La Société Louise-Michel organise le colloque
Puissances du communisme
les 22 et 23 janvier 2010 à l’Université Paris 8
2, rue de la Liberté, 93526 Saint-Denis – M° Saint-Denis Université
(pour tout renseignement, dont le programme complet : societelouisemichel@free.fr)
Le paradoxe est patent en ce début de siècle. La mort du communisme est proclamée et fêtée sans fin. Mais cet acharnement est lui-même révélateur que la chose peut revenir hanter les dominants. Le spectre rôde toujours… Certes, l’émancipation a perdu les mots pour dire les choses, et tous sont piégés (socialisme, communisme, voire anarchisme vite confondu avec l’individualisme). Viendra bien un jour où les voies nouvelles de la lutte trouveront les vocables adaptés.
En attendant, les aspirations à la liberté, à l’égalité, à la justice, à la solidarité restent increvables, au grand dam des intellectuels de cour. Comme le disait Rosa Luxemburg dans le dernier écrit précédant son assassinat, « J’étais, je suis, je serai ». Comme souvent, ce sont les secteurs intellectuels qui partent en avant-garde pour mettre en discussion une question capitale : après les désastres du totalitarisme stalinien, de quoi le communisme peut-il aujourd’hui être le nom ? La Société Louise-Michel (qui ne comporte pas que des membres pour qui le communisme représente une référence, voire seulement une préoccupation) a pris l’initiative de mettre cette question en débat dans le cadre de ce colloque, co-organisé par l’Université Paris 8. Un très large éventail d’auteurs a donné son accord pour animer, pendant deux jours, une série de quatre débats sur le problème. Nul doute que le NPA, qui engagera en 2010 les débats de son premier congrès après sa fondation, y trouvera matière à réfléchir au nouveau monde qu’il appelle de ses vœux.
Samy Johsua
PROGRAMME
Vendredi 22 Matin
9h-10h Hommage de l’Université Paris 8 à Daniel Bensaïd
10h-13h30 / Table ronde n°1 : Un communisme sans Marx ?
Participants : Isabelle Garo, Rastko Mocnik, Massimiliano Tomba, Michel Surya, Stéphane Rozès
Modératrice : Cinzia Arruzza
Le mot de communisme est né avant Marx et il continue aujourd’hui d’être employé, en des sens très divers. Pourtant, peut-on penser le communisme sans le référer d’une façon ou d’une autre à Marx, c’est-à-dire sans le relier à une critique du capitalisme qui en analyse les contradictions profondes et l’abolition nécessaire ? C’est le poids politique de la référence à Marx aujourd’hui, poids problématique, qu’il s’agit de discuter, en s’interrogeant sur la persistance, voire la remontée d’une telle référence après l’effondrement des pays dits socialistes. Le récent anniversaire de la chute du Mur, salué à grands fracas médiatiques, s’est voulu l’enterrement de toute perspective communiste. Pourtant, ce tohu-bohu de circonstance prouve lui aussi le retour de la radicalité politique et pose à nouveau le problème de son rapport contemporain à Marx et à ses approches marquées par une diversité de plus en plus affirmée. Question multiple bien évidemment! Ainsi, elle inclut la question de savoir en quoi le communisme a été ou non pensé et défini par Marx dans son oeuvre. Plus largement, le retour de la question communiste n’implique-t-elle pas le retour de ces questions politiques que sont les problèmes de transition et de médiation ? Loin de faire du communisme une visée qui les néglige ou les dénonce, n’est-ce pas le propre de la référence à Marx que de réfléchir à la place des luttes sociales, mais aussi à la nature et à la structure des organisations politiques, des formes politiques d’intervention ? Parler de communisme aujourd’hui oblige à aborder de front la question de la « vraie démocratie », pour citer le jeune Marx, et à rouvrir enfin le dossier central de la propriété. De ce point de vue, la question communiste oblige aussi à reposer la question du socialisme qui lui est parfois opposé après lui avoir été assimilé. Bref, la question ouverte d’un rapport contemporain et vivant à Marx pourrait bien être au cœur de la discussion si celle-ci doit se poursuivre et parvenir à réassocier les dimensions théorique et stratégique. On pourrait alors envisager que le communisme n’est ni un pur concept ni le nom d’une défaite.
Après-midi
14h30 à18h / Table ronde n° 2 : Un communisme sans histoire ?
