« Et tout d’un coup, nous sentons que nous ne sommes plus les mêmes forçats. Il n’y a rien eu. Et un problème dont on ne voyait pas la fin, un problème sans issue, un problème où tout le monde était aheurté, tout d’un coup n’existe plus et on se demande de quoi on parlait. C’est qu’au lieu de recevoir une solution, ordinaire, une solution que l’on trouve, ce problème, cette difficulté, cette impossibilité vient de passer par un point de résolution pour ainsi dire physique. Par un point de crise. Et c’est qu’en même temps le monde entier est passé par un point de crise pour ainsi dire physique. Il y a des points critiques de l’événement comme il y a des points critiques de température, des points de fusion, de congélation ; d’ébullition, de condensation ; de coagulation ; de cristallisation. Et même, il y a dans l’événement de ces états de surfusion qui ne se précipitent, qui ne se cristallisent, qui ne se déterminent que par l’introduction d’un fragment de l’événement futur ».
Charles Péguy / Clio, N.R.F., p.269, lu dans Différence et répétition, Gilles Deleuze, Puf, p.244.
The Cat, The Reverend and The Slave est un film documentaire d’Alain Della Negra et Kaori Kinoshita sorti en 2010. L’Homme inventé à la Renaissance y est résolument mort. Le film suit les existences dédoublées, voire démultipliées, de plusieurs joueurs de Second Life, entre un monde brick and mortar où la vie semble réduite à peau de chagrin et ce jeu en réseau où les avatars se baladent dans un imaginaire où tous les rêves sont accomplis.
Monde réel : mobil home, décoration sinistre, vie pavillonnaire grise reproduite à des millions d’exemplaires aux Etats-Unis. Second Life : somptueuse maison sur pilotis au bord de la mer, le jeu reproduit jusqu’aux feuilles de palmiers qui frémissent au vent. Un couple de jeunes adultes racontent la vie qu’ils mènent derrière un écran d’ordinateur. Ça ne m’étonne pas de toi, tu as toujours vécu sur une île fantastique, conclut la mère d’un jeune homme, après l’avoir longuement écouté.
Ce quadragénaire s’est lancé dans le jeu avec un avatar de femme, je ne devais pas me faire repérer ! A la recherche de sa compagne, elle est partie un soir, au beau milieu de la nuit, rejoindre un maître goréen. Elle passait la plupart de son temps sur SL, alors il a décidé de la traquer sur le réseau. C’est de cette manière qu’il a rencontré sa nouvelle épouse. Elle l’a aidé à comprendre les ficelles du jeu comme la télé-transportation. Depuis, il a traversé le pays pour vivre avec cette femme engraissée à la malfbouffe. Comme il compte monter un espace virtuel peuplé d’escorts-girls au-dessus de son magasin de jouets, celle-ci multiplie les scènes de ménage.
Kris, The Slave appartient à la communauté des goréens adeptes des rapports maîtres/esclaves. On l’observe travestir son avatar avant d’expliquer qu’il est soumis à un motard, membre d’un gang, un gars ventru, chevelu et gentil, qui ressemble au Père-Noël. Mais particulièrement strict. Mon maître a sous ses ordres un nombre impressionnant d’esclaves. Je ne sais pas comment il fait pour s’occuper de tous ces gens. The Slave, lui- même, est le maître de trois filles et de deux animaux domestiques, explique-t-il. La photo d’une de ses esclaves apparaît sur son écran. C’est moi qui contrôle sa vie sexuelle dans la vie et dans Second Life. Encore une fois, les rapports s’installent dans le monde virtuel avant de contaminer ce qui se passe au-delà de l’écran, et voilà les joueurs qui parcourent des milliers de kilomètres pour reformer des rapports maîtres/ esclaves réels. Il espère emménager rapidement avec ses trois filles pour fonder une famille, dès qu’il en aura les moyens.
Benjamin, The Reverend est subventionné par l’église de sa région. Aidé de sa femme, il est rentré sur SL pour lutter contre le pêché. Il y a des sex shop et des bordels sur Second Life, alors il fallait un endroit pour les sauver. J’ai offert une importante somme d’argent à une prostituée virtuelle pour qu’elle m’accompagne. Elle a pris l’argent et m’a suivi. On visite une église en 3D à l’intérieur de laquelle traînent quelques curieux entre deux bancs de messe. Parmi eux, un avatar a revêtu la tenue de Superman.
