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Archive journalière du 26 sept 2009

Le double / Fedor Dostoïevski

Minuit sonnait à toutes les horloges des tours de Saint-Pétersbourg, au moment où M. Goliadkine déboucha sur le quai de la Fontanka, proche du pont Ismailovski. Il était hors de lui. Il fuyait ses ennemis et leurs persécutions. Il fuyait la grêle de coups qu’ils lui destinaient. Il cherchait à échapper aux cris des vieilles femmes effrayées, aux regards meurtriers d’André Philippovitch. M. Goliadkine était mort, anéanti, dans le sens le plus large du mot ; et s’il conservait encore présentement la faculté de courir, c’était uniquement par un miracle, un miracle auquel lui-même avait peine à croire. C’était une nuit effrayante, une nuit humide, brumeuse, pluvieuse, neigeuse, où flottaient rhumes, angines et fièvres de toutes sortes, bref une nuit chargée de tous les dons de novembre de Saint-Pétersbourg. Le vent hurlait dans les rues désertes, faisait bondir, plus haut que les chaînes de la berge, les eaux noires de la Fontanka, venait taquiner les maigres réverbères du quai, qui répondaient à son sinistre hurlement par des grincements grêles et aigus. Sons plaintifs et stridents, concerts infinis que connaissent bien tous les habitants de la capitale. La pluie et la neige tombaient en même temps. Portée par les rafales, l’eau giclait en raies compactes, presque horizontales, aussi drues que le jet d’eau d’une pompe. Les gouttes cinglaient, lacéraient le visage de l’infortuné Goliadkine. C’était comme si on lui enfonçait des milliers d’épingles et d’aiguiller dans la peau.
Au milieu du silence nocturne, traversé par les grondements lointains des voitures, les hurlements du vent, les grincements des réverbères, on entendait le bruit continu et sinistre de l’eau dégoulinant des toits, des auvents et des gouttières sur le granit des trottoirs. On ne voyait âme qui vive et il ne pouvait en être autrement, semblait-il, à une heure aussi avancée et par un temps aussi affreux. Seul M. Goliadkine aux prises avec son désespoir, trottinait le long du trottoir de la Fontanka, d’un pas menu et rapide. Il avait hâte d’arriver au plus tôt chez lui, dans son appartement du quatrième étage de la rue des « Six Boutiques ». La neige, la pluie, la tourmente, en un mot, tous les éléments déchaînés dans le ciel de novembre de Saint-Pétersbourg s’étaient donné rendez-vous en cette nuit affreuse. Ils assaillaient de toutes parts l’infortuné Goliadkine, déjà suffisamment abattu par ses propres malheurs, ne lui laissant aucun répit, le perçant jusqu’aux os, l’aveuglant, le faisant tituber, le déportant de son chemin et lui enlevant en même temps les dernières parcelles de son bon sens. On eût dit une terrible coalition des forces de la nature avec ses ennemis privés en vue de gâcher complètement sa journée, sa soirée et sa nuit.
Or, fait curieux. M. Goliadkine paraissait absolument indifférent à ces dernières et massives démonstrations du sort qui s’acharnait sur lui. Il était trop bouleversé, anéanti par tout ce qui s’était passé, quelques instants auparavant, dans la maison du conseiller d’État Berendeiev. Ah ! si un spectateur impartial, désintéressé, avait pu, en ce moment même, contempler le pitoyable trottinement de M. Goliadkine ! Il aurait aussitôt mesuré toute l’horreur de ses récentes infortunes ; il aurait compris qu’en cette minute M. Goliadkine ne cherchait qu’une chose : fuir, se cacher, se fuir lui-même, se cacher à lui-même. Oui, c’était bien cela. Disons même plus. Non seulement notre héros cherchait de toutes ses forces à se fuir lui-même mais encore il aurait donné cher pour pouvoir s’anéantir d’une façon définitive, pour être, sur-le-champ, réduit en cendres. Pour l’instant, il ne prêtait attention à rien, ne se rendait compte de rien : il semblait absolument indifférent à tous les obstacles que dressait devant lui cette nuit funeste ; indifférent à la longueur du chemin, à la rigueur du temps, à la pluie, à la neige, au vent.
