“Il faut qu’il y ait un chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse.”
Friedrich Nietzsche
Infirmière – Cette danse commençait par l’endormissement de la danseuse qu’elle nous montrait. Cette danse commence par le sommeil de la danseuse et la naissance chez elle pendant son sommeil des premiers mouvements de la danse. Tout son corps se met progressivement à obéir à ces mouvements. Mais en voyant cela, nous comprenons clairement, que cette danse est en train de naître hors de la volonté de la danseuse, cette danse est en train de naître de manière autonome à l’intérieur de son sommeil, elle émerge du sommeil, et la danseuse ne fait qu’obéir à cette danse. Ce n’est pas elle qui crée cette danse, c’est plutôt elle qui est cette danse même. Comment expliquer ça, je ne sais pas. Ce n’est peut-être que des suppositions de ma part. C’est simplement comme ça que je l’ai ressentie, c’est comme ça que l’ai comprise pendant que je la regardais. Parce que la danse n’explique rien, la danse se danse et c’est tout. Et ensuite, j’ai vu, qu’il y avait beaucoup de destins dans ces mouvements. Comment je l’ai compris ? grâce aux mouvements fluides de ses bras. Les lignes des bras telles les vagues de l’océan m’ont rappelé les destins de nous tous qui vivons sur cette planète. Tous nos destins étaient comme autant de vagues ou même de motifs. Oui. Voilà le mot juste. Tous nos destins sont comme des motifs. Mais quand on regarde plus attentivement, ce motif n’est qu’une seule ligne ininterrompue. Et toute notre douleur, notre souffrance, nos espoirs, nos joies et nos rêves, tout ça, sont des motifs magnifiques, créés par une seule ligne ininterrompue. C’est une seule ligne. Une seule douleur pour tous. Une seule ligne, et une seule beauté et un seul bonheur. Parce que, nous avons, une seule douleur pour tous. Une seule ligne, et une seule beauté et un seul bonheur. Parce que, nous avons un bonheur pour tous et un seul sommeil. Un seul sommeil pour tous. Quand nous dormons, nous sommes tous égaux. Nous sommes tous égaux dans notre sommeil. C’est par le sommeil que commençait et par le sommeil que se terminait sa danse. A nouveau, ces motifs sublimes de notre douleur et de notre joie, se transformaient en un fil de laine, celui avec lequel on tricote les chaussettes et les moufles, ce fil de laine, trouvait son commencement dans une grande pelote de laine. Cette pelote de laine se trouve être notre sommeil bienheureux. Nous plongions de nouveau dans les profondeurs de son sommeil. Dans un seul sommeil commun, à nous tous. Et voilà tout, en somme. Et toute la danse.
Ivan Viripaev
Danse « Delhi » / 2009
Traduction Gilles Morel et Tania Moguilevskaia
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« La danseuse est oubli miraculeux de tout son savoir de danseuse, elle est cette intensité retenue qui manifeste l’indécidé du geste. » / Alain Badiou
Et Alain Badiou 1 et 2