Marcus, The Cat, porte des oreilles de chat. Voilà qu’il se retourne, avec sa queue de chat, et bondit de marches en marches jusqu’en haut des escaliers qui conduisent à sa chambre. C’est un furrie, une communauté où chaque membre est à la recherche de son moi animal profond. Les furries existaient avant Second Life, mais le jeu leur a donné une visibilité accrue, et le fur-curious se sont multipliés, comme ce jeune homme interviewé qui se rend à une convention « réelle » de furries et se voit parrainé par The Cat. The Cat explique, je suis hyperactif. J’ai toujours agi comme un chat. Notre capacité d’attention est comme ça. Ce qui brille, on le suit des yeux. Avec son accoutrement et ses réflexes de chat, on l’observe clamer devant un passant qui l’observe : je suis un chat ! On assiste bientôt à un défilé de peluches géantes qui se rendent à une fête technoïde où la stupeur gagne en intensité, alors qu’on les voit s’agiter sur la musique en remuant des bracelets fluos qui éclairent leurs fourrures dans la pénombre. Les plans du documentaire alternent avec le jeu virtuel où la même ambiance est reproduite, mais cette fois, ce sont leurs avatars qui se trémoussent. Puis retour aux humains déguisés en animaux qui gesticulent…
Le documentaire se termine par Burning Man, cette fête païenne immense qui a lieu tous les ans dans le Nevada où se retrouvent artistes et technophiles en tout genre, des surdoués de la Silicon Valley aux communautés les plus extravagantes venues communier ensemble dans cette utopie temporaire et renouvelable. Un vieux baroudeur à l’origine de cet événement devenu phénomène de masse nous parle de notre avenir. Dans quelques années, on portera des lunettes qui permettront de vivre en continu dans SL en parallèle à la vie « réelle ». On sera dédoublé en permanence. Notre avatar deviendra à son tour « réel » et se baladera à Burning Man, alors qu’on sera à des milliers de kilomètres de là. Si notre avatar dépose un objet par terre, un homme ou un autre avatar « réel » sera en mesure de le récupérer.
A la fin du film, les spectateurs partagent une sorte de fascination goguenarde mêlée d’inquiétude. Des âmes perdues, de la science-fiction, c’est ce qui ressort des commentaires, comme s’il existait un mur étanche entre ces joueurs aux identifications déterritorialisées et ceux qui disposeraient de repères encore bien ancrés dans le dit « réel ».
Le jeu : l’imprédictibilité dynamique et la persistance comme principes
Second Life partage des traits communs avec des jeux tels que World of Warcraft, où des communautés émergent à partir des groupes qui se constituent autour d’une aventure commune, mais il propose une expérimentation d’un autre type où la question des identifications dépasse de loin celle d’un jeu de rôle. Il ne s’agit plus de jouer un rôle, mais d’inventer des identités en devenir permanent.
Contrairement aux autres MMORPG (jeux de rôle en ligne massivement multi-joueurs), Second Life (SL) ne propose pas de quête ou d’objectif, il n’y a rien à gagner.
L’article de Marie Lechner, Annick Rivoire, la Double vie du deuxième monde (1), en fait une description minutieuse et colorée :
« Rien n’est bâti à l’avance et aucune règle n’est prédéfinie. »
« C’est un monde ouvert, entièrement fabriqué par ses utilisateurs, grâce aux outils de modélisation 3D mis à leur disposition. On y vient pour « maçonner », s’acheter un bout de terrain, faire des rencontres et discuter, gagner de l’argent ou simplement s’amuser. Second Life est un univers de bâtisseurs au développement infini et imprévisible, boosté par la créativité individuelle et le travail collaboratif, résume le webphotographe Marco Cadioli, qui immortalise les mondes virtuels. »
« Cette imprédictibilité dynamique, c’est précisément ce qui fait tout le sel de Second Life. Du coup, le point de vue que l’on adopte, catastrophiste ou optimiste, détermine largement ce qu’on en raconte : d’un côté, la duplication aseptisée du cauchemar américain ; de l’autre, l’idée du laboratoire expérimental inventant une socialisation au jour le jour. »
Le jeu a également la propriété d’être persistant, ce qui signifie que le monde ne disparaît pas dès que le joueur se déconnecte. Les autres joueurs continuent à le faire vivre et évoluer.
Si aujourd’hui Second Life risque de s’écrouler en raison d’une période de croissance exponentielle, alors qu’en réalité 90% des joueurs n’ont joué qu’une seule fois et restent inactifs, il est peut-être la préfiguration de nouvelles formes de devenir.
Des naufragés du quotidien aux super-consommateurs virtuels
Les lieux de vie décrits semblent la plupart du temps plus irréels que le jeu lui-même. De vastes zones pavillonnaires avec des routes interminables. Une séquence du documentaire l’illustre particulièrement bien, alors qu’on découvre quatre goréens assis dans l’herbe, venus parler de leurs expériences SM sur Second Life. Tout à coup, le plan s’élargit, et on s’aperçoit qu’ils ne sont pas au milieu d’un espace vert, mais sur le terre-plein d’un parking géant entouré d’enseignes de supermarché. Quant à la décoration des maisons, elle est quasi inexistante, un ordinateur ronronne, des objets kitsch parsèment la pièce, ou des peluches sur un canapé. Les habitats et les extérieurs filmés tout au long du documentaire donnent un sentiment de désolation. De vastes zones que l’on traverse en voiture, où chacun vit reclus dans son pavillon, sans vie sociale. Une résonance avec l’immense école labyrinthe déshumanisé d’Elephant de Gus Van Sant.