Sur le trottoir du quai de la Fontanka, la galoche qui recouvrait son soulier droit se détacha et resta là, plantée dans la boue et la neige. Il ne s’en aperçut même pas, ne songea pas un instant à revenir sur ses pas pour la retrouver. Il était si préoccupé, qu’à plusieurs reprises, en dépit de la tourmente, il s’arrêta et resta sur le bord du frottoir, planté comme un poteau, pétrifié, se remémorant tous les détails de sa récente et atroce déchéance. Il se sentait mourir. Une seconde après, d’un bond, il reprenait sa course effrénée, fuyant quelque ennemi invisible, cherchant à échapper à de nouveaux malheurs, plus menaçants encore. Vraiment sa situation était terrible…
Enfin, à bout de forces, M. Goliadkine s’arrêta, s’accouda au parapet du quai, dans la position d’un homme qui se met brusquement à saigner du nez, et se mit à contempler avec attention les eaux noires et troubles de la Fontanka. Combien de temps resta-t-il dans cette position ? Nous ne pouvons le dire. Ce qui est certain c’est qu’il était arrivé aux dernières limites du désespoir et de l’épuisement. Il n’en pouvait plus. Il était à bout de souffle. Il avait tout oublié, tout, le pont Ismailovski, la rue des « Six Boutiques » et ses récents malheurs… Et d’ailleurs tout lui était devenu indifférent. L’affaire était réglée, le jugement prononcé, signé. Il n’y pouvait plus rien…
Soudain… Soudain… tout son corps frissonna : d’un bond instinctif il recula de deux pas. En proie à une indicible anxiété, il promena ses regards autour de lui… Mais, rien de particulier, personne… et pourtant… pourtant, il avait bien cru à l’instant même, apercevoir un être, un être qui était là, tout près de lui, appuyé comme lui au parapet du quai. Fait étrange ce personnage lui avait adressé la parole, lui avait parlé d’une voix rapide, entrecoupée ; M. Goliadkine n’avait pas très bien saisi le sens de ces paroles, mais il s’agissait certainement de quelque chose qui le concernait de très près.
« Qu’est-ce à dire ? Ai-je rêvé ? se demanda Goliadkine, parcourant de nouveau du regard les environs… Mais au fait, où suis-je ? Ah ! là là !… conclut-il en hochant la tête ; avec une pénible sensation d’angoisse, d’épouvante même, il se mit cependant à scruter les environs bruineux ; de tous ses yeux, de toute la force de ses yeux myopes, il s’efforça de percer les ténèbres vaporeuses. Mais rien, rien de particulier ne vint s’offrir à ses yeux. Tout paraissait en ordre, tout était comme auparavant. La neige tombait plus drue, plus épaisse encore. À vingt pas de distance on ne pouvait rien distinguer. Plus strident encore était le grincement des réverbères, plus lugubre, plus lamentable la chanson plaintive que modulait le vent – on eût dit les appels suppliants de quelque mendiant revenant à la charge, s’obstinant à quémander quelques sous pour sa nourriture. « Ah ! là là ! Que m’arrive-t-il donc », se demanda M. Goliadkine, en se remettant en route après avoir, à nouveau, furtivement inspecté les environs.
Cependant, un sentiment nouveau se fit jour en M. Goliadkine. Ce n’était ni vraiment de l’anxiété, ni de l’effroi… Un frisson convulsif parcourut son corps… L’instant était pénible, la sensation insupportable au plus haut point.
« Tant pis, ce n’est rien. Cela ne tire peut-être pas à conséquence et ne porte atteinte à l’honneur de personne. Tout est peut-être pour le mieux, continua-t-il, sans même comprendre le sens de ses propres paroles, tout s’arrangera peut-être avec le temps, personne n’aura à y redire et tout le monde se trouvera justifié. » M. Goliadkine se sentit soulagé par ces considérations ; il se redressa légèrement, s’épousseta, fit tomber la neige qui recouvrait d’une couche épaisse son chapeau, son col, son pardessus, sa cravate et ses chaussures, sans parvenir toutefois à se débarrasser de ce sentiment étrange, poignant, de cette sourde anxiété… Quelque part, très loin, un coup de canon éclata.
