre, essentiellement pour les cascades, mais aussi parfois pour les scènes de nu). Cela fait également référence au film original qui est retourné, redoublé, mais aussi à la diffusion en boucle du film dans l’espace d’exposition. Mais ce terme générique provient avant tout d’un film de Brian de Palma sorti en 1984 : Body Double. Dans cet hommage au cinéma hitchcockien, le réalisateur américain raconte une histoire de voyeurisme. Outre le fait que ce film, son réalisateur et l’artiste partagent les mêmes initiales (BD), c’est le thème même de Body Double qui intéresse Dellsperger, autant que la réputation de Brian de Palma très critiqué dans les années 1980 pour son cinéma extrêmement référencé. Par cette citation directe, Dellsperger engage un processus de relecture d’un cinéma populaire. L’artiste a d’ailleurs utilisé ce film de de Palma pour Body Double 2 et Body Double 3. Il s’est d’ailleurs attaqué, entre autres, à Dressed to kill et The Black Dahlia du même réalisateur, mais aussi à Twin Peaks et Mulholland Drive de David Lynch, My Own Private Idaho de Gus Van Sant, le Retour du Jedi de George Lucas, Flashdance d’Adrian Lyne, l’Année des treize lunes de Rainer W. Fassbinder, Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick…
Si l’usage d’un acteur unique pour plusieurs personnages est toujours surprenant, il est tout de même relativement fréquent au cinéma. On peut à ce titre évoquer quelques exemples assez célèbres. Playhouse (Frigo Fregoli) est un film burlesque muet réalisé par Buster Keaton et Eddie Cline en 1921. L’action se déroule dans un théâtre et Keaton incarne tous les personnages, des musiciens de l’orchestre au public dans la salle, hommes, femmes et enfants confondus. Ce procédé infiltre même le scénario du film puisqu’un personnage dans l’assistance regarde le programme de la soirée sur lequel est inscrit pour tous les intervenants du spectacle (metteur en scène, acteurs, techniciens) le même nom : « Buster Keaton ». Il s’exclame alors « Ce Keaton semble faire le spectacle à lui tout seul ». Cette part d’ironie se poursuit lorsque Keaton rencontre de vraies jumelles, offrant ainsi de nombreuses situations loufoques et troublant davantage le procédé d’origine. Un autre film fameux use du redoublement d’un acteur : Noblesse Oblige (Kind Hearts and Coronets) de Robert Hamer en 1949. Adapté d’une nouvelle de Roy Horniman, il raconte l’histoire d’un jeune homme renié par sa famille noble. Pour se venger et gagner le titre de duc, il assassine un à un tous les héritiers. Les huit membres de la famille (un colonel, un archevêque, une suffragette, etc.) sont incarnés par le même acteur, Alec Guinness. Bien que fort drôle, le film ne fait pas se confronter l’acteur et ses doubles puisque Guinness apparaît toujours seul à l’écran, les divers personnages qu’il incarne ne se rencontrent dans aucun plan. Plus récemment, et bénéficiant de nombreux avantages techniques par rapport à ses prédécesseurs, Tron : l’héritage (Joseph Kosinski, 2011) fait se confronter le créateur et sa créature maléfique, tous deux joués par Jeff Bridges, dans le même plan. La confrontation d’un même acteur dans le plan fait la spécificité du travail de Dellsperger. Si le tournage d’une même scène se fait en décalé, personnage par personnage, au final chez lui le corps unique se trouve confronté à lui-même : chaque personnage est incrusté par trucage vidéo sur un même fond évoquant plus ou moins fidèlement le décor original. Un dialogue aussi factice qu’immédiat s’établit entre les personnages. Dellsperger avance par oppositions successives : un seul corps mais plusieurs identités dans des temporalités nécessairement différentes, mais pourtant toujours dans le même espace.
Pour Body Double, Brice Dellsperger fait souvent appel à des performers professionnels. A l’origine, le terme anglais performer équivaut à celui d’acteur. Mais son utilisation en français est bien plus spécifique. Elle recouvre deux champs distincts : dans le milieu artistique celui de l’acteur/exécutant de la performance, dans le milieu de la nuit celui de l’acteur/danseur/effeuilleur sur scène. Dellsperger joue évidemment de cette double orientation. Ainsi, on retrouve souvent à l’affiche des Body Double des performers plus proches du monde de la nuit que des réseaux artistiques. Souvent professionnels du travestissement, leur pratique rencontre alors celle du jeu d’acteur. Mais le collaborateur le plus récurrent des Body Double est sans conteste l’artiste Jean-Luc Verna, aussi connu pour ses talents de dessinateur que pour son corps-œuvre extrêmement travaillé, couvert de tatouages et de piercings. Corps d’homme dans un rôle d’homme ou corps d’homme dans un rôle de femme, corps de femme dans un rôle de femme ou corps de femme dans un rôle d’homme : Dellsperger recherche l’écart, le physique souvent sculptural à contre-emploi dans une rencontre inattendue. C’est un corps qui est mis en avant dans ces vidéos : un corps au travail, un corps disponible et investi, et un corps travesti.
Dans Body Double 1, d’après Pulsions de Brian de Palma (1980), Dellsperger incarne lui-même tous les personnages de la séquence. Il a choisi le moment du meurtre de Kate Miller dans un ascenseur alors qu’elle allait rejoindre son amant. Liz Blake, une prostituée, a vu la scène dans le miroir de la cabine. Ce que l’on ne sait pas forcément en voyant le remake de Dellsperger, mais qui offre tout son sens au choix de l’artiste, est que le personnage de l’agresseur est en fait « une femme dans un corps d’homme », dont le psychiatre (qui s’avère le même que celui de sa victime) refuse l’agrément pour une opération de changement de sexe. Ainsi, l’utilisation d’un homme pour incarner ce personnage apparait logique. Dellsperger ne fait qu’achever l’histoire de Brian de Palma et la rendre même plus cohérente en brisant la volonté illusionniste du cinéma. La plus grosse intervention de l’artiste est le remplacement de tous les acteurs, hommes et femmes, par un seul et même interprète masculin. La victime, le meurtrier et le témoin sont donc des hommes, un seul et même homme : l’artiste travesti. L’inversion masculin/féminin et le travestissement, éléments récurrents de la pratique cinématographique, sont ici radicalisés. Dans ses films, c’est un seul et unique corps qui communique avec lui-même : la multiplicité devient l’unique, le tous devient le un. Il n’y a plus qu’un corps confronté à ses doubles dans un ballet schizophrène. Dès lors, Dellsperger met en avant les ambivalences du jeu d’acteur. Le rôle du comédien est, avec son propre corps, d’incarner une autre personne. Ainsi, puisque un même acteur est amené dans sa vie à incarner une multiplicité de rôles, pourquoi ne pourrait-il pas interpréter les différents personnages d’un même film ? Le meurtrier, la victime et le témoin, liés ensemble de manière intime par l’acte partagé, ne font plus qu’un. Le corps devient multiple. Chez Dellsperger, je est toujours un autre.
Mickaël Pierson
Brice Dellsperger – Body Double : aux frontières du réel / 2011
Extrait du texte publié dans Chimères n°75, Devenir-Hybride
bricedellsperger.com
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