Ces joueurs d’un genre nouveau semblent venir d’un même désert urbain ou pavillonnaire.
Second Life accueille pourtant une population variée au-delà des classes sociales, et de nombreuses entreprises ont également déployé leur « succursale » dans le jeu. Pourtant le documentaire se focalise sur des mondes plus marginaux qui développent des pratiques peut-être plus intéressantes qu’une simple reproduction de l’existant dans l’espace virtuel. En effet, dans ces univers décomposés, les possibilités du jeu sont investies de façon beaucoup plus poussée, ce qui donne lieu à la création de véritables modes d’existences.
Parmi les caractéristiques des personnes suivies, on retrouve souvent une situation d’isolement, j’ai été beaucoup seul dans ma vie, raconte The Slave, et un décalage infranchissable entre l’American Way of Life version 2010 et leur possibilité de le réaliser. Dans Second Life, je suis accro au shopping, ce qui est impossible dans ma vraie vie. Là, c’est la première fois que je me suis fait refaire les seins, dit une joueuse.
Second Life reproduirait les pratiques de consommation en les démultipliant, plus de sexe, plus de shopping. Les joueurs semblent alors se rabattre sur la réplique virtuelle des univers symboliques dans lesquels ils baignent déjà. Ces espaces répondraient-ils de façon simple et immédiate aux désirs conformistes de ces naufragés du « réel » ?
Et comment les joueurs peuvent-ils passer autant de temps dans cette foire aux illusions ? C’est la première interrogation qui fascine le spectateur. La puissance de capture de Second Life renvoie à la question de l’investissement psychique. Quel est donc ce réel auxquels les spectateurs essayent encore de s’accrocher ? La puissance imaginaire d’un objet ou d’un univers dit « réel » aurait-elle un privilège sur sa reproduction virtuelle, à partir du moment où l’investissement psychique ne dépend pas de la consistance physique d’une représentation ? Il existe d’irréductibles acheteurs de CD qui veulent tenir entre leurs mains le support de la musique qu’ils écoutent, les fichiers mp3 représentant pour eux une déperdition de réel. Espèce nostalgique en voie de disparition…
D’autant plus que l’avatar permet d’investir une nouvelle image de son corps, de peaufiner son idéal du moi. Ajouter à cela, les pratiques qui reproduisent le réel, se rencontrer, faire l’amour, acheter un terrain, spéculer, faire des transactions avec d’autres joueurs…
Dans l’article Persistant Suburbs (2), Alain Della Negra et Kaori Kinoshita proposent un séquencier préparatoire à leur documentaire. « Séquence 9. Intérieur jour – Appartement de John Il s’inquiète du peu de revenus de Vanessa. Cessant de sourire, elle lui reproche d’avoir fait un mauvais investissement avec ses machines à sous, qu’il a payées plus de 6000 Linden dollars. Ils parlent de l’île qu’ils ont achetée 1000 Linden dollars. »
Le Linden est une devise réelle, échangeable avec le dollar. Les coordonnées du monde « réel » tissent les subjectivités des joueurs qui se mettent à reproduire au rabais des actions qu’ils n’auraient pas eu la possibilité de réaliser de l’autre côté de l’écran. La frustration de ces citoyens de seconde zone pourrait entraîner la création d’agencements politiques qui leur permettent de retrouver un lien social avec du sens, d’autres valeurs, mais curieusement, cette possibilité ne vient même plus à l’esprit. La question politique abordée sous cette forme semble devenue inexistante ou archaïque, la décomposition du décor et des modes d’existence ayant balayé ces imaginaires.
Ou alors, il s’agira de militants et d’artistes qui poursuivront leurs luttes en les reconduisant sur SL sous des formes nouvelles ou par des expérimentations étonnantes (3). « Second Life étant le théâtre de multiples rassemblements publics anti-G8, pour le Darfour et contre la pédophilie (en vrac), Frankie Antonioni loue des manifestants à des groupes, quels qu’ils soient et quelle que soit la cause qu’ils défendent… »
« Des groupes comme la Second Life Liberation Army (SLLA), qui critique la dérive autoritariste et exige des droits pour les avatars, s’emploient à poser des bombes contre des marques emblématiques. Des attaques d’un nouveau genre : elles sont graphiques et ne détruisent pas réellement le bâtiment, mais ralentissent ou plantent le serveur dans le meilleur des cas. »
« La région virtuelle de Neufreistadt cherche par exemple à implémenter de nouvelles formes démocratiques à l’intérieur de Second Life. Outre son charmant look de village bavarois, son château, son église et son Bier Garten souvent noyés dans la brume, la région s’est dotée d’une constitution, d’un gouvernement, d’une assemblée représentative élue, de lois et d’une institution judiciaire. Neufreistadt est partie prenante d’un laboratoire politique plus vaste, la Confederation of Democratic Simulators (Confédération des simulateurs démocratiques), regroupant plusieurs outils de simulation où les citoyens participent au gouvernement et influencent l’évolution de leur ville par le biais d’élections. »
Pour la plupart des autres joueurs, le monde de la super consommation ne présente pas d’alternative, quitte à acheter cent mille fois moins cher un ersatz virtuel de ce qui n’est accessible qu’aux plus fortunés. Une maison de rêve sur une île déserte, une chirurgie esthétique virtuelle, il n’y a plus de limite à leur désir reterritorialisé dans le cyberespace.