« Drôle de temps, se dit notre héros. Diable. On risque l’inondation : il semble que l’eau soit montée trop vite. » À peine eut-il exprimé ou même, conçu cette pensée qu’il vit, devant lui, venant à sa rencontre, un homme ; un passant attardé, tout comme lui, sans doute, par suite de quelque circonstance fortuite. Il n’y avait rien d’anormal, rien d’extraordinaire semblait-il ; et pourtant, pour une raison que nous ignorons, M. Goliadkine en fut tout retourné, pris de panique. Ce n’est pas qu’il redoutât un homme de mauvaises mœurs mais… sait-on jamais ?… Une idée lui travers l’esprit « Au fond, peut-être cet inconnu se trouve là par pur hasard ; il a peut-être une raison importante pour venir ainsi droit sur moi, me couper mon chemin et m’accrocher. » En fait, il est possible que M. Goliadkine n’ait pas formulé cette pensée de façon très nette : ce ne fut peut-être qu’une intuition fugitive, accompagnée d’une sensation assez pénible. Il était d’ailleurs trop tard pour penser et pour éprouver des sensations ; l’inconnu était déjà à deux pas de lui. Aussitôt M. Goliadkine selon une habitude qui lui était chère, s’empressa d’adopter une attitude très caractéristique, une attitude exprimant éloquemment que lui, Goliadkine se trouvait là, comme cela, qu’il suivait son petit bonhomme de chemin, sans penser à mal, que la route était suffisamment large pour tout le monde, et que, quant à lui, Goliadkine, il n’avait l’intention de provoquer personne. Subitement il s’arrêta pétrifié, comme s’il venait d’être frappé par la foudre ; il se retourna brusquement pour examiner le passant qui venait de le croiser. Son mouvement semblait avoir été provoqué par un ressort qui l’eût tiré en arrière, à la manière d’une girouette déplacée par le vent. Déjà l’inconnu s’enfonçait rapidement dans la tourmente de neige. Lui aussi, paraissait pressé ; lui aussi, tout comme M. Goliadkine était emmitouflé dans son pardessus jusqu’à la tête, lui aussi, trottinait le long du quai de la Fontanka, d’un pas menu, rapide, légèrement saccadé.
« Qu’est-ce ? Qu’est-ce à dire ? » murmurait M. Goliadkine, avec un sourire de défiance, pendant qu’un long frisson secouait son corps. Son dos était glacé. L’inconnu avait disparu ; on n’entendait même plus le bruit de ses pas et M. Goliadkine restait toujours à la même place, les yeux fixés dans la direction qu’avait suivie le passant. Enfin, petit à petit, il reprit ses esprits et se dit avec dépit : « Mais que m’arrive-t-il donc ? Suis-je réellement devenu fou ? » Il se retourna et reprit son chemin, accélérant et multipliant ses pas, essayant, de faire le vide dans son cerveau. Dans cette intention il ferma même ses yeux. Tout à coup, au milieu des hurlements du vent et le fracas de la tempête, son oreille perçut à nouveau le bruit d’un pas qui se rapprochait. Il tressaillit et ouvrit les yeux. À nouveau, devant lui, à une vingtaine de pas, apparut une forme humaine ; cette forme avançait rapidement vers lui. L’homme semblait pressé ; sa démarche était vive, saccadée. La distance qui les séparait décroissait rapidement. M. Goliadkine pouvait déjà discerner parfaitement les traits de ce passant attardé. Il le dévisagea… et poussa un cri de stupéfaction et d’horreur. Ses genoux fléchirent. Il avait reconnu le même passant qui l’avait déjà croisé une dizaine de minutes auparavant et qui surgissait à nouveau, à l’improviste devant lui. Cette réapparition, prodigieuse et bouleversante en elle-même, n’était pourtant pas le seul sujet de stupéfaction de M. Goliadkine. Il était si profondément troublé qu’il s’arrêta net, émit un son rauque, voulut dire quelque chose et brusquement se précipita à la poursuite de l’inconnu, en hurlant, pour tenter sans doute de l’arrêter le plus vite possible. Et de fait, l’inconnu s’arrêta ; il se tenait à une dizaine de pas de notre héros ; la lumière du réverbère le plus proche l’éclairait entièrement. Il se tourna vers M. Goliadkine et d’un air soucieux et impatient s’apprêta à écouter les explications de ce dernier.