Participants : Alex Callinicos, Alberto Toscano, Etienne Balibar, Catherine Samary, Henri Maler
Modérateur : Nicolas Vieillescazes
« J’étais, je suis, je serai » écrivait Rosa Luxemburg juste avant son assassinat, en parlant de la révolution et de l’idée du communisme qu’elle faisait remonter, au moins, à la révolte de Spartakus. Ainsi le communisme s’inscrirait comme une idée de portée presque anthropologique, reflétant la part humaine qui pousse à l’égalité et à la liberté. En ce sens, elle serait, pour ainsi dire, insensible à l’histoire, même si sa puissance dépend des périodes. Sans contredire directement cette approche, avec Marx et la généralisation du salariat, naît un point de vue matérialiste qui ancre dans les contradictions du capitalisme la possibilité effective de la réalisation du rêve. Un communisme en puissance autrement dit, au sens de la physique, dont les conditions historiques de réalisation prennent un aspect concret, mais dont la mise en énergie dépend des évènements, du tour que prend une conjonction particulière de rapports de force économiques, idéologiques, sociaux et politiques et des évènements qui en découlent. Approches opposées, disjointes ou complémentaires ?
Samedi 23 Matin
9h-12h30 / Table ronde n°3 : A la recherche du sujet perdu
Participants : Thomas Coutrot, Christian Laval, Elsa Dorlin, Samuel Johsua
Modérateur : François Cusset
Autrefois incarné par une classe ouvrière consciente d’elle-même et de son rôle historique, le sujet de la révolution communiste semble avoir aujourd’hui disparu sous les assauts conjugués d’une mutation du capital ayant totalement intégré la sphère culturelle à la sphère marchande, de forces politiques et idéologiques qui se sont employées à discréditer toute idée d’alternative politique et ont promu le mythe d’une classe moyenne universelle, ou, conséquemment, d’un relativisme généralisé qui a renvoyé aux oubliettes de l’histoire l’idée même de révolution. Comment donc, aujourd’hui, reformuler la question du sujet d’un possible renversement du capitalisme? Pour Toni Negri, le communisme est appelé à naître spontanément d’un bouleversement des rapports de production qui permettrait à la « multitude » du general intellect de se « libérer »; et il ne manque pas d’auteurs qui considèrent que la question est mal posée, soit qu’il faille chercher une issue dans les luttes micropolitiques en s’inspirant des travaux de Michel Foucault ou de Félix Guattari et Gilles Deleuze, soit qu’elle ne puisse se trouver que dans un « peuple » non assignable à quelque coordonnée sociologique que ce soit. Dans ce contexte, alors que les inégalités sont pourtant plus criantes qu’elles ne l’ont jamais été et que sembleraient pouvoir se dessiner les conditions d’une solidarité politique minimale, la question même d’un sujet communiste révolutionnaire a-t-elle encore un sens? Le problème, finalement, n’est peut-être pas tant celui du sujet perdu que celui, plus général, de la construction d’une alternative crédible au capitalisme.
Après-midi
14h-17h30 / Table ronde n°4 : Des communistes sans communisme ?
Participants : Jacques Rancière, Slavoj Zizek, Pierre Dardot, Samuel Johsua, Gaspar Tamas
Modérateur : Stathis Kouvélakis
Selon une célèbre phrase de Lénine, il n’est de mouvement révolutionnaire sans théorie révolutionnaire. La théorie est à la fois ce qui permet de s’orienter dans un réel tumultueux, de conférer une « identité » au collectif révolutionnaire, et de doter ce dernier d’un programme, c’est-à-dire d’un objectif à atteindre via une période de transition. Pendant plus d’un siècle, le marxisme a fourni l’ossature de cette théorie, même si d’autres courants y ont bien entendu également contribué. Parmi les éléments dont les mouvements anti-systémiques (y compris les partis révolutionnaires) se trouvent dépossédés avec la clôture du cycle historique initié en Octobre 1917, et la fin de l’expérience du communisme « réel », on compte cette dimension « doctrinale » de l’activité révolutionnaire. Il existe actuellement des personnes et des collectifs qui se déclarent « communistes » mais, comme théorie (relativement) cohérente et unifiée, le communisme semble introuvable. Faut-il se réjouir de ce fait, l’absence de doctrine hégémonique permettant aux micro-pratiques et micro-théories correspondantes de proliférer (hypothèse des « mille marxismes ») ? Faut-il au contraire le déplorer, et s’atteler à la reconstruction de long terme d’une théorie révolutionnaire ?