Du détachement du corps aux identités fluctuantes en devenir
Ceci dit, il subsisterait une différence majeure entre une vie dite « réelle » et un jeu en réseau. C’est le détachement du corps. Ce n’est plus un corps qui vit et jouit directement, mais un corps qui vit et jouit au travers d’un avatar. C’est désormais dans l’image de l’avatar qu’on se reconnaît, c’est l’avatar qui consomme, s’habille et baise.
Il existe des pods qui permettent de donner une extension sensitive aux corps, et sans doute qu’à terme, un corps sera en mesure de vivre à l’identique ce que vivra son avatar, jusqu’à l’impression du mouvement. Comment le dit « réel » pourra-t-il lutter contre ces sensations intensifiées où la jouissance de notre corps pourra toujours repousser les limites, d’autant plus qu’il éprouvera non seulement les mêmes sensations que dans le dit « réel », mais qu’on lui fera également vivre des sensations inédites ?
Imaginons une multitude de corps isolés, recouverts de pods et connectés ensemble en réseaux. Le fantasme de Matrix n’est plus aussi invraisemblable. Le film Avatar, avec cet humain en chaise roulante qui se trouve propulsé dans un corps plus puissant, plus beau, plus intense et branché en réseau cybernétique à la planète Pandora est un autre symptôme de cette prémonition.
Cependant d’après le film documentaire, la fuite dans la matrice est une lecture dépassée. Le jeu entraîne la rencontre des corps quitte à reproduire les mêmes règles. Plutôt que de vivre derrière un écran, l’aller-retour avec le réel est permanent, faisant même déchoir cette notion.
Si Facebook transforme le sujet en produit de catalogue en le décomposant en un agrégat d’informations identitaires liées à la chaîne des relations que constituent son réseau social, Second life offre la possibilité de vivre d’autres vies en s’appropriant des Mois étranges et fluctuants.
En effet, bien que SL reproduise en partie notre univers, les joueurs, eux, ne sont pas leurs propres répliques, et au-delà de leurs Mois idéaux rêvés, les coordonnées identificatoires se déterritorialisent pour donner corps à des possibilités de vies inédites. Devenir un esclave ou un Moi animal, les communautés des goréens et des furries l’illustrent de façon frappante. Michael Stora, psychanalyste, témoigne de l’usage de Second Life dans son travail (4) :
» – Mon second patient est marié, la quarantaine, trois enfants. Il a une vraie envie homosexuelle et même un fantasme de travestissement, mais n’a jamais osé passer à l’acte. Il a choisi un avatar de femme plutôt androgyne et s’est acheté un pénis escamotable, invisible sous ses vêtements… La dernière fois, il a rencontré un homme qui a très mal réagi lorsqu’il a découvert qu’il cachait un sexe d’homme sous son apparence féminine. Il a donc décidé de se créer un nouvel avatar, masculin cette fois-ci. Mon travail est de l’aider à faire un choix sexuel : s’il s’incarne en homme, peut-être ira-t-il dans le sens d’une homosexualité mieux vécue. Mais le fait de se simuler dans un premier temps comme une femme, objet de désir pour d’autres hommes, l’a aidé à assumer son désir homosexuel.
- Vous avez le projet de créer une île thérapeutique. Les avatars consulteraient-ils pour des problèmes liés à leur vraie vie ? Ne s’inventeraient-ils pas aussi des problèmes imaginaires ?
- Non, je n’y crois pas du tout. L’avatar représente une part obscure de soi, que l’on a refoulée ou réprimée, mais qui a toujours été là. Ce sont donc des personnes réelles qui viendraient consulter par le biais de leur avatar… »
Ici, bien au-delà du fantasme de travestissement tel qu’analysé par le psychanalyste, l’avatar devient la composante d’une personnalité en évolution qui lui permet d’expérimenter de façon douce, avant de vivre ces déplacements avec son propre corps.