– Je vous demande pardon. Peut-être me suis-je trompé ? proféra notre héros d’une voix chevrotante. Visiblement dépité, sans mot dire, l’inconnu lui tourna le dos et s’éloigna vivement, désireux, semblait-il de rattraper les secondes perdues en compagnie de M. Goliadkine. Quant à notre héros, il tremblait de toutes les fibres de son corps ; ses genoux vacillaient : à bout de forces, il s’effondra, en geignant, sur une borne en bordure du trottoir. Il faut dire que son émoi était motivé. Il avait, en effet, l’impression de reconnaître cet inconnu. Disons plus. Il le reconnaissait, oui, il était certain d’avoir reconnu cet homme. Cet homme il l’avait déjà vu plusieurs fois ; il l’avait vu dans le passé et même dernièrement. En quelle occasion ? N’était-ce pas hier ? Mais peu importait, d’ailleurs, qu’il l’eût déjà vu plusieurs fois auparavant. Cet homme en lui-même, n’avait rien qui pût attirer l’attention au premier abord. C’était un homme comme tous les autres, un homme d’aspect convenable, comme tous les hommes convenables ; il avait même peut-être de grandes qualités. Un brave homme, en somme, qui ne voulait de mal à personne.
M. Goliadkine n’avait aucune animosité, aucune haine contre lui, pas même le moindre sentiment d’inimitié, bien au contraire ; et pourtant – et ceci nous paraît de la plus haute importance – pour rien au monde il n’eût voulu se trouver en sa présence et surtout dans les circonstances actuelles. Oui, M. Goliadkine connaissait parfaitement cet homme : il connaissait même son nom et son prénom. Et pourtant pour tout l’or du monde, il n’eût voulu l’appeler par ce nom, ni reconnaître que cet homme portait effectivement ce nom et ce prénom. Combien de temps M. Goliadkine resta-t-il dans cet état d’hébétude, prostré sur la borne ? Je ne saurais le dire ; ce que je sais c’est, qu’ayant enfin repris ses esprits, il se dressa subitement et se mit à courir comme un fou, de toutes ses forces, à perdre haleine. Il trébucha à deux reprises, faillit tomber. En cette occasion sa seconde galoche le quitta, laissant veuf son second soulier. Peu à peu, cependant, il ralentit son allure, pour reprendre souffle ; il regarda autour de lui et constata que, sans même s’en apercevoir, il avait déjà parcouru tout le quai de la Fontanka, franchi le pont Anitchkov et laissé derrière lui une bonne partie de la Perspective Nevski. Il était au coin de la rue Liteinaia. Il la suivit. En cet instant, il était dans la situation d’un homme se tenant au bord d’un précipice. La terre sous ses pieds s’effrite. Elle tremble, elle bouge, elle roule vers le fond de l’abîme entraînant le malheureux qui n’a même plus la force ni le courage de faire un bond en arrière, de détacher ses yeux du gouffre béant. Le gouffre l’attire ; il y saute, hâtant lui-même le moment de sa perdition. M. Goliadkine, sentait, savait, était absolument certain qu’il allait au-devant de quelque nouveau malheur, de quelque chose de particulièrement néfaste – une nouvelle rencontre avec l’inconnu, par exemple. Et cependant, fait étrange, il souhaitait cette rencontre, il l’estimait inévitable. Il n’avait qu’un désir en terminer au plus tôt avec tout cela, éclaircir enfin cette situation, par n’importe quel moyen, mais le plus vite possible. Et il courait, courait toujours, il courait comme mû par quelque force invisible, étrangère. Son propre corps était affaibli, engourdi. Il ne pouvait penser à rien, et pourtant ses idées, pareilles à des ronces, s’accrochaient à tout. Un petit chien égaré trempé jusqu’aux os, frissonnant de froid, s’attacha au pas de notre héros. La queue ramenée entre les jambes, les oreilles serrées, il restait à ses côtés, lui jetant de temps à autre des regards pleins de timidité et de compassion. Une idée lointaine, depuis longtemps oubliée, – quelque souvenir estompé d’un événement ancien sans doute, – lui revint à l’esprit. Il ne put s’en débarrasser. Elle le tenaillait, l’agaçait, lui martelait le cerveau. « Ah ! sale petit cabot » répétait tout bas Goliadkine sans comprendre le sens de ses paroles. Enfin, il aperçut l’inconnu au carrefour de la rue d’Italie. Mais l’inconnu, cette fois, ne venait pas à sa rencontre : lui aussi courait dans la même direction que notre héros, le précédant de quelques mètres. Ils parvinrent ainsi à la rue des « Six Boutiques ». M. Goliadkine avait le souffle coupé. L’inconnu s’arrêta devant la maison où habitait M. Goliadkine. On entendit le bruit de la sonnette et presque aussitôt le grincement du verrou de fer. La porte s’ouvrit, l’inconnu se courba, se glissa et disparut. Parvenu à la porte presque au même moment, M. Goliadkine y bondit, rapide comme la flèche, sans se soucier des grognements du portier il se rua, hors d’haleine, dans la cour et réaperçut aussitôt son précieux compagnon qui lui avait momentanément échappé.
