En France, les juges font régulièrement appel aux médecins légistes pour déterminer l’âge des adolescents migrants. Le journal le Monde (14 mai 2008) rappelait par exemple qu’à Marseille, un garçon venu d’Algérie déclarant avoir 17 ans, ce que confirmait son acte de naissance, a été considéré comme majeur sur la foi d’une radiographie de sa main et d’une estimation de son âge osseux. De mineur isolé, il est devenu étranger clandestin, avec renvoi du foyer qui l’hébergeait et obligation de quitter le territoire français.
(…)
Un adolescent sans papiers a t-il une parole ?
Les demandes judiciaires concernant l’âge des adolescents et leurs implications humaines – suites pénales, reconduites à la frontière – imposent une réponse médicale claire et qui ne soit pas prise à la légère. Ecoutons d’abord ce que dit le sujet sur son âge. Sa radiographie et son état dentaire peuvent-ils être ceux de l’âge qu’il déclare ? Les rares cas de discordance quasi certaine concernent de très jeunes adolescents. En effet, au-delà d’un âge déclaré de 14 ans, il n’existe pas d’argument médical pour attester qu’un adolescent n’a pas l’âge qu’il déclare. Contrairement aux attentes judiciaires, l’âge osseux n’est pas un détecteur de mensonges.
Répondre autrement que par une compatibilité de l’âge de l’adolescent avec l’âge qu’il déclare supposerait, pour le médecin, d’avoir une réponse à deux questions cruciales : Quelle est la probabilité éthiquement acceptable de conclure qu’un adolescent est majeur alors qu’il a moins de 18 ans ? Comment évaluer cette probabilité pour un adolescent dont l’histoire, personnelle et médicale, et les caractéristiques psychologiques et sociales sont, par définition, inconnues et ne peuvent a priori être assimilées à celles des populations de référence dans les études médicales publiées ?
Prenons une situation concrète : un adolescent de 16 ou 17 ans peut bien avoir, par exemple, trois chances sur quatre ou neuf chances sur dix d’être majeur, de l’avis du médecin qui l’examine, cela ne change pas son âge réel, qui est bien (à 100%) 16 ou 17 ans. Pourtant, de nombreux médecins sollicités pour déterminer l’âge d’un adolescent continuent à rendre des âges précis, ou à 6 mois ou un an près. Ils ignorent la parole de l’adolescent. C’est d’autant plus facile lorsque médecin et adolescent ne se comprennent pas, en l’absence d’interprète. L’absence d’interprète est-elle, pour le médecin devenant vétérinaire, une protection contre la mauvaise conscience ? Ces praticiens sans états d’âme considèrent que le médecin “doit prendre ses responsabilités”, l’autre éventualité étant, selon eux, que le médecin dise qu’il ne sait pas et refuse de répondre. Ce qui conduira le magistrat à solliciter un autre médecin qui, lui, saurait et accepterait de répondre.
Comment expliquer les difficultés des médecins à transposer les données de la littérature scientifique dans leur pratique personnelle? La question n’est pas nouvelle. L’existence d’une pratique professionnelle bien ancrée est source d’inertie, obstacle au changement et à l’amélioration. L’évaluation critique des données publiées suppose de faire l’effort d’y accéder, puis d’en évaluer le contenu et la pertinence en situation médicale réelle. La difficulté et l’utilité de mettre à jour ses connaissances concernent tous les médecins. Enfin, le médecin sollicité par la justice est parfois réticent à admettre son incapacité à répondre aux questions qui lui sont posées par les magistrats.
Patrick Chariot
Quand les médecins se font juges : la détermination de l’âge des adolescents migrants
Extraits de l’article publié dans Chimères n° 74 : Biopolitiques ? / 2011
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Archive mensuelle de juin 2011
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Il faut être toujours ivre, tout est là ; c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous !
Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge ; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront, il est l’heure de s’enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.
Charles Baudelaire
Enivrez-vous
le Spleen de Paris – Petits poèmes en prose / 1862-1869
L’exposition sera composée d’un ensemble de toiles intégrant des lichens récoltés sur les mélèzes du Mercantour. Ce sont ces lichens tombant en flots de fibres qui semblent parer les arbres de chevelures étranges.
- de petites et moyennes toiles sur pieds, seront fichés dans l’espace, à voir de tous côtés. Tels des bâtons de cérémonie, les toiles y sont dressées pour y cacher leurs secrets : quelques fragments de corps, une oreille, un sourire …
- d’autres toiles similaires seront disposées le long des murs pour une incitation à un regard attentif vers chacun des riches détails colorés qui les composent.
- A l’opposé de grandes toiles dresseront des silhouettes comme autant de jeux de citations d’œuvres préhistoriques (statues-menhir et vénus) imbriquées dans la couleur et flottant dans des piscines improbables telle une mémoire engloutie.