Marcus, The Cat, explique à un jeune fur-curious qu’il a commencé par être escort, ce qu’il n’est plus. Concernant ses amours, il était l’animal domestique d’une joueuse avant qu’ils n’entretiennent un rapport amoureux et égalitaire.
A la fin de la projection, Elie During, philosophe, invité à commenter le documentaire explique qu’il ne s’agit pas de se refermer sur des identités nouvelles, mais de vivre des identités en devenir qui se recomposent au fil du temps, des identités qui seraient donc éclatées entre différents univers, des avatars que choisissent les joueurs, aux joueurs qui se déguisent en avatar, avec toutes les pratiques qu’ils reproduisent et modifient dans les espaces, réels et virtuels.
Mais les notions de réel et virtuel, en ce sens étroit perdent de leur pertinence, étant donné leur panachage dans la vie quotidienne. La mobilité des technologies qui nous accompagnent crée une multitude de dispositifs qui nous proposent depuis longtemps l’ubiquité permanente entre réel et virtuel ainsi que la multiplication de Mois co-existants. Certains pans de nos vies se déroulent en même temps que nos activités ordinaires, comme poursuivre une discussion par SMS ou répondre à ses mails tout en étant dans un autre contexte. Toutes ces habitudes acquises avec ces médias entre lesquels nous jonglons multiplient nos rapports à différents mondes ainsi que nos devenirs parallèles.
D’après l’artiste-architecte Stephan Doesinger (5), « l’architecture virtuelle ne se contente plus seulement de répliquer le monde réel. Dans Second Life, nous pénétrons dans un espace qui est plus qu’une simple métaphore de la réalité. C’est les deux à la fois, métaphore et réalité. Il semble que partout où l’espace physique et l’espace médiatique se croisent ou fusionnent, de nouveaux lieux émergent. Je les appelle « Bastard Spaces », espaces bâtards. Par exemple, lorsqu’on met le casque de son lecteur mp3 et qu’on se promène dans la ville, l’espace va changer radicalement selon que vous écoutiez Bach ou du thrash metal. Même l’espace public est un espace bâtard. Il est largement une construction médiatique. Un espace n’est plus un espace s’il n’est pas médiatisé. Le même constat vaut pour les gens, [...] vous n’existez plus en tant qu’être humain si vous ne vous médiatisez pas vous-même, via Youtube, Flickr, Myspace… Cela change notre manière de percevoir l’architecture réelle. »
De nouveaux modèles communautaires, rapports horizontaux et plurivers
Tout au long du documentaire, il apparaît que Second life permet non seulement de réaliser des désirs inaccessibles dans la vie de tous les jours, de réinventer son image, mais surtout de recomposer des liens. De véritables communautés se créent, se développent, prolifèrent, et repassent de l’autre côté de l’écran. Dans le documentaire, un joueur explique qu’il se lève à 4 heures du matin et se connecte avant de partir à son travail. Quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit, il trouve toujours un ami en ligne, sa communauté étant étendue sur plusieurs fuseaux horaires.
Par le réseau social, avec la multitude de joueurs interconnectés, chacun peut collaborer avec ses partenaires, pour construire son territoire en 3D par exemple, et il n’hésite plus à passer une partie de son temps dans un monde où ses compagnons séjournent autant que lui. L’effet de masse légitime l’espace virtuel et la pratique intensive du jeu. Les joueurs racontent fréquemment qu’ils communiquent mieux sur SL, libérés de leurs rôles sociaux, comme si le virtuel leur offrait la possibilité de tisser des relations plus réelles, tandis qu’elles seraient a contrario artificielles dans le réel.
La population des joueurs est bigarrée, loin des seuls geek qu’on se représente. Persistant Suburbs présente des portraits de joueurs allant de l’informaticien timide à la mère de famille, jusqu’à la business girl devenue créatrice de mode, etc. Les joueurs ne se rencontrant au départ que sous forme d’avatars, leurs nouvelles coordonnées balayent les repères classiques, disqualifiant les rapports verticaux. Dans ce modèle horizontal qui fonctionne par affinités, les notions d’adultes/adolescents, homme/femme, les catégories professionnelles sont remises à plat. Chez les goréens la morale familiale, sociale, religieuse, ou même républicaine, tous ces codes institutionnels massifs qui tissaient les comportements cèdent la place à des rapports personnels purs où il ne reste plus qu’à commander ou obéir, et à protéger et être protégé.
A la recherche d’un Moi animal, les furries ont un imaginaire imprégné de références à Walt Disney et à la science-fiction, un monde peuplé d’animaux anthropomorphes. Il existe un art furries, un langage furries. On peut néanmoins s’interroger sur la valeur de ces modes d’existences. Quel envoûtement étrange de vivre et de penser comme un « chat anthropomorphe » quel que soit le degré de sympathie qu’on éprouvait pour Tom et Jerry étant petit ?