L’inconnu se dirigeait vers l’escalier qui conduisait à l’appartement de M. Goliadkine. Notre héros bondit à sa suite. L’escalier était sombre, humide, sale. Sur les paliers s’amoncelaient des tas de chiffons et d’ordures ménagères : un étranger, ne connaissant pas les lieux, perdu dans l’obscurité, aurait mis une bonne demi-heure pour gravir les marches, en risquant à chaque pas de se casser les jambes et en pestant contre l’escalier tout comme contre les amis qui avaient eu la malencontreuse idée de venir habiter un immeuble pareil. Mais l’inconnu semblait être un familier de la maison : il grimpait allègrement, sans peine, avec une connaissance consommé des lieux.
M. Goliadkine était sur le point de le rejoindre ; à deux ou trois reprises le pan du manteau de l’inconnu vint frôler son nez. Le cœur de notre héros battait à peine.
L’homme mystérieux s’arrêta devant la porte de l’appartement de M. Goliadkine ; il frappa et, fait qui en tout autre circonstance eût étonné notre héros, Petrouchka ouvrit aussitôt. Il ne s’était pas couché, il paraissait attendre spécialement cette visite. L’inconnu entra et le valet le suivit, sa bougie à la main. Hors de lui, notre héros se rua dans le vestibule sans prendre la peine d’enlever son manteau ni son chapeau, il franchit l’étroit couloir et s’arrêta sur le seuil de sa chambre, abasourdi, comme frappé par la foudre. Tous ses pressentiments se réalisaient. Tout ce qu’il avait redouté, tout ce qu’il avait prévu en pensée, était en train de s’accomplir en réalité. Sa respiration s’était arrêtée, sa tête tournait. Assis devant lui, sur son propre lit, l’inconnu lui souriait, clignait de l’œil, lui adressait des signes amicaux de la tête. Lui aussi avait gardé son pardessus et son chapeau. M. Goliadkine voulut crier, mais ne put ; il voulut protester mais n’en eut pas la force. Ses cheveux se dressaient sur sa tête ; il s’assit, sans la moindre conscience de ce qu’il faisait, mort d’effroi. Il y avait de quoi, d’ailleurs. Il avait enfin reconnu tout à fait son compagnon nocturne. Ce compagnon nocturne n’était autre que lui-même, oui, lui-même, M. Goliadkine en personne, un autre M Goliadkine mais absolument semblable, absolument identique à lui-même – en un mot, c’était ce qu’on appelle son Double, son Double à tous les points de vue…
Fedor Dostoïevski
le Double /1846
A voir actuellement :
le Songe de l’oncle / d’après Dostoïevski
Par le Collectif Hic et Nunc
A la Cartoucherie, Théâtre de l’Epée de Bois du 23 septembre au 18 octobre 2009
dans le cadre du festival Un Automne à tisser
sous le parrainage de Jean-Claude Penchenat
Adaptation et mise en scène Stanislas Grassian
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