L’animal occupe une fonction de coupure, il polarise les clivages entre humain et non humain, esprit et corps, forme et matière , et assure la séparation entre animalité et humanité, mais aussi entre matière et vie. Il sert ainsi de verrou théorique pour garantir une distinction hiérarchique obsolète entre les règnes humain, animal, végétal et minéral. L’animal guette ainsi aux frontières de l’anthropologie, machine théorique qui nous permet de dynamiter les conceptions usuelles d’une domination de l’homme sur les autres animaux, femmes et inférieurs compris.
Meutes, tiques et larves disqualifient tout pensée anthropocentrée au profit d’une écologie du multiple.
En franchissant le seuil de l’animal individué, supérieur pour considérer les meutes, les tiques, les larves, on franchit un pas supplémentaire : l’animal n’est plus l’individu vivant conçu à notre image quoique dépourvu de conscience. Comme la nôtre, sa belle unité individuelle factice s’évanouit : place à la meute, à l’animalité multiple et différentielle, au collectif anonyme de la bande, aux existences mineures, dérisoires, bannies.
La meute interroge nos manières de considérer le vivant mais aussi nos seuils de tolérance sociaux, la normativité à l’œuvre dans nos découpages et dans nos affects. La tique, popularisée par Uexküll et par Deleuze, exprime l’éthique minimale d’un vivant dérisoire, presque imperceptible, qui renouvelle nos manières de jouer notre intégration politique, sociale, esthétique. La larve, matière germinale immature, renouvelle profondément la question de l’unité du sujet, et nous fait considérer les modes vitaux, sociaux, intellectuels dans leur diversité discordante, leur pluralité explosive, leur matérialité cinématique, germinale, incomplète, leurs tendances et leurs devenirs.
En politique, en art, en clinique, en philosophie, l’animal bouleverse nos répartitions rigides et permet une écologie du multiple, des milieux associés, des compositions de rapports de forces aléatoires et mouvants. A plus forte raison lorsque l’on s’intéresse aux meutes collectives, aux tiques imperceptibles, aux larves immatures…
Textes à livrer pour le 15 juin 2010
Plus d’informations sur le site de la revue Chimères
0 Réponses à “Meutes, tiques, larves / Appel à textes pour Chimères n°73”