Si l’on retrouve le même désir de communauté, il prend des formes différentes et multiples. SL n’est donc pas composé d’un univers, mais plutôt d’un plurivers, où des mondes coexistent les uns à côté des autres, sans forcément se rencontrer, à travers la même plate-forme technologique. Qu’il s’agisse de territoires ou d’identités, une sorte de fragmentation généralisée les éclate dans des co-existences parallèles.
Quelle analyse ?
Si l’on reprenait la thèse de l’Anti-OEdipe de Deleuze-Guattari, trois tendances concomitantes illustreraient un passage de seuil qui préparerait la création d’un nouveau corps plein, qui s’appellerait peut-être « éthique » (voire « cyber-éthique » ?), ou nouvel art des relations démultipliées au monde, à soi et aux autres. Il relèguerait le capital à une couche inférieure, de la même façon que le corps plein de la terre subsisterait derrière celui du despote, lui-même en retrait de celui du capital. En effet, la vitesse des lignes de fuite schizophréniques dépasserait désormais la capacité de recodage de l’axiomatique capitaliste, ce qui augurerait de nouveaux modes d’existence en dehors des mécanismes identificatoires connus.
Plutôt que d’approfondir un Moi interrogateur et psychologisant, il s’agirait désormais de mettre en œuvre une écosophie au sens de Guattari, c’est-à-dire envisager son existence en terme de rapports, à l’environnement, au socius, et aux productions de subjectivité. L’enjeu concernerait également le renouvellement de la question de la communauté repensée comme agencement collectif d’énonciation ou groupe sujet.
Pour la schizo-analyse, d’une part, la déterritorialisation qui chaotise les modes d’existence entraînerait l’exil de soi avec l’impossibilité d’adhérer au monde et d’autre part la construction d’identités narcissiques et tribales de plus en plus artificielles. La fragmentation de Mois en errance en dehors de coordonnées recodables résulte de la coexistence de ces tendances contradictoires. A partir de leurs durcissements et de leurs décompositions, des agencements d’un nouveau type commenceraient à poindre et capillariser.
L’exil de soi et du monde
Les processus de déterritorialisations entraînés par le capitalisme chaotisent les modes d’existence en multipliant les contradictions d’une société. Ces processus traversent tout le socius, n’épargnant aucune catégorie sociale, ni aucun recoin d’une planète globalisée.
Sang et Or de Jafar Panahi (qui date de 2003) décrit remarquablement l’exil de soi qui s’ensuit par une séquence qui met en scène la rencontre de deux individus venant de classes sociales opposées. Un ours mutique, livreur de pizzas, ancien combattant de la guerre Iran-Irak, sorte d’équivalent de De Niro dans Taxi Driver, absorbe toute la folie de Téhéran qu’il sillonne en mobylette. Il finira par se suicider après avoir braqué un bijoutier qui l’a poliment éconduit et humilié. Tout au long du film, il semble la proie d’une fatigue mentale, incapable de trouver une issue à sa condition misérable et aux nœuds psychiques qui l’entravent, aux contradictions dont il est le témoin : au nom de la loi islamique, la police traque sournoisement la jeunesse dorée qui organise des fêtes tout en rêvant d’y participer ; par ailleurs, une bourgeoisie dominante dispose toujours de ses privilèges, alors que la révolution aurait du les abolir ; au hasard d’une livraison, le client s’avère être son ancien commandant durant la guerre, homme désormais établi qui le reconnaît et lui dit avec émotion « Tu étais un juste », avant de lui donner une somme d’argent conséquente, nouvelle humiliation. Quelques séquences avant le dénouement, le livreur taciturne apportera des pizzas à un fils de famille tout juste rentré des Etats-Unis où il poursuivait ses études et qui habite le triplex à vue panoramique de ses parents. Ce jeune homme supplie le livreur de rester l’écouter car deux jeunes femmes viennent de quitter son appartement et d’annuler la soirée, en s’appuyant sur un prétexte tellement tordu qu’il déclenche chez leur hôte une crise de panique. Incapable de comprendre ce monde qu’il a quitté trop longtemps, et imprégné d’autres codes, il n’arrive plus à adhérer à son territoire d’origine. Le livreur l’observe imperturbable, en mangeant les pizzas, et sa propre déconfiture continue à creuser ses sillons dans son cerveau en vrac.
Narcissisme et virtuosité
Deux films colorés et ludiques sortis au même moment (fin 2010) sur le thème des amours de jeunes adultes illustreraient les deux autres tendances.