- Enfin des chaises géantes laisseront s’écouler des nappes textiles reliéfées et sonorisées.
l’OEil & l’oreille
Nous composons à deux des installations avec nos propres langages. Ces créations communes nous ont amenés à modifier nos pratiques : la « peinture » s’est spatialisée au contact du son et la musique s’est ramifiée en empreinte sonore de toile en toile.
Un paysage habillé
La toile historiquement liée à la peinture est ici libérée du cadre-châssis. Elle est le support à toutes les inscriptions et à toutes les mises en forme : sur son endroit et son envers, sur les branches, les pierres, l’eau, l’herbe… La souplesse de la toile, son métrage allongé amène à l’étendre dans les espaces. Je me sers de la toile pour inscrire la « peinture » dans le paysage. Ce qui est présenté en exposition est le résultat d’un aller-retour constant entre saisie sur le paysage et travail d’atelier. Nous aimons croiser ouvertement nature et culture. Art environnemental, art en nature, art d’espace, de paysage, peinture dans le paysage, paysage de peinture, classez comme vous voulez.
Ainsi comme un jardinier prépare sa terre, je prépare la toile en y capturant des éléments de la nature : j’y moule des pierres, y couds des branches, du lichen, je la dépose sur l’herbe, contre un tronc, j’y laisse pénétrer la pluie, la grêle, la neige… Je travaille par mimétisme : les supports sont minéraux, la peinture liquide suit les reliefs et accidents du support comme la pluie, je moule les sols avec l’herbe plantée dans la toile pour fabriquer de nouveaux territoires à peindre. Ces divers prélèvements vivent ensuite à la lumière changeante : certaines toiles peuvent indifféremment se voir à contre-jour, tel un vitrail, ou en lumière rasante avec les reliefs soulignés.
La nature ramène aux questions essentielles et vitales. Elle installe une échelle de temps : pérennité de la pierre, pluie et ombres éphémères. Ici maintenant ou hier : les traces, la journée, l’instant. Analogie entre le déplacement, la balade, la rivière ou le torrent, la toile déroulée, la musique, le chemin, le dessein, le temps d’une vie.
Francine Garnier
l’Oreille & l’oeil
Avec nos travaux en commun, en nature ou en salle, le temps du regard est sollicité par le cours de l’écoute. Temps différent de celui du concert, un temps qui prend son temps, le temps d’un cours d’eau, d’une vague, d’une brise qui vient mourir sur la trace d’un vieux blues. On observe, car on cherche d’où arrive le son. L’œil suit le son et se projette à quelque distance sur ce nouveau son, le cueillant à l’improviste, lui faisant découvrir un élément inédit visuel. La plongée dans la peinture est aussi l’immersion
dans l’espace acoustique et dans l’espace réel, à droite, à gauche, devant, derrière.
la Composition
La musique que je compose se prête à la discontinuité de l’écoute. l’auditeur quitte le flux pour le reprendre plus loin. Je pense mes développements comme une multitude d’îlots où le spectateur voyageur passe, visitant telle ou telle partie. Souvent, une voix seule est perceptible, une singularité. Pour en saisir la totalité, il faut se trouver au centre de plusieurs propagateurs. Les visiteurs dans les installations en salle font couramment le mouvement d’aller et venir pour entendre un diffuseur ou alors le tissu global. Le promeneur dans les installations en nature se laisse davantage porter par le hasard de ses pas.
La première partie du travail consiste à collecter les matériaux de base, les préparer, les nettoyer. Ainsi, dans ma musique, les pierres sont martelées, grattées, percutées, ou mises en résonance avec un archet, un doigt. Ces sons ne sont pas accordés comme pratiquerait un luthier pour fabriquer un lithophone, mais gardent leurs caractéristiques naturelles. Néanmoins sur certains sons, j’applique des zooms sur des sections pour amener des propriétés remarquables au premier plan. L’eau est enregistrée sous toutes ses formes : gouttes, pluie, orage,vague, ruisseau, océan… Les morphologies les plus courtes de cet élément liquide servent souvent de soubassement temporel, comme la batterie dans le jazz. J’utilise également d’autres objets comme des pas en forêt ou sur le sable, le vent, des branches qui se percutent, etc. Une deuxième partie du travail consiste à analyser des séquences enregistrées, comme les gouttes d’eau percutant les pierres d’un torrent dont les phrases rythmiques asymétriques m’intéressent particulièrement ou le vent qui balaye un endroit boisé et provoque des événements acoustiques en cascade. C’est une saisie, une appropriation physique de nature, un paysage habillé.
Derrière les toiles, en haut des chaises hautes, dans le creux des pierres moulées se trouvent les haut-parleurs. Ils diffusent la musique dans toute l’installation.
Pour l’exposition la composition sera bâtie à partir de paysages de différents torrents enregistrés dans divers sites créant un dialogue entre ces espaces et mes matériaux individuels.
Alain Engelaere
Francine Garnier et Alain Engelaere
les Bâtons de pluie
installation dans la Salle de garde du Château des Templiers
Gréoux-les-Bains / 1er juillet au 14 août 2011
http://www.francinegarnier.com/
dossierdepressegreoux.pdf