Je considère comme valeur toute forme de vie, la neige, la fraise, la mouche.
Je considère comme valeur le règne minéral, la république des étoiles.
Je considère comme valeur le vin tant que dure le repas, un sourire involontaire, la fatigue de qui ne s’est pas épargné, deux vieux qui s’aiment.
Je considère comme valeur ce qui demain ne vaudra plus rien et ce qui aujourd’hui vaut encore peu.
Je considère comme valeur toutes les blessures.
Je considère comme valeur l’eau économisée, la paire de chaussures réparée, se taire quand il le faut, accourir à un cri, demander la permission avant de s’asseoir, éprouver de la gratitude sans se souvenir pourquoi.
Je considère comme valeur savoir où se trouve le nord dans une pièce, le nom du vent qui sèche la lessive.
Je considère comme valeur le voyage du vagabond, la clôture de la moniale, la patience du condamné, quelle que soit sa faute.
Je considère comme valeur l’usage du verbe aimer et l’hypothèse qu’il existe un créateur.
Parmi ces valeurs, nombreuses sont celles que je n’ai pas connues.
Erri De Luca
Oeuvre sur l’eau / 2004
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