Les Amours imaginaires du virtuose Xavier Dolan raconte l’histoire d’un jeune homme et de son amie qui tombent amoureux du même garçon, étrange amour pour un garçon manipulateur pour qui le monde ne semble tourner qu’autour de son nombril. Ces dandys à l’apparence très sophistiquée où se mêlent créativité et narcissisme, offrent une image d’eux-mêmes tout en façade qui semble déterminer leur valeur d’échange, proportionnelle à leur vide intérieur. C’est un monde identificatoire et tribal, caricature poussée à saturation dans le film, qui durcit des codes autour de la marchandise. D’où la tension entre les personnages qui dégagent une puissance narcissique et spectaculaire au sens de Debord.
Très fortement imprégné de pop-art, le film multiplie les poses ténébreuses et acidulées, accompagnées de tout un jeu de références, retournant l’humour mélancolique de Warhol sur la marchandise en art fétichisé marchand. Les Mois semblent s’être intensifiés dans des images de plus en plus tendues où la haine perce à travers les sarcasmes. Fantasmes de Mois blessés qui s’affrontent dans un univers étouffant où il ne se passe rien, où des énoncés creux tournent en vase clos. Tribus artificielles aux clichés surinvestis, quitte à les faire chatoyer par une créativité toujours plus grande, avec des personnages qui semblent tous cacher la même faille. Peut-être le Moi ne renvoie qu’à lui-même, fantasme de souveraineté renforcé par l’angoisse de sa désintégration. Leurs codes sont défaits, et ils s’y accrochent encore en les durcissant. Dans le fond, ils savent qu’ils sont composés de choses mortes et font semblant d’être encore vivants.
« Là où les codes sont défaits, l’instinct de mort s’empare de l’appareil répressif, et se met à diriger la circulation de la libido. Axiomatique mortuaire. On peut croire alors à des désirs libérés, mais qui, comme des cadavres, se nourrissent d’images. On ne désire pas la mort ; mais ce qu’on désire est mort, déjà mort : des images. » (6)
La reterritorialisation des Mois et l’éclatement des catégories
Kaboom, le film déjanté de Gregg Araki, trace à l’inverse le devenir schizo et humoristique d’un étudiant dans un monde qui se délite. Bi-sexuel, il couche allègrement avec garçons et filles quand les personnages ombrageux et névrosés des Amours imaginaires se contentent de fantasmer leur désir impossible.
Au fil des apparitions fantastiques, le vertige fera peu à peu faire perdre pied au héros, son Moi, en prise avec l’angoisse, sera de plus en plus contaminé par la bizarrerie, et au final, personne ne se révèlera celui qu’il est vraiment. Dans Kaboom, les personnages frisent également la caricature, mais sans gravité ni sérieux, à l’inverse d’un durcissement. Il va s’avérer que la réalité n’est qu’un jeu de rôle où chacun fait semblant d’occuper une place en conformité avec son environnement, comme celle d’être étudiant. Or, derrière ces apparences se cache un autre jeu où se trame un affrontement bizarre entre deux camps : une secte animale maléfique qui met le monde en péril, et le camp de ceux qui luttent contre ce danger. Intrigue délirante, mais tout semble acceptable tant le jeu des identités est devenu loufoque et secondaire, tant les codes de la vie étudiante américaine, à force d’être rabâchés par le cinéma, semblent usés, ouvrant la voie aux déterritorialisations les plus extravagantes.
En revenant au film documentaire The Cat, The Reverend and The Slave, avec toute sa ménagerie fantastique, il pulvérise lui aussi les catégories homme/femme, humain/animal, entraînant un jeu combinatoire schizophrénique où les modèles se déterritorialisent et se reterritorialisent sans fin.
Peut-on vraiment songer au concept de devenir animal de Deleuze-Guattari en voyant ces furries à la recherche de leur moi profond ? Derrière toutes ces déterritorialisations, l’axiomatique capitaliste tourne toujours à plein régime, et il reste toujours un fond de revendication identitaire. Mais une sorte d’humour insensé la ridiculise en inventant des catégories nouvelles qui la transforment en bouffonnerie. Vous voulez de l’identité ? Très bien, je suis un chat ! affirme Marcus… Et vous ?
