86. Une jeune fille que l’on destine à une brillante carrière, que ce soit comme épouse légitime ou comme courtisane d’apparat, doit apprécier la grande musique, même si elle ne joue personnellement d’aucun autre instrument que son corps. Les parents de Violetta lui avaient donné très tôt le goût marqué pour l’opéra classique, où elle pouvait satisfaire à la fois sa sensualité, ses penchants fastueux et son exhibitionnisme. De mon côté, je louais chaque saison une loge d’abonné où j’avais tout loisir de mettre en vitrine une favorite, quel que soit son âge, et en même temps de me trouver seule avec elle. Pendant une représentation grandiose de Butterfly, ma fiancée en fleur s’était mise à genoux contre la balustrade pour se pencher vers la scène, accoudée au rembourrage de velours. Je l’ai palpée avec détermination sous son ample jupe à plis de collégienne, là où la chair est comme de la soie. Elle m’a laissé faire sans se dérober. Puis, m’ayant regardé de ses grands yeux confiants, alors que mes doigts s’immiscaient davantage, elle m’a souri et, sans mot dire, elle a ôté sa petite culotte, reprenant ensuite sa position, mais en ouvrant les cuisses beaucoup plus largement.
87. Je lui ai caressé pendant plus d’une heure, avec mes deux mains, la rosette anal et le clitoris, en utilisant une vaseline aphrodisiaque dont je m’étais muni. Elle était si mouillée par devant que son mucus me coulait sur les doigts. Et elle bougeait ses fesses par moments, cambrant les reins comme si elle cherchait à mieux m’accueillir sur sa face postérieure aussi, l’index et le médius s’enfonçant peu à peu dans le trop étroit pertuis, dont le massage intérieur ne semblait pas lui déplaire. Le rideau de scène retombé, je lui ai demandé si mon indiscrétion ne l’avait pas dérangée pour jouir de ce chef-d’oeuvre de l’art lyrique. Avec un grand sérieux, elle m’a répondu que non, au contraire, cela convenait très bien au sentimentalisme de Puccini. Elle a saisi respectueusement ma main gauche, celle qui était tout imprégnée d’elle, pour la respirer un instant, avant de la mettre sous mon nez. « Vous ne trouvez pas ? » a-t-elle murmuré de son air le plus innocent.
Alain Robbe-Grillet
Un roman sentimental / 2007
A lire : Météorologie de l’intérieur d’un anti-Robbe-Grillet / José Attal
in Unebévue n°26 / automne 2009