« Foucault annonçait en ce sens un âge où la folie disparaîtrait, non pas seulement parce qu’elle serait versée dans l’espace contrôlé des maladies mentales (« grands aquariums tièdes »), mais au contraire parce que la limite extérieure qu’elle désigne serait franchie par d’autres flux échappant de toutes parts au contrôle, et nous entraînant (Michel Foucault, « La Folie, l’absence d’œuvre », La Table ronde, mai 1964 (« Tout ce que nous éprouvons aujourd’hui sur le mode de la limite, ou de l’étrangeté, ou de l’insupportable, aura rejoint la sérénité du positif… »). On doit donc dire qu’on n’ira jamais assez loin dans le sens de la dé-territorialisation : vous n’avez encore rien vu, processus irréversible. Et quand nous considérons ce qu’il y a de profondément artificiel dans les re-territorialisations perverses, mais aussi dans les re-territorialisations psychotiques hospitalières, ou bien névrotiques familiales, nous nous écrions : encore plus de perversion ! encore plus d’artifice ! jusqu’à ce que la terre devienne tellement artificielle que le mouvement de déterritorialisation crée nécessairement par lui-même une nouvelle terre. » (7)
Le héros de Kaboom s’angoisse devant l’immixtion du fantastique et annonce le basculement de l’ordre ordinaire : « L’étrange est devenu la règle ». La folie vient désormais du dehors. Les pouvoirs ex-humains des personnages, dopés par la technologie et devenus sorciers, leurs yeux qui s’éclairent d’un devenir animal hypnotisent et capturent, abolissent le monde de la représentation et de l’échange symbolique. Un délire humoristique emporte alors le récit, avec en toile de fond ce chef de la horde, gourou d’une secte de pauvres types masqués en animaux, à l’instar des furries, mais beaucoup plus inquiétants, et se livrant à des sacrifices humains. Dionysos avec son humour noir délite les dernières structures du monde. Et ce Chef de la horde, expert en manipulation des masses après un doctorat en psychologie, représentatif d’une société de perversion, déguisé en demi-dieu grec (ou empereur romain ?) ridicule et sinistre, n’a plus qu’une seule perspective : couronner son fils pour qu’il prenne sa relève, ou alors il concrétisera cette jouissance déchaînée qui semble emporter le monde dans un tourbillon, en appuyant sur un gros bouton rouge qui fera sauter la planète dans un déferlement atomique. Contre ce père inconnu qui veut en faire son successeur, le fils prendra le parti de ses amis ligotés, venant du camp adverse. Contradiction entre un père tout-puissant et jouisseur qui recherche son fils pour en faire un Super Moi à son image, et ce fils qui ne s’envisage que dans son rapport aux autres et se révolte.
Les énoncés collectifs qui émergent
Dans nos cultures classiques, nos Mois étaient solidement liés à des repères structuraux. Le capitalisme accélère la déterritorialisation des identités et les rend plus fragiles. Comme symptôme, des subjectivités hyper narcissiques qui mêlent fluidité et durcissement, archaïsme et sophistication, de plus en plus volatiles, rapides, mobiles, tout en déployant des ressources de créativité inouïes dans un packaging et un marketing de soi où l’identité se fige dans son spectacle, dernière conquête de la marchandise.
Ailleurs, des mondes décomposés où les ego en lambeaux se mettent à inventer des modes d’existence d’un nouveau type, qui déterritorialisent « le souci de soi ». Certainement encore trop faibles et trop pauvres, ces communautés augureraient cependant de nouvelles formes de devenir.
En parallèle, des énoncés collectifs émergent où le souci éthique semblerait privilégié sur l’intérêt du capital, quel que soit le niveau de mauvaise conscience et de compromission qu’ils recèlent. Nous apprenons à faire des pas de côté. Ces énoncés collectifs se multiplient et contaminent peu à peu le socius. Nos masques nous permettent de nous lier à plusieurs mondes où nous nous dédoublons, nous jouons double jeu, nous apprenons à circuler en nous multipliant. Dans le monde des masques, les Mois composés fragmentés dansent.
D’autres images, d’autres montages, une multitude de vies alternatives montent et font entendre leur grondement. La révolution n’a-t-elle pas déjà eu lieu ? Ne se produit-elle pas chaque jour des millions de fois sous des formes encore inconnues ?
Elias Jabre
Second Life : et si la mort de l’Homme était comique / 2011
Publié dans Chimères n°75 Devenir-Hybride, à paraître en septembre
1 Disponible sur Poptronics :
http://www.poptronics.fr/IMG/pdf_SL1mondepossible1-47.pdf
2 Alain Della Negra et Kaori Persistant suburbs, in. Second Life Un monde possible, sous la direction d’Agnès de Cayeux et Cécile Guibert, Editions les Petits Matins, octobre 2007, http://www.poptronics.fr/IMG/pdf_SL1mondepossible1-47.pdf
3 Marie Lechner, Annick Rivoire, la Double vie du deuxième monde, in. Second Life Un monde possible, sous la direction d’Agnès de Cayeux et Cécile Guibert, Editions les Petits Matins, octobre 2007, http://www.poptronics.fr/IMG/pdf_Chap1- SL-Un-Monde-possible.pdf
4 Michael Stora, Michael Stora, Psy sur Second Life, 31/07/2007, http://psychanalyse.blogspot.com/2007/07/michael-stora-psy-sur-second-life.html
5 Stephan Doesinger, l’Architecture virtuelle ne se contente plus de répliquer le réel, septembre 2007, http://www.ecrans.fr/L-architecture-virtuelle-ne-se,2063.html
6 Gilles Deleuze et Félix Guattari, l’Anti-OEdipe, Paris, Editions de Minuit, 1972, p. 404. 7 Ibid., p. 383.